Retour au menu
Retour au menu
Autorité de l'U.E. sur les navires. Est-ce selon..?

         Nous avions cru comprendre que le registre RIF avait été créé pour avoir d'abord un certain nombre de Français embarqués, mais cela est devenu le Capitaine et son remplaçant, puis plus rien du tout. En effet, la Cour de justice européenne, à la suite de contentieux, a jugé que la clause de restriction de nationalité – pour les seuls Français - était contraire au droit communautaire, estimant que les navires français (y compris RIF) étaient de sa compétence (clause de libre circulation des travailleurs).

       Cependant, on peut penser que cette décision a été acceptée un peu facilement: En effet, la fixation des conditions d'attribution du pavillon à un navire est toujours nationale et n'a pas été transférée à quiconque et certainement pas à l'Europe. Il est fait constamment référence à l'article 39CE qui stipule la libre circulation des travailleurs "dans le territoire de la Communauté" – c'est assez clair. Le navire français ne fait pas partie du territoire national, comme confirmé encore assez récemment par le Conseil constitutionnel (décision 2005-514 du 28.04.2005 –par. 33). Il ne fait donc pas partie, a priori, du territoire de la Communauté.

       Mais cette décision était bien dans la "ligne": Déjà, sur les navires de pêche franco-espagnols, il y avait des capitaines Espagnols et je crois que, dès fin 2004, la Cour de cassation avait bloqué toute sanction de l'administration. Par parenthèse, cela amène à une situation bizarre où les navires immatriculés dans les collectivités d'outre-mer conservent le privilège de nationalité (Polynésie, Nouvelle Calédonie par exemple). Saint Pierre et Miquelon suit le régime départemental et donc communautaire. Cette décision était sans doute favorable à une gestion plus libre pour les armateurs. (Il semble que la Grèce, encore maintenant, exige cinq personnes plus un élève, nationaux à bord des navires de son pavillon de plus de 45000 tpl, ce qui serait contraire au droit communautaire.)

       Le temps a passé, et une nouvelle Directive a été publiée par la Commission interdisant toute discrimination de salaire pour un travail identique, en Europe communautaire (poste identique, salaire égal), Directive transposée dans le droit britannique ("Equality Act" en vigueur le 1er octobre 2010). Dans un premier temps, le parlement britannique a stipulé que cela s'appliquait aux navires nationaux (red enseign) sur lesquels la condition de nationalité est pratiquement inexistante. Il s'en est suivi, évidemment, une forte opposition des armateurs, et les autorités, (M. Penning, ministre en charge), craignant un dépavillonnement rapide et massif, ont suspendu, sine die, l'application de la loi sur les navires et ont demandé avec insistance à la Commission européenne de "préciser" les conditions d'application. Cela a été fait. La Commission, par dérogation, a stipulé que, sur les navires, les conditions de non discrimination ne s'appliquent qu'aux marins communautaires et non à ceux des pays étrangers à l'Europe. Il y a toujours opposition des armateurs employant des officiers et marins des pays communautaires à salaire moindre. La Chamber of Shipping a averti que cela allait causer un dommage significatif au pavillon et au shipping en Europe. Certains craignent des accusations sournoises de racisme vis-à-vis des marins des pays émergents. Mais, pour le moment, la Communauté confirme et, devant les remarques ("reasoned opinion") du Commissaire L. Andor menaçant le Royaume-Uni d'action devant la Cour européenne en cas de non application, le ministre Penning déclare estimer malhonnête ("unfair") les instructions de l'Union Européenne qui "pénalisent la seule Grande-Bretagne alors qu'elles laissent le reste de l'Europe en dehors de toute punition". A la suite de controverses, on indique que la Commission a décidé de reprendre les travaux sur l'emploi des marins: Constitution d'un groupe dirigé par Sir R. Coleman (qui avait été parmi les rédacteurs des premières Directives sur les trafics intra-communautaires).

       Mais, début mars 2011, on apprend que des marins polonais ont intenté une action contre le gouvernement danois au sujet de la légalité de paiement de salaires inférieurs aux marins Communautaires non danois sur les navires premier et second registre (avec demande partiellement rétroactive). Un groupe d'armateurs danois indique suivre le cas attentivement. Des tribunaux du travail, s'étant déclarés incompétents pour des plaintes précédentes, avaient jugé que la plainte devait être intentée contre le gouvernement. Le 9 mars, la presse spécialisée (Lloyd's List) indique qu'il n'y a aucun commentaire disponible de la part des armateurs ou du ministère. Le syndicat danois indique qu'un succès ouvrirait une possibilité d'action semblable à plusieurs centaines de Polonais ou de citoyens des pays Baltes. Il semble que le cas devrait être soumis au tribunal assez rapidement.

       Dans le cas de la France, verrons-nous des armateurs demander l'application de cette Directive communautaire au RIF, tout comme la décision sur la clause de nationalité ? C'est peu probable. Mais il est possible que cela vienne de marins.
Cdt Ph. SUSSAC


Retour au menu
Retour au menu