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VDR… VOUS AVEZ DIT VDR ?
Le propos qui suit a juste pour objectif de tenter un rappel utile sur les fonctions initiales et capitales du VDR.
Il n'est bien sûr pas exhaustif et ne demande qu'à être complété, commenté et, pourquoi pas, contredit.
C'est un avis qu'il m'a paru important d'exprimer et qui reflète l'état d'esprit et les remarques générales partagées par un bon nombre de collègues Officiers et Capitaines.
- Signification
Encore un acronyme à consonnance anglaise… pourrait-on s'en offenser en bon franchouillard ! mais, internationalisation oblige, il vaut mieux s'y habituer : that's it !
VDR = Voyage Data Recorder même si l'on a parfois entendu Voice Data Recorder, c'était et c'est encore parfois une confusion courante et réductrice.
C'est donc un système d'enregistrement des données de voyage utilisé à bord des navires de commerce.
- Origine et principe
De la même façon que l'exigence d'une assurance qualité stricte, l'industrie aéronautique est à l'origine de l'émergence de ce type de matériel et de son adaptation au milieu maritime.
C'est cette «boîte noire» bien connue du grand public qui pour nous est devenue d'un bel orange fluo qui trône aujourd'hui sur les passerelles supérieures de tous les navires (ou presque). Et nombre d'entre nous (dont je suis) considèrent qu'il conviendrait de supprimer le «presque» !
Il existe plusieurs fabricants et les systèmes installés varient selon les navires et au gré des progrès et évolutions rapides qui font florès dans ce domaine.
Le principe général consiste à enregistrer un maximum de données pouvant être restituées aux fins d'analyse en cas d'accident ou d'incident suffisamment grave pouvant impliquer la responsabilité du navire, de ses propriétaires, des affréteurs et/ou de son capitaine.
C'est un peu le témoin qui va parler « juste et vrai » quand la poussière retombe après l'explosion.
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- Règlementation et références
La SOLAS en son chapitre V, règle 20, reprise par l'administration Française sous la division 223(a V 03) pour ce qui concerne les navires à passagers, définit clairement les obligations d'emport et le type de matériel devant être installé ainsi que les dates limites d'installation des équipements à bord en fonction du type des navires concernés (VDR ou S-VDR)
Je laisse à chacun le soin de compléter ces informations en consultant les documents cités.
Les VDR sont également soumis à des règles d'installation et de contrôle qui obligent au choix d'un équipement validé et d'un installateur/contrôleur agréé et de la même façon.
Des certificats sont produits et ils doivent être présentés en cas d'inspection de l'État du port ou du pavillon et qui font partie intégrante de la liasse de documents de bord à conserver sous le contrôle et la responsabilité du commandant.
C'est une obligation réglementaire qui signifie implicitement que ce matériel ne peut pas être bricolé par n'importe qui et à d'autres fins que celles initialement prévues à savoir la préservation des données pour enquête en cas d'accident.
Ci-dessous les résolutions OMI qui encadrent la provenance et la qualité des données :
- A.662(16) Performance standards for float-free release and activation arrangements for emergency radio equipment
- A.694(17) General requirements for shipborne radio equipment forming Part of the GMDSS and for electronic navigational aids
- A.824(19) Performance standards for devices to indicate speed and distance
- A.830(19) Code on alarms and indicators, 1995
- MSC.64(67), Performance standard for heading control systems
- MSC.64(67), Performance standards for radar equipment.
Que chacun y trouve son bonheur s'il le souhaite.
- Nature et qualité des données enregistrées
Concomitamment à la règlementation, la SOLAS édicte des règles concernant la nature des données ainsi que des conditions de conservation et de préservation des enregistrements (voir résolution A 861(20) et MSC 333 (90)).
Il y a 15 types de données :
- La date et l'heure TU provenant d'une source identifiée et conservées de telle sorte que rien ne soit altéré lors du transfert de données
- La position du navire pouvant provenir d'un système de navigation intégré identifié et traçable à posteriori
- La vitesse surface ou fond avec indication du type d'instrument
- Le cap donné par le compas du navire
- Les enregistrements passerelle pris par les microphones placés aux endroits « clés » (radars, « conning station », barre, P.A. etc.)
- Communications radio
- Les images Radar/ECDIS (au mieux des capacités du VDR)
- Les images «sondeur» montrant l'échelle choisie
- Les alarmes principales avec indication de l'état de toutes les alarmes obligatoires sur la passerelle
- Les ordres de barre et réaction en mentionnant la position du PA s'il est en service
- Ordres machine et retours d'information sur la situation (AV/AR ; pas d'hélice ; propulseurs d'étrave…)
- L'indication de position des ouvertures de bordé (porte pilote, etc.)
- Configuration des portes étanches et des portes coupe-feu
- Accélérations et contraintes de la coque (si le navire est équipé d'un tel dispositif)
- Force et direction du vent si le navire est équipé de capteurs conformes.
- Objectif et utilisation des données
L'objectif recherché d'un VDR est de pouvoir emmagasiner des données (voir ci-dessus) à l'aide d'un système sécurisé et capable de restituer ces informations aux fins d'investigations autour d'un incident dans lequel le navire porteur serait impliqué.
Ce sont là les raisons qui ont guidé l'OMI dans la décision de rendre cet équipement obligatoire à bord des navires concernés.
On comprend immédiatement que c'est la recherche en responsabilité qui a guidé cette démarche. Cela paraît pertinent compte tenu des conséquences pouvant devenir extrêmement dommageables pour la préservation de l'environnement et les finances des parties concernées (Etat, armateur, affréteur, parties civiles…) lorsqu'un accident se produit.
Ces données doivent être accessibles à l'administration (Port State/Flag State) ainsi qu'au propriétaire du navire.
Ce système doit fonctionner en permanence et être pourvu d'une source d'alimentation électrique autonome.
- Utilisation inappropriée et/ou détournée et risques afférents
Dès la survenue d'un accident, les Administrations, P&I clubs et autres assureurs s'emparent de ces données dès que possible et gare à celui qui aurait eu le malheur de les corrompre intentionnellement ou par simple inadvertance !
Les conséquences pénales pourraient se révéler très sévères, principalement pour les Capitaines, si des manipulations parasites venaient à être observées concernant l'équipement VDR.
Des conséquences financières tout aussi lourdes s'ensuivraient pour les armateurs comme, par exemple, le refus des assureurs à les indemniser.
Certains collègues ont signalé que des dirigeants d'armements maritimes tentaient d'accéder à ces données au prétexte qu'elles pouvaient servir de support pédagogique dans le but de former les officiers en charge du quart passerelle.
Elles pourraient également soi-disant permettre de réaliser des audits afin de s'assurer des bonnes pratiques.
L'objectif affiché, s'il paraît louable, peut en cacher un autre qui pourrait l'être beaucoup moins.
Faisons fi de la paranoïa en essayant de comprendre le pourquoi de cette démarche alors que toutes les «hydros» du monde ont vocation à former des officiers compétents dont la formation théorique est obligatoirement complétée par des stages embarqués le tout encadré par la STCW sous le contrôle vigilant des administrations. J'ai essayé et je n'entrevois toujours pas le bien-fondé d'une telle tentative.
Je me demande où est l'intérêt d'interroger une machine dans la conduite d'audits dont l'objectif reste tout de même la prévention de l'erreur humaine par le respect des procédures.
Cela ressemble à un prétexte fallacieux pour donner libre cours à un penchant douteux à l'espionnite visant plus à contrôler les capitaines et à les déposséder une fois encore de leurs prérogatives tout en accroissant le poids de leurs responsabilités en faisant peser une menace supplémentaire. C'est de la tension supplémentaire assortie d'un déni de confiance que j'estime contre-productif voire dangereux.
Restriction des marges de manœuvre et du libre arbitre accompagné d'un accroissement des responsabilités seront inévitablement générateurs de stress pour les capitaines avec le risque supplémentaire et non souhaité de voir les données délibérément «trafiquées» pour de mauvaises raisons et provoquer ainsi des résultats non recherchés et potentiellement nuisibles (voir plus haut).
Ajoutons à cela l'impact sur les vocations à embrasser la carrière si c'est pour voir augmenter les chances de servir de bouc émissaire avec le risque ultime et outrageant de finir derrière les barreaux !
Non, et à preuve avérée du contraire, on peut considérer cette pratique comme une fausse bonne idée, pour ne pas dire une vraie mauvaise.
La formation continue des personnels est essentielle, et dans le domaine particulier de la prévention d'accidents, aujourd'hui tous les rapports d'évènements produits par les experts de toutes provenances (BEAmer, USCG, NTSB et j'en passe…) sont disponibles à l'étude et peuvent utilement servir de retour d'expérience dans un but pédagogique.
De plus, pour ce qui concerne les armateurs en particulier, tous les documents et rapports de bord ainsi que les résultats d'audits et autres inspections sont disponibles en permanence et immédiatement si besoin.
Sur le sujet de l'écoute des données vocales il est clair qu'elles doivent rester protégées sauf à l'évidence en cas d'accident.
En effet la passerelle est parfois l'endroit où s'échangent des propos d'ordre privé qui n'ont pas vocation à devenir publics (sauf…) et il me semble indécent de les diffuser sans motif impérieux de sécurité ou de sûreté, sans parler des risques encourus de voir les capteurs endommagés pour de mauvaises raisons.
Connaissant les raisons (énoncées plus haut) pour lesquelles ce système a été mis en place et les précautions techniques et réglementaires qui encadrent son installation à bord et son fonctionnement, il est clair qu'il s'agit là d'un usage détourné qui ne présente pas vraiment d'intérêt et qui ne me semble pas améliorer les conditions d'exploitation du navire et n'apporte aucun plus à l'entreprise.
Pour conclure je m'en réfère au dicton populaire qui énonce que la curiosité est un vilain défaut et j'ajoute que, dans ce cas, ses effets risqueraient de devenir désastreux
C'est une pratique qui me paraît pour le moins bizarre.
Cdt Jacques Casabianca
membre de l'AFCAN
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