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Journées des Grandes Ecoles de la Mer
Colloque sur le thème Facteur humain et sécurité maritime
ENSM Le Havre
Colloque organisé au Havre les 26 et 27 janvier 2011 par :
- l'École Nationale Supérieure Maritime.
- l'École Navale.
- la Fédération Française des Pilotes Maritimes.
Lieu : amphithéâtre de l'Institut Supérieur d'Études Logistiques. (ISEL)
200 personnes environ assistaient au colloque dont 80 Officiers en 4ème année de l'École Navale.
L'Afcan y était présente. Jacques Ernault a suivi la quasi-totalité des débats et Claude Peltier la 2ème journée.
Le colloque était dirigé par Caroline Britz, journaliste au Marin.
Les intervenants et les différents thèmes ont été (par ordre de passage) :
Première journée :
- Jean-Yves Besselat. Député de la Seine Maritime.
Le Député ouvre le colloque en rappelant la position du port du Havre et la volonté de poursuivre son développement. Il parle du transfert de l'ENSM de Sainte Adresse aux hangars 26-27 au Havre ainsi que de la construction au Havre d'un simulateur sur la logistique maritime. Il évoque également la situation du remorquage au GPMH.
- Guillaume De Boynes. Risques Corps maritimes chez Groupama.
Erreur humaine et accidentologie.
M. De Boynes parle bien évidemment des risques maritimes et nous "bombarde" de chiffres et statistiques d'évènements maritimes de tous ordres et dans le monde. L'intérêt de son intervention était dans l'analyse des évènements, des causes premières, les effets boule de neige jusqu'au sinistre final.
- Jean-Pierre Clostermann. Professeur ENSM.
Les concepts de la discipline facteurs humains : fiabiliser l'équipe opérationnelle.
D'abord quelques constats obtenus après des années de recherche et d'amélioration des pratiques dans les industries à risques :
- l'opérateur humain est d'abord un agent de fiabilité dans le système.
- on ne supprime pas l'erreur, on la déplace.
- la solution à l'erreur individuelle est surtout systémique.
- la procédure n'est pas la réponse universelle.
La démarche sécurité est cousine mais pas sœur jumelle de la démarche qualité. Un bon résultat final s'obtient par la juxtaposition de processus fiabilisés par les procédures.
L'opérateur de 1ère ligne dans le maritime c'est le navigant. Le lien semble évident entre l'erreur du marin et l'accident, "sécurisons le navigant et le problème sera réglé".
La seule réponse fiable à l'erreur humaine est l'équipe synergique. La démarche sécurité ne peut donc en rester au navire seulement, elle doit ouvrir son champ d'investigation à tous les autres acteurs de l'industrie maritime.
- Claude Valot. Était jusqu'à fin 2010 membre de l'IRBA Institut de Recherches Biomédicales des Armées. Consultant chez Dédale.
Fiabiliser l'amont. Le concept de la fiabilité.
La fiabilité est la qualité de ce qui fonctionne sans défaillance dans un cadre donné. Il est attendu de l'être humain qu'il puisse s'adapter à des situations très diversifiées, si possible avec fiabilité. Certaines formes d'organisations dégradent, parasitent la fiabilité là où d'autres la potentialisent. Il y a là quelques défis pour le monde maritime, à la croisée de traditions séculaires et de technologies de pointe.
- Pr. Jean-Claude Granry. Centre de simulation au CHU d'Angers.
Fiabiliser les pratiques par la simulation.
La simulation en Santé est une méthode pédagogique qui regroupe un ensemble de techniques variées allant de la simulation dite procédurale (apprentissage d'un geste ou d'une technique) à la simulation dite haute fidélité (utilisation de mannequins sophistiqués reproduisant les principales fonctions vitales)
Deux types d'approches peuvent être utilisés pour fiabiliser les pratiques :
- simuler les accidents pour apprendre ses erreurs,
- développer chez les professionnels la capacité de détection et de récupération des erreurs, la synergie d'équipe, les attitudes sécuritaires.
- Frédéric Stoschek. EDF. Projet Performance Humaine.
6 pratiques de fiabilisation dans l'activité des centrales nucléaires.
Les 6 pratiques de fiabilité de l'activité dans les centrales sont :
- le pré-job briefing
- la minute d'arrêt
- l'auto contrôle
- le contrôle croisé
- la communication sécurité
- le débriefing
Il ne suffit pas de savoir et de vouloir pour changer ses comportements et ses habitudes. Il faut aussi apprendre à contrôler et sécuriser ses mécanismes d'action plus ou moins automatisés.
- Eric Berger. Groupe Total.
Fiabiliser l'interface port-navire.
Les risques liés à l'opération de transport maritime sont de plusieurs domaines :
- l'opération d'expédition maritime elle-même, dépendant du choix du navire et de son équipage. Dans ce cadre, les risques en sont évalués et pris en compte par le vetting.
- le terminal lui-même dont les risques sont évalués dans le cadre d'une analyse spécifique, analyse qui est éventuellement incluse dans l'analyse de risques du site de rattachement du terminal.
- les conditions d'approche du terminal et les analyses de risques associées sont du ressort des autorités portuaires.
- les risques de l'interface entre le navire et le terminal.
Dans l'ensemble des opérations, le facteur humain joue un rôle important et à fortiori à l'interface entre les différentes cultures - industrielle - maritime - fluviale.
Une bonne connaissance de l'anglais est indispensable pour communiquer efficacement.
Deuxième journée :
- Pierre Kerhervé. Ex chef pilote d'essais de Dassault Aviation.
Le facteur humain dans la conception de l'interface homme-machine.
Le concept d'interface homme-machine est relativement récent. Les postes de pilotage n'étaient que le lieu de l'empilement de tous les organes de contrôle, d'analyse et d'action nécessaires à la mission. Pour minimiser les erreurs dues à cette complexité, il a fallu considérer l'interface comme un problème en soi, méritant pour être bien traité une analyse poussée du comportement du pilote tant dans son comportement individuel que dans son comportement en groupe.
- John Davis. Directeur du marketing de Kelvin Hughes.
Concevoir une « aide au navigateur ».
Souvent, lorsqu'un accident se produit, en mer, sur terre ou dans le ciel, le premier réflexe de l'armateur, du transporteur ou autres est de rejeter la responsabilité sur l'opérateur qui est en 1ère ligne, marin ou pilote. Mais bien souvent, l'accident aura été le résultat d'une erreur systémique due à la fois à l'homme, à l'équipement, au management, à la culture d'entreprise. Notre défi est de nous assurer que la technologie améliore la compréhension de la situation et aide l'opérateur dans son processus décisionnel, réduisant ainsi les risques d'accident.
- Gilles Coppin. Télécom Bretagne.
Coopération hommes-machine et aide à la décision.
- Christine Chauvin. Universitaire à l'université de Bretagne Sud.
L'homme, l'élément central de la fiabilité des systèmes complexes.
Il n'est pas surprenant que les décisions et les actions humaines soient impliquées dans les accidents puisque ce sont les hommes qui conçoivent, construisent, maintiennent et gèrent les systèmes technologiques.
Il faut se méfier de la surabondance de systèmes, d'informations, de données. "Je ne peux pas lire ni intégrer toutes les données, et le système est fait pour raisonner à ma place". Ainsi, cela entraine un repli du raisonnement humain.
- Éric Petiot. Cdt de bord Airbus 320 à Air France.
Le retour d'expérience et la culture juste.
A Air France, 600 rapports d'anomalies ou d'incidents sont adressés chaque mois à une cellule spéciale composée de 10 personnes chargées d'analyser ces rapports. Un booklet de 30 à 40 pages relatant les anomalies et autres est adressé tous les 3 mois à chaque pilote de la compagnie. Cela n'est pas rassurant pourrait-on penser. Au contraire, rien n'est banalisé, tout est cas spécifique.
Pour ce qui concerne les check-lists d'avant vol, la tendance à Air France est maintenant de ne plus en remplir. Si le pilote ou le mécanicien ne vérifie pas un point qu'il doit vérifier, l'ordinateur de bord le rappelle à l'ordre jusqu'à ce que la vérification soit faite.
- Xavier Gariel. Capitaine de Vaisseau. Chef de la division Entrainement ALFAN, chargé du domaine d'expertise particulier «navigation et sécurité nautique»
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Le retour d'expérience dans les forces navales.
La Marine Nationale a maintenant une approche comparable à ce qui se fait dans le civil. Il est notamment mis en place des Bridge Ressource Management. Le retour d'expérience est maintenant formalisé, il est beaucoup plus largement utilisé et diffusé inter-bâtiments.
- Patrick Duquenoÿ. Pilote major de la station de pilotage de la Seine.
Le retour d'expérience dans une station de pilotage.
Les Pilotes de la Seine ne font que commencer leur mise en place d'un système de retour d'expérience. Leurs premières réflexions à ce sujet datent de 2007. La mise en application est assez récente et ils n'ont pas suffisamment de recul pour que cela leur profite déjà.
- Philippe Fauquet-Alekhine. EDF.
Ultra-sûreté et retour d'expérience : le cas des centrales nucléaires françaises.
EDF repense depuis 2009 son système de retour d'expérience. Le nouveau système ne démarrera qu'en 2011/2012. L'ancien système croulait sous les fiches de retour d'expérience. On ne pouvait les traiter toutes. Les fiches "uniques", c'est-à-dire qui n'étaient émises qu'une fois pour un même sujet n'étaient pas traitées ! S'il n'y avait pas d'autres réclamations c'est qu'il n'y avait plus de problème. Tout le monde faisait des fiches, pour tout et n'importe quoi.
Espérons que le nouveau système sera mis en place rapidement.
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Il fut intéressant de constater comment des acteurs industriels différents : marine marchande, Marine Nationale, aviation civile, nucléaire civil, médecine abordent un même sujet : la fiabilité humaine.
La démarche de se préoccuper du facteur humain dans un métier est bien sûr ancienne, mais il est surprenant de constater que l'approche rationnelle et scientifique de la fiabilité humaine, son contrôle et sa supervision directement par le plus haut niveau de la Direction générale de l'entreprise est, pour certains de ces acteurs, assez récente.
Cdt Jacques Ernault - Claude Peltier
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