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Quelques réflexions sur le naufrage du Costa Concordia


         Après avoir laissé décanter les hypothèses hasardeuses voire farfelues qui ont été diffusées par les médias dès l'annonce de la catastrophe, il est intéressant d'évoquer quelques questions qui ne relèvent pas directement de l'enquête diligentée.

En premier lieu, sur l'évacuation des passagers.
       Nous assistons à un changement complet d'échelle avec plus de 4000 passagers et membres d'équipage. Certes, les cheminements ont été soigneusement étudiés, notamment en France par la société PRINCIPIA, mais ce n'est pas obligatoirement rassurant. Les cohues et la panique prévisible sont-elles correctement prises en compte? Nous avons maintenant un retour d'expérience, et le résultat est conforme aux prévisions. Il n'y a pas eu, à notre connaissance, de passagers piétinés en raison d'une panique lors de l'évacuation, même si certains comportements insupportables se sont produits. Par contre, il est absolument inacceptable que des passagers, même en petit nombre, n'aient pas réussi à rejoindre les embarcations de sauvetage. Il y a là un manquement grave dans l'encadrement des passagers, d'autant que le ratio équipage / passagers est de un pour trois. Cela peut être la conséquence d'un défaut d'organisation et de communication, aggravé par le nombre important de nationalités aussi bien en passagers qu'en équipage. L'anglais à lui seul ne peut suffire, et les passagers ne sont pas tenus de le pratiquer. De plus, en période de forte crise, c'est le langage maternel qui vient aux lèvres. Un équipage multinational est obligatoirement moins réactif, n'en déplaise aux acharnés de l'internationalisation. Il y a donc matière à réflexion, et à nouvelles réglementations.

En second lieu, sur le passage près de l'île Giglio.
       Le capitaine reçoit de l'armateur (ou opérateur) des instructions sur la route à suite. Mais c'est au capitaine, et à lui seul de les appliquer en fonction de sa compétence et de son expérience. C'est d'ailleurs ce qui permet à l'armateur de bénéficier de l'exemption de responsabilité pour faute nautique du préposé nautique. Si la compétence est au minimum celle définie par les critères STCW établis par l'OMI, l'expérience est celle retenue comme suffisante par l'armateur. Autant dire que le capitaine doit veiller à la développer. La manœuvre des navires, et particulièrement celle des géants ne s'improvise pas, et le développement des aides électroniques masque facilement des insuffisances dans l'acquisition des éléments fondamentaux. Il est possible d'y remédier par le recours à la modélisation comme cela se pratique à Port Revel avec l'avantage d'une perception bien réelle du danger, tout en ayant la possibilité de tenter des manœuvres délicates, voire dangereuses, sans autre risque que devoir au pire rentrer à pied, une fois la maquette échouée. Cet entraînement rigoureux mériterait d'être obligatoire pour les capitaines de grands navires, et leur éviterait de mettre l'étrave là ou il est préférable de ne pas le faire.

Enfin, sur les conditions de travail du capitaine, face aux pressions commerciales et administratives.
       Le libre arbitre du capitaine mériterait d'être mieux protégé, car les pressions qu'il subit sont multiples et s'accroissent en même temps que la taille du navire, en raison des enjeux financiers considérables, en particulier dans une activité commerciale basée sur le tourisme. Il est logique que la compagnie demande au capitaine de passer près de terre pour satisfaire les passagers, et tenter les spectateurs à terre. Mais dans ce domaine, les facteurs humains sont primordiaux. Avec certains capitaines il ne viendra jamais à l'idée d'un bureaucrate quelconque de demander au capitaine d'aller jusqu'à écraser les crabes, mais avec d'autres capitaines, plus malléables, ce sera tout de suite la menace d'un débarquement, d'un licenciement, peut-être pire encore. Les impasses qui ne sont pas librement consenties sont des facteurs aggravants dans des situations délicates.

       Après ce naufrage, souhaitons une réaction internationale comparable à celle qui s'est produite après le drame du ferry Estonia.

Cdt F.X. Pizon
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