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L'après COSTA CONCORDIA
Que faisons nous de plus aujourd'hui pour les paquebots après la triste expérience du Costa Concordia ?




Plus de 5 ans après ce funeste vendredi 13 janvier 2012 où un grand et superbe paquebot de la compagnie COSTA se plantait sur les rochers chez lui en Italie vers 21 h ce soir-là et tuait 32 personnes (27 passagers et 5 membres d'équipage), de nombreuses propositions on été émises avant et après le rapport d'enquête et cela continue aujourd'hui encore. Je pense qu'il est bon de faire le bilan ne serait-ce que pour prouver que nous sommes une industrie réactive qui tient compte du retour d'expérience dans sa recherche de l'excellence en prévention des accidents d'une part et réduction des conséquences sur la vie humaine d'autre part.
Une étude américaine sur la sécurité des grands paquebots était en cours depuis 2000. Normal, le groupe CARNIVAL est le plus gros croisiériste du monde avec CARNIVAL, COSTA, AIDA, CUNARD, P&O, PRINCESS, HOLLAND AMERICA, SEABOURN etc. (une centaine de gros paquebots). Au cours de l'année 2012 des études de compléments de mesures étaient déjà émises et se résumaient aux constatations suivantes :
Pour la profession, 5 grands domaines de préoccupation :
  1. Echappées et évacuation
  2. Moyens d'action en cas d'évènement
  3. Pénurie de personnel qualifié
  4. Problèmes de sûreté
  5. Complexité croissante de l'exploitation
Notre étude commence donc par-là.

Pour l'évacuation, on a déjà des concepts clairs depuis 2010 avec le «safe return to the port», accompagné du seuil d'avarie :
  • Le navire lui-même est la « meilleure » embarcation de sauvetage !
  • Il faut des zones « sûres » à bord (incendie/évacuation)
  • On applique le retour au port en toute sécurité en mode dégradé (puissance limitée) c'est à dire avec la possibilité de redresser suffisamment le navire et de rentrer à petite vitesse au port le plus proche en toute sécurité pour les passagers et l'équipage, sans néanmoins assurer le même confort bien sûr.
Ces mesures bien connues et applicables pour les navires construits après le 1er juillet 2010 sont très sécurisantes et ont été appliquées même si le prix des navires a fortement augmenté. (Forcément !)

Le naufrage du Costa Concordia a donc rappelé ou amené des mesures parfois fort-intéressantes que les croisiéristes ne peuvent plus ne pas appliquer.
  • Portes étanches obligatoirement fermées en situation rapprochée de la côte.
  • Meilleure gestion des opérations de rassemblement
  • Extension de la formation gestion de crise et comportement humain à tout le personnel en contact avec les passagers (recommandation officielle de l'OMI)
  • Reconnaissance des membres d'équipage par un badge et en cas de crise par un gilet ou une brassière de sauvetage de couleur différente (orange pour passagers et jaune pour l'équipage par exemple)
  • Autoriser les membres d'équipage à porter, pendant les opérations d'évacuation, des gilets de sauvetage jaunes et non des brassières qui diminuent drastiquement la liberté de mouvement.
  • Obligations du BTM (bridge team management ou équivalent - voir plus loin) dont le «parler tout haut» déjà en vigueur dans l'aviation depuis longtemps.

Cependant, il reste nombreuses questions en suspens et dont la réponse n'est pas évidente :
  • Langue unique pour les équipages multinationaux et laquelle ?
  • Communication entre passagers et équipage en quelle langue?
  • Voyage : à la discrétion du capitaine ou gestion par la terre ?
  • Planification du voyage: vérification continue par la terre ? ou validation seulement ?
  • Gestion du voyage par la terre et par qui à terre, et en cas d'erreur qui sera responsable ?
  • Trop stricte application de la Grand Father's clause («conformité à vie» du navire construit), jusqu'où ?
  • Stabilité après avarie (serpent de mer de la stabilité du navire) ; le «safe return» exige déjà un ordinateur-stabilité à bord et de nouvelles mesures de compartimentage, jusqu'où ?
  • Embarcations et radeaux (MES et chutes) : panachage à revoir et jusqu'où ? (Rappel actuellement SOLAS c'est 37,5 % via les embarcations)
  • Gestion de l'alarme générale et évacuation (un autre signal international pour l'évacuation par exemple)
  • Redondance du matériel critique et essais périodiques, jusqu'où ?
  • Carence des FSC et PSC sur l'évaluation des plans de secours, leur efficacité et le niveau de formation des équipages et jusqu'où ?

Des zones encore plus floues persistent :
  • La confusion entre rôle d'appel et effectifs de sécurité minimum persiste et nuit à l'obligation de formation, ce qui est une non conformité majeure vis à vis de STCW et de l'ISM
  • Certification internationale de qualité des formations (affaires EMSA/Philippines qui reviennent ces jours-ci sur le devant de la scène). En effet, la liste blanche OMI/pays respectant la convention STCW est vraiment insuffisante.
  • Analyse des compétences des futurs capitaines et/ou «promotion à la Peters'» des éléments «inaptes au commandement» et jusqu'où ?
  • Suivi psychologique des Capitaines et … jusqu'où ?

Comme vous le voyez, la liste est longue et les solutions ne sont pas toujours évidentes. Cependant certaines modifications et améliorations ont d'ores et déjà été apportées:
  • Safe return to the port : compartimentage et assurance du fonctionnement des appareils critiques des compartiments non-envahis (secure area /assèchement, énergie de secours etc..) mais depuis 1er juillet 2010 seulement. Il y a donc de nombreux navires, encore considérés comme neufs, et qui resteront comme tel «ad vitam eternam» sans pourtant avoir ces dispositions (Conseil : avant d'envoyer votre chèque à Costa ou à MSC, vérifiez bien la date de construction de votre futur paquebot!).
  • Stockage des brassières aux points de rassemblement et évacuation/embarcations : très facile si c'est décidé avant la construction sinon assez compliqué vu le prix du M2 à bord.
  • Exercice d'appel pour tous les passagers quel que soit le moment de leur embarquement : facile.
  • Réglementation de l'accès à la passerelle du personnel «externe» : facile, elle existe déjà grâce à la sûreté.
  • Distraction des membres de l'équipe passerelle : interdiction de l'utilisation des téléphones portable privés en manœuvre ou en zones resserrées), facile.
  • Vérification (validation) des «passage planning» par les compagnies : facile. NB ceci est déjà en vigueur depuis longtemps via le code ISM
  • Modification de la formation STCW pour une application 2018 : facile. NB seule une familiarisation aux situations d'urgence a été ajoutée pour tout le personnel embarqué autre que les passagers. Les autres formations n'ont pas été modifiées. Finalement c'est vrai, les programmes de formation de STCW V/2 étaient bons mais leur application beaucoup moins : facile !

Précisions sur le projet SIREVA
Tandis que toutes ces modifications font l'objet de projets finalement très simples et pas très chers, un autre projet plus technique d'origine allemande a vu le jour : le projet SIREVA.
Nous savons tous que le marché de la croisière est en pleine expansion, on en est aujourd'hui à 20 millions de passagers par an dans le monde et ça augmente tous les ans.
Les derniers paquebots de croisière peuvent transporter plus de 6 000 passagers et 2 000 membres du personnel (équipage et autres intervenants) et vont proposer de plus en plus des croisières «cocoon» d'une semaine à des prix très raisonnables. La progression s'avère assez fantastique.
Bien sûr, on transporte nos passagers en toute sécurité. Mais la réalité est là, nos dernières expériences ont été catastrophiques : Sea Diamond, Costa Concordia, Explorer». Au fait, l'évacuation d'un paquebot c'est quoi ?
Tandis que la croisière s'amuse, l'équipage est prêt en permanence à répondre aux cas d'urgence: incendie, explosion, prise d'otages, échouement, naufrage, tout comme la SNSM, les pompiers, le SAMU, la police municipale, l'antigang à terre et, in fine, l'équipage s'est entraîné à évacuer les personnes à bord du navire qui brûle ou qui sombre afin de sauver les vies.
Si nous sommes capables de plus ou moins bien gérer toutes les situations, la plus difficile reconnaissons-le, est certainement l'évacuation des passagers/membres d'équipage d'un palace flottant vers les moyens de sauvetage qui sont d'une taille ridicule par rapport au navire lui-même. Un cauchemar pour le capitaine.
 
Ne nous voilons pas la face, pour un capitaine responsable de tant de vies humaines, l'évacuation est le pire des cauchemars, mais pas que pour lui, soyez-en sûr !
De tout temps on a voulu rendre le navire incombustible et insubmersible. Le combustible du navire lui-même est, pour le moment, un hydrocarbure (en attendant peut-être la chauffe nucléaire ?) impossible de l'éviter, mais les agencements des locaux sont le «moins combustible possible», c'est la méthode. Le risque d'incendie machine est grand (90%) nous disent les statistiques des assureurs. Insubmersible ? Plus difficile car, même le plus gros paquebot au monde, reste un petit flotteur sur une mer immense et profonde et pas toujours très calme.

INCOMBUSTIBLE
Oui, mais jamais à 100%, même l'aluminium, dont le navire est amplement pourvu, fond à 600° et brûle à 1000°. Mais, surtout, c'est la fumée qui tue et celle-là impossible de l'éviter. Donc en plus de la prévention, le navire sera équipé d'un matériel de détection et d'extinction performant et des procédures de préparation des « pompiers » du bord (les membres d'équipage) et des passagers par des consignes en cas de fumée et de feu. Pour l'incendie, principal danger à bord, on peut estimer que le paquebot est prêt ainsi que son équipage.
NB Les incendies de navires à passagers sont de nos jours rares peut-être mais restent souvent graves: exemple Scandinavian Star, Universe Explorer et Boreal plus récemment.

INSUBMERSIBLE
Petit à petit, accident après accident, on arrive à construire des navires à passagers pratiquement insubmersibles en prévoyant à la construction les moyens de retourner au port en toute sécurité ou presque. Ces nouveaux navires sont chers à construire mais au XXIe siècle on n'a plus le choix.
Aujourd'hui donc on y arrive mais quid des anciens navires qui continuent à transporter leurs passagers autour du monde y compris près des pôles ? La «grand father's clause» est terrible mais bien réelle.

Futur envisageable
Même si l'équipage arrive à contenir le feu, il n'est pas dit que le paquebot restera viable pour 8 000 personnes!
Si le concept «safe return to the port» est tranquillisant en soi, la simultanéité de deux urgences nécessitera toujours un regroupement des passagers et une évacuation peut-être… donc on doit toujours s'y préparer. Challenges
Evidemment l'objectif reste et restera la perte de zéro vie humaine. Tous les navires ont un plan de secours qui est «l'organisation du navire et de son équipage pour faire face à la situation d'urgence». Un «rôle d'appel» qui définit les tâches de chaque membre du personnel employé à bord est donc préparé par le capitaine et ses adjoints au cas où!
Chaque membre du personnel est formé en fonction de ses responsabilités dans le plan de secours et s'entraîne régulièrement.
Pour les passagers, on leur demande seulement de suivre les consignes qu'elles soient permanentes ou communiquées par le capitaine au fur et à mesure de l'évolution de la situation d'urgence. C'est tout.
L'appel des passagers au départ n'est finalement qu'un pseudo exercice. On ne leur explique que peu de choses, ce que les vidéos qui passent en continu sur les écrans du bord expliquent beaucoup mieux en général.

En conclusion partielle
Il semble que tout a été fait pour gérer la situation en cas d'urgence et ainsi nous permettre d'atteindre notre objectif de zéro décès quelle que soit la situation d'urgence.
Cependant le retour d'expérience acquis après des accidents maritimes reste inquiétant: le facteur humain et ses limitations humaines ont conduit à des résultats autres que ceux escomptés. Alors que, même si on n'est plus au temps du Titanic, tout résultat autre que zéro décès est aujourd'hui inacceptable.

Réaction aux accidents maritimes
La communauté internationale ne reste pas fataliste loin de là et donc à chaque fois nous rendons obligatoire des mesures d'amélioration sur la conception du navire en matière de sécurité des personnes embarquées. C'est le rôle de l'OMI agence spécialisée des Nations Unies. Les réglementations c'est-à-dire les obligations, partent toutes de là. Elles sont adoptées suivant un consensus pas toujours facile à obtenir de la part de certains Etats du pavillon qui en fait, représentent leurs industriels concernés c'est-à-dire les armateurs propriétaires des navires car c'est eux qui payent finalement.

Résultats Aujourd'hui on ne peut envisager qu'un consensus sur des navires standards comportant les nécessaires critères de conception et d'équipement. Ces navires «standard» sont conformes à la réglementation en vigueur au moment de leur construction. Le chantier naval est en effet obligé de fournir ce navire conforme. Maintenant si l'armateur veut une Rolls Royce au lieu d'une Dacia, il paye le chantier en conséquence.

En ce qui concerne la sécurité
On peut donc toujours faire mieux que le minimum standard. Ainsi les paquebots de RCI sont pratiquement «safe return to the port» depuis très longtemps (1990)
Mais tout le monde ne peut pas être le meilleur et donc il nous appartient d'élaborer des normes de sécurité minimum qui évoluent suivant le retour d'expérience et la technique disponible et de s'assurer qu'elles sont appliquées.
C'est peut être ceci le plus difficile finalement.

On revient donc aussi sur la gestion des situations d'urgence
Les retours d'expérience des accidents de l'Explorer en Antarctique et du Costa Concordia chez lui en Italie, ajoutés aux précédents, confirment que le rassemblement des passagers reste la meilleure solution pour contrôler la foule et gérer les dérapages éventuels.
Par contre, quelle que soit la méthode de gestion des passagers, aucune ne donne encore entière satisfaction aujourd'hui.
A ce sujet, un système SIREVA est en projet et nous semble très attractif.

Solution du «tracking» des passagers Projet SIREVA ou «e-mustering system» (août 2016)

But : Solution technique pour le tracking des passagers: localisation, comptage et identification en continu. Contrôle du rassemblement et de la recherche dans les cabines par localisation individuelle.
Matériel : Micro-émetteur pour chaque passager - Bluetooth Low Energy (BLE) émetteurs/récepteurs, base de données et écrans individuels portables (tablettes) pour les responsables: situation instantanée assurée !
Avantages : Possibilité de repérer les manquants soit dans les cabines soit présents dans un lieu de rassemblement erroné - En cas de surcapacité ou impossibilité d'atteindre un «muster point», possibilité de rediriger les passagers etc. et connaissance de la situation en instantané pour le capitaine : nombre de passagers rassemblés, manquants, redirigés - Nombre de passagers (et même leur identité) évacués dans les embarcations de sauvetage ou les MES, cette connaissance est obligatoire pour le capitaine en cas d'évacuation.

Mais, car il y a des MAIS, quid de la protection de la vie privée en situation normale ?
Dispositions pratiques :
  • Distribution d'un micro-tag programmé pour chaque passager à l'embarquement (on le fait bien pour la clé de cabine).
  • Comme à la piscine: port obligatoire du tag (vérifications aléatoires peut-être tout au long de la croisière ?).
  • Idée d'y lier l'ouverture de la cabine peut-être
Mais, le coût et surtout le changement des habitudes et la protection de la vie privée freinent.
Avantages supplémentaires inavouables :
Le tracking du passager: où va-t-il, combien de fois au casino, dans les boutiques et lesquelles ? etc. c'est de la gestion commerciale ô combien précieuse, sans enregistrer et analyser des heures de vidéo.
En un mot comme en deux : formidable pour nous, capitaines (sécurité), et fantastique pour le directeur commercial/cruise manager (business is business).

Autres projets en cours :
  • Cheminement lumineux modifiable: en cas d'incendie par exemple. Une centrale pouvant rediriger les flèches lumineuses (DER – dynamic evacuation routing du LLL)
  • Ascenseurs autoalimentés pour évacuer plus facilement les PMR en cas d'urgence et amélioration du de l'acheminement des passagers vers les engins de sauvetage etc.
Mazette! Tout cela va augmenter le prix du paquebot. Et il va falloir encore revoir (un peu) la formation des équipages : pitié pour les armateurs (je plaisante évidemment).

En conclusion :

Du point de vue technique, on arrive à des solutions viables mais du point de vue humain c'est beaucoup plus difficile.
Vu par le spécialiste de la formation des équipages de navires à passagers que je suis, les projets les plus difficiles restent l'amélioration des compétences des membres d'équipage et leur management, y compris et surtout, le facteur humain.
Pour avoir du personnel qualifié, c'est on ne peut plus simple:
  • Il faut bien le former de manière initiale à son niveau de responsabilité: formation dans les écoles et centres spécialisés (le contenu des formations actuelles est bon, les résultats beaucoup moins surtout à cause de la qualité des centres de formation). Nous devons, entre autres, forcer sur STCW V/2 et le Crew Resource Management (Bridge Resource Management + Engine Room Management + Team Work Management)
  • Il faut armer complètement le navire avec ce personnel formé
  • Ensuite il s'agit d'entretenir cette compétence acquise à l'école. On ne reviendra jamais assez sur les exercices réalistes et, si savoir vider un extincteur c'est certainement important, savoir gérer un passager hyper-stressé et au bord de la panique, c'est aussi très important.
  • Comme compétence et formation appartiennent à l'individu, Il faut bien sûr autant que possible fidéliser ce personnel en le payant convenablement par exemple sinon c'est pour l'armateur de l'argent gaspillé.
Les armateurs ont semble-t-il depuis pas mal de temps, mis de côté la fidélisation de leurs équipages. Pourquoi ? Pour des raisons financières certainement car les coûts de personnel a toujours été leur champ de bataille. Et pourtant des membres d'équipage connaissant bien le navire, bien formés et bien entraînés, de plus bien motivés par une reconnaissance effective de la part de la compagnie, un salaire convenable et des temps de repos décents, de plus se connaissant bien les uns les autres et parlant la même langue cela semble toujours possible même aujourd'hui.
C'est ce qu'on faisait avant n'est-ce-pas ?
Depuis quelque temps il semble que cette philosophie revienne peu à peu. C'est une bonne nouvelle bien sûr même s'il ne s'agit surtout pour le moment que de fidéliser parmi les moins chers mais c'est déjà ça.
En gros, pas facile et plus cher certainement, mais il n'y a pas d'autre possibilité.

NB. Cette étude ne tient pas compte des études récentes faites sur la stabilité après avarie et des modifications dans le compartimentage qui en résulteront pour les futurs navires construits après 2020 (amendements raisonnables récemment cooptés devant être approuvés en juin prochain, plus de 5 ans après l'accident).

Cdt Bertrand APPERRY
AFCAN/AFEXMAR
Ancien capitaine de navires à passagers
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