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Le CII, Carbon intensity Index
Le Carbon intensity index (CII) est la nouvelle réglementation ayant pour objectif de réduire les émissions de CO2 des navires. Les navires seront classés en catégories allant de A à E, du plus sobre au plus émetteur de CO2. Les premiers index seront calculés début 2024 basés sur les données de 2023. Chaque année les critères seront de plus en plus stricts et un navire classé A deviendra B puis C s'il ne s'améliore pas. Globalement l'objectif est une réduction en 2023 de 5% des émissions par rapport à 2019 puis une réduction de 2% supplémentaires par an soit une réduction de 11% en 2026 par exemple. Les navires les plus émetteurs de CO2 seront mis en demeure de s'améliorer sous peine de se voir retirer leurs certificats. Les conséquences et effets pervers ont déjà été évoqués dans l'éditorial, je ne reviendrai donc pas dessus. Le but de cet article est d'expliquer la méthode de calcul du CII, de voir comment les armateurs peuvent suivre l'index navire par navire et quels sont les leviers permettant de l'améliorer si besoin avant la fin de l'année (le CII étant calculé en début d'année basé sur les données de l'année précédente).
Tout d'abord la formule de calcul :
Il s'agit des émissions de CO2 divisées par la capacité de cargaison du navire multipliées par les milles parcourus : émissions de CO2 / (capacité x distance).
Comment calculer les émissions de CO2 ? - Il s'agit de la quantité de combustible brûlée dans l'année multipliée par le facteur d'émission du combustible. Par exemple le facteur d'émission du fioul lourd est de 3,114 ce qui signifie qu'une tonne de fioul brûlée produit 3,114 tonnes de CO2. Pour comparaison le diesel a un facteur de 3,206 ce qui signifie que de brûler du diesel (en admettant que la consommation soit la même) émet plus de CO2 que de brûler du fioul. Pour comparaison le propane a un facteur de 3,0 ; le GNL 2,75 ; le méthanol 1,375.
On voit donc un premier moyen d'améliorer le CII : utiliser un combustible alternatif moins émetteur de CO2. Cependant cette solution demande de grosses modifications et est applicable principalement aux constructions neuves. On voit bien au passage avec les chiffres ci-dessus l'intérêt croissant pour les combustibles à faible teneur en carbone tels que le méthanol ou l'ammoniac (qui lui n'a pas du tout de carbone).
Une autre solution est de réduire la consommation du navire en tonne par mille, et pour ceci, les armateurs ont de nombreuses options à leur portée telles que la réduction de la vitesse, l'utilisation de peintures de coque plus performantes, l'installation de systèmes de poussée véliques telles que décrites dans un autre article de cette revue.
Ceci est le but premier de cette réglementation : pousser les armateurs à réduire les émissions de CO2 de leurs navires en prenant des mesures concrètes. Cependant, pour un navire existant il va falloir que l'armateur suive l'index CII au fur et à mesure de l'année pour voir où il se trouve et éventuellement prendre des mesures pour éviter la mauvaise note à la fin de l'année (certains risquent de se faire des cheveux blancs au moment du conseil de classe !). En effet, il y a un moyen très efficace pour améliorer le CII sans réduire les émissions du navire : jouer sur le diviseur de la formule de calcul de CII (qui, je le rappelle est le produit de la capacité du navire multipliée par les milles parcourus). Il est difficile d'augmenter la capacité d'un navire en cours d'année, mais on peut noter quelque chose dont nous avons tous conscience, mais pas forcément le grand public : plus le navire est grand moins il émet de CO2 par tonne de marchandise transportée. Ceci se reflète dans le CII, les plus grands navires auront moins de difficulté que les petits à avoir un bon CII.
Il reste donc un levier pour l'armateur : les milles parcourus. En faisant faire de longs voyages à un navire, son CII va automatiquement s'améliorer. On le voit clairement sur les graphiques ci-dessous développés par un armateur pour suivre le CII de chacun de ses navires.
On voit sur l'image de gauche un exemple de gestion du CII au long de l'année : au début de l'année le navire est sur un trading trans-pacifique, ce qui lui permet de rester en A. Puis il est repositionné sur un trading plus intense avec des trajets plus courts et plus de temps passé au port (donc zéro mille parcouru mais du CO2 émis). Le CII se dégrade pour atteindre la note D. Pour éviter de finir l'année avec un CII problématique l'armateur (en l'occurrence l'affréteur) va devoir repositionner son navire sur un trading plus favorable pour le CII plusieurs mois avant la fin de l'année.
L'illustration de droite montre bien les effets sur le CII de la réduction de vitesse (full ou eco speed) et des temps passés au port.
On imagine bien le casse-tête et les nouvelles tensions entre les armateurs et les affréteurs que cette réglementation va générer. Au milieu, il y a quelqu'un qui aura un rôle crucial et une pression supplémentaire : le capitaine.
Cdt Pierre Blanchard
Président de l'AFCAN
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