J'espère que les quelques remarques suivantes ne seront pas prises en "mauvaise part", mais je veux
parler un peu de pratique, et pardonnez moi si je fais quelques rappels élémentaires.
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre article sur la sécurité des porte-conteneurs, intervention
devant l'AFDM.
Article sérieux, mais dans lequel, je pense, il semble manquer toute une partie sur les fatigues de
coque. Les fissures ne sont pas une avarie "nouvelle" sur ce type de navire. Tout le dernier paragraphe avant la conclusion est vrai,
mais il faudrait aussi améliorer et considérer aussi l'exploitation "courante " de ces navires qui est une cause de fatigue très
importante: "Vaste programme !".
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En effet, sur ces navires, en dehors, bien sûr de la stabilité, il y a des limites pour la flexion,
les efforts tranchants, comme sur les vraquiers, mais aussi sur la torsion, chose très contraignante (bien plus que les efforts
tranchants par ex.).
Or, en pratique, tous ces efforts sont négligés en cours d'opérations pendant lesquelles les
calculs, très longs (particulièrement de torsion), sont pratiquement impossibles à faire. En escale, il est mis une paire de ballast en
automatique pour tenir le navire droit, et le terminal suit son programme en vidant (par ex.) des tranches entières latérales sans que
quiconque suive les efforts de coque. On s'aperçoit que, dans des tournées de ports successifs (Tournée Nord Europe ou Japon Corée Chine
par ex.), il est déjà assez laborieux d'avoir des calculs de stabilité faits dans de bonnes conditions (à vérifier aux mouvements du
navire, quand on connaît, en plus, la fiabilité générale des poids indiqués de conteneurs). Les traversées courtes entre ports
successifs sont faites dans exactement les mêmes conditions. (Les calculs de stabilité, en tournée, ne sont pas faits normalement mais
simplement par déchargement/chargement).
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Un navire stable, avec flexion et efforts tranchants corrects (c'est déjà pas mal ..!..) peut avoir une torsion
dépassant (largement) les limites permises (connues au moment du départ si le calcul a été fait ..!..), par exemple trop lourdement
chargé dans une tranche Bd, et dans une tranche éloignée Td. Une longue compensation par ballastage est alors nécessaire (sans engager
la stabilité !) et quelquefois insuffisante, quand cela est possible, en effet, si une torsion grave est présente dans une tranche avec
ballast soutes et qu'on est prés du plein de combustible, il n'y a rien à faire avant consommation importante; et, si on a pas le plein,
un très long transfert (par la pompe combustible) est alors à faire, s'il y a du personnel, et pendant ce temps, on est parti, bien sûr.
Tout cela, si le plan est respecté scrupuleusement au chargement (Oooooohhhh !).
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Les manutentionnaires sérieux savent qu'ils doivent respecter au moins la répartition verticale des poids, pour la
stabilité... et ils ne sont pas tous sérieux. Combien de fois voit-on des inversions, à bord, parce que un conteneur a été
pris tardivement sur le terminal ?, des efforts de torsion inconnus sont alors certainement rajoutés, chose aggravée
lorsqu'il y a peu de ports de déchargement (tranches "homogènes" plus importantes). J'ai, personnellement, plusieurs
fois vu sur des papiers de pointeurs au chargement, la note "Any order" (ou équivalente dans d'autres langues, ou instruction
verbale au pointeur) sur des tranches de même destination; chose grave, pour la stabilité mais aussi quand il s'agit de
pontées avec présence de dangereux.
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Des réclamations, sur place, sont, en général,
suivies d'un peu d'effet; des réclamations plus officielles, en dehors de la stabilité ou de l'attention au dangereux, sont souvent
arrêtées par l'armateur.
Tout cela vu dans de grands ports à conteneurs. Personnellement, la plus mauvaise coopération pour
les demandes du bord a toujours été Rotterdam (de très loin), le plus grand laxisme rencontré sur l'ordre de chargement des conteneurs:
Los Angeles.
En résumé, ces grands porte-conteneurs sont soumis à des fatigues très importantes et prolongées,
inconnues pour une part. Bien des intervenants doutent de ces faits (bien que certains aient conscience du peu de fiabilité du poids
indiqué des conteneurs).
Tout cela vient se rajouter aux inconvénients que tout le monde connaît, et rappelés pour le danger
d'incendie: dangereux camouflés, mauvais arrimage dans les conteneurs … et aussi renouvellement d'eau des ballasts…
Pour l'anecdote, on peut rajouter une remarque sur les chargements inter-ports en tournée. Il y a
les conteneurs qu'on ne trouve pas sur le terminal, au dernier moment, et que l'on retrouve trop tard, le conteneur est alors mis sur
un autre navire (signalé téléphoniquement); Chose vue et plus courante que l'on pense: Qui va se rendre compte, par ex. entre Anvers
et Le Havre qu'il y a un ou plusieurs conteneurs en plus sur le pont ? Je suppose qu'il y a même des petits lots qui doivent passer
gratis, je le dis parce que je l'ai soupçonné entre Tokyo et Kobé (malheureusement trop tard) et que, pour un lot de voitures neuves,
je l'ai vu faire sur des Ro-ro, en trans Mer du Nord, le bord avait été prévenu d'un supplément mais pas l'exploitation (dans ce cas
le paiement a finalement été fait après réclamation): Le bord doit signaler tout supplément, quand on a une agence salariée, à
l'exploitation, sur les petits trajets.
Cdt Philippe SUSSAC
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