On monte la corne de brume et le sifflet sur le pont pour veiller aux collisions.
Le bateau est ancien, peu équipé en électronique. Pas de radar. Qu'à cela ne tienne, la carte papier et un GPS rudimentaire (doublé de celui du smartphone) sont les moyens de se situer. Autre surprise, bonne celle-là, une petite brise permet de tirer un bord sud-ouest en direction des Glénan, en laissant bien à bâbord les récifs qui débordent la côte jusqu'au niveau de la pointe de Trévignon. Au bout d'un certain temps, le skipper, impatient sans doute de tirer le «bon bord» vers l'est et de doubler cette pointe, vire après s'être rapidement assuré de la position sur le GPS et la carte. Trop rapidement. |
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À peu près à la même période, la planète entière se désolait de la marée noire causée, dans une zone protégée de l'île Maurice, par l'échouement du Wakashio, un énorme cargo japonais sous pavillon panaméen. Pas de panne, pas de mauvais temps. Il était juste une douzaine de milles plus nord que les innombrables cargos et tankers qui passent par-là, en route entre l'Asie et la pointe sud de l'Afrique. D'après sa trace AIS, que l'on peut consulter sur divers sites spécialisés et qu'a analysée un contributeur du site Forbes.com, le bateau, sans doute parfaitement pourvu en électronique (ce n'était pas un cargo poubelle), était depuis deux jours en route de collision avec cette pointe !
La cartographie électronique ne suffit pas. Il faut un officier responsable à la passerelle qui contrôle la route du navire avec un peu de bon sens, surtout à l'approche d'une côte. Deuxième mise en garde de base concernant la navigation électronique : les pannes existent, notamment celles d'alimentation électrique. Dans le n° 151 de SAUVETAGE, nous racontions l'histoire dramatique de ce grand voilier bien équipé, se fracassant, de nuit et par gros temps, sur les rochers au sud-est de l'île de Groix (voir l'article page 6 dans |
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TimeZero, autrement dit TZ, de la société MaxSea - dont se servent majoritairement les Sauveteurs en Mer -, a été initialement conçu pour l'univers Microsoft et est connectable à des sondeurs ou radars Furuno, partenaire privilégié de MaxSea.
Navionics, autre fournisseur très connu de cartographies marine et terrestre, fait partie du groupe Garmin (ce qui n'empêche pas cependant d'utiliser ces cartes sur d'autres appareils). Weather4D, logiciel souvent choisi par les voiliers pour son routage météo, est développé surtout pour l'univers IOS (iPads et iPhones de chez Apple). La cartographie marine est maintenant très présente dans le monde des applications pour smartphones et tablettes, avec une prédilection pour IOS (Apple). TimeZero a désormais sa version TZ iBoat. Navionics s'est fait connaître par le monde des applications. Ces solutions sont tentantes en raison de leurs prix, généralement plus abordables. Réfléchissez quand même à vos conditions d'utilisation : à l'intérieur ? À l'extérieur ? Équipement étanche ? La lisibilité d'un écran tactile en extérieur n'est pas toujours excellente (testez la luminosité). Les commandes tactiles perdent de leur charme en environnement humide ou chahuté. Les sauveteurs prévoient toujours des boutons sur lesquels il est en plus possible de cliquer. N'oubliez pas de contrôler la consommation en électricité et la mémoire. Quel logiciel ?Les logiciels de cartographie sont de plus en plus magiques. On en est à l'image 3D, à la vue d'avion, etc. Pour les moins jeunes, la fonction de base qui positionne automatiquement le bateau sur la carte reste déjà étonnante. À mesure de la montée en gamme, ces outils offrent :
Un choix important, celui du style de cartographie qui vous convientVotre choix dépendra de votre porte-monnaie mais aussi de votre envie de disposer de beaucoup d'informations sur écran unique et de votre capacité à les gérer.Vous aurez un choix important à faire (profitez des éventuelles démonstrations pour le faire), celui des cartes vectorielles ou raster. Sur un logiciel comme TZ, les deux sont possibles. La carte raster est celle qui ressemble à une photocopie de la carte papier. Elle est familière à beaucoup d'entre nous et sûre, surtout si elle provient d'une source bien identifiée (le Shom en France, par exemple), et est régulièrement mise à jour. Tous les renseignements disponibles sont d'emblée visibles sur l'image. Les logiciels savent passer sans rupture de la carte générale à la carte de détail. La carte vectorielle est une carte numérique. Les organismes officiels l'adoptent de plus en plus. Elle autorise beaucoup plus de manipulations, y compris la superposition de calques personnels. «Ceux qui s'y habituent ne reviennent pas en arrière», affirme Gérard Rivoal, chef de service à la direction technique des Sauveteurs en Mer. Mais elle peut dérouter certains et présente des risques si le navigateur ne maîtrise pas bien le zoom (nous revenons sur ce point un peu plus loin) |
![]() ![]() ![]() Trois styles de cartographie électronique, tous disponibles sur le logiciel TZ, pour une même zone très fréquentée par les plaisanciers, l'archipel des Glénans. De haut en bas : la carte raster du Shom, la carte vectorielle Navionics classique et la carte vectorielle C-Map, avec représentation en trois dimensions |
Les cailloux bougent peu, mais, faute d'actualisation, vous pouvez manquer la rectification d'une erreur, notamment dans des zones exotiques. Les installations humaines changent. Des ports s'agrandissent. Des fermes aquacoles peuvent apparaître ou disparaître. Les champs d'éoliennes sont implantés un peu partout en Europe. La construction d'un premier va commencer en France au large de l'estuaire de la Loire. Le service des Phares et balises cherche à faire des économies (voir dossier dans SAUVETAGE n° 145). Des bouées peuvent disparaître ; des feux de tourelles, voire de phares, être éteints ou visibles à moindre distance. Faute de mise à jour de la cartographie (ou en plus), l'achat annuel d'un guide papier de type Almanach du Marin Breton est utile pour vérifier de nombreux points de ce type.
Car, électronique ou pas, au bout du compte, ce n'est pas la carte qui a toujours raison. C'est la réalité. Et puis parlons de ce que même la meilleure des cartes aura du mal à vous montrer et qui justifie, une fois de plus, de lever les yeux de l'écran et de mener une veille attentive. Par exemple, les parcs à huîtres ont une étonnante propension à déborder des limites indiquées. Comme les pièges de la nature. |
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