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FUELS LOURDS / SOUTES - QUELQUES COMPLEMENTS D'INFORMATION
par le Commandant L. Bekourian
Je ne veux pas faire de longs développements sur la qualité des fuels soutes devant des collègues
déjà avertis.
Je rappellerai que l'évolution actuelle découle de la course aux rendements entre Turbine à vapeur
et Diesel, course gagnée par ce dernier.
Le Diesel a su s'adapter pour consommer le résidu de la distillation du pétrole qui était le
combustible normal utilisé pour générer la vapeur. Comme son rendement était très largement supérieur et qu'il a pu aussi accéder aux
très fortes puissances unitaires, la victoire était sans appel dès les années 1990.
Entre temps, carburants et combustibles issus du pétrole et utilisés soit pour les transports soit
dans les industries et installations terrestres, se voyaient imposer des contraintes de plus en plus sévères découlant de la santé et de
la protection de l'environnement. L'industrie pétrolière devait adapter ses installations pour produire plus propre avec des
spécifications de plus en plus draconiennes. Cette lourde réglementation incitait d'autres industriels à se tourner vers d'autres
sources: gaz, électricité.
Malgré quelques spécifications très larges, le secteur des soutes marines demeurait pour les
fournisseurs une sorte de soupape pour écouler ce qui ne pouvait pas ou ne pouvait plus aller ailleurs. Comme je l'ai déjà dit, c'était
une variable d'ajustement pour la partie du raffinage qui traitait les fractions lourdes du baril.
Pour avoir un panorama complet il faudrait insister sur quelques opérations qui restent marginales
au niveau du négoce et de la distribution des soutes. Des opérateurs indélicats y ajoutaient parfois des huiles usagées collectées ou
d'autres résidus similaires créant de gros risques techniques pour les utilisateurs à cause des particules métalliques et des divers
additifs ajoutés pour doper et eux-mêmes pollués.
Pour illustrer ces propos voici un aspect très succinct de notre demande nationale et de la
structure de nos installations.
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1973 |
1990 |
2002 |
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En 1973, 50% des usines étaient équipées de cracking catalytique. En 2002,
les 12 usines en sont toutes équipées. Par ailleurs, 8 sont équipées de viscoréduction et toutes ont de fortes
capacités de désulfuration. Celles-ci s'étendent de plus en plus vers des fractions lourdes quand elles vont
vers des unités de conversion.
La situation est équilibrée en Essences (malgré un déficit en GPL et en
bases chimie):
Elle est fortement déséquilibrée en gazoles avec près de 15 MT d'imports (25% des besoins).
Elle est aussi déséquilibrée en Fuels lourds dont nous exportons de grandes quantités.
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Besoins (en %) |
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Essences, GPL |
21 |
39 |
30 |
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Kerosene/GO/FOD |
39 |
44 |
60 |
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Fuels et bitumes |
40 |
17 |
10 |
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(dont soutes marine) |
4 |
6 |
5 |
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Rappelons que le pétrole brut est un mélange de nombreux hydrocarbures des plus légers aux plus
lourds avec des impuretés dont le plus important et le plus gênant est le soufre (de 0,5 à 3%). Ce soufre se retrouve dans toutes les
coupes avec des concentrations de plus en plus fortes dans les coupes lourdes. Citons aussi la présence, chiffrée en ppm, de métaux
lourds (nickel, vanadium, etc..) que l'on retrouve dans les fractions les plus lourdes.
Enfin, lors des diverses conversions, l'usage de catalyseurs entraîne l'introduction de poussières
de ces produits ajoutant (toujours en ppm) d'autres impuretés qui peuvent endommager moteurs et appareils. De l'eau et diverses
impuretés viennent s'ajouter aussi lors des transferts. C'est ce produit qui est repris des soutes pour être traité par le navire afin
d'être injectable dans les cylindres au terme d'un traitement décrit dans un récent bulletin de l'AFCAN. Les résidus produits devant
être incinérés ou débarqués.
QUELQUES IDEES SUR LA PARTIE DU RAFFINAGE QUI GENERE LES FUELS
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J'ai essayé d'en résumer l'évolution dans l'annexe ci-contre.
Jusqu'en 1973, le bas prix du brut avait conduit à remplacer le charbon par le fuel lourd qui en
plus assurait le développement des industries de base en matière d'énergie. On en était au point 1 de l'annexe.
Les chocs pétroliers et les questions d'environnement ont conduit au transfert des principaux
besoins de fuels vers le gaz et l'électricité et la demande de lourds a chuté alors que la demande de légers s'accentuait. Le point 2
de l'annexe correspond a ce développement à l'aide d'une multiplication d'unités de conversion entraînant la fermeture des usines
simples ou mal placées (en général non côtières).
La pression des prix et de l'environnement se faisant encore plus forte, il a fallu aller plus
loin dans la conversion qui est schématisée dans le point 3 de l'annexe.
Le point 4 est la destruction complète du fuel lourd obtenue par un recours massif à l'hydrogène
qui demeure encore exceptionnel.
En France les 12 raffineries existantes sont toutes au moins du type 2. De plus 8 d'entre elles
sont du type 3, 2 autres sautent le type 3 pour aller vers le type 4 et 1 raffinerie est du type 4. En Europe, les grands centres de
raffinage sont tous au niveau 3 ou 4.
Dernier facteur venant interférer sur leur exploitation: l'imbrication des opérations de la chimie
des grands intermédiaires sur le raffinage pétrolier. A titre d'exemple, le vapocraqueur qui est l'un des outils de base de cette
chimie. Il est souvent alimenté en Europe par de l'essence légère. Il fournit alors éthylène, propylène, etc., 15 à 18% de super et
quelques % de fuels lourds souvent très chargés en soufre; ces 2 produits retournant à la section pétrole de l'usine. Plus
l'alimentation est lourde plus ces retours sont importants.
Les États-Unis sont de gros exportateurs de coke de pétrole car beaucoup de leurs usines ont adopté
un profil voisin du type 3/b/ de 1'annexe.
Si on revient au point 2 de l'annexe on voit que les 15% de fuels qui sortent ne peuvent être vendus
comme soutes. On utilise donc une partie de gazoles lourds issus du craquage pour ajuster les caractéristiques du produit aux
spécifications ou aux termes des marchés. On introduit par cette voie de nouveaux risques car ce gazole contient souvent des fines de
catalyseurs (silice ou alumine).
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C'est avec ce recul qu'il faut lire les quelques spécifications qui encadrent les produits destinés
aux soutes marines internationales. On découvre alors qu'elles ont été écrites pour ne pas gêner le raffinage pétrolier.
En prenant quelques éléments de la spécification pour l'IF 380 on voit que: 5% de soufre n'est pas
gênant - 600 ppm de vanadium non plus tout comme les 80 ppm d'aluminium + silice (CIMAC). Pratiquement, par mélanges judicieux tous les
fonds peuvent être éliminés grâce au débouché soutes.
Un dernier regard sur la question des particules totales (en ppm). La plupart des résidus ne
dépassent pas la limite de 600 mais certains bruts sont très chargés et leurs résidus crèvent tous les plafonds. Ce sont les bruts
américains (surtout Venezuela): certains donnent des résidus dépassant 2000 ppm. Ils sont mélangés ou se vendent tels sur le marché avec
de forts rabais. Certains traders en profitent pour les mélanger à leur convenance et les écouler sur le marché normal des fuels
soutes.
A mon avis deux actions sont possibles. Peser sur le raffinage et la distribution des soutes pour
des produits générant moins de résidus aux traitements à bord. Faire entrer la notion de résidus ultimes dans la gestion des navires
pour qu'un accès (avec un coût) entre dans les coûts globaux du transport maritime. Tout port ne se conformant pas à ces normes de
gestion se verrait exclure du trafic (une sorte de liste rouge).
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