La Directive sur l'Accès au Marché des Services Portuaires proposée par la Commission Européenne
aura des implications certaines pour les Capitaines, officiers et équipages des navires utilisant les
plus grands ports des États membres.
CONTEXTE
L'objectif déclaré de la Directive est de supprimer les restrictions qui entravent l'accès pour les
opérateurs de services portuaires, pour améliorer le service, l'efficacité et la flexibilité et pour
réduire les coûts, afin de promouvoir le cabotage et le transport combiné. La Directive se propose de
mettre en place un canevas légal de base qui établira des principes communs pour les fournisseurs de
service et de gestion portuaire dans tous les états membres.
La Directive établit les conditions pour l'utilisation d'une Gestion Unique concernant les services
suivants :
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- Services nautiques techniques
- Pilotage
- Remorquage
- Lamanage
- Manutention des marchandises, Chargement et Déchargement
- Fourniture de main d'œuvre, arrimage, transbordement, transport intra terminal.
- Stockage et mise sous hangar.
- Groupage de cargaison.
- Services Passagers (y compris embarquement et débarquement)
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La "Gestion Unique" est définie de la façon suivante
"une situation dans laquelle un usager du
port utilisant son propre personnel et ses équipements fournit une ou plusieurs catégories de services
portuaires en accord avec les critères établis par cette Directive et où normalement aucune sorte de
contrat avec une tierce personnes n'est conclu pour la fourniture de tels services".
Les règles de gestion unique sont
"sans équivoque" de façon à "
assurer qu'un gestionnaire
unique puisse utiliser ses propres personnels et équipements, mais que les mêmes critères s'appliquent
aussi aux autres fournisseurs de services, à la condition que de tels critères soient pertinents".
Les dispositions de la Directive "
n'affectent en aucune manière les droits et devoirs des États
Membres à l'égard du respect de la loi et de l'ordre, de la sécurité et de la sûreté dans les ports ainsi
que de la protection de l'environnement".
La Directive stipule aussi que soient maintenus un niveau suffisant de protection sociale pour les
fournisseurs de services et des niveaux corrects de formation professionnelle.
La Directive ajoute en outre que "
les fournisseurs de services auront le droit d'employer le
personnel de leur choix. Ils devront appliquer les règles de formation, de compétence professionnelle et
des conditions de travail".
APPLICATION
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Par définition, la Directive permettra à toute compagnie maritime, affréteur, chargeur ou
réceptionnaire, importateur, exportateur, transitaire, ou fournisseur de services logistiques de
s'organiser pour fournir leur propres services de pilotage, remorquage et lamanage, et pour les
opérations commerciales, chargement, déchargement, stockage et opérations afférentes, à condition qu'ils respectent certaines conditions de base.
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PILOTAGE
En ce qui concerne le pilotage, la Commission précise qu'elle pense que les points particuliers
concernant la sécurité sont correctement soulignés dans la proposition en donnant à chaque autorité
compétente le droit de s'assurer de la situation pertinente de la sécurité et d'en tirer les conclusions
adéquates.
La Commission déclare qu'elle "
pense qu'il y a des moyens d'assurer la sécurité sans avoir à
perpétuer les pratiques actuelles qui souvent augmentent inutilement les coûts du transport maritime".
MANUTENTION
La Directive n'indique aucun détail particulier en ce qui concerne la manutention par des
Gestionnaires uniques. Alors que ceci est probablement prévu pour s'appliquer aux équipages de navires
manutentionnant la cargaison à bord de leurs propres navires, il n'y a rien qui interdise que l'on
demande aux équipages de manutentionner la cargaison sur le quai, ou au moins de les impliquer dans tout
autre service, pourvu que certaines règles non spécifiées soient respectées.
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En dehors des équipages devenant impliqués dans la manutention, il pourrait se produire qu'un
utilisateur portuaire avec peu ou pas d'expérience de manutention monte sa propre entreprise de
manutention en utilisant du personnel temporaire ou occasionnel mal encadré et ayant une formation
minimale de docker. |
IMPLICATION POUR LES CAPITAINES
Cette Directive a en puissance la possibilité d'augmenter sérieusement la charge du Capitaine en :
- Augmentant la quantité de travail pour coordonner et gérer la gestion unifiée que ce soit par
l'équipage ou les usagers portuaires.
- Augmentant la responsabilité en ce qui concerne les dommages ou pertes de cargaison, les retards,
les attentes, l'assurance, les accidents ou blessures du personnel, les dommages environnementaux,
et les avaries aux équipements et aux biens.
- Augmentant la charge de travail de l'équipage du navire alors qu'on a des équipages réduits à bord
de tous les navires.
- En demandant à l'équipage d'effectuer des tâches très qualifiées pour lesquelles il n'a pas été
prévu de formation, c'est-à-dire :
- Utilisation des chariots élévateurs, des crapauds, des grues et autres équipements mobiles de manutention.
- La manutention de marchandises dangereuses.
- Devant remplacer régulièrement du personnel formé lors des relèves d'équipage
- Augmentant les difficultés pour respecter la réglementation sur les heures de travail qui est déjà
un très gros problème au cabotage.
- Rendant virtuellement impossible de pourvoir aux périodes de repos suffisantes pour tous les membres de
l'équipage.
- Réduisant les possibilités d'effectuer l'entretien indispensable à bord normalement réalisé au port.
- Demandant une surveillance et un contrôle accrus de dockers mal formés et mal encadrés fournis par
des gestionnaires uniques "pas sérieux"
- Demandant une surveillance et un contrôle accrus de pilotes et de lamaneurs inexpérimentés qui
n'ont eu qu'une formation minimale.
- Rendant confuse les limites traditionnelles de responsabilité entre les manutentionnaires et
l'équipage, en créant les possibilités de conflits du travail et de rupture des bonnes relations de
travail qui existent entre la navire et la terre, à moins que les règles de base soient clairement
définies et acceptées par toutes les parties concernées.
CONCLUSION
De fortes objections à cette Directive ont déjà été soulevées par l'ITF et les syndicats de dockers dans
tous les États membres.
Les différentes organisations représentant les Directions des ports et les usagers portuaires ont aussi
examiné le projet de cette Directive et ont fait des propositions, tout comme les organisations
d'Armateurs et de Chargeurs.
Il est important que les points de vue des marins soient rassemblés, évalués et portés à l'attention de
la Division de la Sécurité Maritime de la CE et autres agences pertinentes en rapport avec les
implications de la Directive soit :
- La protection de la santé, de la sécurité et de l'environnement.
- Niveaux de formation et normes pour la manutention et autres services portuaires.
- Assurer la compatibilité avec les autres règlements, lois et code en usage applicables, ainsi
qu'avec les assurances, charte partie et termes et conditions des contrats d'affrètement.
- Le problème de modifier les termes et conditions d'emploi des marins établis depuis longtemps
et d'assurer une rémunération adéquate pour tout travail supplémentaire accompli.
- La mise en oeuvre pratique de la gestion unifié par les équipages, au vu des grosses difficultés
de créer des officiers et équipages spécialisés, et le besoin de remplir les contrats et les
attentes des chargeurs à chaque escale dans chaque port.
- Les objectifs de la Directive - que nous soutenons car étant de l'intérêt de l'ensemble de
l'industrie maritime - est d'assurer des services portuaires compétitifs. Nous devons être
vigilants pour nous assurer que ce ne sera pas un moyen de fournir des services bon marché,
dangereux et sous-normes au détriment des Capitaines, officiers et équipages des navires.
Traduction libre par le Cdt J.P. Dalby d'un document présenté lors de l'A.G. de CESMA à ROTTERDAM
en mai 2002 par l'Irish Institute of Master Mariners.