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Le service d'information de trafic maritime
dans les détroits Turcs (TSVTS)



Répondant à l'aimable invitation de son Directeur, nous publions le compte rendu de la visite effectuée par un membre de l'Afcan au VTS du détroit d'Istanbul.


 


Un peu d'histoire

      Dès la plus haute antiquité, les détroits des Dardanelles et du Bosphore ont été une voie commerciale de première importance, et leur contrôle l'objet de sévères conflits, de la guerre de Troie jusqu'au débarquement des Dardanelles lors de la première guerre mondiale. Plusieurs traités ont jalonné cette histoire, correspondant aux intérêts de la puissance dominante du moment, jusqu'à celui de Montreux signé en 1936 par, la Bulgarie, la Grèce, le Japon, la France, la Roumanie, le Royaume Uni, la Turquie et les défuntes URSS, et Yougoslavie.

      Cette Convention établit les règles de passage des navires de guerre, soumis à une déclaration préalable et un certain nombre de restrictions, et stipule, en son article 1er que les parties signataires "reconnaissent et affirment le principe de la liberté de passage et de navigation dans les détroits" et en son article 2 que "en temps de paix, le navires de commerce de tous les pays ont la liberté complète de navigation dans les détroits, de jour et de nuit, et que le pilotage et le remorquage restent facultatifs"

      S'ajoutent à la Convention de Montreux les règlements maritimes Turcs de 1994/1998, et les règles et recommandations de l'OMI qui conseillent expressément l'embarquement d'un pilote, et pour les grands navires, l'utilisation d'un remorqueur d'escorte. Cet article 2 ne concerne toutefois que les navires de commerce effectuant un transit sans escale ou mouillage. Pour les navires à destination d'un port ou d'un mouillage dans la zone des détroits, l'accès est soumis à la réglementation Turque, et le pilotage est donc obligatoire.


Caractéristiques nautiques des détroits Turcs

      Le passage de la Mer Noire à la Mer Egée s'effectue en 164 milles par le détroit d'Istanbul, par la mer de Marmara et par le détroit de Çanakkale. Les détroits sont très sinueux, souvent étroits, parcourus par des courants forts et complexes.







        Le détroit d'Istanbul est soumis à de forts vents de nord, de la pluie et des brouillards denses en particulier au printemps et en automne. Les conditions météorologiques peuvent changer si rapidement qu'un navire engainant le détroit par ciel nuageux peut se trouver soudainement dans un brouillard épais, avec visibilité nulle.

       Plusieurs courants combinent leurs effets dans les détroits :
Le courant de fond est dû à la différence de densité entre la mer Egée et la mer Noire. Le courant de surface est la conséquence de la différence de niveau entre ces deux mers, et peut atteindre 6 à 8 nœuds. Cela réduit d'autant la vitesse d'écoulement des filets d'eau sur le gouvernail pour un navire porté par le courant, et affecte sérieusement sa manœuvrabilité. S'ajoutent un contre-courant, des courants tourbillonnaires et le courant d'ORKOZ.
 

      Tout ceci explique pourquoi les autorités Turques et l'OMI recommandent particulièrement l'embarquement d'un pilote à bord d'un navire, même de taille moyenne, avec les résultats suivants :

DÉTROIT D'ISTANBUL
année Total
passages
passages
avec pilote
%
1995 46954   17772   37,8  
1996 49952   20317   40,6  
1997 50942   19752   38,7  
1998 49304   18881   38,3  
1999 47906   18424   38,4  
2000 48078   19209   39,9  
2001 42637   17767   41,6  
2002 47283   19905   42,1  
2003 46939   21175   45,1  
2004 54564   22318   40,9  
2005 54794   24449   45,0  
2006 (9 mois) 40988   19913   49,0  
 
DÉTROIT DE ÇANAKKALE
année Total
passages
passages
avec pilote
%
1995 35459   8292   23,4  
1996 36198   10307   28,4  
1997 36543   11047   30,2  
1998 38777   11448   29,5  
1999 40582   10002   24,6  
2000 41561   11130   26,7  
2001 39249   10703   27,3  
2002 42669   12164   28,5  
2003 42648   13020   20,5  
2004 48021   14404   29,7  
2005 49077   15661   32,0  
2006 (9 mois) 36609   12605   34,4  


Le trafic maritime dans les détroits Turcs


Pour la période 1994-2002, en moyenne 132 navires ont franchi chaque jour les détroits Turcs soit près de 6 par heure.


Nombre annuel de navires transitant par les détroits :

     Si l'on tient compte du trafic local, il faut ajouter environ 2000 traversées par jour (près de 85 traversées par heure), ce qui permet de considérer qu'en permanence, une centaine de bâtiments de toutes tailles fréquentent simultanément les détroits. Autre élément de comparaison, le trafic annuel des grands canaux maritimes pour la période 1999-2000:

passage Transits annuels
Canal de Panama
Canal de Suez
Canal de Kiel
Détroit D'Istanbul
Détroit de Malacca
12 755    
13 552    
23 945    
48 000    
100 000    

Tonnage annuel de matières dangereuses transitant dans les détroits :

       Les détroits Turcs sont le seul passage maritime entre la mer Noire et la Méditerranée. Le développement récent de l'exploitation du pétrole et du gaz naturel dans les pays voisins de la mer Caspienne a transformé les détroits en un nœud énergétique de première importance.

  nombre moyen par jour
de  navires  citernes
franchissant les détroits

année détroit
Istanbul
détroit
Çanakkale
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
12
12
14
16
17
18
20
23
26
28
16
17
18
20
21
19
21
22
25
24



Accidents dans les détroits Turcs

 
Nombre d'accidents
année détroit
d'Istanbul
détroit de
Çanakkale
1995 4   12  
1996 7   10  
1997 11   5  
1998 20   7  
1999 9   7  
2000 9   8  
2001 20   9  
2002 13   9  
2003 13   4  
2004 26   4  
2005 42   20  
         L'instauration d'un dispositif de séparation du trafic en 1994, puis la mise en service d'un service d'information du trafic en 2004 ont fortement influencé l'occurrence des accidents. Mais l'augmentation de la densité du trafic, l'augmentation de la taille des navires, et la diminution de la qualification des équipages ont masqué une partie des effets bénéfiques des moyens mis en œuvre pour améliorer la sécurité de la navigation dans les détroits.

       Les 608 accidents survenus dans le Bosphore dans la période 1982-2003 ont été causés par :
  • Facteurs humains :
  • Mauvais temps :
  • Pannes :
  • Courants violents:
  • Incendie :
  • Sabotage :
  • Conditions topographiques :
  • Autres :
  22,5%
14,0%
12,2%
4,8%
11,3%
1,2%
0,3%
0,7%
       Si l'on tient compte des 246 cas pour lesquels les raisons demeurent inconnues, et sans tenir compte des évènements matériels tels que l'incendie ou le sabotage, environ 84% de tous les accidents de la période 1982-2003 peuvent être attribués à l'erreur humaine.

Pour la même période, les accidents sont
  • collisions :
  • échouements :
  • incendies-explosions :
  • autres :
54,6%
27,6%
7,9%
4,6%
Enfin, au cours de cette même période 1982-2003, sur les 608 accidents survenus, 564 navires n'avaient pas de pilote à bord (92,8%), et 44 avaient un pilote à bord (7,2%)


Le service d'information maritime des navires dans les détroits Turcs

Gestation :

       L'idée d'un VTS pour les détroits Turcs a pris naissance dans les années 1980, à l'initiative des pilotes Turcs. Comme presque partout ailleurs, les pilotes et les stations de pilotage avaient l'habitude d'assumer nombre des fonctions incombant à un VTS. Mais cela pouvait difficilement être efficace à cette époque, en raison de l'absence d'équipements modernes, et du faible recours aux services du pilotage dans les détroits du Bosphore et des Dardanelles.

       L'accident du NASSIA le 13 mars 1994 est à l'origine, la même année, de l'instauration en urgence des règles des détroits Turcs et du dispositif de séparation de trafic (DST). Ce dispositif a été approuvé par l'O.M.I. en mai 1994, ainsi que les "Règles et Recommandations" reconnaissant aux autorités Turques le droit de suspendre le trafic dans un sens ou dans les deux pour assurer le transit des grands navires en toute sécurité.

       Si le nombre d'accidents s'est fortement réduit, le nombre de navires attendant aux entrées s'est nettement augmenté, amenant des pays riverains de la mer Noire et de la Méditerranée à protester en 1997 auprès de l'O.M.I. En 1999, l'O.M.I constatait que les règles édictées pour le franchissement des détroits avaient amélioré la sécurité du passage, et recommandait l'installation d'un VTS moderne. Le constructeur du système VTS était retenu en octobre 1999, et le 30 décembre 2003, le VTS était mis en service.

       Mais il reste toutefois un certain nombre de contraintes pour le VTS dans des eaux aussi resserrées. La largeur des voies de navigation se réduit parfois à moins de 100m en certains endroits. En cas d'incident, il suffit de quelques secondes pour qu'un navire quitte la voie du DST, et que cela se traduise par un abordage, un échouement, ou une mise à la côte. L'opérateur du VTS doit informer le navire de l'anomalie de sa trajectoire, tout en évitant de le noyer sous un excès de données de nature à saturer sa capacité de réaction.

Organisation :

         Le VTS des détroits Turcs (TSVTS) relève du Ministère des Transports, et est placé sous l'autorité du Directeur général de l'administration de la sécurité côtière et du sauvetage. En plus de la sécurité de la navigation, le TSVTS applique les plans d'urgence et de secours, et coordonne tous les moyens à mettre en œuvre conformément à ces plans (remorquage, lutte incendie, antipollution, S.A.R., assistance médicale). Mais son domaine de responsabilité est limité par "le fait que la décision ultime relative à la sécurité de la navigation est prise par le Capitaine, et que toute information, tout avertissement, toute instruction ou recommandation données par le VTS ne modifie en aucun cas la responsabilité de commandement, la compétence et le savoir du Capitaine". Tous les opérateurs du VTS sont des Capitaines ayant au moins deux années d'expérience du commandement, et ont reçu une formation spécifique conforme aux normes de l'IALA.

       Le TSVTS est composé du VTS d'Istanbul (55Nm), et du VTS de Çanakkale (78Nm). Le DST de la mer de Marmara (71 Nm) est en cours d'équipement, et sera intégré au TSVTS fin 2007.


 


  • La zone VTS de Çanakkale est divisée en 3 secteurs contrôlés chacun par un opérateur.
  • La zone VTS d'Istanbul est divisée en 4 secteurs, contrôlés chacun par un opérateur.
Si nécessaire, chaque opérateur peut intervenir au delà de son secteur.

 


         Les informations indispensables sur la situation sont obtenues à partir de 8 tours pour le détroit d'Istanbul et 5 tours pour le détroit de Çanakkale. Chaque tour est équipée d'un radar bande X et d'une camera de télévision télécommandée depuis le centre VTS correspondant. Trois tours dans chaque détroit sont pourvues d'un émetteur-récepteur VHF. Six station AIS jalonnent les détroits, et la station de pilotage des détroits dispose de 50 transpondeurs AIS, permettant aux pilotes d'obtenir une image complète du trafic à bord des navires en transit.

       Les VTS disposent en plus de capteurs doppler pour les courants, de capteurs de température et de salinité, de stations météo automatiques, de stations de référence DGPS, de goniomètres VHF, et de moyens de communication et d'enregistrement appropriés (VHF, HF, MF, INMARSAT C).

Le TSVTS assure trois services différents :
  • Le service d'information de trafic maritime qui donne les positions relatives des navires, les prévisions de mouvements, les avis aux navigateurs, les bulletins météorologiques, et toute autre information estimée utile par l'opérateur VTS.
  • L'assistance à la navigation pour les navires confrontés à des pannes d'appareils de navigation ou à du mauvais temps.
  • Le service d'organisation du trafic, qui donne les informations opérationnelles aux navires avant leur arrivée dans les détroits, conformément aux règlements sur le trafic maritime dans les détroits Turcs.
 


Extraits des procédures pour le transit à travers les détroits Turcs

Règles générales :

  • Transmission au TSVTS des messages SP 1 et SP 2, conformément au système de compte-rendu des Détroits Turcs (TUBRAP).


  • Les messages de passage aux points de compte-rendu devront être transmis par les navires à l'entrée et à la sortie de la zone du TSVTS et lors du changement de secteur.


  • La fréquence de la zone TSVTS devra être veillée en permanence pendant le transit ou pendant le mouillage à l'intérieur de la zone du TSVTS.


  • Le TSVTS devra être tenu informé de chaque changement de secteur TSVTS.


  • Pour la sécurité de navigation et la protection de l'environnement, les navires transitant dans les Détroits turcs devront veiller en permanence les fréquences du TSVTS.
 
  • Les capitaines des navires pratiquant les Détroits turcs doivent signaler au TSVTS tous les accidents de navigation observés.


  • les navires transitant dans le DST de la Mer Marmara doivent informer le TSVTS en cas de sortie du DST, amarrage à une bouée, prise de mouillage, demi-tour, situation d'urgence ou exceptionnelle, et tout retard de plus de 2 heures sur leur horaire prévu.


  • Les navires qui transitent sans escale dans les détroits Turcs doivent, en route ou au mouillage, montrer de jour le pavillon " T " et la nuit un feu vert visible sur tout l'horizon.


  • Toutes les communications relatives au pilotage doivent être effectuées sur le canal VHF 71.

Cdt F.X. Pizon

sources :
- Turkish Marine Research Foundation publication 25
- Turkish Straits Vessels Traffic Service

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