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Gestion des résidus "machine"


Texte communiqué par le Bureau de l'AFCAN



  1. COLLECTE




  2. Les soutes produisent théoriquement des résidus à raison de 1 % de la consommation. Ceci est une moyenne utilisée dans certains ports par les inspecteurs pour contrôler les rapports des bords.
    Il y a les résidus d'épuration, les décantations des caisses mais aussi les fuites résiduelles plus ou moins importantes. Bien entendu ces résidus de combustible ne se présentent pas sous la forme unique de combustible mais ils sont un mélange combustible/eau/sédiments.


  3. ÉLIMINATION


  4. Ces résidus et mélanges peuvent être "éliminés" de différentes façons. Tout dépend d'où ils viennent dans la machine et donc s'ils sont considérés comme résidus de combustible ou déchets de cale machine.

    les résidus de cale (ce qui est pompé dans les puisards de la cale machine):




    Les résidus sont collectés et décantés dans la caisse à boues, puis filtrés et séparés à travers un séparateur de cale dit séparateur 15 ppm; si la sortie d'épuration est inférieure à 15 ppm rejet à la mer, sinon retour à la caisse de départ.


    les résidus de combustible ainsi que les fonds de cale déjà passés par le 15 ppm:



    on peut soit les débarquer sur une barge à terre (très rare), soit les brûler, soit les envoyer dans une citerne à cargaison (sur pétroliers uniquement, et si autorisé par MARPOL). A noter tout de même que contrairement à un incinérateur domestique qui ne brûle que du papier et pour lequel une simple allumette suffit, il faut compter 300 litres de gasoil pour aider au brûlage de 800 litres de résidus. Le rapport consommation/rentabilité n'est pas des meilleurs.


  1. ELIMINATION PAR DÉBARQUEMENT


  2. Officiellement les navires devraient vider leurs ballasts à boues et autres caisses de décantation lors de leurs escales dans les ports. Il existe même une directive européenne qui prévoit des amendes pour les navires qui ne le feraient pas alors que le taux de remplissage des dites caisses serait déjà élevé. Malheureusement les installations n'existent pas partout, et même là où elles existent elles sont si difficiles à mettre en œuvre que beaucoup de ports se déchargent sur leurs voisins (la prochaine escale) pour éliminer les déchets des navires. La même chose existait déjà pour les pétroliers lorsque l'on a décrété que la Méditerranée était une zone spéciale dans laquelle il était interdit de changer de ballast, mais on n'avait alors rien fait pour aider les navires qui chargeaient par exemple en Algérie après avoir déchargé à Fos. Par contre les amendes elles, existent bien.
    Aux endroits où il est possible de mettre à terre les déchets machine, il y a aussi souvent un problème physique: Les ballasts à boues sont en général au fond des machines, les pompes de vidanges des ballast sont suffisamment puissantes pour envoyer les boues sur le pont, malheureusement la machine est aussi souvent à l'arrière des navires, donc dans les formes. Et les barges qui viennent le long du bord prendre les boues refusent la plupart du temps de se mettre à l'arrière car elles ne peuvent pas s'amarrer dans les formes du navire, elles préfèrent se mettre à couple au milieu du navire là où la coque est droite (ce qu'on appelle le parallel body). Du coup les pompes de vidange des ballasts et caisses à boues ne sont plus assez puissantes pour envoyer les boues au milieu du navire, la hauteur manométrique à atteindre est trop importante. Alors que se passe-t-il? La plupart des bords se font avoir une fois, on fait semblant de décharger les boues, et on ne redemandent plus de barge. C'est trop compliqué et dur à avoir car cher pour la compagnie et on s'aperçoit que c'est pour rien.


  3. OIL RECORD BOOK & INSPECTIONS




    Tout ce qui est collecté, décanté, filtré, séparé, brûlé, envoyé à terre ou aux slops doit être répertorié sur le Oil Record Book part I, le cahier le plus important du chef mécanicien.

    Un chef mécanicien passe maintenant une demi-heure par jour à remplir ce ORB, sur un embarquement de 3 mois, c'est comme si il ne travaillait qu'à cela pendant une semaine complète.

    Il faut tout noter dedans sous forme de code: la collection des résidus, caisse par caisse, les temps d'utilisation du 15 ppm, de l'incinérateur avec les quantités avant et après mise en service et arrêts, les soutes. Bien entendu à chaque ligne il faut noter l'heure et la position du navire.

    Il faut surtout faire attention à ce que les sondes des caisses et les quantités déclarées avant et après correspondent à une utilisation théorique des appareils, que la production ne soit pas inférieure à ce qu'elle devrait être si calculée par un inspecteur, que la filtration et le brûlage correspondent aux capacités de débits des séparateurs et incinérateurs.

    Alors on voit paradoxalement des chefs mécaniciens se rajouter des résidus parce qu'ils ont reçus de bonnes soutes (ce dont ils sont heureux par ailleurs) et qu'ils ont moins de déchets que le calcul. Dans le cas de mauvaises soutes, le problème est un peu différent car on a plus de déchets mais alors on fait marcher plus longtemps l'incinérateur. Est-il normal d'avoir à tricher, à s'inventer des résidus pour être en conformité avec un calcul ?


  1. CHEFS MECANICIENS (CONFIANCE)


          La moindre erreur, oubli peut être fatal pour le bord, surtout pour son commandant. Il faut donc soit avoir une confiance totale dans son chef mécanicien, bien le connaître et vérifier avec lui de temps à autres la façon de remplir cet ORB. Ou alors il faut tout vérifier, ceci quotidiennement, et surtout vérifier ce qui se passe réellement dans la machine. Car il est tout aussi facile de faire sans écrire que d'écrire sans faire.

Il faut bien comprendre qu'un commandant ne peut pas se trouver derrière un séparateur 15 ppm à sa mise en route et à son arrêt.

Il lui faut absolument avoir confiance dans son chef mécanicien, accessoirement (encore que ce ne soit pas un accessoire de petite taille) parler la même langue (mais aussi le même langage) que lui.
    Doit-on comme on le fait souvent maintenant s'interdire tout rejet (même licite par le 15 ppm) dès que l'on approche certaines côtes ou certaines mers ?
    Doit-on en arriver à avoir un cadenas sur le 15 ppm avec clef chez le commandant uniquement ? Mais que faire dans les cas d'urgence tels que envahissement de la machine?

          Et puis c'est un travail de tous les jours, on prend très vite du retard. Sur un navire qui consomme 80 tonnes par jours, la "production" théorique de résidus est de 800 litres par jour. Ces 800 litres, il faut les chauffer, les décanter; puis il faut décanter la décantation et la passer au 15 ppm; quant aux résidus il faut les re-décanter, les chauffer, les re re-décanter puis les brûler avec un incinérateur de 80 litres/heure de débit (pour les incinérateurs performants et puissants). Soit 10 heures par jour de fonctionnement de l'incinérateur, appareil qu'il ne vaut mieux pas laisser sans surveillance. Donc on voit bien qu'il ne faut pas perdre de temps. D'autant plus que la décantation n'étant jamais des plus parfaite, il y a encore pas mal d'eau dans les résidus et l'eau, non seulement ça ne brûle pas bien, mais en plus ça n'entretient pas la flamme.
    L'incinérateur est un appareil qui nécessite une surveillance permanente.

    J'oubliais, il n'y a pas que cela à faire dans une machine, il y a aussi de l'entretien à faire sur tout un tas d'appareils divers. Comment tout gérer avec un gars en moins en permanence?
    Et puis tous les jours le même travail, cela devient de la routine: on démarre le 15 ppm tous les jours, tous les jours il est ok, et un jour il ne marche pas correctement mais on ne prête pas assez attention de suite.


  1. PANNES - AVARIES


  2. Les incinérateurs sont des appareils à durée de vie très limitée. En peu de mois de fonctionnement, à cause de la température d'utilisation (ces incinérateurs servent aussi à brûler les poubelles papiers et plastiques), les revêtements internes se détériorent très rapidement, il faut souvent refaire les réfractaires.

          Les cellules de détection de flamme doivent être très fiables, car dès qu'il y a écoulement de résidus dans l'incinérateur, le nettoyage avant de le redémarrer est très long; ces résidus ne sont pas ce qu'il y a de mieux en fluidité à basse température.

Les séparateurs 15 ppm comme d'ailleurs les incinérateurs sont des appareils qui tombent aussi en panne. Même peut-être plus souvent que d'autres.

Précédemment on disait qu'il devenait nécessaire pour certains navigants d'interdire la mise en service du 15 ppm dans certaines zones, c'est bien la preuve que la plupart des marins, mécaniciens ou non, n'ont qu'une confiance très limitée dans le séparateur 15 ppm.

    Une cellule défectueuse qui donne moins de 15 ppm alors que c'est faux, cela arrive régulièrement, cela ne se voit pas de la machine, mais peut seulement se voir dans le sillage et malheureusement souvent trop tard. Et encore faut-il pouvoir le voir dans le sillage, il faut des conditions de mer, de vent et de vitesse pour vraiment être sûr de ce que l'on voit dans un sillage.
    Maintenant il existe des séparateurs pour lesquels on peut tester la cellule avec des échantillons préfabriqués qui vont donner le zéro et le 15 ppm, on peut et il faut le faire souvent faire marcher la cellule avec les échantillons test; puis prendre un échantillon sortie 15 ppm évidemment lorsque celui-ci est inférieur à 15 ppm donc rejet à la mer; et l'envoyer à terre pour analyse afin d'avoir un certificat à présenter à la visite annuelle du pavillon; mais souvent il suffit de regarder cet échantillon pour s'apercevoir que ce qui sort du séparateur 15 ppm et déclaré conforme pour un rejet à la mer par une cellule qui vient d'être échantillonnée est largement au dessus de 15 ppm. Avec une bonne cellule, il m'est arrivé de faire cette triste expérience où mon séparateur rejetait à la mer, et donc moi aussi en toute bonne foi, et de recevoir comme résultat d'analyse 40 à 50 ppm, donc largement au-dessus de ce qu'on aurait du trouver à l'analyse. Et ce problème n'est pas rare, il est au contraire plus que courant, c'est le contraire qui est rare.
    Un séparateur 15 ppm fonctionne sur la base de cartouches filtrantes, il faut donc changer ces cartouches régulièrement car on en arrive vite à avoir de l'eau plus sale à la sortie qu'à l'entrée.
    Donc on change les filtres, mais qu'en faire ?
    Alors on a inventé les filtres qui se lavent, bonne idée car on peut avoir plus souvent des filtres propres. Et cela coûte aussi beaucoup moins cher aux armements. Le problème c'est que les filtres sont lavés à bord, que l'eau du lavage a été recueillie dans la caisse à boues et que donc les boues qui étaient dans les filtres lavés se retrouveront un peu plus tard encore dans les mêmes filtres. Et voilà du résidu qui tourne en rond à bord.
    Sur certains navires, les armateurs ont fait installé une 2ème caisse de décantation, c'est à dire que après décantation dans le waste oil tank on re-décante encore dans une autre caisse avant d'envoyer au séparateur 15 ppm, de matière à envoyer l'eau la plus propre possible vers le séparateur et aussi à récupérer le moins d'huile possible dans le même séparateur ce qui le garde plus longtemps en bon état.
    D'autres armateurs ont choisi de faire installer 2 séparateurs 15 ppm en série, de façon à ce que le 2ème ne reçoive que l'eau déjà épurée et propre et normalement inférieure à 15ppm.
    Enfin ces appareils ont été fabriqués et testés en laboratoire, mais que dire de leur fonctionnement dans des conditions de roulis, de chaleur, de changements réguliers de températures, de vibrations quelquefois énormes, de la qualité du mélange qu'ils reçoivent (fuel, différentes huiles de graissage ou de fonctionnement, produits chimiques). Ils ne sont pas utilisés dans des conditions optimums de fiabilité.


  1. SOMBRE AVENIR


  2. Les navires servent à brûler le combustible qui n'est pas bon pour d'autres industries. Avec une qualité de soutes meilleure, on aurait moins de résidus et donc un meilleur temps à passer sur ces appareils, et aussi un meilleur résultat sur la pollution.

          En mer, on a le temps de parler avec l'équipage, alors comment expliquer pourquoi les jeunes (enfin ceux qui espèrent et veulent rester dans la marine) pensent maintenant plus à faire carrière à la machine que de monter sur le pont?
Pour une raison essentielle: la peur, celle de se faire prendre à polluer involontairement et de finir ses jours en prison après avoir ruiné et mis à la rue sa famille, celle d'être traité d'une façon pire que des violeurs d'enfants, celle de représenter aux yeux de beaucoup de politiciens, juges, journalistes et donc opinion publique ce qui se fait de pire sur la terre et donc sur mer, celle du voisin en mer, du bateau que l'on croise et dont on espère qu'il ne va pas mettre à profit votre présence dans le voisinage pour vider un peu ses cales à la mer. L'amende de 1 millions d'euros représente 20 ans de salaire de commandant, c'est à dire une vie professionnelle à ce niveau, voilà qui est fait pour attirer.
    Alors oui il existe des "voyous des mers", et il en existe beaucoup plus à terre qu'en mer car les vrais responsables des pollutions sont-ils ceux qui polluent involontairement parce que leur appareillage antipollution est déficient ou ceux qui n'ont pas donné aux bords des moyens efficaces de se séparer de leurs déchets. Et parmi ces moyens le plus important c'est la mise à terre des déchets. Pourquoi les ports et les états des ports fréquentés ne sont-ils pas tenus pour responsables si un navire pollue peu de temps après un appareillage ?
    Est-ce parce qu'il est pus facile de jeter l'anathème sur un pauvre diable qui ne peut pas se défendre que sur un état tout puissant.
    Alors c'est pour cela que l'on voit maintenant des navires qui mettent à profit le croisement avec un pétrolier en plein océan, là où il n'y a pas encore de surveillance, pour vider leurs cales et ballasts à boues.
    Mais bizarrement ceux-là ne se font jamais prendre, les vicieux qui polluent sciemment, on n'en entend pas parler, on n'arrête que des "pollueurs de bonne foi", des capitaines qui pensaient être en règle, qui avaient toute confiance dans leur matériel et leurs hommes.
    D'ailleurs souvent ils se font prendre pour des quantités que l'on mesure en litres ou en dizaine de litres, alors qu'il y a à bord des dizaines de mètres cube d'eaux boueuses. Ceux qui rejettent vraiment volontairement leurs boues à la mer, il ne le font pas pour 50 litres, non, mais plutôt pour 20 m3. Ce sont des quantités dont on n'a jamais entendues parler.
    Pour les juges et procureurs il n'y a pas de choix, la pollution ne peut exister que volontairement et uniquement volontairement; la panne en justice écologico-maritime ça n'existe pas, et comme il n'y a la plupart du temps aucun moyen de preuves des deux cotés, c'est le juge qui gagne car lui n'a pas besoin de preuves pour accuser. En matière de justice maritime la présomption d'innocence n'existe pas.
    Tout cela fait peur, et on le comprend, à un jeune qui débute dans ce métier de marin qui aurait du rester ce qu'il était auparavant: un des plus beaux métiers du monde et qu'on a réussi à transformer en l'un des pires qui soient.

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