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Survivre aux batteries


 

L'actualité passée (mais assez récente) nous apprend des faits surprenants: des batteries de téléphones portables et autres engins connectés s'enflamment spontanément en blessant les porteurs ou utilisateurs desdits appareils. Puis des appareils plus volumineux subirent des dégâts analogues. Des avions passés au tout électrique furent interdits de vol le temps de prendre des mesures supposées pallier ces incendies. Et dernièrement un bac/ferry norvégien a été abandonné, après mise à quai, à la suite de l'incendie d'une soute à batteries de 1900 kW/h, déclarée comme non utilisée lors de l'événement (Le Marin du 17/10/19).
D'autre part, les chargeurs de conteneurs suspectent que des batteries de trottinettes ou de drones expédiés en Europe soient la cause de certains incendies récents sur des porte-conteneurs. De manière préventive les compagnies aériennes imposent aux passagers de conserver leur portable, les lampes de plongée en cabine plutôt qu'en soutes, un incendie en soute étant quasi synonyme de perte de l'appareil.

Ces divers incidents concernent des batteries au lithium-ion, heureusement à une fréquence statistiquement assez faible vu le nombre d'unités en service.
Néanmoins la régularité de la survenue d'incidents, quel que soit le type de batteries, du portable grand public à la batterie qualité aéronautique, des quelques W/h aux 1,9 MW/h, que les systèmes soient en service ou à l'arrêt, tout cela montre l'existence d'un problème réel qui grandira au gré du nombre croissant d'installations en service.
Les technologies de fabrication sont certes diverses, néanmoins les causes commencent à être connues. Un emballement localisé de la température dans un élément (à partir de 80°C) se propage aux éléments voisins puis à l'ensemble d'une cellule. Cet échauffement dégage beaucoup de gaz inflammables qui ne demandent qu'à brûler ou à détonner selon le confinement, ce qui assimile l'emballement thermique à un incendie. Plus grave, cet emballement est de nature chimique, suivant la destruction de l'électrolyte et ne cesse que suite à une baisse importante de la température ou de la consommation totale de l'énergie électrique contenue dans les éléments concernés. S'il n'est pas possible de noyer l'ensemble pour faire chuter sa température, le sinistre peut durer des jours.
Les causes de l'emballement initial sont maintenant assez connues :
  • un choc physique
  • une fabrication plus ou moins sérieuse
  • une température de fonctionnement trop élevée (< 80°C)
  • un fonctionnement à trop haut ou trop bas voltage, dans une fourchette étroite.
Les deux premières causes sont relativement faciles à éliminer. Une réglementation sur les tests après fabrication et les stockages à bord peuvent en venir à bout. Mais il n'existe pas encore de règles, seule la Norvège impose le «Propagation test Type 1» qui limite théoriquement l'emballement thermique à un seul élément et non à toute la cellule.

La température de fonctionnement doit être contrôlée et étroitement maintenue. Un fabricant propose des éléments contrôlés et réfrigérés à l'eau refroidie, ce qui est plus cher mais, paraît-il, allonge la durée de vie des installations, pour autant que nous ayons suffisamment d'expérience. Une autre solution consiste à la réfrigération des cellules à l'air, mais qui demande de gros débits et suit moins précisemement la vie des éléments.

Le contrôle des tensions et des intensités est géré par ordinateur là aussi par cellule et non par élément. Il s'agit d'un logiciel important dont le fonctionnement doit être maintenu ad vitam sous peine de dégradation. C'est ce qui s'est produit sur le ferry norvégien. Suite à un incendie extérieur aux cellules, (traité convenablement par ailleurs), une partie des batteries s'est trouvée sans contrôle, s'est dégradée, a chauffé et a produit des gaz qui ont explosé deux jours après l'événement initial.

La réglementation encadrant notre vénérable local batteries de secours n'est manifestement plus à la hauteur des risques.
Aucune réglementation spécifique à ce type de batterie n'a encore vue le jour, mais les administrations (au moins en France et en Norvège) semblent avoir pris conscience du problème. N'oublions pas qu'il s'agit d'une technologie récente et en constante évolution. Des règles mal conçues à partir d'événements peu nombreux qui ne tiendraient pas compte du vécu de l'installation risqueraient de tuer une technologie qui tente de percer. A contrario n'en faire que très peu pourrait conduire à des drames.

Il nous paraît indispensable :
  • De définir une norme de fabrication et de test des éléments de batterie en privilégiant par exemple des batteries constituées d'éléments limitant le transfert d'un emballement thermique aux éléments voisins.
  • D'imposer des règles pour les locaux (et non un simple « espace machine » comme l'a déjà proposé un armement). Cela inclus l'emplacement, le cloisonnement du local, la détection incendie, les moyens d'extinction, de ventilation, de surveillance des gaz inflammables dans local. Toutes ces règles devraient s'envisager selon le type d'installation des éléments, refroidis à l'eau, à l'air, la qualité des cellules et le développement du logiciel de contrôle des batteries.
  • D'assurer la permanence de la fourniture électrique et du fonctionnement des logiciels de charge, contrôle de température etc. associés à ces batteries par redondance des fournitures et présence d'APU. Il serait dommage de risquer un incendie ou une perte importante d'autonomie à cause d'un simple black-out.
Ces technologies devraient aussi être connues des officiers en charge des installations. Faut-il pour autant créer un certificat de propulsion hybride, cela ne semble pas idiot tant la méconnaissance de ces nouveaux procédés semble grande. Cela s'étend bien entendu à tous les autres procédés émergents de propulsion et stockage d'énergie. N'avions-nous pas dans les années 75 des cours sur la chauffe nucléaire ?

Cdt Jean-Philippe Côte
membre de l'AFCAN


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