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TEXTE DE LA COMMUNICATION PRESENTEE A HYERES LE 14 FEVRIER 2001
AU 2ème FORUM MEDITERRANEEN DES RISQUES PETROLIERS

Par le Commandant Daniel MARREC, Président de l'AFCAN

LA PREVENTION DES MAREES NOIRES


Préambule.

       Mesdames, Messieurs, qu'il me soit permis de remercier les organisateurs, de l'occasion donnée à notre association, de faire le point sur ce problème essentiel, qu'est la pollution maritime.
Je demande aux initiés, de bien vouloir me pardonner de la simplicité de mon exposé, qui sera essentiellement pratique.
       Je suis convaincu que, le fait de bien poser le problème reste la meilleure façon d'amener à une solution convenable, acceptable, par tous.
       Le thème de ce forum, est l'existence de la pollution maritime, liée aux risques pétroliers. Mon intervention s'insère dans la partie prévention des marées noires et je suis chargé de présenter le point de vue du marin.
Ce point de vue pourrait être simple, trop simple: Si nous ne voulons plus de marées noires, abandonnons l'utilisation de toute forme d'énergie faisant appel au pétrole brut!
Si, a ce jour, nous ne pouvons nous en passer, alors nous devons tout mettre en oeuvre pour limiter, autant que faire se peut, les désagréments que ce "produit naturel" occasionne à notre environnement maritime.
Pour utiliser ce pétrole, nous devons le transporter, depuis sa source, vers les sites de raffinage, puis sur les lieux de son utilisation. Il se trouve que pour effectuer ces trajets on utilise encore principalement ce "pétrole".
Ainsi, nous constatons qu'en mer nous pouvons polluer, au moins de deux façons:
  1. En transportant du pétrole en cargaison.
  2. En utilisant les dérivés du pétrole brut, comme 'la source d'énergie' pour la propulsion du navire.
Ceci reste vrai pour tout autre type de cargaison; quasiment toutes les marchandises sont transportées par des navires dont la source d'énergie est "le pétrole" et nous commettons une erreur de l'oublier.


LE POINT DE VUE DU MARIN.
  1. Quels types de navires naviguent sur les mers?
  2. Pourquoi et comment un navire risque-t-il de polluer en mer?
  3. Que faut-il faire pour éviter la pollution maritime?
  1. Sur les océans nous rencontrons:
    • Les navires citernes: pétroliers, chimiquiers, mixtes.
    • Les navires cargos : portes conteneurs, vraquiers, polyvalents.
    • Les navires spécialisés: Scientifiques, sismiques, de forage et les plates-formes.
    • Les navires à passagers.
    • Les navires de pêche.
    • Les navires de plaisance.
    Globalement, et pour simplifier, je dirai: nous avons les navires citernes et les autres.

    Mais, la pollution d'un navire par hydrocarbure, peut avoir au moins deux origines:
    • par la cargaison sur les navires citernes, suite au besoin de nettoyer les cuves.
    • par le navire parce qu'il utilise le "pétrole" comme source d'énergie a sa propulsion.


  2. En fonction du type de navire, le risque de polluer est différent, mais tous, sont obligés de polluer en mer, si on ne met pas à leur disposition, dans les ports, les installations adéquates pour réceptionner leurs résidus.
    1. Explication.
    2.        Un navire est une usine, qui se déplace et pour se faire, utilise un moteur thermique consommant un combustible, qui peut être: le diesel, le fuel n°2, du gaz.
      Nous retiendrons le cas du FO n°2 qui est le combustible le plus utilisé à bord des navires.
      Par 24h de mer, le navire selon sa taille et la puissance installée, peut consommer entre 50 a 100 tonnes de FO. Ce FO n'est pas utilisable tel quel et nécessite au minimum, une décantation et une épuration à bord. La décantation est effectuée manuellement et consiste à retirer le maximum d'eau contenue dans le FO. (Cette eau est déjà présente dans le FO a l'embarquement et provient aussi de la condensation.)
      L'épuration est faite par des centrifugeuses, qui éliminent les boues en suspension dans le FO.
      Ainsi le simple fait d'utiliser le FO, génère un résidu composé d'eau, de boues et d'hydrocarbure. Ce résidu dans le meilleur des cas représente 1% de la consommation journalière, soit 1 m3 pour 100t..Ce mètre cube qui s'accumule de jour en jour de mer, doit être stocké dans des réservoirs prévus à cet effet et/ou éliminé au fur et à mesure de sa production! Il se trouve, pour compliquer le problème, que pour l'élimination des boues lors de l'opération d'épuration, de l'eau douce est encore utilisée pour effectuer les "chasses des boues". Ainsi cette quantité d'eau s'ajoute au m3 précédents. Le fonctionnement des machines génère lui aussi sa "dose" journalière d'eau douce et eau de mer, par des fuites ou trop pleins de toutes sortes, ces quantités d'eau sont très variables, dépendent de l'état d'entretien des divers appareils et des travaux menés en salle des machines et sont, malheureusement intimement mêlées aux hydrocarbures par leur passage en cale machine.
      Ainsi le navire, est en permanence confronté à des entrées d'eau inévitables et il est impératif de bien gérer cette situation, sinon, très rapidement les réservoirs de rétention de ces eaux sont très rapidement rendus au maximum de leurs capacités.
      La question est maintenant primordiale! Que faire de ces eaux indésirables? Car il s'agit bien d'eau que l'on parle!
             Le premier réflexe fut de rejeter en mer. Mais, telles quelles, ces eaux sont grasses et sales. Face à la prise de conscience écologique, l'OMI a mis en place la Convention Marpol, qui entre autres, réglemente les rejets en mer.
             Évacuer ces eaux vers des installations terrestres, serait très onéreux (comparez aussi les installations d'épurations de nos égouts terrestres)et les trop rares installations ne sont pas destinées ni conçues pour recevoir des eaux, uniquement grasses. Aussi, le bord, tente en fonction de ses moyens et de son temps disponible d'éliminer cette eau indésirable. (En mer ce travail occupe l'équivalent d'une personne, marin et officier, par journée de 08h00. Pour ce faire, le navire est équipé d'une installation, approuvée par l'Administration, qui permet de rejeter dans les zones autorisées par la convention MARPOL une eau chargée en 15 ppm maximum. Lors de cette opération le navire doit être en route, ce qui est un atout supplémentaire donné au milieu naturel, pour digérer ce surplus.
      Par cette opération, le navire se sépare, de ses eaux indésirables.
      Mais il reste les boues!

             L'élimination des boues peut aussi être faite à bord du navire à l'aide d'incinérateurs (si équipé) et lorsqu'ils fonctionnent correctement; dans le cas contraire ces déchets doivent être déposés à terre pour traitement.

      Je viens d'évoquer tous les navires, utilisant le FO comme source d'énergie.

    3. Risque de pollution par la cargaison. Ceci concerne les navires citernes/pétroliers.

      Ces navires sont de plusieurs conceptions et pour simplifier, nous trouvons:
      1. Le pétrolier d'origine:        Dans les temps hors toute réglementation, un pétrolier lavait ses citernes et rejetait en mer ses résidus de lavage et polluait allégrement dans le respect d'absence de réglementation, ceci a été dénommé "le dégazage"puis le "dégazage sauvage"par tout le monde (sauf les marins, car pour eux il s'agissait de lavage). Ce type de pétrolier a aujourd'hui disparu.

        Puis, nous assistons à la mise en place de la convention MARPOL.

      2. Le pré Marpol (en voie de disparition programmée) est de loin celui qui "pouvait" polluer le plus, car le voyage sur lest imposait de mettre de l'eau de mer dans des cuves de cargaison, (en plus des ballasts propres, permanents) pour donner au navire des conditions de stabilité et d'assiette et contraintes satisfaisantes à sa navigation.
               Le navire, avant son chargement se débarrassait de ce lest, qui a ce moment là, devait être un lest "propre".
               Propre, car au cours du voyage port déchargement/port chargement des opérations de décantations étaient effectuées entre lest propre et sale, de sorte que les résidus s'accumulaient dans une même citerne (slop).Ces résidus étaient débarqués ou conservés en final, dans la cargaison suivante.
        Donc, un navire citerne/Pétrolier, dans ces conditions, je vais vous étonner, ne pollue pas du tout! Ses résidus (machines et cargaison) sont mis dans leurs "slops" et, soit ces "slops" sont mélangés "load on top" dans la cargaison, soit débarqués dans les installations terrestres. (cas idéal)

      3. Marpol simple coque. Plus de citernes à cargaison utilisée pour le ballastage.

        Le lavage est fait au "crude"et les résidus partent avec la cargaison lors du déchargement.

      4. Marpol Double coque. Idem. Mais amélioration théorique du risque de pollution en cas d'accident. (Abordage, échouement, sous certaines conditions de vitesse).

        A noter, que ces navires MARPOL retrouvent le problème des résidus de propulsion tel que décrit pour les navires en général (ce qui explique que mon propos commençait par le navire sans distinction préalable).

        exemple:
               Les pays du golfe n'ont pas de moyens de réception de résidus machine, qui est donc gardé à bord. Si ce même navire va décharger sa cargaison sur des allégeurs il se trouve encore sans possibilité de débarquer ses "résidus machine".Dans cette condition, ce navire devra rejeter en mer à un moment quelconque car plus de possibilité de stockage!

        Autre problème(toujours, si pas de réceptions possibles):
        Travaux dans une citerne navire en exploitation?
        Il faut rendre très propre cette citerne par un "lavage". Ce lavage donne, bien entendu des résidus.
        Ces navires affrétés "full capacity" ne peuvent avoir de résidus (slop). Comment satisfaire l'affréteur et transporteur?
        Réponses:
               Accord entre les deux parties pour recharger par-dessus les "slops", ceci n'est pas toujours obtenu, pour diverses raisons commerciales.
        Solutions:
               Que l'affréteur et transporteur soient les mêmes personnes ou créer une obligation internationale !
        Rejeter à terre, mais, si pas ou problème de moyens de réception, alors il est impossible de faire autrement que de rejeter à la mer (lorsque les réservoirs sont pleins) au mépris de MARPOL et de la réglementation des ETATS.
               Quelle est la responsabilité d'un capitaine dans cette situation, qui exécute un ordre de son armateur ou affréteur, c'est à dire arriver "full capacity"? Débrouillez-vous donc Monsieur le Capitaine, exécutez!

        Information pratique:
               Pour travailler dans les citernes de ces navires il est impératif de "dégazer" l'atmosphère par plusieurs lavages de la cuve et ventilation afin de renouveler en air respirable. Ceci est le dégazage! Cette manipulation est génératrice de résidus et si mal menée, peut être polluante puisque la cuve doit en finale être apte a tous types (autorisés) de travaux et donc propre.
               Mais, si tout ceci est bien mené, (comme il se doit de l'être), on ne doit jamais polluer!
        Présenté de cette façon, tout est bien dans le meilleur des océans et on ne comprend pas pourquoi on trouve, dans la presse, des articles dénonçant des "dégazages sauvages".


    Alors pourquoi avons-nous des pollutions?

  3. Le navire peut polluer pour diverses raisons:
    • accidentellement. (ERIKA, débordements).
    • volontairement, pour des raisons de sécurité liées au navire, sa cargaison.
    • volontairement au mépris du respect des conventions internationales et nationales.
    Comment éviter les pollutions accidentelles?
           Avoir des navires bien conçus par leurs concepteurs/constructeurs, bien conduits par les marins, bien gérés et bien entretenus par leurs propriétaires, bien contrôlés par les sociétés de classification et l'ETAT du pavillon, bien contrôlés par l'ETAT du port.
    Comment éviter la pollution volontaire pour raison de sécurité?
           Je crois, en se basant sur les mêmes termes que ci-dessus, car un navire bien conçu, bien conduit, bien géré par l'ensemble des intervenants, doit permettre la limitation de ce phénomène.
    Comment éviter la pollution volontaire? (au mépris de la réglementation)
    En ayant, obligation de débarquer les résidus, dans des installations terrestres spécialisées.
    Ceci oblige, les ports, d'être équipés comme il faut, c'est donc de la responsabilité des ETATS de se mettre en conformité avec "Marpol".
           C'est aux ETATS, de se donner les moyens humains, pour effectuer les inspections et contrôles des navires, afin, de s'assurer qu'ils(les navires) respectent la réglementation.
    C'est, sur le plan international, mettre en place un système uniforme des coûts, afin de ne pas tenter un navire, de passer outre, le respect de la loi, pour une simple question de prix!
    C'est, aussi, s'inquiéter auprès des navires et s'assurer, que tous les marins, sont au courant de la réglementation internationale; car, lorsque l'on apprend qu'un navire pollue volontairement, en plein jour, en manche ou en méditerranée, on est en droit de se poser des questions sur, la validité des certificats du navire ainsi que de celle des brevets des officiers et marins!
    La connaissance d'un minimum de Marpol et du plan SOPEP, est tout de même quelque chose d'essentiel de la part des "marins" et il faut, par-là, s'attaquer fermement aux brevets frauduleux, car seul, un navire fiable et bien entretenu, géré par une société sérieuse et dont l'équipage est constitué de gens sérieux et compétents peut être considéré comme un navire a fort potentiel de sécurité, qu'il soit simple ou double coque!

       J'espère avoir, par ce bref exposé, éclairé l'assistance sur ce problème des pollutions maritimes et j'insiste très fortement sur la responsabilité des ETATS, qui, en raison du manque d'équipements des ports en installations réceptrices de résidus d'hydrocarbures, détiennent une lourde part de responsabilité dans la pollution maritime. Ceci allant de pair avec les contrôles effectués à bord des navires pour suivre "l'évolution" des résidus et surtout leur élimination.
       Si, alors que tous les moyens sont mis à disposition, en tous lieux, pour éliminer et en finir avec les rejets en mer et que malgré tout, des navires sont soupçonnés et/ou pris en flagrant délit de rejet en mer de résidus, je pense alors et seulement alors, que la loi devra être appliquée et les contrevenants sanctionnés car dans ce cas inexcusables!
Cdt Daniel MARREC
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