Quand la méconnaissance fait écrire des inepties
Paru dans Le Télégramme de Brest du 22-02-06 :
Conteneurs mal arrimés ou volontairement largués dans le mauvais temps pour rattraper le temps perdu. La mer reste un espace
où les responsabilités de chacun se diluent très facilement. Le préfet maritime de l'Atlantique, Laurent Mérer, ne veut pas
laisser passer les 184 conteneurs perdus enfin de semaine dernière.
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184 conteneurs égarés(*) la semaine dernière en Atlantique ! Les quatre armateurs qui ont perdu une partie de leur
cargaison entre Ouessant et le Cap Finisterre vont recevoir un courrier des plus salés des autorités françaises qui ne comptent pas
en rester là.
C'est comme si des camions de déménagement perdaient armoires, tables, chaises et cartons divers le long de la voie express et
reprenaient leur route en laissant les autorités du coin ramasser derrière eux !
[NDLR : C'est ce qui se passe quand un camion perd du gazole sur la route et que des véhicules vont au fossé. (Lire "dégazage
sauvage sur l'A84, rubrique Tribune Libre)]
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Laurent Mérer a de quoi hausser le ton. En fin de semaine dernière, d'importants moyens aériens et nautiques ont été déployés autour
de ces conteneurs, devenus de véritables pièges à bateaux. Ils ne contiennent pas de matières dangereuses mais peuvent vous envoyer
par le fond n'importe quel navire arrivant droit dessus. Les coureurs au large en savent quelque chose...
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Impossible de poursuivre
Après avoir localisé une douzaine de ces conteneurs, la Marine n'en a récupéré que deux. les dix autres ayant probablement rejoint
le fond. «Ou pire, ils flottent entre deux eaux», a rappelé le préfet maritime. qui sort la calculette : près de 200.000 € sont
dépensés rien que pour ces moyens de localisation et de récupération. Comment expliquer un si grand nombre de conteneurs à la mer ?
Les conditions météo de la fin de semaine dernière étaient musclées, mais pas du tout inhabituelles pour cette période hivernale.
«Les professionnels du transport maritime le savent et ils devraient prendre les mesures qui s'imposent». «Ou les normes d'arrimages
de ces conteneurs ne sont pas suffisantes, ou les transporteurs et leurs équipages commettent des erreurs», décryptait, hier, un
préfet maritime néanmoins démuni face au problème. «Tant qu'il n'y a pas de faute caractérisée ou de pollution volontaire, on ne
peut pas poursuivre», explique préfet maritime qui a pourtant pris la peine de se rapprocher du procureur.
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Le plus dur est à venir
«II faut que les autorités maritimes international réagissent, on ne peut laisser les choses empirer avec l'arrivée des
porte-conteneurs géants capables de transporter jusqu'à 15.000 boîtes contre les 10.000 au maximum aujourd'hui.» Les armateurs
concernés recevront un petit rappel à l'ordre, sans frais pour le moment. Mais le ton sera sans doute différent le jour où, occupés
autour d'un de ces conteneurs, un plongeur ou un pilote de la Marine ne rentrera pas... Le risque de ne plus savoir sensibiliser et
sévir, pourquoi pas ? Mais les capitaines continueront-ils d'informer de la perte d'un ou de plusieurs conteneurs s'ils s'exposent
aux foudres de l'autorité maritime qui souhaite avant tout être tenue informée pour continuer à garantir la sécurité des usagers.
Stéphane Jézéquel
* Dans le monde entier, et par an, 10.000 conteneurs sont déclarés perdus auprès des compagnies d'assurance.