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EVOLUTION DES RISQUES DE POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES
DEPUIS LES NAUFRAGES DE L'ERIKA ET DU PRESTIGE
Communication présentée à Hyères le 11 mars
2005 au 4ème forum Méditerranéen des risques pétroliers
Par le Commandant Francois-Xavier Pizon, membre de l'Afcan
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Mesdames, Messieurs,
L'évolution des risques de déversements d'hydrocarbures en mer. C'est un sujet sur lequel les idées fausses sont très
répandues, qui nécessite quelques précisions sur l'origine de ces rejets, et des précautions sur l'estimation de leur
quantité.
A ce sujet, le réseau national des données sur l'eau, créé en 1992 par le ministère de l'environnement,
déclare en particulier au sujet de la mesure des hydrocarbures dans les eaux :
L'échantillonnage est fréquemment hasardeux, particulièrement lorsque les eaux résiduaires ne sont pas
prélevées dans un réseau sous pression ou quand elles sont très chargées en huiles. Par ailleurs, les
valeurs obtenues lors de dosages réalisés sur un même échantillon sont très diverses selon la méthode
normalisée utilisée, car celles-ci se rapportent alors à la détection partielle ou totale de composés différents.
Fin de citation, à mémoriser !
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L'origine et la quantité des pollutions de la mer par des hydrocarbures sont pour une partie, la conséquence
du ruissellement, difficilement chiffrable en termes de rejets à la mer. Il suffit pour en prendre conscience,
d'imaginer le lessivage par la pluie des taches d'huile sur les parkings ou près des feux de signalisation.
C'est aussi une conséquence des rejets fluviaux.
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Ce tableau se limite aux rejets industriels qui satisfont aux critères de l'enquête nationale. Tous les flux
mentionnés d'eaux résiduaires sont mesurés en sortie d'établissement, pour lesquels sont distingués les
rejets isolés, flux nets dans le milieu aquatique depuis le site industriel, et les rejets raccordés, flux bruts
passant ensuite dans des stations d'épuration collectives.
On notera que la somme des rejets isolés s'élève à 454 tonnes/an.
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La pollution des mers est aussi, et c'est bien connu, une conséquence de l'activité maritime.
Les polluants générés par l'activité maritime sont de deux espèces :
- ceux résultant du fonctionnement du navire, c'est à dire la production d'énergie, et l'entretien.
- ceux résultant de la marchandise embarquée.
Il est nécessaire de jeter un regard sur leur mode de production, et surtout sur le traitement des
déchets afin de comprendre pourquoi ils se retrouvent parfois sur l'océan.
Nous laisserons de côté les polluants atmosphériques, CO2 et gaz sulfureux pourtant bien réels,
mais sortant du cadre de cette communication.
Commençons par l'exploitation des navires, et ses résidus de propulsion et de fonctionnement.
Malgré leur bonne volonté, les moteurs diesel requièrent une épuration du fuel lourd, qui est un
résidu du raffinage. Un grand porte-conteneurs consomme environ 200 tonnes/jour, ce qui produit 2
m3 de boues par jour, qui partent des séparateurs centrifuges vers une caisse à boues.
Après les séparateurs centrifuges, le carburant passe dans des filtres qui doivent être nettoyés
régulièrement. Les eaux de nettoyage, les eaux de cale des compartiments machine et des
compartiments à fret sont collectés dans des puisards puis pompés vers une caisse à eaux
mazouteuses.
Enfin, Les moteurs et leurs auxiliaires ont toujours des fuites, plus ou moins importantes, auxquelles
s'ajoutent les effluents graisseux issus du recyclage des huiles, ainsi que du nettoyage des filtres et
des différents organes visités.
Quelle est la gestion de ces résidus et mélanges ?
Ils peuvent être "éliminés" de différentes façons.
Les résidus de cale pompés dans les puisards de la cale machine ou des espaces de chargement
sont collectés et décantés dans la caisse à boues, puis filtrés et épurés à travers un séparateur de
cale à 15 ppm. En sortie d'épuration, l'eau ayant une teneur en huiles inférieure à la limite est rejetée
à la mer. Au-dessus, elle fait retour à la caisse à boues. Les résidus de la caisse à boues sont en
général débarqués régulièrement, parfois brûlés à bord dans un incinérateur.
Tous les mouvements de produits huileux, résidus compris sont répertoriés sur le registre des
hydrocarbures, ainsi que les temps d'utilisation du séparateur et de l'incinérateur et avec à chaque
fois l'heure et la position correspondante du navire.
Enfin, avec un équipage sérieux, aucun rejet, même licite, n'est effectué dès que l'on approche des
côtes ou dans certaines mers.
Examinons maintenant les conséquences du transport des hydrocarbures.
Les dépôts de sédiments au fond des cuves des pétroliers ne sont plus rejetés à la mer depuis un
demi-siècle. Lorsque cela se pratiquait, il fallait d'abord dégazer les citernes afin de permettre à
l'équipage de pouvoir les nettoyer. De nos jours, au cours du déchargement, les cuves sont « lavées
au crude », c'est à dire qu'une partie du pétrole pompé est réchauffée, puis envoyée sous pression
sur les parois, ainsi débarrassées de tous les sédiments. C'est simple, élégant, efficace, et non
polluant.
Pour assurer la sécurité, une partie des gaz d'échappement des moteurs sont récupérés, refroidis et
lavés. Ils sont alors refoulés dans les citernes de cargaison, pour y remplacer les gaz de pétrole.
Quelles sont les causes des pollutions maritimes par les hydrocarbures ?
Les termes du rapport remis en septembre 1998 à la Commission de l'environnement de l'union
européenne permettent situer la pollution due au transport maritime par rapport à celles d'origine
terrestre :
«D'après les estimations, 77% environ de la charge de pollution atteignant les océans sont
imputables à des sources terrestres (44% provenant des eaux de ruissellement et des décharges
directes terrestres ; 33% provenant de l'atmosphère). Le reste provient du transport maritime
(12%), des décharges en mer (10%), de l'exploration et de l'exploitation off-shore des ressources
minérales, en particulier du pétrole (1%).»
Nous resterons donc dans le domaine de la pollution due au transport maritime, soit 12% de la
pollution observée.
Les caractéristiques des 4 évènements de mer suivants permettront d'apprécier la diversité des
accidents, de leurs causes, et des déversements d'hydrocarbures qui en résultent.
Première cause de pollution par les navires, les accidents.
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ERIKA
Pétrolier construit en 1975, pavillon de Malte. Au moment du naufrage, le navire transporte 31000
tonnes de F.O. N°2, et est âgé de 24 ans.
L'Erika coule le 12/12/1999 au sud de la pointe de Penmarc'h après s'être cassé en deux dans la
tempête. Le déversement d'hydrocarbure atteint 20000 tonnes.
Motif du naufrage :
Pendant la traversée Dunkerque – Livourne, l'eau de mer entre par une cassure de coque, et fait
prendre de la gite au pétrolier. Le commandant fait redresser le navire, sans tenir compte de
l'augmentation importante des efforts induits par le mauvais choix des transferts, ce qui se traduit
rapidement par la cassure complète de la coque.
Commentaire:
Lors de son dernier passage au chantier de réparation, la société de classification
prescrit le remplacement de trois anneaux porque, dont un à faire immédiatement. Le chantier de
réparation utilise alors un échantillonnage nettement inférieur à celui de la construction du navire
Les causes essentielles de cette marée noire sont la malfaçon des travaux de réparation,
l'incompétence de l'équipage et la fatigue du navire.
PRESTIGE
Pétrolier construit en 1976, pavillon des Bahamas. Au moment du naufrage, le navire transporte
77.000 tonnes de F.O. N°2, et est âgé de 26 ans.
Le Prestige coule le 13/11/2002 au large du cap Finisterre, après s'être cassé en deux dans la
tempête. Le déversement d'hydrocarbures atteint 60 000 tonnes.
Motif du naufrage :
La seule information sûre est celle fournie par l'American Bureau of Shipping, société assurant la
classification du navire, qui a effectué sa propre enquête. Les transferts réalisés par l'équipage ont
porté le moment fléchissant de la poutre navire à 175% du maximum autorisé. Et il a fallu encore
près d'une semaine au mauvais temps pour finir de casser le pétrolier, démontrant ainsi une certaine
solidité de la coque.
Commentaire :
La cause essentielle de cette marée noire est due à l'incompétence de l'équipage.
Le Prestige était équipé de 2 citernes (3 Bd et 3 Td) pouvant être utilisées pour le ballastage ou pour
le transport de pétrole, et deux citernes (2 bd AR et 2 td AR) exclusivement pour le ballastage. Le
circuit de ballastage et le circuit de cargaison avaient donc des jonctions communes. Une erreur de
ballastage, ou un défaut de vannes est probablement à l'origine de la surcharge, sans que le
commandant en ait obligatoirement eu connaissance.
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TRICOLOR
Transport de véhicules construit en 1987, pavillon Norvégien, âgé de 15 ans au moment du
naufrage.
Le TRICOLOR coule le 14/12/2002 à 02h30 par mauvaise visibilité, après avoir été abordé par le
porte-conteneurs KARIBA, à la jonction du chenal de sortie du Wandelaar (Escaut) et du chenal
montant du Pas de Calais. Le déversement d'hydrocarbures atteint environ 500 tonnes.
Motif du naufrage :
Faute de manœuvre par mauvaise visibilité des deux bâtiments, et
compartimentage insuffisant des navires rouliers.
Commentaires :
- Avec un grand navire, la sortie du chenal du Wandelaar est particulièrement délicate surtout de
nuit et par mauvaise visibilité, quand il faut couper le trafic montant du Pas-de-Calais.
- Le trafic intense du pas de Calais crée des risques d'accidents en chaîne : le 15 décembre, le
caboteur néerlandais NICOLA, 95 m de long, s'est échoué sur l'épave du TRICOLOR. Le 1er
janvier le pétrolier turc VICKY, transportant 66 000 tonnes de kérosène s'est échoué à son tour
sur l'épave du " TRICOLOR ".
- Il faut enfin garder en mémoire que les grands navires rouliers, ayant une double coque, ne
possèdent en général qu'une seule cloison étanche, situé au premier tiers avant du navire.
Cette double coque peut être transpercée en cas d'abordage, d'échouement ou d'explosion.
SELENDANG AYU
Transport vrac construit en 1998, pavillon Malaisie. Au moment du naufrage, le navire transporte du
soja, contient dans ses soutes 1991 tonnes de F.O. N°2 et de D.O., et est âgé de 6 ans.
source : U.S.C.G.
Le SELENDANG AYU subit une avarie majeure du moteur principal le 7/12/2004, et après 13h de
dérive dans une tempête particulièrement violente, se trouve à 50 Nm dans le NW Dutch Harbor, îles
Aléoutiennes. L'armateur demande alors l'assistance du remorqueur Sydney Foss et un 2°
remorqueur est affrété par les US Coast Guards. Tard le 7 décembre, et après une première
tentative, le Sydney Foss réussit à passer une remorque de diamètre 20 cm, qui casse à 01h30.
Après avoir mouillé ses ancres, dont la chaîne casse, le SELENDANG AYU s'échoue vers 18h, puis
se brise en deux parties. Malgré la récupération ultérieure de 1600 m3, le déversement
d'hydrocarbures atteint 390 tonnes.
Motif du naufrage :
avarie majeure du moteur principal dans des conditions d'extrême mauvais temps.
Commentaire :
hormis la cause de l'avarie du moteur principal qui n'est pas connue, tout ce qui
devait être fait a été fait, aussi bien par l'équipage, que par l'armateur, et bien sûr par les US Coast
Guards. Il s'agit bien là d'une fortune de mer, événement imprévisible et insurmontable.
Deuxième cause de pollution par les navires, les rejets volontaires.
Quelles sont les raisons qui poussent à effectuer ces rejets illicites ?
Les plus fréquentes sont la paresse, l'ignorance et l'inconscience, auxquelles s'ajoutent les
difficultés techniques, soit parce que le refoulement vers la terre se fait difficilement, soit parce qu'il
n'existe pas de moyen pour débarquer les résidus.
Reste enfin l'appât du gain. C'est plausible, bien que dans nombre de ports, la dépense reste
modérée. Pour débarquer 70 m3 de boues (cas d'un grand bâtiment) Il faut compter 850 € à Anvers,
3600 € à Rotterdam, 5800 € au Havre, 6800 € à Ravenne, et 12500 € à Rouen.
Troisième cause de pollution par les navires, les rejets involontaires.
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Les séparateurs 15 ppm comme les incinérateurs sont des appareils qui tombent en panne. Même
peut-être plus souvent que d'autres. Une cellule défectueuse peut indiquer moins de 15 ppm alors
qu'il y a beaucoup plus. Cela arrive régulièrement, ne se voit pas du compartiment machine, mais
seulement dans le sillage, pour autant que les conditions de mer, de vent, et de vitesse permettent
d'être vraiment être sûr de ce que l'on voit dans un sillage.
Quoique puissent en penser certains procureurs de la République, le rejet de produits huileux est
parfois la conséquence d'évènements insurmontables comme le montre l'exemple suivant
concernant les lubrifiants.
Au cours d'une grande traversée du Pacifique, le Chef mécanicien constate une consommation
anormale d'huile d'étambot, suivie d'un retour à la normale au bout de quelques jours. Au cours de
la traversée entre l'Australie et Singapour, la consommation d'huile étambot a brutalement repris,
atteignant jusqu'à 50 litres/heure, et nécessitant le bricolage d'une caisse d'appoint pour éviter le
grillage de l'unique ligne d'arbre. Que faire sinon polluer ? Il n'y avait pas de remorqueur de haute
mer disponible dans la zone, et le grand nombre d'îles dans cette région ajouté aux courants
importants qui y règnent ne permettaient pas d'envisager d'attendre longtemps à la dérive l'arrivée
d'un remorqueur.
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Quatrième cause de pollution par les navires, les aléas politiques.
D'abord, l'état de guerre. Curieusement, l'opinion semble indifférente. Il suffit de se remémorer les
conséquences de la guerre Iran-Irak. Etait-ce trop loin ?
Ensuite, le terrorisme.
On pourrait dire que c'est un domaine plein d'avenir ! C'est ce qui apparaît clairement après l'attentat
subi par le pétrolier LIMBURG le 06 octobre 2002 à ASH SHIHR au Yémen, dont les conséquences
ont été limitées grâce au courage et à la compétence du commandant et du noyau d'équipage
Français. L'attentat a eu lieu dans les eaux territoriales du Yémen, et en zone portuaire par surcroît.
Il n'y a dans ce cas aucune possibilité de réaction devant des gens déterminés et agissant sans
esprit de retour.
Cela fait l'objet d'exercices grandeur nature sur des scenarii de catastrophe dans nos eaux
territoriales, et nous mène à l'examen des mesures prises pour tenter de remédier aux pollutions par
les navires.
Première catégorie de mesures, la justice.
Médias et opinion étant plus que favorables, la justice Française a le vent en poupe. Mais ce sujet a
été traité au cours de la précédente intervention.
Sur le plan international, il serait intéressant de prendre le problème à son origine, c'est à dire
responsabiliser financièrement le pavillon d'immatriculation.
La solution existe déjà, c'est le Tribunal International du Droit de la Mer, TIDM, créé par la
Convention des Nations Unies de Montego Bay de 1982. Ce tribunal siége à Hambourg, et est pour
le Droit de la Mer, l'équivalent de la Cour Internationale de Justice de La Haye. Il est composé de 21
membres dont un français.
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A la question qui lui était posée sur un recours possible devant le TIDM en matière de pollution des
côtes, le juge français du TIDM a répondu ceci « C'est une question très sensible et difficile. Le
TIDM pourrait connaître de tout litige entre l'Etat du pavillon et l'Etat côtier à ce sujet pour contrôle
insuffisant par l'Etat du pavillon du navire polluant. Il ne l'a jamais été et, au demeurant, je ne
connais pas de cas dans lequel on ait cherché à mettre en cause l'Etat du pavillon. C'est très
dommage, car toute la question de la responsabilité de l'Etat du pavillon reste à définir en droit
international. C'est là une question de volonté des Etats souverains. Il suffirait, par exemple, que la
France intente un recours contre Les Bahamas à propos de l'affaire du Prestige devant le TIDM ou
un tribunal arbitral pour poser enfin le problème devant une juridiction internationale. Je crois que ce
serait une contribution intéressante à l'évolution du droit international en la matière. Mais je constate
la réticence des Etats à s'engager dans cette voie. » Fin de citation.
Montré du doigt sans cesse et mis en cause par de multiples condamnations, un Etat défaillant serait
contraint de reprendre à la hausse les règles et normes auxquelles les navires immatriculés sous
son pavillon doivent se soumettre.
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Le recours est donc possible, difficile sans doute mais c'est une question de volonté de l'Etat côtier
dont le littoral a été souillé.
Deuxième catégorie de mesure, l'administration, la nôtre bien sûr.
Concernant ce qui relève de l'état du Pavillon,
L'immatriculation des navires français aux Kerguelen, permettant seulement la réduction du nombre
réglementaire de nationaux embarqués n'a pas donné les résultats attendus dans le domaine de la
compétitivité du pavillon Français. Nous en sommes arrivés à la création du RIF (registre
international Français). C'est, qu'on le veuille ou non, un rapprochement accentué et inévitable vers
les minima internationaux.
Concernant l'Etat du port,
En plus des conventions et accords internationaux MARPOL, OPRC 90, et FIPOL, six conventions
et accords régionaux ont été signés par la FRANCE dont en particulier les Accords de Bonn, avec
les états riverains de la mer du Nord.
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Extrait de l’annexe au recueil de preuves concernant les rejets en provenance des navires -
Accord de BONN (1993)
Guide pour les relations entre aspect, épaisseur et volume de l’hydrocarbure flottant.
Code |
Apparence / couleur |
Epaisseur approx.(µm) |
Volume approx.(m3/km2) |
1 |
Argenté |
0,02 – 0,05 |
0 |
2 |
Gris |
0,1 |
0,1 |
3 |
Arc-en-ciel |
0,3 |
0,3 |
4 |
Bleu |
0,1 |
0,1 |
5 |
Bleu / brun |
5,0 |
5,0 |
6 |
Brun / noir |
15 – 25 |
15 – 25 |
7 |
Brun foncé / noir |
100 |
> 100 |
|
Mousse brune / orange |
Voir note |
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Les chiffres du tableau et la relation couleur-volume jusqu’au code 5 sont dérivés des résultats d’exercices menés en mer
sur des rejets contrôlés d’hydrocarbures. Pour les codes suivants, cette relation ressort de l’expérience acquise par
l’ITOPF et les équipes chargées du relevé des nappes d’hydrocarbures.
Note :
Une mousse de couleur brun-orangé traduit la présence d’une émulsion eau dans les hydrocarbures. Bien que l’épaisseur soit
habituellement de 1 à 4 mm, elle peut être plus importante. Le pourcentage d’hydrocarbures dans l’émulsion ne peut être mesuré que par
prise d’échantillon. La présence de mousse révèle toutefois la présence d’une très grande quantité d’hydrocarbures qui, dans le cas des
rejets traités dans ce manuel, correspondrait à un rejet exceptionnel important.
Ces accords de Bonn sont particulièrement importants, parce qu'ils sont extrêmement précis, traitant
notamment des moyens disponibles, des critères d'observation, des procédures de constatation, et
des preuves à fournir devant les tribunaux. Il y a lieu de regretter que cet accord exemplaire n'ait pas
été étendu à l'ensemble des ZEE européennes.
Une autre avancée très intéressante est la redéfinition des attributions des préfets maritimes en
matière d'environnement, par le décret du 6 février 2004 relatif à l'organisation de l'action de l'Etat
en mer. C'est une spécificité française que les US Coast Guards nous envient, tellement elle est
simple et efficace. Le préfet maritime peut, sur simple réquisition, utiliser tous les moyens publics
disponibles dans tous les domaines. C'est accompagné par la mise en vigueur en Méditerranée de
la zone de protection écologique, qui toutefois ne change rien pour le marin, parce que MARPOL
interdisait déjà tout rejet par les séparateurs en Méditerranée.
Enfin, la mise en vigueur au niveau international, du code I.S.M. instaure et codifie dans chaque
Armement un système de gestion de la sécurité, des opérations et de rétention de la pollution.
En décembre 2002, une Conférence intergouvernementale s'est tenue à l'O.M.l. et a adopté des
amendements à la convention SOLAS, entrés en vigueur le 1er juillet 2004, et intégrant le code
international pour la sûreté des navires et des installations portuaires (code I.S.P.S).
Ce code comporte 3 niveaux de sûreté, et prévoit un certain nombre de dispositions, dont :
- Un plan de sûreté relatif aux différents niveaux décrivant les mesures de protection à mettre
en œuvre tant à bord de chaque navire que dans chaque port international.
- Un système d'alerte de sûreté du navire. Ce système doit avoir 2 points de déclenchement
(dont un en passerelle), pour envoyer un message à une autorité compétente sans alerter le
bord ou les navires environnants.
Troisième catégorie de mesure, la technique
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Dans un avenir proche, l'enregistrement automatique des données de navigation, et la transmission
automatique de la position avec l'indicatif devraient améliorer la sécurité, et donc réduire les
abordages. Mais la décision importante prise et appliquée concerne la structure des pétroliers, qui
doivent maintenant être à double coque.
Toutefois, la double coque peut être transpercée en cas d'abordage (cas du TRICOLOR) ou d'une
explosion (cas du LIMBURG). Quant à l'échouement, l'énormité des contraintes induites fait qu'il n'y
a guère de différence entre une coque simple ou double. Sauf pour des bâtiments spéciaux, les
navires de commerce ne sont pas prévus pour cela.
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Quel est le résultat des mesures prises ?
source : ITOPF
source : ITOPF
La courbe moyenne des tonnages d'hydrocarbures déversés par an est en nette décroissance
depuis 1991. Mais il faut prendre cela avec beaucoup de prudence, car rien ne permet de dire qu'il
n'y aura plus de naufrage d'un pétrolier de la classe des 300 000 tonnes, et encore moins que dans
cette hypothèse, il sera possible de récupérer la majeure partie du pétrole avant qu'il arrive à la côte,
quelle qu'elle soit.
La courbe moyenne du nombre de déversements par an est beaucoup plus intéressante. Elle
montre bien la nette décroissance par tranches de dix ans, qui suit grosso modo les grandes
catastrophes dues au transport de pétrole. Autre constatation importante, le nombre de pollutions
entre 7 et 700 tonnes se rapproche de celui des grandes pollutions. Dans cette catégorie rentrent les
rejets de soutes consécutifs à un échouement ou un abordage, ce qui est significatif de l'effet des
mesures prises sur l'ensemble des navires.
Mais toute mesure peut éventuellement se traduire par des excès ou des insuffisances.
Premier exemple
Pendant longtemps, la France n'était pas en mesure d'effectuer le nombre de contrôles prévus par le mémorandum de
Paris (25% des navires faisant escale), faute d'un nombre suffisant d'inspecteurs. La situation est
tellement difficile que le gouvernement a décidé le recours à des commandants retraités en tant que
conseillers bénévoles.
Deuxième exemple
Les contrôles plus que tatillons des navires faisant escale dans un port des USA ne laissent
vraiment pas passer grand chose. Le code des US Coast Guards stipule par ailleurs que la
commission d'arraisonnement, en plus de l'application des règlements prévus, est en droit d'exiger
toute mesure supplémentaire qu'elle estime utile pour la sécurité.
Mais plus remarquable encore, c'est l'obligation pour tout navire pratiquant les eaux américaines,
d'avoir une assurance pour couvrir la responsabilité financière en cas de pollution. Elle est souscrite
bien évidemment auprès des compagnies américaines, qui voient ainsi leur chiffre d'affaire
augmenter sensiblement. Gain sur toute la ligne, à prendre pour modèle.
Enfin, les Etats-Unis ont décidé récemment, et ils en ont les moyens, qu'ils arraisonneraient tout
navire suspect transitant dans leur ZEE, pour contrôler l'état de sa sécurité et lui imposer
éventuellement un déroutement pour effectuer une mise à niveau immédiate. Ca peut donner du
travail aux chantiers US, ça perturbe la concurrence, et ça peut rapporter gros s'il y a ne serait-ce
qu'un tout petit peu de drogue. Même si la FRANCE a fait de gros progrès, un petit coup d'œil chez
le voisin serait utile !
Troisième exemple
Regardons la carte des rejets isolés d'hydrocarbures :
source : RNDE
Le volume mesuré en sortie d'émissaire est 213 litres/jour pour l'une des trois raffineries de Seine
Maritime. Etendue sur une épaisseur de 5 microns (pollution très nette), cela donne une superficie
de 0,1 km2 soit une bande de 50 m sur 2 km, 365 jours par an.
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A comparer avec la pollution de sillage de 50m sur 2 km en ZEE photographiée par un aéronef de la
Marine Nationale. Sur la foi de ces quelques photos, le capitaine (Allemand) du CMA-CGM Voltaire
a été condamné en première instance à 100.000€ d'amende par le tribunal de Brest, portée à
200.000€ par la cour d'appel de Rennes le 13/01/2005. Les tribunaux ont un petit peu oublié la
résolution A787 de l'OMI ainsi que les accords de Bonn (dont la limite géographique est très voisine
du lieu de constatation), qui spécifient la liste des preuves à fournir. De plus, le CMA-CGM Voltaire
sortait du chantier de construction, et son exploitant, CMA-CGM, n'a jamais discuté la moindre
demande de débarquement de résidus huileux. Je le sais pour y avoir commandé pendant un certain
nombre d'années.
La présomption d'innocence s'est donc, jusqu'au niveau d'une cour d'appel, transformée en
présomption de culpabilité. Cela risque de faire jurisprudence, et c'est particulièrement inquiétant.
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Enfin, le jugement du 16 décembre 2004 rendu par le tribunal de Brest dans l'affaire du roulier
Bulgare DOBRUJA interpelle sur le réalisme des amendes. Le capitaine a été condamné à 200.000
€ d'amende. En se basant sur un salaire net de 3000 € par mois, cela représente 5,4 ans de salaire,
et l'emprunt porte la durée de remboursement à près de 20 ans. Pour un capitaine Sri Lankais, toute
une carrière ne suffirait pas.
Le procureur de la République, comme pour consoler le commandant Bulgare, a ajouté que s'il était
Français, il aurait déjà été incarcéré.
Que peut-on faire sur le plan humain ?
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Un équipage qualifié coûte cher, et l'armateur le réduit le plus possible, ce qui peut se traduire par
plus de 12h de travail par jour, avec un sommeil morcelé. Il arrive que l'officier de quart, seul sur la
passerelle, s'endorme malgré le dispositif de l'homme mort, et le navire s'échoue, avec souvent une
perte de d'hydrocarbures par les ballasts crevés. C'était le cas pour le COASTAL BAY, qui s'est
échoué 21 juillet 2000 sur l'île d'Anglesey, pour le Melbridge Bilbao, qui s'est échoué le 12 novembre
2001 sur l'île de Molène, et bien d'autres encore.
La majeure partie des équipages provient de pays à faible revenus, et est fournie par des
marchands d'hommes. Le contrat garantit des compétences opposables aux inspections, mais les
brevets délivrés dans certains pays sont d'un niveau extrêmement faible, et l'usage d'excellents faux
très répandus. Un brevet de capitaine philippin se vend à Manille pour une vingtaine de dollars
Comment s'étonner ensuite que le suivi du bon fonctionnement d'un séparateur 15 ppm devienne
aléatoire !
La langue véhiculaire est l'anglais, aux variations géographiques près. Tout le monde ou presque
s'en satisfait, du moins à terre.
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On notera tout de même que dans les clauses du contrat de transport
par mer des éléments de l'Airbus A380, le navire doit être sous pavillon Français, avec équipage
Français. Plus question de règles laxistes. Le chemin est connu, encore faut-il vouloir le suivre. Mais
quand on veut, on peut, disait ma grand-mère !
Que peut-on faire encore sur le plan technique?
On a paraît-il l'âge de ses artères. Ce principe est le même pour un navire, à commencer par ses
réseaux de tuyautages, mais aussi pour sa coque. Si les limites des efforts applicables au navire
sont établies par le chantier, et communiquées aux exploitants, il n'existe pas d'enregistrement de
ces données pourtant primordiales pour connaître l'état de fatigue d'une coque, ni de contrôle pour
arrêter un navire dont l'accumulation des contraintes rend son exploitation dangereuse (cas de
l'Erika…). Les limites sont aisément franchies au cours du chargement, souvent en raison de
l'incompétence galopante des équipages. Un enregistreur scellé permettrait aux inspecteurs de
pouvoir réagir sur un simple coup d'œil. Cela permettrait entre autres choses de déterminer à temps
les malfaçons dans le remplacement des éléments de structure, au vu d'une amplification anormale
des valeurs de flexion et de torsion.
Et si l'on supprimait le pétrole ?
Le retour aux galères réduirait peut-être le chômage, mais ne donnerait certainement pas la
puissance nécessaire pour les grands navires.
Le retour à la voile, de même, est trop aléatoire, et ne peut pas fournir l'énergie requise, même en
augmentant d'une manière phénoménale le nombre de navires (combien de Club Med II pour
remplacer le Queen Mary II ?).
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Bien qu'il soit politiquement et médiatiquement totalement incorrect, le nucléaire, qui n'en est qu'à
ses débuts, pourrait résoudre le problème de la pollution par les hydrocarbures. Il a fait ses preuves
dans le domaine militaire, ainsi qu'à terre malgré la catastrophe de Tchernobyl, due pour l'essentiel
à l'inconscience et à la bêtise des dirigeants de l'époque.
Bref, tant qu'on ne sera pas le dos au mur, il n'y aura rien de fait dans ce domaine.
Que penser en fin de compte ?
Même si les mesures prises ont déjà considérablement réduit, et vont encore réduire les risques de
marées noires importantes, il n'est pas raisonnable de penser pouvoir les éradiquer tant qu'on aura
recours au pétrole. Par contre, la faculté d'oubli aidant, la raréfaction de ces catastrophes risque
d'amoindrir l'efficacité des mesures de prévention et surtout de traitement, ne serait-ce qu'en raison
des efforts financiers permanents nécessaires.
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Comme lors du forum de 2001, avant la catastrophe du Prestige et quitte à passer pour Cassandre,
je vais terminer en redisant : « il est prudent de préparer les pelles et les bennes à ordures, car
d'autres ERIKA sont toujours à l'affût de rivages à souiller »
Cdt François-Xavier PIZON
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