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Porte-conteneurs géants : big, bigger and biggest
C'est ainsi que le quotidien britannique Lloyd's List qualifie la course au gigantisme que se livrent les grands armements mondiaux.
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Jusqu'à présent le Marco Polo et son sister ship le Jules Verne de la compagnie CMA CGM, d'une longueur de 396 mètres et d'une capacité de 16 000 EVP, étaient les plus grands porte-conteneurs existants. La sortie annoncée au cours du second semestre de cette année de la classe « Triple-E » de la compagnie danoise Maersk, leader du marché conteneurisé, devrait voir arriver des mastodontes de près de 400 mètres de long et d'une capacité de 18 270 EVP. Cette nouvelle classification doit son nom aux normes de conception en termes d'Efficacité énergétique, d'Economie d'échelle et d'Environnement rendues obligatoires par l'OMI pour les navires neufs à partir de 2013, afin de réduire les émissions de GES (gaz à effet de serre). Ces PC seront de loin les plus longs et les plus larges navires dans le monde. Si la longueur des « Triple-E » dépassera d'à peine 3 mètres celle des « E-Class » de capacité de 14 500 EVP, leur largeur atteint 59 mètres contre 56 mètres pour ces derniers. Mais cela permettra d'ajouter une rangée de conteneurs de chaque bord (la largeur du Marco Polo n'atteint que 53,60 mètres !).
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L'armement Maersk a en effet été le premier à se lancer dans l'aventure du gigantisme en passant la commande, au début de 2011, aux chantiers coréens DSME (South Korea's Daewo Shipbuilding and Marine Engineering) de 20 porte-conteneurs de 18 270 EVP, au prix unitaire de 185 millions de dollars, les premiers Triple-E au monde. Le marché affichait alors des résultats exceptionnels après le redressement spectaculaire qui avait suivi l'effondrement de 2009. Cependant, très tôt, l'industrie maritime se trouva plongée dans une autre guerre des prix, et l'économie européenne étranglée par la crise et par la récession. Est-ce une erreur de « timing » de la part de Maersk d'avoir engagé 3,7 milliards de dollars dans ces énormes navires alors que les conditions de marché se détérioraient rapidement. Il est certain qu'aucun autre armement ne manifestait de l'enthousiasme à faire de même, Mediterranean Ship Co (MSC) et CMA CGM limitant leurs ambitions à 16 000 EVP, pour des raisons financières plutôt que pour des raisons stratégiques.
Depuis cette option, il semblerait que les transporteurs maritimes asiatiques aient tendance à augmenter le volume transporté par voyage plutôt que d'accroître la fréquence du nombre de navires de plus faible capacité. Ainsi le premier grand transporteur après Maersk à manifester de l'intérêt pour les 18 000 EVP se trouve être l'armateur émirati United Arab Shipping Co (UASC), basé au Koweït. Après des mois de négociations, UACS passe commande en août 2013 de 5 porte-conteneurs de cette taille auprès des chantiers coréens Hyundai Heavy Industries (HHI). Ces navires devraient être livrés en 2014-2015.
La même année, en mai, China Shipping, partenaire d'UASC dans la boucle Asie-Europe, avait conclu en mai un accord auprès des mêmes chantiers coréens pour la commande de 5 porte-conteneurs de 18 400 EVP, dont le premier devrait être livré au deuxième semestre 2014. De leur côté, les chantiers coréens DSME, constructeurs des Triple-E de Maersk, ont reçu en juillet et août une commande de deux fois 3 navires de même capacité. Les acheteurs, chinois, sont Bank of Communication Leasing et Minsheng Financial Leasing. Ces 6 porte-conteneurs seraient affrétés par MSC, qui sera bientôt le partenaire de Maersk et CMA CGM au sein de l'alliance phénoménale baptisée P3. Le taux journalier de l'affrètement est estimé entre 53 000 et 55 000 dollars.
Si ces transporteurs ont décidé d'imiter Maersk, leurs commandes ont néanmoins été négociées à un tarif beaucoup moins élevé que 185 millions de dollars par Triple-E. Ainsi China Shipping paiera aux chantiers HHI seulement 136,5 millions de dollars par navire soit 48,5 millions de moins que Maersk. Il est vrai que les futurs navires chinois auront un moteur principal et non pas deux, et 2 lignes d'arbre. Pour des raisons de différences de conception, l'armateur UASC paiera cependant aux mêmes chantiers environ 150 millions de dollars par navire. Les acheteurs chinois réussiront de leur côté à obtenir auprès des chantiers DSME un prix de 140,5 millions de dollars.
Dans son commentaire sur la course au gigantisme inaugurée par les grands transporteurs, le grand quotidien spécialiste du monde maritime qu'est le Lloyd's List observe que pour les armateurs, tous les navires sont des investissements à long terme, soumis aux cycles des marchés, gagnant de l'argent une année, le perdant l'année suivante. Les évènements récents prouvent que ces transporteurs ne réalisent des bénéfices raisonnables qu'en pratiquant des économies d'échelle. Non seulement, les vitesses de voyage ont été réduites, passant de 20-22 nœuds à 13-15 nœuds, mais ils ont opté pour une optimisation de la propulsion et de la coque de leurs navires. L'armement Maersk est sûr que ses porte-conteneurs à deux moteurs sont un gage de plus-value. Bien qu'ils consomment de 30 000 à 35 000 tonnes de fuel par an, ce qui équivaudra à terme sensiblement à trois fois leur prix, Maersk affirme qu'ils sont de l'ordre de 15% plus économiques que les 18 000 EVP standards.
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Cependant, ces résultats ne peuvent être atteints qu'avec un plein emploi de leur flotte, ce qui implique une planification intelligente et aussi une politique de partenariat. Maersk a déjà annoncé la création d'une alliance avec les deux plus grands transporteurs maritimes européens MSC et CMA CGM, concernant les liaisons Europe-Asie, transpacifiques et transatlantiques. UASC et China Shipping sont sur le point de finaliser un service commun pour leurs porte-conteneurs de 18 000 EVP.
A l'heure actuelle le nombre de porte-conteneurs en commande de plus de 18 000 EVP, qui seraient mis en service les deux prochaines années, peut être évalué à une quarantaine.
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L'aboutissement des commandes en cours devrait donner le jour à un marché à deux étages de la conteneurisation, les méga porte-conteneurs prenant le pas sur les autres. Cette frénésie des commandes présente toutefois le risque d'une nouvelle période de surcapacité.
En conclusion, il ne faut pas oublier que le gigantisme de ces dernières générations de porte-conteneurs induit des contraintes de même nature que celles des paquebots géants. Le professeur de l'enseignement maritime Hervé Baudu, bien connu pour son "traité de manœuvre", s'est penché sur les problèmes posés par l'arrivée de ces géants des mers, et en particulier sur les qualités manœuvrières des porte-conteneurs de 16 000 EVP. Pour lui, la contrainte la plus importante est celle liée à la surface de voilure développée qui peut dépasser 18 000 m². Aussi, par fort vent l'importance de la surface de voilure peut-elle mettre le navire en difficulté, en particulier en chenal ou en manœuvre portuaire. En chenal, il est nécessaire de maintenir une vitesse de près de 9 nœuds par vent de travers de 50 nœuds. Au-delà de 30 nœuds de vent décostant ou accostant, les manœuvres portuaires d'accostage et d'appareillage deviennent très délicates. Malgré les propulseurs d'étrave, il sera alors impératif d'utiliser 4 remorqueurs, encore faut-il qu'ils soient tous disponibles !
René TYL
Membre de l'AFCAN
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