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Les navires pollueurs échappent à la justice française
Gilbert Le Bris interpelle le ministre - Extrait de Ouest France du 18 Novembre 2005

 
Faire les lois et les appliquer : deux façons de voir la justice. La France a signé la Convention de Montego Bay, est-ce pour ne pas l'appliquer ?



       Gilbert Le Bris vient d'écrire au ministre de la Justice, Pascal Clément, pour lui demander de refuser la demande de la Norvège, qui souhaite juger chez elle le cargo pollueur Trans Arctic.

       Le chimiquier norvégien Trans Arctic a été intercepté le 17 mars 2005 au large d'Oléron, il est soupçonné de pollution par hydrocarbures. Le procès devait se dérouler à Brest le 18 octobre. Mais le Ministère Public a demandé son renvoi, au motif que la Norvège demandait à juger elle-même le cargo, en application de la convention internationale de Montego Bay. Selon ce texte, un État peut demander à juger lui-même le commandant d'un navire, s'il ne s'agit pas de faits graves. Il a six mois pour engager des poursuites.

       Gilbert Le Bris voit dans l'application de cette convention «un anéantissement du dispositif de lutte mis en place depuis la loi du 3 mai 2001, qui a accru de manière significative les sanctions pouvant être infligées au capitaine et à l'armateur du navire. Cet arsenal juridique français pourrait être réduit à néant si d'autres États souhaitant protéger leurs armements s'engouffraient dans cette brèche.»

       Le député concarnois s'étonne que la France semble disposée à donner suite à la demande norvégienne. «Les relations diplomatiques ou le lobby des armateurs prévalent-ils à la politique volontariste de lutte contre les pollutions de la mer menée par les autorités maritimes et judiciaires de Brest?»

       Pour Gilbert Le Bris, il y a un moyen juridique de refuser le renvoi de l'affaire en Norvège. La convention de Montego Bay ne s'applique en effet qu'aux faits qui ne sont pas graves. «N'il y a-t-il pas la possibilité de refuser d'accéder à la requête de la Norvège arguant du fait qu'il s'agit là d'actes graves n'entrant pas dans le cadre prévu par la convention de Montego Bay?»

       Rappelant les engagements du Président de la République, et du ministre de l'Environnement en faveur d'une grande fermeté vis-à-vis des pollueurs, le député demande au ministre de la Justice de refuser la requête norvégienne.



Extraits de la convention de Montego Bay :

Article 227
Non-discrimination à l'encontre des navires étrangers Lorsqu'ils exercent leurs droits et s'acquittent de leurs obligations, en vertu de la présente partie, les États ne soumettent les navires d'aucun autre État à aucune discrimination de droit ou de fait.

Article 228
Suspension des poursuites et restrictions à l'institution de poursuites
  1. Lorsque des poursuites ont été engagées par un Etat en vue de réprimer une infraction aux lois et règlements applicables ou aux règles et nonnes internationales visant a prévenir, réduire et maîtriser la pollution par les navires, commise au-delà de sa mer territoriale par un navire étranger, ces poursuites sont suspendues dès lors que l'Etat du pavillon a lui-même engagé des poursuites du chef de la même infraction, dans les six mois suivant l'introduction de la première action, à moins que celle-ci ne porte sur un cas de dommage grave cause à l'Etat côtier ou que l'Etat du pavillon en question ait à plusieurs reprises manqué à son obligation d'assurer l'application effective des règles et nonnes internationales en vigueur à la suite d'infractions commises par ses navires. L'Etat du pavillon qui a demandé la suspension des poursuites conformément au présent article remet en temps voulu au premier État un dossier complet de l'affaire et les minutes du procès. Lorsque les tribunaux de l'État du pavillon ont rendu leur jugement, il est mis fin aux poursuites. Après règlement des frais de procédure, toute caution ou autre garantie financière déposée à l'occasion de ces poursuites est restituée par l'Etat côtier.
  2. Il ne peut être engagé de poursuites à l'encontre des navires étrangers après l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la date de l'infraction, et aucun Etat ne peut engager de telles poursuites si un autre État en a déjà engagé, sous réserve du paragraphe 1.
  3. Le présent article n'affecte pas le droit qu'a l'État du pavillon de prendre toutes mesures, y compris le droit d'engager des poursuites, conformément à son droit interne, indépendamment de celles précédemment engagées par un autre État.
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