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L'écrivain et la pollution des océans
Lettre au rédacteur en chef du Figaro Magazine




       Monsieur le Rédacteur en chef,

       L'Association Française des Capitaines de Navires souhaite bénéficier du droit de réponse à l'article de M. Yann QUEFFELEC sur la pollution des océans, publié dans votre édition du 12 avril.

       Ce n'est pas une réputation d'écrivain, non usurpée, qui justifie la publication d'un tel ramassis d'erreurs. Un lecteur, peu familier avec la mer, est instinctivement porté à croire ce que le porteur d'un patronyme breton écrit, ne serait-ce qu'en raison des marées noires à répétition sur les côtes de Bretagne.

       Il nous paraît donc indispensable de faire connaître la réalité sur plusieurs termes de l'article:

       Suicidé signifie destruction volontaire. Quel capitaine pourrait commettre cela ? Ce n'était assurément pas le cas pour l'Erika. Il eut mieux valu parler de navire abandonné ou délaissé par ses armateurs plutôt que sous-entendre par les marins embarqués à bord. Mais il est tellement plus poétique de parler d'un «navire suicidé».

       Qui ment, qui promet, lors des marées noires ? Les règles de construction des navires sont définies par une agence spécialisée de l'O.N.U., l'Organisation Maritime Internationale, qui ne promet rien, mais établit, sur la base du consensus, des règles communes pour les 167 Etats Membres. C'est donc par définition un ensemble de règles à minima, dont il ne faut pas attendre des miracles, mais le moyen d'éviter la réédition des erreurs les plus graves. Quant aux châtiments, ils sont infligés sans tenir compte de la réalité de la personne incriminée. Trop souvent c'est une société écran ne possédant que le navire coupable enregistré sous un pavillon sans contrôles réels, un capitaine d'un pays en voie de développement, dont le salaire de plusieurs vies ne suffirait pas à couvrir l'amende. Cela ôte toute crédibilité aux sanctions.

       Les dégazeurs sauvages, responsables à 95% de la pollution des océans. Comment un écrivain peut-il utiliser un tel néologisme ? Le rejet de gaz ne pollue que l'atmosphère. C'est un rejet illicite ou accidentel de liquide qui peut polluer l'océan ! Quant à l'origine de la pollution par le pétrole, les statistiques établies pour la commission de l'environnement de l'Union Européenne montrent que la pollution de la mer par les produits pétroliers est à 13% d'origine nautique (marées noires incluses !). Le reste provient des fleuves et de l'atmosphère. Dans les 87% ne provenant pas de la mer, figurent les rejets des raffineries mal entretenues, comme l'accident de Donges vient de le montrer.

       Repousser un navire en difficulté vers le grand large n'a jamais été un remède efficace contre les pollutions (voir le cas du Prestige). C'est au contraire le meilleur moyen pour disperser une marée noire sur une immense longueur de côte, et de rendre très ardue la récupération des produits polluants restés dans l'épave.

       Une consultation attentive du site Internet de l'Association Française des Capitaines de Navires (www.afcan.org) permettrait d'éviter le colportage d'un certain nombre d'énormités sur la pollution des mers et des océans par les hydrocarbures.

  Cdt Hubert ARDILLON, Président de l'AFCAN,
Le bureau de l'AFCAN
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