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Création du registre international français (RIF)
Le texte de cette loi, adoptée par le Sénat le 11 décembre 2003, a été disséqué par notre collègue le Commandant J.P. DECLERCQ, Docteur en
Droit maritine (université de Nantes), membre de l’Association Française des Capitaines de Navires. Ses commentaires sont insérés en
italique rouge dans le corps du texte.
TITRE IER
DE LA PROMOTION DU PAVILLON FRANÇAIS
Section 1
Création du registre international français
Article 1er
Il est créé un registre dénommé « registre international français ».
Article 2
Peuvent être immatriculés au registre international français les navires armés au commerce au long cours ou au cabotage
international et les navires armés à la plaisance de plus de 24 mètres hors tout.
Un décret détermine le port d'immatriculation et, dans le cadre d'un guichet unique, les modalités administratives conjointes de
francisation et d'immatriculation des navires au registre international français.
Sont exclus du bénéfice du présent article :
- les navires transporteurs de passagers assurant des lignes régulières intracommunautaires ;
- les navires exploités exclusivement au cabotage national ;
- les navires d'assistance portuaire, notamment ceux affectés au remorquage portuaire, au dragage d'entretien, au
lamanage, au pilotage et au balisage ;
- les navires de pêche professionnelle.
Commentaire :
Cette exclusion a pour but de rassurer les marins français, dont la plus grande partie naviguent à bord
de ce type de navire. Mais personne n'est dupe. Leur tour viendra.
Article 3
Les navires immatriculés au registre international français sont soumis à l'ensemble des règles de sécurité et de sûreté maritimes,
de formation des navigants et de protection de l'environnement applicables en vertu de la loi française, de la réglementation
communautaire et des engagements internationaux de la France.
Commentaire :
Plutôt que d'indiquer les exclusions (ce qui fait mauvais effet) le rédacteur indique ici
les lois applicables. Les lois sur la sécurité et les règles communautaires sont applicables. Par contre le
code du travail ne l'est pas ….
Section 2
Obligations de l'employeur
Article 4
Commentaire :
Il est surprenant de voir que ce texte n'impose que deux obligations à l'employeur, la nationalité du capitaine et de son suppléant,
et la formation des futurs capitaines.
En fait c'est une obligation qui est imposée à l'armateur. Et l'intitulé de cette section montre bien que dans l'esprit des sénateurs,
c'est bien l'armateur qui est l'employeur, malgré les artifices que les autres articles mettent en place par la suite.
A bord des navires immatriculés au registre international français, le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance, qui peut
être l'officier en chef mécanicien, garants de la sécurité du navire, de son équipage et de la protection de l'environnement ainsi
que de la sûreté, sont français.
Commentaire :
Totalement insuffisant. Pour avoir un capitaine formé, il faut 3 cadres chefs de quart, qui prennent de l'expérience avant de
prendre la suite. La loi devrait prévoir un minimum de français à bord pour préparer la relève en capitaines, mais aussi en pilotes
de port. A noter également que s'il est possible de prévoir un minimum de français à bord, la cour européenne de justice vient de
juger illégal de réserver un poste précis à un français, sur la base de la libre circulation des travailleurs.
L'ajout d'une phrase indiquant que ces officiers sont «garants de la sécurité, de la sûreté, et de l'environnement», ne suffira pas
à justifier vis-à-vis de la cour européenne la nationalité française.
Ceci d'autant plus que si la modification qui permet que le 2ème officier français obligatoire pourra être le Chef Mécanicien est une
bonne chose, celui-ci ne pourra être «l'officier de suppléance» que dans la mesure où il aura la qualification reconnue par un
brevet valide correspondante. Les justifications de nationalités se trouvent ici affaiblies.
L'ajout d'un article spécifiant les obligations légales du Capitaine, telles que rappelées à l'art. 43 CDPMM, serait une garantie
supplémentaire de justification de la nationalité du Capitaine.
Article 5
Chaque armateur et chaque entreprise de travail maritime implantée sur le territoire national assurent la formation embarquée
nécessaire au renouvellement des effectifs affectés aux fonctions visées à l'article 4.
Commentaire :
La garantie de renouvellement des cadres navigant ne peut être assurée que dans la mesure où la formation est effectivement assurée.
Or les « entreprises de travail maritime » extra-territoriales n'ont ici aucune obligation de contribuer à la formation des futurs
capitaines. Cet article apparaît dans ces conditions comme un vœu pieux.
Section 3
Dispositions fiscales applicables aux navigants
Article 6
Le II de l'article 81 A du code général des impôts est complété par un c ainsi rédigé :
« c) Navigation à bord de navires immatriculés au registre international français. »
Section 4
Entreprises de travail maritime
Article 7
Est entreprise de travail maritime toute personne physique ou morale dont l'activité est de mettre à disposition d'un armateur des
navigants qu'elle embauche et rémunère à cet effet en fonction de leur qualification.
Commentaire :
Inadmissible. Par cet article, la France légaliserait l'embauche des marins par des sociétés de « marchands d'hommes », y compris et
surtout les sociétés off shore, dont l'activité n'est pas contrôlable par l'Etat du pavillon. Elle serait le seul Etat maritime à le
faire. Actuellement dans tous les Etats, y compris les pires pavillons de complaisance, les marins sont engagés par l'armateur, qui
est l'employeur, y compris lorsque les armateurs utilisent des sociétés de recrutement (manning offices).
Cet article ferait officiellement du travail maritime une marchandise.
Article 8
Le contrat de mise à disposition ne peut être conclu qu'avec une entreprise de travail maritime agréée par les autorités de l'Etat
où elle est établie.
Cette entreprise doit s'engager à respecter les dispositions de la convention n° 179 de l'Organisation internationale du travail sur
le recrutement et le placement des gens de mer.
Commentaire :
Le fait que le marchand d'hommes est « agréé » dans l'Etat où il est établi ne change pas la nature de l'article 7.
Un amendement garde-fou pourrait être déposé indiquant les conditions nécessaires d'agrément, et la nécessité d'un agrément par les
autorités françaises, qui deviendraient ainsi co-responsables.
Article 9
Les entreprises de travail maritime établies en France n'exercent leur activité qu'après déclaration faite à l'autorité
administrative compétente et agrément de celle-ci. Elles justifient d'une garantie financière suffisante permettant de couvrir les
salaires, les frais de rapatriement, les contributions sociales et les assurances qu'elles sont tenues de souscrire.
Le défaut de déclaration préalable ou l'exercice sans agrément de l'activité d'entreprise de travail maritime est puni d'une amende
de 15 000 € et, en cas de récidive, d'une amende de 30 000 €.
Commentaire :
L'amende pour défaut de déclaration a été réévaluée et multipliée par 4. Ce qui est une bonne chose, même si c'est bien insuffisant.
Par ailleurs, comme il est déjà indiqué au commentaire de l'article 8, il n'est pas compréhensible que les obligations de déclaration
aux autorités françaises et l'amende pour défaut de déclaration ne s'appliquent qu'aux entreprises établies en France, qui subissent
ainsi une concurrence déloyale de la part des marchands d'hommes off-shore.
TITRE II
DU STATUT DES NAVIGANTS
Section 1
Dispositions relatives au droit du travail
Article 10
définition du navigant (qui n'est plus un marin au sens de cette loi)
Au sens de la présente loi, est navigant toute personne affectée à la marche, à la conduite, à l'entretien du navire et à son
exploitation.
Commentaire :
La présente définition semble bien avoir pour but de détacher du code du travail maritime français, qui définit le « marin », et pas
le navigant, pour ensuite lui donner des droits attachés à la profession de marin. Les rédacteurs du texte s'en défendent. Rien ne
les empêche donc de reprendre les termes et définitions du Code du Travail Maritime.
Ne sont pas considérés comme navigants, au sens de la présente loi, les travailleurs indépendants et les salariés sans lien direct
avec l'exploitation du navire, qui bénéficient toutefois des dispositions relatives au rapatriement et au bien-être en mer et dans
les ports.
Les navigants employés à bord des navires immatriculés au registre international français sont engagés par l'armateur ou mis à sa
disposition par une entreprise de travail maritime.
Les personnes employées à bord des navires immatriculés au registre international français ne peuvent être âgées de moins de 18 ans,
ou 16 ans dans le cadre d'une formation professionnelle selon des modalités déterminées par décret.
Commentaire concernant les marins français :
Dans un argumentaire largement diffusé, le syndicat patronal Armateurs de France indique s'est engagé à appliquer aux marins français
embarqués sur les navires sous immatriculation RIF la totalité des dispositions du Code du Travail Maritime, des Conventions
collectives des Officiers et des Personnels d'exécution, ainsi que l'ensemble des accords qui les complètent. Il serait donc
souhaitable, puisqu'il y a accord sur ce point, que ces garanties soient inscrites dans la loi.
Article 11
Les contrats d'engagement et le régime de protection sociale des navigants résidant hors de France sont soumis à la loi choisie par
les parties, sous réserve des dispositions de la présente loi et sans préjudice de dispositions plus favorables des conventions
collectives applicables aux non-résidents, dans le respect des engagements internationaux et communautaires de la France.
Commentaire :
Article clé pour indiquer que les contrats ne sont pas soumis à la législation française, « sauf accord des parties ».
Cet article dit clairement que l'on créée un régime d'exception, où la loi française ne s'appliquerait plus. L'article 22 nous
indique cependant que le droit syndical et le droit de grève sont reconnus.
Avancée cependant par rapport au texte précédent. Le texte reconnaît que le contrat peut être régi par une convention collective. Ce
qui est en fait un cas courant à la complaisance, où les différentes nationalités disposent de conventions collectives particulières.
Implicitement, il y a reconnaissance de l'existence des syndicats maritimes des pays concernés et particulièrement d'ITF.
Article 12
Les conditions d'engagement, d'emploi, de travail et de vie à bord d'un navire immatriculé au registre international français ne
peuvent être moins favorables que celles résultant des conventions de l'Organisation internationale du travail ratifiées par la
France.
Les rémunérations à bord d'un navire immatriculé au registre international français ne peuvent être inférieures aux montants
approuvés par le conseil d'administration du Bureau international du travail sur avis de la commission paritaire maritime de
l'Organisation internationale du travail. Un arrêté du ministre chargé de la marine marchande rend applicables les rémunérations
minimales ainsi établies.
Commentaire :
En application de cet article, il semblerait que l'arrêté du ministre ne pourrait même pas décider de rémunérations décentes,
supérieures au minimum des minima en question.
Par ailleurs, la commission paritaire maritime de l'OIT est-elle compétente pour conclure des conventions collectives internationales
?
Enfin, rien ne permet d'exclure par une loi d'exception la référence aux conventions collectives nationales.
Article 13
Avant la mise à disposition de tout navigant, un contrat écrit est conclu entre l'armateur et l'entreprise de travail maritime. Ce
contrat, qui respecte les dispositions de la présente loi, mentionne :
- les conditions générales d'engagement, d'emploi, de travail et de vie à bord du navire ;
- les bases de calcul des rémunérations des navigants dans leurs différentes composantes ;
- les conditions de la protection sociale prévues aux articles 24 et 25 et le ou les organismes gérant les risques mentionnés
à ces articles.
Une copie du contrat de mise à disposition se trouve à bord du navire, à l'exclusion des dispositions qui intéressent la relation
commerciale entre l'entreprise de travail maritime et l'armateur.
Commentaire :
Cet article démontre que l'armateur est bien le véritable employeur. La prétendue « entreprise de travail maritime » n'est en effet
pas une entreprise d'intérim qui disposerait d'une autonomie de gestion. En effet non seulement l'armateur décide du travail du
marin, mais il décide également des conditions d'engagement, d'emploi, de travail, de salaire, de vie à bord.
Article 14
- Le contrat d'engagement conclu entre l'entreprise de travail maritime et chacun des navigants mis à disposition de
l'armateur précise :
- la raison sociale de l'employeur ;
- la durée du contrat ;
- l'emploi occupé à bord, la qualification professionnelle exigée et, le cas échéant, le nom du navire, le
numéro d'identification internationale, le port et la date d'embarquement ;
- le montant de la rémunération du navigant avec ses différentes composantes ;
- les conditions de la protection sociale prévues aux articles 24 et 25 et le ou les organismes gérant les
risques mentionnés à ces articles.
- Le contrat d'engagement conclu entre l'armateur et le navigant comporte les mentions figurant au I.
- Un exemplaire écrit du contrat d'engagement, visé par l'autorité maritime compétente, conformément à l'article 3 de la
convention n° 22 de l'Organisation internationale du travail, est remis au navigant qui le conserve à bord pendant la
durée de l'embarquement. Une copie de ce document est remise au capitaine.
Commentaire :
Le contrat de travail doit être visé par l'autorité maritime compétente.
S'agissant d'un navire français, il ne peut s'agir que de l'autorité maritime française. La loi française ne peut pas légiférer sur
les visas que doivent accorder d'autres pays pour l'embarquement d'un marin étranger.
Comme c'est bien les inspecteurs maritimes et les inspecteurs du travail français qui seront chargés du suivi de ces navires, un
amendement doit être déposé, qui indiquera quelle autorité maritime française sera compétente pour délivrer le visa en question.
Article 15
Le travail des navigants est organisé sur la base de 8 heures par jour, 48 heures par semaine et 208 heures par mois. Pour des
raisons d'exploitation, il peut être organisé sur une autre base journalière, dans la limite de 12 heures, dans des conditions
fixées par accords collectifs.
Les durées minimales de repos sont déterminées dans les conditions suivantes :
- les durées de repos ne peuvent être inférieures à 10 heures par période de 24 heures et 77 heures par période de 7 jours ;
- le repos quotidien peut être fractionné en deux périodes sous réserve qu'une d'entre elles ne soit pas inférieure à 6 heures et
que l'intervalle entre deux périodes consécutives n'excède pas 14 heures.
Chaque heure de travail effectuée au-delà de 48 heures hebdomadaires est une heure supplémentaire majorée d'au moins 25 %.
Commentaire :
Le nouveau texte est encore plus dur pour le marin que le précédent, avec l'introduction de la possibilité d'une base journalière de
travail de « 12 heures, pour raison d'exploitation ».
Si ce type d'organisation du travail peut être envisagé dans des cas très particuliers (liaisons courtes avec temps d'escale
largement supérieur au temps passé à la mer), il n'est pas acceptable de laisser des accords particuliers décider d'une dérogation à
la règle sans encadrement strict de l'autorité maritime, qui doit veiller à la sécurité des hommes, des biens, et du navire, à la
préservation de l'environnement, et au respect des conventions internationales, en particulier à la convention STCW. Et, comme
l'article 23 nous apprend que des accords collectifs peuvent être conclus hors de France, il apparaît que cette disposition
permettrait de tourner facilement la règle tout à fait légalement, par un accord conclu off-shore. Tous les abus sont permis.
Concernant le calcul des heures supplémentaires, c'est pire que sous les pavillons de complaisance habituels, où l'heure
supplémentaire est comptée chaque jour, après la 8ème heure, et où les heures du samedi après-midi et du dimanche sont des heures
supplémentaires. Le décompte après 48 heures permet tous les abus.
Les parties au contrat d'engagement conviennent que chaque heure supplémentaire fait l'objet d'un repos équivalent ou d'une
rémunération.
Un mode forfaitaire de rémunération du travail supplémentaire peut être convenu par accord collectif.
Un tableau affiché à un endroit accessible précise l'organisation du travail et indique, pour chaque fonction, le programme du
service à la mer et au port. Il est établi selon un modèle normalisé rédigé en langue française et anglaise.
Article 16
La durée des congés payés des navigants est de trois jours par mois de travail effectif.
Le navigant a droit à une journée de repos hebdomadaire.
Lorsqu'un jour férié coïncide avec la journée de repos hebdomadaire, le repos hebdomadaire est réputé acquis.
Lorsque le navigant n'a pas, pour des motifs liés à l'exploitation du navire, bénéficié de son repos hebdomadaire, les parties au
contrat d'engagement conviennent que ce repos est reporté à l'issue de l'embarquement ou rémunéré en heures supplémentaires.
Commentaire :
Il faut indiquer que le repos non pris est payé. Car « reporté à l'issue de l'embarquement », ça veut dire qu'il sera payé à la fin
de l'embarquement, et pas dans le mois.
Le nombre de jours fériés auquel a droit le navigant est fixé par le contrat d'engagement.
Les jours fériés sont choisis parmi les jours de fêtes légales des pays dont les navigants sont ressortissants.
Les parties au contrat d'engagement conviennent que chaque jour férié travaillé fait l'objet d'un repos équivalent ou d'une
rémunération.
Un registre, conforme aux conventions internationales, tenu à jour à bord du navire, précise les heures quotidiennes de travail et
de repos des navigants.
Commentaire sur l'ensemble de l'article :
Le syndicat patronal Armateurs de France indique dans un courrier qu'il s'agit ici d'un minimum, et que les dispositions prévues tant
dans les conventions collectives nationales que dans les conventions d'entreprise resteront applicables. Les choses seraient plus
claires si le texte indiquait, dans un paragraphe supplémentaire, que « Les dispositions plus avantageuses prévues par les
conventions collectives sont applicables ».
Article 17
Durant la première période d'emploi du navigant auprès d'un armateur, les trois premiers mois de service sont considérés comme une
période d'essai. Au cours de cette période les parties peuvent, avant l'échéance prévue, rompre le contrat d'engagement ou
interrompre la mise à disposition.
Commentaire :
Ce paragraphe spécifie que la période d'essai concerne les trois premiers mois d'emploi auprès d'un armateur. Il semble donc ici
bien entendu que l'employeur est l'armateur, et que lors de l'embarquement suivant, il n'y aura pas de nouvelle période d'essai. Dans
ces conditions, il serait souhaitable qu'un article traite du contrat à durée indéterminée, type de contrat qui ne peut qu'être
bénéfique pour toutes les parties, le marin sans doute, mais surtout l'armateur, pour des raisons évidentes de qualité du travail
et de sécurité.
Aucune indication sur la prise en charge par l'armateur des frais de ralliement et de rapatriement. Cette omission permet tous les
abus.
La durée maximale d'embarquement est de six mois. Elle peut être portée à neuf mois dans le cadre d'un accord collectif et, dans les
deux cas, prolongée ou réduite d'un mois au plus pour des motifs liés à l'exploitation du navire.
Commentaire :
Si 9 mois est la durée habituelle pour les marins de certains pays comme les Philippines, elle est de 6 mois pour d'autres. Et il est
admis qu'au-delà de 6 mois le métier devient beaucoup plus dur. Il n'y a aucune raison de légiférer sur la durée, sauf pour la
limiter. Il serait ainsi acceptable d'écrire que « la durée d'embarquement ne peut excéder 6 mois ».
Par ailleurs concernant les marins français, le syndicat patronal Armateurs de France, a indiqué qu'il s'engageait à maintenir la
pratique actuelle à bord des navires français.
Pour tenir compte de toutes les situations, cet article devrait donc indiquer que « La durée maximale d'embarquement est de 6 mois.
Elle peut être inférieure dans le cadre d'un accord collectif ».
Article 18
Le contrat d'engagement ou la mise à disposition prennent fin :
- A l'échéance prévue ;
- Par décision de l'armateur ou du navigant en cas de débarquement du navigant pour maladie ou blessure ;
- Par décision de l'armateur ou du navigant en cas de perte totale de navigabilité ou de désarmement du navire ;
- Par décision du navigant si le navire fait route vers une zone de guerre ;
- Par décision motivée et notifiée de l'armateur en cas de faute grave ou lourde du navigant, ou pour un motif réel et sérieux.
Le délai de préavis réciproque en cas de rupture du contrat d'engagement est d'un mois. Il n'est pas dû en cas de perte totale de
navigabilité, de désarmement du navire, de faute grave ou lourde ou lorsque le navire fait route vers une zone de guerre.
Les indemnités pour rupture du contrat d'engagement ne peuvent être inférieures à deux mois de salaire. Elles ne sont pas dues au
navigant lorsque la rupture ou l'interruption résulte de sa décision ou en cas de faute grave ou lourde, et durant la période
d'essai.
Article 19
Le navigant dont le contrat d'engagement ou la mise à disposition est interrompu est rapatrié aux frais de l'armateur ou de
l'entreprise de travail maritime, à l'exception des cas de rupture du contrat d'engagement à l'initiative du navigant ou de faute
grave ou lourde.
Commentaire :
Cette règle très dure pour le marin est en général écrite dans les contrats de travail à bord des navires de complaisance.
Par contre elle ne figure pas dans la législation des Etats qui pratiquent la complaisance. Là aussi la France innoverait en décidant
que le marin doit payer très cher lorsqu'on lui donne congé. Alors même que la « faute grave » est appréciée souverainement par ses
supérieurs.
Une telle disposition s'apparente à une amende infligée au marin, lorsque l'on mesure le coût du rapatriement vers les Philippines
par exemple.
Un amendement devrait prévoir le remplacement de cet alinéa par le texte de l'article 89 du Code du Travail Maritime qui évoque le
débarquement pour « raison disciplinaire ».
Lors du rapatriement, le navigant choisit la destination entre :
- le lieu d'engagement ;
- le lieu stipulé par convention collective ;
- son lieu de résidence ;
- le lieu mentionné par le contrat ;
- tout autre lieu convenu par les parties.
Article 20
En cas de défaillance de l'entreprise de travail maritime, l'armateur est substitué à celle-ci pour le rapatriement et le paiement
des sommes qui sont ou restent dues aux organismes d'assurance sociale et au navigant. L'armateur peut contracter une assurance ou
justifier de toute autre forme de garantie financière de nature à couvrir ce risque de défaillance.
Pendant la mise à disposition du navigant, l'armateur est responsable des conditions de travail et de vie à bord.
Commentaire :
Cet article indique que l'armateur sera responsable, en tout état de cause, du paiement des salaires du marin de ses conditions de
vie et de travail, de son rapatriement. C'est la moindre des choses.
Article 21
Une liste du personnel présent à bord, tenue à jour sur le navire par le capitaine, est à la disposition des autorités compétentes.
Commentaire :
Cet article fait des autorités françaises un simple témoin, à l'image de ce qui se passe sous les pires pavillon de complaisance.
Pourtant l'autorité française a l'obligation légale de contrôler que le personnel embarqué est suffisant en nombre et en qualité
pour assurer le travail, la navigation, la sécurité, la préservation de l'environnement. Elle doit examiner l'organisation du travail
et vérifier qu'elle est en conformité avec la législation française, communautaire, internationale. Elle doit engager la France en
donnant le visa de l'état du pavillon au « manning certificate ».
Section 2
Dispositions relatives au droit syndical
Article 22
- Tout navigant, quels que soient son sexe, son âge ou sa nationalité, peut adhérer librement au syndicat professionnel de son
choix.
- La grève ne rompt pas le contrat d'engagement, sauf faute lourde imputable au navigant. Son exercice ne saurait donner lieu
à des mesures discriminatoires en matière de rémunération ou d'avantages sociaux.
Article 23
- Des conventions ou accords collectifs, qui peuvent être étendus, précisent notamment les conditions d'emploi, de travail, de
formation et de vie à bord, et les garanties sociales applicables aux navigants employés sur les navires immatriculés au
registre international français.
Les conventions ou accords collectifs applicables aux navigants résidant hors de France peuvent être celles ou ceux
applicables en vertu de la loi dont relève le contrat d'engagement du navigant.
Commentaire :
Les dispositions prévues dans cette section II sont une avancée importante par rapport au texte de base, qui excluait tout
droit syndical et de grève.
Mais la base juridique des conventions collectives prévues dans cet article est bien faible, comparé au titre 3ème du Code
du Travail.
Cette loi prévoit que certains accords collectifs applicables à bord de navires battant notre pavillon ne seront pas soumis
au droit français, mais « à la loi dont relève le contrat d'engagement ».
Encore une fois il faut remarquer que, à bord de tous les pavillons de complaisance, même si le marin a contracté envers
un « fournisseur », son contrat définitif, envers l'armateur, est celui qu'il signe en arrivant à bord. S'il est donc normal
de protéger le marin contre un rabatteur qui proposerait un contrat bidon, cela ne doit rien changer au fait que son
employeur c'est l'armateur, et qu'avec un pavillon français à la poupe, la loi dont relève le contrat d'engagement, c'est la
loi française applicable.
- Sur chaque navire, un représentant de bord au moins peut être désigné pour la durée de l'embarquement. Il a pour mission de
présenter au capitaine les réclamations individuelles ou collectives non contractuelles relatives aux conditions de travail
et de vie à bord et de saisir l'inspection du travail maritime des plaintes et observations relatives à l'application des
dispositions dont elle est chargée d'assurer le contrôle.
Les navigants présentent eux-mêmes, s'ils le souhaitent, leurs observations au capitaine ou à l'armateur.
Dispositions relatives à la protection sociale
Article 24
Les navigants résidant dans l'un des Etats de l'Union européenne ou ressortissants de l'Espace économique européen ou d'un Etat lié
à la France par une convention bilatérale de sécurité sociale bénéficient d'une couverture sociale dans les conditions prévues par
les règlements communautaires ou la convention bilatérale qui leur sont applicables.
Ceux qui résident en France relèvent du régime spécial de sécurité sociale des marins visé à l'article L. 711-1 du code de la
sécurité sociale.
Les navigants résidant en France et embarqués avant le 31 mars 1999 sur des navires battant pavillon étranger peuvent, sur leur
demande, dès lors qu'ils sont employés à bord d'un navire relevant de la présente loi, continuer à bénéficier des assurances sociales
auxquelles ils ont auparavant souscrit. Ces assurances devront garantir aux navigants les risques énumérés au III de l'article 25.
Article 25
- Les navigants qui ne résident pas dans l'un des Etats de l'Union européenne ou qui ne sont pas ressortissants de l'Espace
économique européen ou d'un Etat lié à la France par une convention bilatérale de sécurité sociale sont assurés contre les
risques de maladie, d'accident du travail, de maternité, d'invalidité et de vieillesse.
- Cette protection sociale, à laquelle l'employeur contribue, ne peut être moins favorable que celle résultant des conventions
de l'Organisation internationale du travail applicables aux navigants.
Commentaire :
Notre législation de sécurité sociale précise la contribution de l'employeur. Ce texte devrait être en conformité avec ce
principe.
Par ailleurs, le contrôle de la contribution d'une entreprise extraterritoriale est impossible. Le texte devrait peut-être
prévoir que la contribution est à la charge de l'armateur.
Enfin, le premier alinéa de cet article mentionne le risque accident du travail. Or celui-ci est couvert en France par le
seul employeur. Il serait anormal de déroger à cette règle.
- Pour l'application des I et II, la protection sociale comprend :
- en cas de maladie ou d'accident survenu au service du navire, la prise en charge intégrale des frais médicaux,
d'hospitalisation et de rapatriement, ainsi qu'en cas de maladie, la compensation du salaire de base dans la limite de
120 jours et, en cas d'accident, la compensation du salaire de base jusqu'à la guérison ou jusqu'à l'intervention
d'une décision médicale concernant l'incapacité permanente ;
- en cas de décès consécutif à une maladie ou à un accident survenu au service du navire, le versement d'une indemnité de
60 000 € au conjoint du marin ou, à défaut, à ses ayant droits et le versement d'une indemnité de 15 000€ à
chaque enfant à charge, âgé de moins de 21 ans, dans la limite de trois enfants ;
- en cas de maternité de la femme navigante, la prise en charge des frais médicaux et d'hospitalisation correspondants
et la compensation de son salaire de base pendant une durée de deux mois ;
- en cas d'incapacité permanente consécutive à une maladie ou à un accident survenu au service du navire, le versement
d'une rente viagère ou d'une indemnité proportionnelle à cette incapacité définies dans le contrat d'engagement;
- la concession d'une pension de vieillesse dont le niveau, pour chaque année de service à la mer, n'est pas inférieur,
pour une cessation d'activité à partir de l'âge de 55 ans, à 1,5 % de la rémunération brute perçue par le marin ou, si
la cessation a lieu à partir de l'âge de 60 ans, à 2 % de cette rémunération.
Commentaire :
La rédaction de cet article constitue un progrès par rapport au texte de base. L'employeur cotise. Les niveaux de
prises en charge sont à regarder de plus près, mais à première vue l'ensemble des risques est couvert.
En cas de décès, le texte prévoir une indemnité forfaitaire à la veuve et aux orphelins. Un amendement devrait prévoir
le choix entre cette indemnité et une rente viagère, et surtout (impérativement) le droit inscrit dans la loi d'ester
en justice pour obtenir un complément d'indemnisation en cas de faute inexcusable de l'employeur, de l'armateur, ou de
l'un de ses subordonnés.
Section 4
Dispositions relatives aux contrôles et sanctions
Article 26
Les fonctionnaires et agents visés au deuxième alinéa de l'article L. 742-1 du code du travail assurent l'inspection du travail
maritime sur les navires immatriculés au registre international français.
Ils contrôlent les conditions d'engagement, d'emploi, de travail, de protection sociale et de vie à bord et constatent les
infractions à la présente loi et aux textes pris pour son application.
Ils interviennent dans les conditions fixées par le décret visé au deuxième alinéa dudit article.
Article 27
Est puni d'une amende de 7 500 € et, en cas de récidive, d'une amende de 15 000 € tout armateur ou tout
entrepreneur qui a recours à un navigant sans avoir conclu un contrat, dans les conditions prévues aux articles 6 ou 7.
Est puni d'une amende de 7 500 € et, en cas de récidive, d'une amende de 15 000 € pour chaque infraction
constatée tout armateur qui ne se conforme pas aux prescriptions relatives à la législation sur le travail et le bien-être à bord
des navires et aux dispositions prises pour leur application.
Constitue une récidive le fait, pour tout contrevenant, d'avoir subi dans les douze mois qui précèdent une condamnation pour des
faits réprimés par le présent article.
Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code
pénal, des infractions visées au présent article.
Commentaire :
Le taux de l'amende a doublé par rapport au texte présenté aux Sénateurs. Mais cet article devra être mis en cohérence avec l'article
9, en prévoyant les mêmes amendes pour le défaut de déclaration et le défaut de contrat.
Article 28
La loi du 17 décembre 1926 portant code disciplinaire et pénal de la marine marchande est applicable à toute personne embarquée à
bord d'un navire immatriculé au registre international français ainsi qu'à l'armateur ou son représentant.
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 29
En cas de litige né d'un contrat d'engagement conclu dans les conditions de la présente loi :
- l'action de l'employeur ne peut être portée que devant les tribunaux de l'Etat sur le territoire duquel le navigant a son
domicile ;
- l'employeur peut être attrait devant les tribunaux français, devant ceux de l'Etat où il a son domicile, ou devant le
tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le navigant.
Commentaire :
Le marin peut attaquer l'armateur devant les tribunaux où il a son domicile. L'ancienne rédaction ne lui donnait pas légalement cette
possibilité, ce qui lui retirait de fait toute possibilité d'action.
En France, ces litiges sont portés devant le tribunal d'instance compétent après tentative de conciliation devant l'autorité maritime
compétente, à l'exception des litiges opposant l'armateur au capitaine qui sont portés devant le tribunal de commerce.
Commentaire :
Ces règles d'un autre temps, présentes dans le code du travail maritime, sont contestées par les juristes, qui estiment que le
tribunal compétent devrait être les prud'hommes. Le texte devrait indiquer que les litiges sont réglés selon les conditions prévues
au code du travail.
Il ne peut être dérogé aux dispositions du présent article que par des conventions attributives de juridiction postérieures à la
naissance du différend ou qui permettent au navigant de saisir d'autres tribunaux que ceux indiqués dans le présent article.
Article 30
La loi du 15 juin 1907 réglementant les jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques est ainsi
modifiée :
- L'intitulé est ainsi rédigé : « réglementant les jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et
climatiques et dans les casinos installés à bord des navires immatriculés au registre international français »;
- Après l'article 1er, il est inséré un article 1er-1 ainsi rédigé :
« Art. 1er-1. - Par dérogation aux dispositions de l'article 1er de la loi
n° 83-628 du 12 juillet 1983 précitée, il peut être accordé aux casinos installés à bord des navires de commerce
transporteurs de passagers n'assurant pas de lignes régulières et immatriculés au registre international français et pour
des croisières de plus de 48 heures, l'autorisation temporaire d'ouvrir au public des locaux spéciaux, distincts et séparés
où sont pratiqués certains jeux de hasard sous les conditions fixées dans les articles suivants.
« L'accès à ces locaux est limité aux passagers majeurs titulaires d'un titre de croisière ; ces locaux ne sont
ouverts que dans les eaux internationales.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. » ;
- Après l'article 2, il est inséré un article 2-1 ainsi rédigé :
« Art. 2-1. - L'autorisation d'exploiter les jeux de hasard dans les casinos visés à
l'article 1er-1 est accordée par arrêté du ministre chargé de l'intérieur à une personne morale qualifiée en
matière d'exploitation de jeux de hasard ayant passé une convention avec l'armateur conforme à la convention type approuvée
par décret en Conseil d'Etat.
« L'arrêté fixe la durée de l'autorisation. Il détermine la nature des jeux de hasard autorisés, leur fonctionnement,
les missions de surveillance et de contrôle, les conditions d'admission dans les salles de jeux et leurs horaires d'ouverture
et de fermeture.
« L'autorisation peut être révoquée par le ministre chargé de l'intérieur, en cas d'inobservation des clauses de
l'arrêté ou de la convention passée avec l'armateur.
« Dans l'enceinte du casino, le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance sont garants du bon ordre, de la sûreté
et de la sécurité publics.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. »
Article 31
Il est institué un prélèvement spécial progressif opéré par l'Etat sur le produit brut des jeux des casinos régis par l'article
1er-1 de la loi du 15 juin 1907 précitée, dont les tranches du barème, après abattement de 25 %, sont fixées
par décret dans les limites minimum et maximum de 10 à 80 % du produit brut des jeux.
Une fraction de ce prélèvement, égale
à 5 % du produit brut des jeux dans les casinos installés à bord des navires immatriculés au registre international français,
est reversée à la Société nationale de sauvetage en mer.
Article 32
Les navires de commerce immatriculés au registre des Terres australes et antarctiques françaises pourront être immatriculés au
registre international français sur simple demande.
Deux ans à compter de la publication de la présente loi, les dispositions de l'article 26 de la loi n° 96-151 du 26 février
1996 relative aux transports, fixant les conditions d'immatriculation au registre des Terres australes et antarctiques françaises ne
sont plus applicables aux navires de commerce.
A l'expiration du délai mentionné à l'alinéa précédent, les navires visés au premier alinéa de l'article 2 encore immatriculés au
registre des Terres australes et antarctiques françaises sont immatriculés au registre international français.
Article 33
Supprimé
Article 34
Un rapport d'évaluation portant sur la mise en oeuvre de la présente loi au 31 décembre 2006 sera présenté au Parlement dans
les six mois suivant cette date.
Délibéré en séance publique, à Paris, le 11 décembre 2003.
Le Président,
Signé : Christian PONCELET.
Commentaires complémentaires :
Alors que le texte prétend parler d'un registre d'armement, il n'est question que de l'équipage. Rien sur les obligations de
l'armateur en ce qui concerne le navire et son armement, l'effectif obligatoire, le port d'attache, les normes techniques.
Concernant le travail à bord, tout le code du travail disparaît. L'armateur devient de seul maître de la main d'œuvre fournie par
un « fournisseur ».
Cdt J.P. DECLERCQ
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