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les effets du coronavirus sur le transport maritime
Traduction libre par le Cdt H. Ardillon d'un article de Hill Dickinson
paru sur le site de l'IFSMA

Nota : l'article date de janvier 2020. Cependant la diffusion du coronavirus pourrait remettre en question ce qui suit, suivant l'extension qu'aura prise l'épidémie. Voir aussi le site de l'Organisation Mondiale de la Santé : https://www.who.int/fr

L'industrie maritime doit se préparer à des restrictions dans le but d'empêcher la propagation du «Wuhan» coronavirus.

Il faut se préparer en vue d'une escalade de la propagation du virus, déclare Beth Bradley, une collègue de Hill Dickinson. Et l'industrie maritime doit se préparer à faire face aux problèmes déjà vus lors des épidémies type Ebola, tels que l'infection de membres de l'équipage, la mise en place de quarantaine, la fermeture de ports, et donc de possibles répercussions sur les chartes-parties. «On l'a déjà vu avec les virus Ebola et SRAS, il serait sage pour les opérateurs et les affréteurs de se préparer à une propagation assez large du virus».

Quarantaine et déviation



Les délais causés par une quarantaine ou une déviation ont des impacts différents selon la charte-partie. Les managers ont le devoir de prendre soin de leurs équipages sous contrat, et le non-respect de ce devoir peut les entraîner à faire face à nombre de réclamations.

Sous charte-partie à temps, lorsqu'un navire est retardé suite à une quarantaine ou à une déviation causée par un membre de l'équipage qui serait infecté, le navire peut être placé hors-charte, sous réserve de ce qui est spécifié dans la charte-partie. Dans la majorité des chartes-parties, le navire est placé hors-charte suite à des restrictions légales ou administratives si elles sont en rapport avec l'état du navire ou de son équipage. En dépit de cela, si le délai est une conséquence des ordres reçus de l'affréteur, le navire demeure alors sous charte. Chaque cas dépend des faits, et des spécifications de la charte-partie.

Sous charte-partie au voyage, une déviation en raison de la sécurité de l'équipage sera aux frais de l'armateur/opérateur, sauf si les règles «Hague» ou «Hague-Visby» s'appliquent, puisqu'alors, une déviation «raisonnable» peut se défendre.

NOR et libre pratique

Sous charte-partie au voyage, pour débuter les jours de planche, le navire doit tendre une «Notice of Readiness». Mais pour cela, le navire doit demander aussi la libre pratique. En l'absence de réserves contraires dans la charte-partie, le capitaine peut tendre la NOR sans avoir obtenu la Libre Pratique, à la condition qu'il n'y ait aucune raison de penser qu'il ne s'agisse que d'une simple formalité.
Toutefois, dans le cas d'une épidémie, le navire peut se trouver être mis en quarantaine, et donc le fait que le navire recevra la libre pratique n'est plus une simple formalité. Si un navire escale ou a escalé dans une zone infestée, des mesures spéciales de protection peuvent entraîner des délais jusqu'à ce qu'il soit avéré que l'équipage est en bonne santé. Le risque du retard pris jusqu'à être capable de tendre une NOR valide est alors supporté par l'armateur.

Obligation de port sûr et sain



De par la charte-partie, l'affréteur a l'obligation de désigner un port sûr, ce que l'armateur doit respecter, sauf en cas de risque inacceptable ou si le port est réputé non sûr. Les risques envers l'équipage peuvent rendre un port non sûr, même si il n'y a pas de risque pour le navire lui-même. En conséquence une maladie contagieuse peut rendre un port non sûr.

La sécurité d'un port dépend principalement des mesures de protection mises en place pour assurer une non-prolifération d'un risque infectieux à l'équipage du navire. De telles mesures ont été prises lors des épidémies Ebola et MERS, et nombre de ports ont pu rester ouverts bien qu'affectés par ces épidémies.

Actuellement le virus de Wuhan n'est pas encore à un état qui pourrait rendre un port non sûr, et la sévérité de l'épidémie doit encore augmenter avant que les armateurs refusent de faire escale dans des ports où l'épidémie est présente, sous le prétexte qu'ils sont non sûrs.

Force majeure

Une clause de force majeure suspend et/ou met fin au contrat d'affrètement dans le cas d'un évènement extraordinaire dépassant les capacités de contrôle d'une des parties, et qui affecte une des parties à honorer ses obligations contractuelles. Jusqu'à maintenant, cette occurrence n'a pas encore été prévue ou provisionnée dans une charte-partie.

Le jeudi 30 janvier, le Conseil Chinois pour la Promotion du Trafic International a confirmé que la Chine délivrait des certificats de force majeure aux sociétés locales qui se trouveraient dans l'impossibilité de remplir leurs obligations contractuelles suite à l'épidémie du Coronavirus. Cette directive, pour le moment, ne s'applique pas aux contrats sous juridiction de Hong Kong dans le cas où l'autre partie contractante n'est pas chinoise.

Les restrictions de quarantaine en Chine, que ce soit pour les compagnies d'aviation qui ont stoppé ou réduit leurs vols de et vers la Chine ainsi que la fermeture des ports de la province de Hubei, concernent une interruption d'import et d'export de pétrole brut, minerai de fer, soja et acier pour en citer quelques-uns. Etant donné l'importance de la Chine, en plus du coût humain, l'impact financier et l'interruption du trafic va continuer.

Pour les compagnies commerçant avec les sociétés chinoises, il apparaît que l'Etat chinois s'efforce de faciliter l'emploi de la clause de force majeure dans les contrats que des sociétés locales ont pu passer avec l'international. La validité des réclamations «force majeure» fera l'objet d'une étude des provisions spécifiques du contrat ainsi que de l'évidence qu'un moyen alternatif d'honorer le contrat n'existe pas.

Quels sont les problèmes principaux qui peuvent se rencontrer : dans la loi anglaise, la force majeure est un terme contractuel qui ne peut pas être implicite. Elle est applicable seulement sur la base de provisions inclues dans le contrat d'affrètement et comme telle, il ne peut y avoir de clauses standards, les clauses varient d'un contrat à l'autre. Généralement, la conséquence est de relever une des parties contractantes de ses obligations lorsqu'un ou plusieurs évènements sont prouvés.

La prise en compte du coronavirus pour la force majeure en cas de délai ou d'annulation du contrat dépendra de ce qui est spécifié dans le contrat, et non des intentions des parties contractantes. S'il n'y a aucune référence spécifique dans le contrat à la maladie, l'épidémie ou la quarantaine, il est possible de faire appel à la notion de «Acte de Dieu», «Acte du Gouvernement», voire plus généralement par «Autre circonstances n'étant pas sous le contrôle des parties contractantes».

Si le cas de force majeure peut être identifié, alors il doit être la seule cause réelle du défaut de contrat. Dans le cas «Classic Maritime Inc v Limbungan Makmur SDN BHD [2019]», les affréteurs ont argué qu'ils devaient être relevés de leurs obligations à approvisionner les cargaisons suite à l'effondrement d'un barrage. La Cour conclut que cette raison n'était pas un cas de force majeure mais plutôt une clause d'exception et donc que les affréteurs n'auraient pas été capables d'assurer le contrat quelle que soit la raison. En tant que tel, une partie ne peut pas être excusée de ses obligations contractuelles malgré la survenance d'un évènement inattendu et extraordinaire, lorsqu'elle n'aurait pas été en mesure d'exécuter ses obligations même en l'absence d'un tel événement.

L'effet d'une clause de force majeure peut varier d'un contrat à l'autre. Parfois cela peut suspendre l'obligation des parties pendant la durée de l'évènement, d'autres fois cela donne droit à résiliation, ou encore à pouvoir dégager la partie contractante non exécutante de sa responsabilité. Presque toutes les clauses obligent à ce qu'une notice soit faite d'un évènement pouvant entraîner une force majeure.

La clause de force majeure demande habituellement à ce que la partie non exécutante ait montré ses efforts raisonnables pour prévenir, ou à minima atténuer, les effets de la force majeure.

Dans le cas «Channel Island Ferries Ltd v Sealink UK Ltd [1988]», la Cour a conclu que toute clause qui se référait à un évènement au-delà du contrôle de la partie concernée ne pouvait être prise en considération que si toutes les mesures raisonnables avaient été prises par les parties pour en diminuer les conséquences.

Si les perturbations en Chine devaient continuer, un marché pour l'import/export, les négociants et les chargeurs devraient :
  1. Vérifier les provisions applicables à la force majeure afin de s'assurer que celles-ci sont appropriées ainsi que les conditions d'application de la clause.
  2. Obtenir des informations et évidences sur l'évènement, et évaluer si le délai ou l'annulation est une conséquence force majeure de l'évènement, ou si c'est la conséquence d'une force majeure déclarée ailleurs.
  3. Considérer si la diffusion du coronavirus peut impacter d'autres installations dans la chaîne d'approvisionnement et prévoir (ou réviser) des plans d'urgence.
  4. A la réception d'une notification de force majeure, vérifier si elle s'applique à tout et s'il est nécessaire d'établir également des notifications de force majeure.
  5. Considérer et prendre des mesures d'atténuation des risques.
  6. Prendre conseil.


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