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Texte présenté par l'Afcan à l'Assemblée Nationale le 25 mars 2003
à l'audition de la commission d'enquête parlementaire


ERIKA 1 et 2
SECURITE MARITIME


L'application des mesures préconisées en matière de sécurité du transport maritime des produits dangereux ou polluants et évaluation de leur efficacité :

Nous pensons sincèrement que des mesures franco-françaises ne servent à rien, que toute mesure doit être internationale, que la France doit être un moteur pour entraîner et convaincre les Européens puis l' OMI d'instaurer des mesures applicables pour améliorer la sécurité maritime. La question précédente peut donc se résumer à :

Les mesures ERIKA 1 et 2 ont-elles montré leur efficacité ?
  • Calendrier de retrait des pétroliers:

  • Plus tôt on renouvellera la flotte mondiale des navires, mieux cela sera pour les marins et la sécurité maritime en général.
    Des effets pervers existent néanmoins: on ne construit presque plus de navires en Europe et les constructions neuves se situent surtout en ASIE dont principalement jusqu'à ce jour la Corée et maintenant la CHINE. Elles ont des qualités financières mais de gros défauts…. «on en a pour son argent !».
    De plus le calendrier ne tenant pas compte de la qualité de construction et de l'entretien, il est naturel que les armateurs ne se préoccupent plus de l'entretien quelques années avant la date «couperet» !
    On n'a parlé que des pétroliers. Ceci est bien trop restrictif car la flotte de transport de gaz, de chimiquiers, de porte conteneurs peut présenter des risques extrêmement importants.

    Nous constatons que les autorités sont obnubilées par le transport du fuel N°2. Nous tenons à faire remarquer que les soutes habituelles des navires sont du fuel N°2. Donc tous les navires sont dangereux et les demandes d'informations ou restrictions doivent s'adresser à tous les navires.

  • Renforcer le contrôle sur les navires en fonction de leur âge:
  • Nous avions émis l'idée à l'époque d'obliger à une visite contradictoire entre 2 sociétés de classification lors des visites statutaires des navires à partir d'un certain âge.
    La révision des périodes de passages des navires en cale sèche doit être approfondie, il faut aussi tenir compte des antécédents maritimes du navire par exemple passage dans ou près d'un cyclone, usage commercial tel que stockage flottant pour les navires citernes et/ou temps passé «à la chaîne».

  • Imposer aux navires d'envoyer une série d'informations avant d'entrer dans les ports pour que les inspections soient préparées efficacement:
  • Oui, mais attention à l'excès de paperasserie !
    De quelles inspections s'agit-il ?
    Si ce sont les inspections prévues par les sociétés de classification, le programme est établi.
    Que les navires s'annoncent avant l'arrivée après avoir fait une série de contrôles à bord comme cela se fait avant d'entrer aux États Unis et les procédures des Gardes Côtes US …nous sommes tout à fait favorables pourvu que les procédures soient semblables …, et que nous ayons enfin une garde côte Européenne dotée de gens expérimentés et véritables professionnels du maritime.

  • Contrôle des sociétés de classification :
  • Bien sûr, et nous pensons que la toute nouvelle Agence Européenne de Sécurité Maritime (AESM) est là pour s'occuper rapidement de ce problème, mais aura-t-elle à sa disposition les éléments humains appropriés ?

  • Remplacement des pétroliers double coque par des simple coque …. :
  • Nous avons déjà longuement débattu de nos craintes à propos des « double coque » et de leur efficacité réduite lors du vieillissement … et nous verrons sans doute apparaître un calendrier de retrait dans quelques années. Les prochaines enquêtes du B.E.A. seront à propos d'événements mettant en cause les «double coques».

  • Accroître la transparence et l'information dans les domaines de la sécurité maritime, améliorer la surveillance de la navigation maritime, en particulier dans les zones fréquentées… :
  • Il est vrai que l'accident du «TRICOLOR» et la série de navires qui ont abordé l'épave malgré les mesures importantes d'information est grave.
    Une réflexion et une étude de comportement à bord des navires devrait être créée, car un phénomène est apparu : lassitude ? trop d'informations et de contraintes ? incompétences des équipages ?
    Le facteur humain est le plus important et a beaucoup trop été écarté.
    Aucune convention aussi élaborée qu'elle soit ne remplacera un bon équipage doté d'un bon sens marin.

    Nous suggérons que le pilotage hauturier dans le PAS de CALAIS et en Mer du Nord soit rendu obligatoire ou tout au moins vivement recommandé pour tous les navires transportant des matières dangereuses ou polluantes, pour aider les capitaines ayant peu l'expérience de ces zones.

    Les mesures prises par notre gouvernement d'éloigner des navires âgés à plus de 200 miles des côtes parce qu'ils transportent des produits polluants nous semblent inutiles et relevant de l'effet de manche, car on sait que souvent ces navires ont passé le Pas de Calais dans les eaux Britanniques et donc à moins de 10 milles de nos côtes. Ces mesures sont injustes pour les armateurs qui ont de bons navires avec des bons équipages.
    De plus ces navires passeront probablement par le détroit de GIBRALTAR.

  • Étudier l'impact de l'élargissement de l'Union Européennes du point de vue de la sécurité maritime:

  • Créer une zone économique Européenne en mer, une limite Européenne de contrôle, définir des eaux territoriales Européennes …puis création d'une garde côte etc.…
    La sécurité maritime doit être supra-nationale, une délégation du pouvoir de décision par des cheminements administratifs tels que État / région (genre Espagne / GALLICE) est dangereuse.

  • Envisager la mise en place d'une structure européenne chargée de la sécurité maritime dont la tâche première serait de contrôler l'organisation et l'efficacité des contrôles nationaux… :

  • Nous avons l'AESM, il faut lui donner de grands moyens (dont celui de se doter d'hommes expérimentés en matière de navires et d'équipages), des responsabilités et des pouvoirs.

  • Responsabiliser les différents acteurs du transport maritime du pétrole, régimes collectifs d'indemnisation:
  • Pourquoi ne parle-t-on que de pétrole ? les autres transporteurs peuvent aussi grandement polluer ou être dangereux. Les accidents entre navires existent.

Inspecteurs sécurité:

Manque d'inspecteurs du M.O.U. en France: il y aurait 77 inspecteurs actuellement et c'est erroné car il ne faut pas confondre inspecteur habilités en matière de M.O.U. et inspecteurs contrôleurs.
Que veut dire ce chiffre?
Pourtant dans certains ports il n'y aurait qu'un seul inspecteur autorisé à signer un certificat d'inspection M.O.U.! Certes quelques officiers retraités marine marchande volontaires ont été contactés pour œuvrer comme vacataire mais, à notre connaissance, aucun n'a encore été appelé à exercer sur un navire une mission d'inspection et nous pensons qu'ils ne sont pas spécialement les bienvenus.

De toute façon il n'y a aucun budget de débloqué pour ce faire. Les inspecteurs dans les centres de sécurité ne peuvent exercer, car dans certains centres il y a un manque de moyens invraisemblable. Par exemple il n'y a pas de véhicule ou un véhicule pour 10 membres officiellement dénombrés du centre !

N'imaginons surtout pas que les inspections M.O.U. pourront détecter des anomalies de structure, ce n'est pas leur métier. Les inspecteurs n'ont ni le temps, ni les moyens.
Pour améliorer les résultats il serait bon d'avoir des inspecteurs spécialisés: navires passagers, navires de plaisance, navires de pêche, navires de charge.

Nous pensons que les inspecteurs de sécurité devraient avoir le pouvoir et le devoir de dresser procès verbal et d'infliger des amendes lourdes aux navires qui ne peuvent prouver une pratique loyale de la gestion des détritus tant de consommation humaine que des combustibles. Des règles simples de contrôle de la gestion des déchets de combustible de propulsion existent, les moyens juridiques et administratifs ne sont pas mis en œuvre. Les inspecteurs se refusent à en demander les moyens d'application car ce n'est pas dans «leur culture».

Nous parlons évidemment de lutter contre ce que certains appellent «dégazage» ou «déballastage», ce qui est un contresens , l'expression «rejets illicites des résidus d'hydrocarbures» étant plus appropriée.

Société de classification:

Nous avons demandé à nos collègues leur point de vue sur la qualité des S.C., si il y avait progrès depuis ERIKA ?:
Pas d'évolution notoire, il y a des inspecteurs de qualité et l'inverse dans toutes les sociétés importantes que nous avons été amenés à fréquenter.
C'est vraiment le rôle de l'AESM de contrôler les pratiques des S.C.

Structures des navires et leur contrôle :

Les accidents qui sont à l'origine de graves pollutions ont fait apparaître le problème des défaillances de structures et on a naturellement entrepris une quantité de mesures pour y remédier: calendrier de retrait, inspections etc.. certaines directives vont contre la sécurité.
Exemple :
Des directives interdisent les «ballastages/déballastages» lors des opérations commerciales et font subir des contraintes intolérables à la structure du navire.
Le renouvellement des eaux de ballast en cours de traversée va aussi dans le sens de l'insécurité du navire et des équipages.
Les accès aux navires dans certains ports ou terminaux sont tellement sujets aux risques que l'on a les plus grands problèmes pour débarquer un malade sur une civière… !

Nous avions suggéré une généralisation des jauges de contrainte sur les navires : pour informer le capitaine des limites à ne pas dépasser, mais aussi pour informer l'armateur et la société de classification. Nous avions suggéré aussi de détarer les «calculateurs de chargement» au fur et à mesure du vieillissement du navire afin que les efforts sur la structure soient moins forts sur un navire fatigué.

Problèmes humains – facteur humain:

Nombreux sont les accidents dus à l'absence de veille, ce qui est un comble car c'est la règle de sécurité primordiale.
Il y a beaucoup trop de navires avec pas assez de monde à bord …mais comme il n'y a pas d'inspecteur du travail, ces navires circulent en toute liberté.

Les certificats - décisions d'effectifs dans de nombreux pays Européens (Irlande, Pays-Bas, Pays scandinaves) sont acceptés par leur administration, alors que manifestement il est impossible de respecter les conventions STCW95 ou Convention de l'O.I.T. N°180 sur les heures de travail maximum admissible ou sur les heures de repos.
Nous nous interrogeons sur l'usage qui va être fait en ce sens depuis la parution au journal officiel N°25 du 30 janvier 2003, page 1889 d'un arrêté (13 décembre 2002) portant modification de la division 150 (relative à la sécurité des navires: plus précisément le 150 a 01 article évoquant la convention 180 de l'O.I.T. et le protocole de la convention 147.

Remarquons que la convention OIT 180 n'est pas ratifiée par la France mais l'est par Malte!
Exemples:
Il est courant de voir des caboteurs avec 5 personnes à bord, 2 officiers de quart qui font 12 heures par jour, le capitaine assurant en plus du quart, la radio et la surveillance de la machine.
La plupart des caboteurs en Europe circulent avec un équipage de 7 personnes et outre le fait que les 2 officiers (Cdt. et second) fassent 12 heures de quart par jour, il est impossible que le quart de nuit soit assuré par un officier et un veilleur.

Il est inacceptable que des décisions d'effectifs officialisent une organisation du quart incluant le capitaine. Le capitaine doit être détaché de cette organisation du quart (voir STCW 95).
Les limitations des horaires de travail telles que prévues par la convention OIT doivent être respectées.

Il serait souhaitable que la France soit à l'origine d'une initiative dans cet esprit pour faire respecter ces conventions au sein de l'Europe.

Le sénateur H. de RICHEMONT est chargé de faire un rapport sur le cabotage et il ne nous contredirait pas lorsque nous affirmons que le cabotage est impossible en France du fait que nous respectons ces conventions et nous nous plaçons hors concurrence.

Autre phénomène humain:

De nombreux navires circulant en Europe, dans l'espace SHENGEN, ne peuvent assurer la relève de leur équipage (sauf à Rotterdam et encore !). Pour embarquer et donc passer la frontière, les membres d'équipage doivent posséder un visa SHENGEN mais les pays exigent un visa propre à chacun et demandent 15 jours pour l'établir …donc, les entrants sont refoulés.
Par conséquence, à bord, les membres d'équipage qui sont arrivés au terme de leur embarquement (contrat) ….souvent bien dépassé : fatigués, las par une navigation éreintante et sans joie ne peuvent débarquer ou seulement en situation de maladie et ne peuvent être remplacés. …l'équipage se réduit dramatiquement.
L'OMI travaille sur une carte d'identité pour les marins mais la solution n'apparaît pas vraiment.

Autre exemple de l'oubli systématique du facteur humain :

EQUASIS dont nous saluons l'intérêt, s'étoffe et va insérer outre le nom de l'armateur, celui de l'opérateur, de la société de classification, peut être de l'affréteur ….mais pourquoi pas du «manning operator» (marchand d'hommes) ?

Utilisation de la boite noire :
La boite noire commence à faire son apparition sur les ferries en construction. Un programme d'installation est désormais prévu selon certains critères de type de navire et d'âge.
Un certain nombre de paramètres y sont intégrés mais comme par hasard le "facteur humain" n'y est pas obligatoire: nous pensons bien sûr à quelques paramètres qui nous paraissent importants:
  • qui est de quart (une personne seule ou deux)?
  • l'alarme homme mort est-elle enclenchée?
Bizarre ! les administrations sont sourdes à nos demandes.

Notre justice en France :
Il serait souhaitable que les affaires nautiques qui doivent être présentées à la justice passent entre les mains de juges d'instruction et de juges comprenant quelque chose au maritime, à son fonctionnement.
Que cesse cette impression que la justice est à la «remorque» des médias avec tous les excès que cela comporte: utilisation de poncifs démagogiques : bateaux «poubelle»; dégazages «sauvages»; armateurs = argent = malhonnêteté, etc.…

Nous constatons que le capitaine est toujours le bouc émissaire alors que bien souvent il n'est qu'un maillon avec bien peu de pouvoir.
Le jeter en prison donne la possibilité de montrer aux médias que la justice fait quelque chose et surtout permet de cautionner très lourdement sa sortie de prison. Des sommes invraisemblables en regard des salaires de capitaines sont exigées pour les amendes.

Une garde côte Européenne :
Cela fait 25 ans que nous militons pour cette création.
Nous avons subi énormément de sarcasmes, maintenant nous constatons que beaucoup d'élus veulent bien réfléchir à la faisabilité d'une telle création.
Nous pensons qu'elle ne doit pas être créée en FRANCE mais directement par l'EUROPE.
En FRANCE, beaucoup trop de structures sont partie prenantes : Marine Nationale, Douane, Gendarmerie, Pompiers, S.N.S.M., Affaires Maritimes…….
Il sera certainement impossible de créer une unité de vue au sein de ces structures.

Seule l'EUROPE pourra réunir toutes les compétences. Ce sera difficile car il sera très compliqué de réaliser une unité de vue au Nord et au Sud de l'EUROPE. La France a souvent montré des idées novatrices et originales qui ont été réalisées, là encore nous devons être moteur.

La Marine Nationale, certes, a montré des qualités d'organisation lors des pollutions qui ont frappé nos côtes, mais nous avons bien vu que la réunion de spécialistes et de moyens n' a pu être possible qu'avec nos voisins.
A chacun son métier.

Nous avons aussi enfin compris qu'une pollution, qu'un accident ne se borne pas à un seul pays et que nous devons être solidaires.

La sécurité maritime ne doit pas faire les frais d'un manque de coordination ou d'une dilution du pouvoir de décision.

Lieux de refuge :
Nous pensons que leur désignation devrait être prise au niveau de l'AESM qui comprendrait en son sein une cellule de crise réunissant des personnalités expérimentées chacune dans son domaine.
Il y a assez d'événements maritimes pour qu'une cellule de crise soit «armée» en permanence et assez de personnes compétentes en Europe pour la composer.

Sans ce pouvoir de décision supérieur ..voir supra national… les ports, les autorités locales et les populations ne peuvent accepter le navire en difficulté sans rechigner.
Cela suppose aussi que les zones ou ports concernés soient assurés d'être intégralement remboursés et indemnisés par l'Europe sans procès longs et fastidieux.
Cela suppose que l'AESM dispose de la base de données des moyens (humains, manutention, nautiques, protection de l'environnement, moyens de transfert, risques météo etc.…) dont disposent tous les lieux et ports susceptibles d'être utilisés comme refuges. Des moyens adaptés acheminables très rapidement.

Pavillons de complaisance:
Il faut trouver le moyen de responsabiliser le pays qui affiche son pavillon sur le navire:
  • prise en charge des équipages abandonnés,
  • mise en cause des administrations du pavillon en cas d'effectifs insuffisants et de mauvais état des navires.


Il faut recréer l'unité ou au moins un lien fort entre:
  • pavillon du navire,
  • nationalité de l'armateur,
  • nationalité de l'équipage.
pour des raisons de cohérence de langage et de culture qui sont des éléments déterminants de la sécurité. La diplomatie peut aussi se mettre au service de la sécurité et/ou venir au secours des marins abandonnés ou des habitants côtiers pollués.
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