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European Shipping Week 2020
Organisée par ECSA (European Community Shipowner's Association)
et SI (Shipping Innovation) du 17 au 21 février 2020 à Bruxelles.


Diverses conférences étaient organisées et je me limiterai à celles auxquelles j'ai pu assister.

Lundi 17 février – Thème : Trade and competitiveness

Je n'ai pu assister à cette journée, étant sur la route, puis en Board meeting avec mes collègues du bureau de CESMA.

Mardi 18 février – Thème : Safe and social Shipping

  1. Seafarers employment - How to make EU shipping attractive.

  2. Le thème a été d'entrée abordé par cette sentence : «Les marins doivent avoir foi dans le secteur maritime, sinon celui-ci ne pourra pas fonctionner».
    Le premier intervenant, parlant au nom de Norwegian Seafarers Union, révèle (ou confirme) que 75% de la flotte norvégienne n'est pas sous pavillon norvégien, mais sous pavillon de complaisance.
    On entre alors dans un cercle vicieux : le dépavillonnement entraîne un niveau élevé de démissions parmi les marins, qui elles-mêmes provoque du dépavillonnement car il n y a plus assez de marins pour armer les navires sous pavillon national ! Et ce dépavillonnement norvégien touche tous les secteurs de navigation, y compris le cabotage sur la côte norvégienne. À noter par ailleurs que normalement le pavillon NIS n'a pas le droit d'opérer dans les eaux territoriales norvégiennes, sauf une belle dérogation pour le cabotage.
    Le deuxième intervenant, de l'Institut scandinave du droit maritime, est revenu sur la même constatation, et demande en conséquence que sous les navires pavillon NIS il y ait les mêmes droits et salaires que sous pavillon NOR quand ces navires sont opérés dans les eaux sous contrôle norvégien, à savoir eaux territoriales + ZEE + le plateau continental norvégien. Cela devrait pouvoir être possible.
    Puis lors d'une table ronde avec six intervenants, il a été évoqué un cas de licenciements en Norvège et ses conséquences, une demande à ce que la voix des marins soit entendue pendant cette semaine européenne, ainsi qu'une réflexion sur le salaire minimum ILO qui tout en étant un salaire minimum serait aussi devenu un salaire maximum.
    Question de l'assistance : il n y a aucune responsabilité qui puisse être recherchée sur le propriétaire de la cargaison, donc aucun levier qui pourrait aussi agir sur les sociétés de manning. Un point positif a cependant été noté par une des intervenantes qui a mis en exergue le bienfait des inspections vetting sur les pétroliers, inspections qui auraient permis de mieux réguler les salaires. Un membre du Parlement néerlandais avoue qu'il est difficile de faire quelque chose car on est dans un monde de globalisation, et que ce serait donc plus à l'OMI de réguler ce fait.
    L'Europe a décrété un « European Maritime Space (EMS) » qui permettrait de réguler le travail maritime d'une meilleure façon.
    À noter que ECSA est en accord avec ETF sur ce sujet.

  3. An EU maritime growth plan for sustainable maritime jobs, growth and competitiveness.

  4. Le souhait d'ECSA est d'assurer une industrie maritime européenne florissante, une solide base de compétences et le développement d'un cluster maritime en Europe de renommée mondiale.
    Pour cela, il faudrait augmenter l'emploi des Européens à la mer et dans l'industrie maritime, et développer une industrie maritime qui soit attractive, sûre, sociale et durable.
    Trois objectifs qui sont : attirer, retenir et féminiser.
    Les intervenants venaient de groupes de transport maritime ainsi que d'administrations maritimes.
    Il y a un déficit d'officiers dans le monde, le chiffre de 140 000 est annoncé pour 2025. Certains pays font des campagnes de recrutement, mais sans beaucoup de succès.
    Il y a aussi un problème de formation. Le cursus impose des périodes d'embarquement comme stagiaires puis élèves, mais les Etats de l'Union européenne refusent d'embarquer des élèves venant d'autres pays de l'Union. Mais en fait lorsque l'on parle de la réglementation qui l'interdit, on ne parle que des pavillons dits du premier registre. Pas des pavillons bis. Ce qui diminue fortement le nombre de navires disponibles.

  5. Enhanced participation of women in European shipping industry.
 
Les intervenantes ont, pour les navigantes ou anciennes navigantes, raconté les difficultés qu'elles ont pu rencontrer lors de leurs embarquements.
Il semblerait que sous les pavillons européens, on rencontre plus de femmes, mais qu'en est-il des autres pavillons ? La femme médecin de la marine, française, a posé le problème des femmes enceintes et/ou souhaitant fonder une famille. Une autre intervenante, actuellement à terre en responsabilité dans une compagnie maritime a rappelé qu'il y avait un grand besoin d'officiers et de marins, que c'était un discours que l'on entendait dans les réunions et conférences comme celle-ci, mais que l'on n'entend pas dans les écoles. Que le problème de recrutement, principalement féminin, vient sans doute de cela.

À noter que ETF et ECSA ont déposé une déclaration d'intention visant à améliorer la participation des femmes dans l'industrie maritime.
 

Mercredi 19 février – Thème : Shipping and the environment

  1. Restoration of the marine environment : why ratification of HNS convention is a matter of urgency !

  2. HNS : High Noxious Substances. 2 000 produits différents transportés régulièrement. 200 millions de tonnes transportées annuellement. Dans le top 10 des HNS on trouve l'acide sulfurique, l'acide chlorhydrique, l'acide phosphorique, l'acide nitrique, l'ammoniac, le benzène, etc.
    D'abord un rappel de ce qui existe en matière de pollution - responsabilité et régimes de compensation : oil as cargo, bunker fuel oil, passengers, wreck removal.
    La convention HNS date de 1996 et le protocole de 2010. Cependant elle n'est toujours pas en vigueur, ce qui n'est ni un vrai problème (?), ni une surprise. Pour rappel la convention sur les eaux de ballast a pu entrer en vigueur après 14 ans !
    Certes il y a moins d'accident, et plus de sécurité dans le transport maritime mais il y a plus de navires et ils sont de plus en plus gros. Les conséquences d'un accident risquent d'être plus importantes.
    Il existe déjà des mesures couvrant la prévention, la préparation et la réponse face à un accident, mais rien en ce qui concerne la compensation.
    La convention HNS couvre les mesures de prévention et de nettoyage, les pertes économiques dues à l'accident, les mesures (raisonnables) prises pour la restauration de l'environnement (soit un retour à la normale), les pertes de vies humaines immédiates et dans le temps. La convention HNS a été faite sur le modèle de l'« International Oil Pollution Compensation ».
    Cinq États seulement ont ratifié la Convention : Norvège, Canada, Turquie, Danemark et Afrique du Sud. 4 autres États l'ont signé : Allemagne, France, Grèce et Pays-Bas. La Commission européenne pousse les États maritimes adhérents à ratifier la convention HNS. Il y a aussi un pays qui, l'ayant adoptée, a expliqué ce qu'il avait fait en termes de mesures de rapports de contrôle et de certificats délivrés.
    Et deux autres représentants de pays ayant signé mais pas encore ratifié la convention ont expliqué qu'ils la soutenaient mais qu'ils ne l'avaient pas encore adoptée car ils souhaitaient que cela soit fait dans le cadre d'un "range européen", en l'occurrence le range Le Havre–Hambourg. En clair, même si cela n'a pas été formulé de cette façon, si un pays de ce range Le Havre–Hambourg adoptait seul la convention, les autres pays de ce même range en profiteraient en termes économiques. L'Allemagne, la France et les Pays-Bas ont certes signé la convention, mais pas encore la Belgique, qui se trouve aussi dans le range Le Havre-Hambourg. De même l'implémentation des exigences de rapports est vue comme un obstacle.
    La France attend donc aussi un accord entre pays européen de ce range, et est également en discussion pour la zone sud du pays avec d'autres pays méditerranéens (l'Italie et Chypre), l'Italie souhaitant que l'Espagne et Malte en fassent partie. Il faut d'abord une loi (en l'occurrence la loi mobilité), puis la publication d'un décret, puis la création d'un site internet aidant à la ratification, puis retourner au parlement pour la ratification. Ratification espérée vers 2023.
    À une question demandant ce que l'on pourrait faire pour aller plus vite, il a été répondu qu'il fallait faire des réunions avec l'OMI pour stimuler les futurs signataires !

  3. Decarbonising the shipping industry : What's already happenning and how can we help accelerate it ?

  4. Un capitaine armateur néerlandais a présenté ses navires, caboteurs et péniches de mer navigants principalement en Baltique. Pour lui, remettre les navires entièrement à la voile n'a pas de sens. Un voilier ça gîte et le transport de marchandises actuellement ne supporte pas la gîte, surtout en conteneur. Il s'est donc inspiré de la technologie des mâts-ailes de Cousteau. Le principe : deux mâts-ailes fixés sur un conteneur, lui-même posé sur le pont. Après des essais à terre – la remorque conteneur tirée par une voiture, ce qui lui a permis de vérifier les problèmes de stabilité en fonction de différents vents, il a équipé un de ses navires. La propulsion classique est restée en service. Quand le vent pousse le navire, l'hélice tourne plus facilement. Cela a produit presque 25% d'économie sur la consommation pour une vitesse identique. Evidemment le gain dépend de la force et de la direction du vent ainsi que du profilé des mâts-ailes. Ce système est valable sur des navires de petite taille, pour un gain important. Sur des navires plus gros le gain serait forcément moins important, voire nul. Par contre le but est de garder la même vitesse. Ce qui est important n'est pas d'aller plus vite grâce aux mâts-ailes, mais c'est d'économiser du carburant, donc de rejeter moins de carbone à l'atmosphère.
 
L'intervenant suivant, un armateur grec de navires vraquiers, est intervenu d'une part sur le type de navire et d'autre part, sur sa charte partie. Est-il intéressant de ne pas gagner en vitesse, voire de la diminuer pour consommer et rejeter moins de carbone à l'atmosphère. L'approche n'est pas forcément la même suivant que le navire est en charte partie au voyage ou à temps. L'intérêt n'est pas alors forcément le même pour l'armateur ou l'affréteur. On peut envisager un changement de combustible, mais le LNG, s'il rejette moins de SOx et de NOx est toujours plus générateurs de rejets de GHG, donc un gain sur les rejets à l'atmosphère quasi nul en la matière et difficile à prouver en cas de fuites. Que faire ? Jouer sur la construction des navires (ship design), diminuer leur puissance, faire du slow steaming. Sa conclusion : d'accord pour faire des efforts, mais il ne faut trop changer le modèle économique.
Remarque personnelle : le slow steaming pourrait devenir efficace sous certaines conditions, par exemple pourquoi continue-t-on à faire débuter les laycans à 00h01 lorsque l'on sait par avance que le pilote ne pourra venir qu'à l'aube vers 06h00, ce qui oblige le navire à arriver à 00h00 et à attendre au mouillage ou en dérive alors qu'une vitesse adaptée pour une arrivée à 06h00 permettrait une économie sur la consommation de carburant ? (exemple pris sur les chargements pétroliers sur la côte d'Afrique).
 
    Un troisième intervenant a parlé des nouvelles sources de carburant que sont l'hydrogène et l'ammoniaque. Il faut encore faire des recherches, et donc il faut des fonds car c'est très cher. On est actuellement en test pour des puissances de 2MW avec des rejets quasi nuls à une vitesse de 12 nœuds. Cela nécessite l'installation de 5 conteneurs (2 pour l'ammoniaque et 3 pour les batteries). On a bien sûr gardé la propulsion classique (LNG et MDO), et le gain sur les rejets à l'atmosphérique est de 70% à 90%. La prochaine étape consiste à passer sur des navires long-courriers.

    Le point de vue des ports :
    Barcelone a créé une zone de basse émission fuel, une ligne « short sea shipping » entre Barcelone et Civitavecchia qui économise un nombre très important de camions sur la route et dans le port. Le gain calculé est de l'ordre de 130 millions d'euros annuel.
    Ostende, port moins commercial mais avec aussi un champ éolien très important au large a misé sur une digitalisation de son port, le stockage d'hydrogène et un investissement pour 50 MW d'énergie à partir d'électrolyse.
    Rotterdam qui délivre un « Environmental ship index Green Award » aux navires à bas rejets, pousse à la consommation de biocarburants ou de navires à énergie hybride, a investi sur l'énergie fournie par la terre (pour les navires inland) soit en moyens fixes à certains quais, soit en moyens mobiles.
    Chaque port doit donc développer son propre programme pour tendre vers moins d'émission de gaz. Ce que la Commission a conclu, en étant optimiste, qu'il y a des efforts de réalisés, des idées qui émergent. Surtout que c'était un problème commun qui ne pouvait pas être résolu uniquement par les navires, ou par les ports, mais qu'il fallait une coopération entre tous les acteurs de l'industrie maritime, ainsi que des règlements européens qui inciteraient à avancer plus vite.

  1. From Targets to Transition : developping the pathway to zero-emission vessels.

  2. La directrice de la DG Climat de la Commission européenne a rappelé que le « green deal » était aussi un moyen de grandir économiquement. Elle demande et attend des idées, et des propositions. Il existe un fond financier pour l'innovation qui est ouvert aussi bien aux intérêts privés que d'États. La recherche doit donc se faire dans tous les secteurs de l'industrie maritime.
    Les intervenants qui ont suivi ont mis l'accent sur la recherche, les fonds nécessaires à celle-ci, puis au développement ainsi que les problèmes à régler avec les combustibles que sont le LNG, l'hydrogène et l'ammoniaque. Pour exemple, la capacité de stockage (sous température très négative) de ces produits entraîne une perte relativement faible de cargaison équivalente à 9% TEU (EVP) pour de l'hydrogène et 55% EVP pour des batteries hybrides. Même si l'ammoniaque doit être stockée à -33°C, ce qui est déjà froid et dangereux, l'hydrogène serait stockée à bord à une température de -253°C, ce qui induit des systèmes de sécurité (explosivité, inhalation, etc.) très importants à développer.
    Le chemin est connu mais long : recherche – développement – démonstration – déploiement – puis opération.
    De plus, cela ne pourrait se faire que sur des navires neufs, conçus pour ce type de propulsion. Il ne faut pas envisager de modifier des navires existants, trop de risques. Des armateurs (CMA CGM, Hapag, Maersk, MSC) ont présenté où ils en sont dans leurs projets. C'est souvent la solution LNG qui prévaut, mais beaucoup n'en sont encore qu'à la réflexion, ou dans l'attente de voir ce qui se fait ailleurs, y compris dans d'autres industries pour regarder si ce serait transposable au maritime.
    On a donc entendu un appel à l'OMI (règlement), à la création d'un fond, aux États. Le maître mot reste « competitiveness », l'arrière-pensée économique est toujours présente. Pourquoi chercher et payer pour que les concurrents en profitent…
    En conclusion : il semble qu'il n'y ait pas de réponse à la question préalable : avant de chercher la solution, qui va payer la recherche ?

    Remarque personnelle : le chiffre du jour : le transport maritime est responsable de 2.9% des émissions dans l'atmosphère. C'est beaucoup, trop bien sûr, et le transport maritime doit et va faire des efforts de plus en plus importants. Le cloud (le stockage des données informatiques telles que les mails et autres vidéos, jeux, etc.) est lui responsable de 4.1% des émissions.

Jeudi 20 février – Flagship conference

Avant les trois tables rondes reprenant pour chacune un des trois thèmes des jours précédents, il y eut des discours de personnalités, le secrétaire d'État aux Transports de la Croatie (actuellement à la tête de l'Union européenne), un membre du gouvernement fédéral allemand (l'Allemagne va succéder à la Croatie en juillet 2020 à la tête de l'Union européenne), le directeur général DG Move de la Commission européenne, le secrétaire général de l'OMI.
Tous sont revenus sur le « green deal » européen et la baisse des émissions de carbone. Il faut faire de la recherche, la financer, y aller par étape. Mais le but de zéro émission en 2050 va arriver très vite et l'industrie maritime ne doit pas perdre de temps.
Table ronde Shipping et environnement
Dans la continuité des discours précédents, les intervenants, dont la plupart avaient déjà participé aux conférences du mercredi, ont répété les mêmes choses. Dans la nuit, personne n'avaient bien sûr trouvé de solutions au problème. Les parlementaires présents n'ont fait qu'appuyer sur les points sensibles. La conclusion générale est que c'est un problème global, qu'il faut donc prendre en globalité, la question de savoir d'où vont venir les fonds pour la recherche et le développement est restée, elle aussi, en suspend.
Table ronde Trade and competitiveness
En résumé : la réglementation européenne et le « green deal » sont des avancées. La digitalisation est bonne pour la compétitivité, elle diminue le travail administratif (aussi sur les navires ?). Les challenges à venir sont tenables, à la condition que tout le monde travaille ensemble, administrations, armateurs, ports – « you need us as far we need you ».
Table ronde Safe and social shipping
Outre des parlementaires européens, cette table ronde réunissait la directrice de l'Agence Européenne de Sécurité Maritime, la présidente de l'Université Maritime Mondiale, la présidente de Wista International, la secrétaire générale de ETF, un capitaine président de l'Association Européenne des Remorqueurs, la DRH de Stena Line.
STCW commence à dater, et il faudrait envisager une nouvelle révision/modernisation, axée notamment sur le digital, et la formation au digital, et ainsi que sur l'environnement (toujours le « green deal » européen). STCW est un minimum, et cela doit aussi être pris en compte pour les qualifications spéciales.
On a un peu parlé de sûreté, en mer, et de la coopération avec les flottes militaires, principalement pour se féliciter des résultats obtenus.
Enfin, il a été dit que les marins devraient vivre dans un environnement stable socialement (on ne parlait pas de l'état de la mer !), qu'il y a et qu'il y aurait de plus en plus besoin de marins de haute qualification. Et qu'il devenait nécessaire de savoir les retenir dans le milieu de l'industrie maritime.
Mais aussi que les problèmes pour trouver un embarquement, de qualité, étaient prégnants.
 

En conclusion :

Beaucoup de questions, des problèmes posés, mais peu ou pas de réponses. La Commission européenne doit elle tout réguler ? Ni sûr ni vraiment faisable. Le représentant de la Commission a terminé par ces mots : « we cannot regulate what we cannot understand, and we cannot understand what we cannot measure ».

Hubert ARDILLON
Président CESMA
Vice-président AFCAN


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