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Les ports refuge
 
  1. Qu'est-ce la détresse d'un navire ?

          La détresse d'un navire est une menace de danger grave et imminente qui de l'avis du Capitaine, nécessite une assistance immédiate soit au navire, soit à une ou plusieurs personnes de celui-ci.
          C'est un moment qu'il ne faut souhaiter à personne car c'est souvent un constat d'échec et un drame humain. On a fait au mieux et cela empire, l'événement a été soudain et imparable. Le salut ne peut venir que d'ailleurs. Cet ailleurs est hors du contrôle du navire.
          La Convention Internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer a prévu des cas pré-enregistrés de détresse dans les équipements de communication du navire. Ce sont : l'abandon du navire, la collision, la demande d'assistance supplémentaire, le navire est désemparé et à la dérive, l'échouement du navire, l'envahissement des espaces machine ou cargaison, le navire est en train de couler, il y a eu une explosion, il a pris une gîte inattendue, il a un homme à la mer, un incendie s'est déclaré à bord, la menace est non désignée, il subit une attaque à main armée ou de pirates.
          Dès réception du message de détresse émis par le Capitaine, les dispositifs prévus par la Convention S.A.R. sont mis en œuvre pour sauver les vies humaines en péril.
          Si la sauvegarde de la vie humaine n'est pas encore requise (à l'exception du naufrage et de l'abandon du navire), les cas envisagés sont donc des demandes d'assistance qui visent à un retour à la normale, entrepris par des moyens non disponibles à bord.
          Car le navire ne peut se sauver lui même : il a besoin qu'on l'aide à colmater ses brèches, qu'on le remorque, qu'on le sorte du haut fond sur lequel il est échoué, qu'on l'aide à maîtriser l'incendie, que l'on mette sa cargaison en sécurité, qu'on le délivre des pirates...Enfin il ne peut lutter seul contre les possibles effets secondaires de sa détresse, en particulier la pollution liée à sa marchandise ou à ses soutes.
          L'attaque à main armée (dans la zone de compétence d'un état), l'acte de piraterie (en haute mer) s'assistent facilement :... par la non-assistance, ce qui demeure élégant.
          Pour les autres cas l'assistance prêtée est rémunérée. Jusqu'à une époque récente, soit on allait chercher le navire, soit on le laissait s'approcher du rivage, soit on l'accueillait dans son port. Le port était encore un lieu de refuge pour le navire. Cela permettait aussi la sauvegarde de la vie humaine car les sauveteurs n'avaient pas les moyens actuels, en particulier les hélicoptères ou les navires de sauvetage tout temps.
          C'est le "no cure no pay", autrement dit : l'assistance aux biens est rémunérée, le sauvetage des vies ne l'est pas, mais est obligatoire. La Convention internationale de 1989 sur l'assistance, des institutions de sauvetage en mer, des métiers sont nés de ce geste à la fois gratuit et rémunéré.
          Le principe était généreux, prééminent, sensé mais aussi un peu angélique:
    • Depuis les accidents de mer sont devenus plus médiatisés, et tous né sont pas fortuits ou dûs à l'événement majeur comme le montre le relevé des déficiences lors de l'enquête.
    • Les acteurs concernés se sont très souvent montrés comme étant de piètre qualité ou carrément insolvables, allant jusqu'à s'absoudre par dissolution de l'entité propriétaire.
    • Les conséquences écologiques, économiques et sociales se sont aggravées. La pollution dramatique de l'environnement marin et des rivages suit souvent un événement de mer.
    • Les dommages sont de plus en plus mal supportés par la société et compensés -Les états côtiers affrontent de plus en plus de risque pour leur population et leur environnement.
    • Le libéralisme économique et la mondialisation ont accru la déresponsabilisation de certains acteurs du transport maritime.
          De vives réactions exacerbées par ces bilans désastreux s'opposent donc à la réalisation de l'assistance. Ce défaut de la sécurité maritime a bien sûr suscité des réactions correctrices et directrices.
          Ainsi sont nés d'autres instruments qui entrent en jeu dès que la pollution est avérée. Ce sont :
    • le code ISM (il exige des actions : corrective et préventive),
    • d'autres contrats de remorquage (pour bouter au large le mécréant)
    • d'autres Conventions Internationales:
      • L'article 221 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer,
      • l'article 8 de la Convention MARPOL de 1973/1978 pour la prévention de la pollution par les navires (obligation faite au navire de signaler toute pollution résultant d'un accident de mer),
      • la Convention Internationale de 1969 sur l'intervention en haute mer en cas d'accident entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures,
      • le Protocole de 1973 sur l'intervention en haute mer en cas de pollution par des substances autres que les hydrocarbures.
          Puis des accidents de mer forts connus sont venus confirmer le bien fondé de telles mesures, ou infirmer les pratiques en cours et surtout signifier qu'il était temps de faire autre chose, et en particulier s'impliquer puisque les tentatives d'amélioration de la sécurité maritime n'aboutissent pas.
          La question des lieux de refuge n'est donc plus un débat purement théorique ou doctrinal mais bien la solution a un problème pratique : que faire quand un navire en difficulté grave a besoin d'assistance sans que pour l'heure la sauvegarde de la vie humaine ne soit mise en cause ?
          Une définition de l'assistance est donc en train de voir le jour. Le navire ayant besoin d'assistance est un navire se trouvant dans une situation ne nécessitant pas encore le sauvetage des personnes à bord , mais susceptible d'entraîner le naufrage du navire ou un danger pour l'environnement ou la navigation.


  2. Objectifs de la mise en place d'un lieu de refuge.

          Une décision politique qui ne peut qu'être prise au cas par cas en balançant les avantages que le fait d'amener un navire dans un lieu de refuge présente pour le navire affecté et l'environnement d'une part et d'autre part le risque que présente pour l'environnement le fait même que ce navire se trouve près du littoral.
          Quels peuvent être les axes de réflexion, la méthodologie pour la mise en place de lieu de refuge où se fera ce qui ne peut être fait au large ?

          Faut-il mettre le navire à l'abri près du rivage ou dans un port ?
  • Dans certaines circonstances, plus le navire est forcé de rester longtemps à la merci des éléments de la haute mer, plus il court le risque que son état se détériore et qu'il présente ainsi un danger accru pour l'environnement.


  • Souvent le meilleur moyen d'empêcher que des dommages ou une pollution ne se produisent ou s'amplifient du fait de la détérioration progressive du navire, consiste à transférer sa cargaison et ses soutes. Il est préférable que cette opération soit effectuée dans un lieu de refuge, car il est rarement possible de traiter de manière efficace et satisfaisante ce type d'accident maritime en haute mer.

      Faut-il l'éloigner vers le large ?

  • Le fait d'amener le navire dans un lieu de refuge à proximité d'un rivage peut entraîner des risques écologiques, économiques, sociaux pour celui-ci. Au vu des risques une réticence à accepter des navires accidentés ou désemparés est légitime et l'assistance se heurte à une opposition locale.

  • Le fait d'amener un navire accidenté dans un lieu de refuge a l'avantage de limiter l'étendue du littoral menacé, mais la zone précisément choisie est susceptible d'être plus gravement affectée.
  • Les lieux de refuge ont ils des équipements de transfert et de réparations qui sont adaptés et permettent d'envisager l'assistance? L'adéquation lieu /nature de l'assistance doit être soigneusement évaluée.

    Le contexte juridique de l'action des acteurs et la réparation des préjudices :

          Ce sont les diverses Conventions vues précédemment, la CLC 92 et l'IOPC de 92.
          L'état côtier en vertu du droit international peut exercer son autorité en prenant des mesures pour faire cesser ou écarter la menace et exiger du Capitaine ou de l'entité propriétaire, que soient prises dans les délais prescrits les mesures appropriées pour faire cesser une menace.
          Il peut aussi ne plus considérer le problème des navires ayant besoin d'assistance comme une affaire privée entre le navire et son propriétaire d'une part et un ou des navires apportant une assistance à titre occasionnel ou professionnel d'autre part, surtout quand il y a menace sur ses rivages ou celui de ses voisins.

  1. Le service d'assistance maritime.

          Souhaitant avoir des lieux de refuge, l'état côtier doit donc préparer des plans de mobilisation, des plans d'urgence et des procédures pour recevoir, répondre à des demandes d'assistance et donc autoriser (s'il n'y a pas de raison fondée de le refuser) ou obliger (s'il a des raisons fondées de le faire) à l'utilisation d'un lieu de refuge approprié à la demande.

    Recevoir des demandes d'assistance :

          Le Capitaine, qui continue d'être fortement sollicité par l'événement, n'a besoin que d'un seul interlocuteur habilité.
          L'état côtier devrait se doter d'un organisme habilité à établir les communications dédiées, à mettre en route les procédures d'alerte et à permettre l'échange approprié d'informations entre les parties concernées. Pour des raisons d'unité de vue, l'acronyme de cet organisme sera universel pour faciliter son identification.

          Ce service d'assistance maritime sera donc chargé de recevoir le premier appel, les divers comptes rendus / consultations / notifications et rapports successifs et ainsi de servir de point de contact entre les parties prenantes dans l'assistance.

          L'état côtier est légitimement fondé à recevoir des informations sur l'évolution d'une situation qui menace ses rivages et qui est gérée par des opérateurs privés intervenant pour le compte de l'entité propriétaire du navire.
          Bien que dans l'action d'assistance, la Sauvegarde de la Vie Humaine ne soit pas requise, elle doit rester constamment présente à l'esprit et prioritaire pour la sauvegarde des volontaires restés à bord (membres de l'équipage ou assistants : pompiers, sauveteurs) et celle des équipages des navires d'assistance et/ou de sauvetage naviguant à proximité.
          Ce service selon les spécificités de l'état côtier pourra donc être ou ne pas être l'interface prévu par la Convention SAR sur la Sauvegarde de la Vie Humaine.

    Répondre à des demandes d'assistance :
      Des cas de demande d'assistance peuvent se régler au large et/ou se voir confier à des organismes privés ou être réglés par l'autorité de l'état côtier comme l'autorisent les conventions internationales vues précédemment (OPRC -1990, Protocole de 1973).

      D'autres nécessitent des équipements portuaires et par là des lieux de refuge.

      Quelle pourrait être la définition de ces endroits ?

      Est un lieu de refuge un endroit où un navire ayant besoin d'assistance peut prendre des mesures qui lui permettent d'améliorer sa condition, de protéger l'environnement et la vie humaine et de réduire les risques pour la navigation et l'environnement.

      La demande d'assistance supposant de la part de l'état côtier une forme de décisions circonstanciée et légitimée, il devrait exister par zone de compétences (départemental ?, régional ?, façade maritime ?) une cellule de crise de composition numérique variable à partir de compétences adaptées au cas considéré et sous la direction d'une autorité investie.
      Les compétences seraient techniques (un marin familier du type de navire concerné, un pilote, un manutentionnaire, cabinet d'architectes navals, un agent maritime, des sauveteurs,..), environnementales (biologistes, chimistes,..), médicales, médiatiques (contrôle de l'information) et en charge du contentieux (assureurs, correspondants de P&I club, commissaires aux avaries).
      La demande d'assistance pouvant requérir une réponse rapide, il devrait y avoir à la disposition de cette cellule de crise une sorte de banque de données fixant parmi les divers points du rivage les lieux de refuge de la zone par accessibilité et compétences pour un type donné de demande d'assistance.
      Elle établirait le nombre de jours pendant lesquels il est accessible / inaccessible à un navire de type N , de taille T, d'un tirant d'eau Y demandant une assistance de type X car le lieu de refuge d'un petit caboteur victime d'un ripage de cargaison pourra ne pas être celui d'un super pétrolier victime d'un problème de structure.
      Les impondérables étant toujours possibles devrait venir ensuite une liste secondaire qui serait un fonctionnement en dégradé (mouillage d'attente, mise à l'abri).

Comment établir cette liste ?

      N'étant pas déchargé par la détresse de ses responsabilités de conducteur d'expédition maritime et de gardien des biens et des vies qu'on lui a confiés, que peut souhaiter savoir du lieu de refuge le capitaine d'un navire en demande d'assistance ?



La sélection du lieu de refuge se poursuit par des questions qui sont du domaine de l'état côtier.




  1. L'évaluation spécifique pour prise en compte décisionnelle.

          Il convient maintenant de poursuivre l'évaluation et de prévoir les modalités d'une évaluation spécifique et commune de la situation (état côtier, navire, sauveteurs).
          On compare les risques encourus si le navire reste en mer et ceux qu'il ferait courir au lieu de refuge et à son environnement, à la lumière de l'autorité légale qu'a le pays concerné. L'aiguille du fléau de la balance est graduée en avantage commun.
          Rappel : l'état côtier, dans l'état actuel de la législation, n'est nullement tenu d'accéder à la demande de lieu de refuge.
          Cette évaluation spécifique se fait soit par l'embarquement au moment opportun d'une équipe d'inspection composée de personnes possédant les compétences appropriées à la situation, soit par la poursuite d'échanges via le contact prévue entre les parties concernées. Seront évalués lors de cette dernière analyse, les points suivants :
    • L'état des fonctionnalités du navire :
      • Équipage à bord : Analyse de l'élément humain ( Capitaine à bord ou pas, équipage au complet ou non, état de fatigue et réactivité, blessure,...).
      • État de navigabilité : assiette, gîte, intégrité des structures, flottabilité, stabilité
      • Approvisionnement et soutes.
      • Disponibilité des moyens d'amarrage, de communication; d'énergie, de mouillage et de propulsion.
      • Implication de la charge utile du navire : nature et danger de sa cargaison pour le navire et/ou le lieu de refuge, présence de personnes à bord qui ne sont pas membres de l'équipage et évaluation de leur état (passagers, scientifiques, techniciens,... ).
      • Qualité nautique maintenue ou non.
    • Les premières mesures déjà prises :
      • Actions et mesures techniques prises par le Capitaine et/ou par la cellule de crise de l'entité propriétaire du navire pour évaluer la modification des risques encourus par le rivage et notifier son accord/désaccord.
      • L'assurance du navire (P&I Club, coque et machine) et identification de l'assureur.
      • Contrats commerciaux d'assistance déjà passés par le Capitaine ou l'entité propriétaire du navire.
      • Désignation d'un représentant de l'entité propriétaire dans la zone de compétence de l'état coder.
      • Fourniture de la garantie bancaire ou financière requise pour couvrir les frais.
    • Perception de l'évolution de la situation par le demandeur.
      Prise en compte de la préservation de la coque, de la cargaison, des machines et renseignement sur les intentions de l'éventuel assistant, du Capitaine et de l'entité propriétaire du navire :
      • Des moyens d'assistance sont à pied d'œuvre, sont en route ou ne sont pas prévus.
      • Le navire souhaite être éloigné vers le large, pourquoi et conséquences.
      • Le navire souhaite gagner un port de refuge, pourquoi et conséquences.
      • Le navire souhaite rester sur place, pourquoi et conséquences.
      • Le navire souhaite poursuivre sa route, pourquoi et conséquences.


  2. Autoriser, obliger ou refuser l'utilisation d'un port de refuge :

          Une argumentation technique fondée sur une description claire de l'état du navire sinistré en face des risques encourus, prenant en compte la préservation de la coque, de la cargaison, des machines sera précieuse dans toutes les négociations susceptibles d'avoir lieu, car il reste quelques problèmes :
    • Accord du Capitaine (conducteur de l'expédition maritime et gardien des biens) et de l'entité propriétaire sur les mesures préconisées.
    • Évaluation des conséquences si la demande est refusée pour l'état et les états voisins.
    • Compensation des préjudices (suite à une décision unilatérale, risques pris).
          On voit donc qu'il y a une infinité de cas (du Tricolor au Prestige en passant par le Castor), que l'établissement de scénarii trop rigides est condamné, qu'il faut être prêt : coût de l'intervention, compensation des préjudices de toutes natures et avoir une liste de lieux de refuge adaptés, que la pollution est le risque le plus récurrent.
          Il reste la méthode des États Unis, la fameuse OPA 90 qui prévoit 3 choses principales :
    • Une protection en amont (choix du type de pétroliers qui fréquentent les eaux US)
    • Obligation d'avoir un QI (individu qualifié) qui se chargera du nettoyage et de la remise en état.
    • Surveillance de la Garde côtière US qui fédéralisera le problème, mais a son coût.
Cdt T.ROSSIGNOL,
vice président de l'AFCAN

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