- CHANGER LA REGLE
La majorité des chefs de quarts connaissent en théorie "leurs"
règles de barre. Mais les difficultés de les appliquer à la lettre dans la pratique est une autre
affaire. Ils en ont, longtemps après avoir passé leur diplôme et acquis leur brevet, une interprétation
toute personnelle. Sont-ils les seuls à blâmer ?
Dans la première partie, l'explication de la règle 19, nous avons
éludé les difficultés d'application pratique et plus particulièrement les anachronismes et les
incohérences dues aux autres règles du Règlement. L'explication de la Règle 19 n'est pas immédiate. Il
a fallu définir de façon précise des termes et des expressions qui ne l'étaient pas. Le choix de la
règle à appliquer et de la façon de l'appliquer, dans un cas concret, ne sont pas évidents si un travail
de fond n'est pas effectué à priori et si, à chaque cas qui se présente, une remise en question des
automatismes acquis n'est pas réalisée.
L'application de la règle 19 ne va pas de soi. Selon les réponses
données aux diverses questions soulevées par un cas qui se présente, le chef de quart a le choix entre
plusieurs options de manœuvre. Chaque question présente un degré de difficulté qu'il ne faut pas
négliger. Et si, à une des questions posées, la réponse est mauvaise, la manœuvre, si manœuvre il y a,
ne peut conduire qu'à une situation sinon plus rapprochée, au moins incertaine.
Dans la deuxième partie, nous mettons l'accent sur les difficultés
qui surviennent lors de l'interprétation et de l'analyse de la situation, en fonction de la
réglementation.
Ce qui nous mènera naturellement à la conclusion qui s'impose : les
règles de barre sont beaucoup trop laxistes, trop imprécises et trop compliquées à appliquer. Une
nouvelle réglementation simple et directe où le choix, d'appliquer selon des critères suggestifs telle
règle plutôt qu'une autre aura totalement disparu, s'impose pour le bien être des navigants.
- LA VISIBILITE
La visibilité est exprimée par la distance à partir de laquelle
l'observateur ne peut plus voir distinctement. Cette distance varie en fonction de la proximité, du
nombre et de la nature de particules solides ou liquides en suspension dans l'air (fumée, sable, eau,
neige, glace).
Selon la nature du phénomène, la visibilité n'est pas la même dans
toutes les directions et peut varier en fonction de la hauteur de l'observateur. La visibilité peut
être meilleure au niveau de l'eau et se dégrader quand la hauteur augmente. L'inverse est vrai aussi.
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La distance à laquelle se trouve l'horizon dépend de la hauteur
d'observation. Pour deux navires de tonnage identique, prenons un porte-conteneur et un pétrolier dont
les passerelles sont à des hauteurs différentes, l'horizon du premier est plus éloigné que l'horizon du
second.
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Si la distance de visibilité est inférieure à la distance de
l'horizon de l'un (V<D) mais supérieure à celle de l'autre (v>d), le premier doit appliquer la règle
de la section III (visibilité réduite), alors que le second doit appliquer les règles de la section II
(en vue les uns des autres), ceci avec une mer plate.
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Que se passe-t-il quand les creux deviennent si
importants que l'horizon, bien que le ciel soit clair, est dangereusement limité par les
crêtes des vagues ou de la houle? La visibilité n'est-elle pas alors réduite avec une
atmosphère d'une limpidité extraordinaire?
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|
Prenons maintenant le cas où la visibilité est
effectivement limitée par le relief de la côte :
Deux navires peuvent ne pas être en vue les uns des autres mais il n'y a pas, selon la Règle
3.1, de "visibilité réduite" et ils doivent appliquer les règles de la section II (en vue les
uns des autres). Si les deux navires ne sont pas dans un chenal étroit ou une voie d'accès, il
n'y a pas lieu de faire entendre le signal prescrit par la règle 34.e).
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Si la visibilité n'est réduite que dans une direction,
un même navire A doit appliquer, pour un navire C qu'il peut parfaitement observer, les règles
de la section II, alors qu'il doit, pour un navire B caché par la brume, appliquer la règle 19.
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Dans certains de ces cas, il faut appliquer les règles de la section
II, alors que les navires ne sont effectivement pas en vue les uns des autres. Dans d'autres, un même
navire peut se trouver dans l'obligation d'appliquer la règle 19 vis à vis d'un navire et les règles de
la section II vis à vis d'un autre.
La définition de visibilité réduite donnée par la règle 3.1 ne
recouvre donc pas tous les cas où la visibilité est matériellement réduite. Cette notion, qui régente
l'articulation de la réglementation, est imparfaite et doit donc être abandonnée.
- LES FEUX ADDITIFS ET LES MARQUES
Dans la première partie, nous avons dû clairement définir le terme
"en vue les uns des autres " et le domaine d'application de la Section II, ce qui n'était pas
à priori évident à la lecture des règles.
Mais il faut rappeler ici que les feux additifs (visibles sur tout
l'horizon) qui caractérisent un navire selon la règle 18 (responsabilité réciproque) ont des portées
minimales de 3 milles (Règle 22, Portée lumineuse de feux). Nous ne pouvons nous attendre à ce qu'ils
aient des portées bien plus importantes.
Feu |
Portée (milles) |
|
Marques |
Largeur |
Hauteur |
Tête de mât
Côté
Poupe
Remorque
Visible sur tout l'horizon |
6
3
3
3
3 |
Boule
Cône
Cylindre
Bicône
|
0,6m
0,6m
0,6m
0,6m
|
0,6m
0,6m
0,6m
0,6m
|
Que dire alors des marques qui caractérisent, de jour, ces navires?
L'Annexe I, Emplacement et caractéristiques techniques des feux et
marques, paragraphe 6, précise les dimensions minimales des marques.
A quelle distance sommes nous censés distinguer nettement ces
marques, avec ou sans jumelles?
Il est illusoire de prétendre les distinguer à plus de 3 milles.
Encore faut-il qu'elles ne soient pas cachées par des pavillons ou des mâts.
De jour comme de nuit, et par temps clair, un navire ne sera
caractérisé selon la règle 18 qu'à partir d'une distance de 3 milles, dans le meilleur des cas.
Nous en concluons que nous sommes en présence de règles qui nous
imposent de reconnaître un navire selon des critères qui ne nous permettent pas de le faire avant que
ces navires ne soient à moins de 3 milles dans le meilleur des cas. Ne sera-t-il pas déjà trop près
quand il faut manœuvrer franchement et largement à temps pour passer à une distance suffisante?
N'est-il pas temps d'équiper les navires d'un système permettant de les caractériser sur tous les écrans
radar pouvant les localiser et de mettre au musée les différentes marques?
Ce système existe : il s'agit de l'A.I.S. (système d'information
automatique), déjà en place dans l'aviation, qui permet de visualiser sur l'écran radar un certain nombre
de renseignements concernant la route, la vitesse, le type de navire (avec handicap ou non) d'un navire
présentant un risque de situation rapprochée. Ce navire étant identifié par son nom et son M.M.S.I.
(Marine Mobile Service identification : identifiant S.M.D.S.M..). Ces informations sont transmises
automatiquement par un transpondeur embarqué.
L'O.M.I. envisage d'ores et déjà de rendre obligatoire cet appareil
sur les navires de plus de 300 U.M.S. La connaissance du M.M.S.I permettra, et ce n'est pas négligeable,
d'entrer immédiatement en contact et de façon sélective avec un navire par l'intermédiaire de la V.H.F.
(A.S.N.).
- LA REGLE 17
Nous sommes à moins de 4 milles d'un navire en route de collision et
nous pouvons distinguer sa forme, ses feux de route et ses feux additionnels ou ses marques.
S'il s'agit d'un navire dont nous devons nous écarter selon la règle 18. Nous le faisons. Mais si l'autre navire n'est qu'un navire à propulsion mécanique
faisant route et que nous sommes le navire privilégié, une difficulté de taille apparaît.
Selon la règle 17, trois options s'offrent à nous :
- le navire doit maintenir son cap et sa vitesse,
- le navire peut "néanmoins" manœuvrer afin d'éviter l'abordage par sa seule manœuvre,
"aussitôt qu'il lui parait évident que le navire qui est dans l'obligation de s'écarter de
sa route n'effectue pas la manœuvre appropriée prescrite par les présentes règles"....
- quand pour une raison quelconque, le navire "qui est tenu de maintenir son cap et sa vitesse se
trouve tellement près de l'autre que l'abordage ne peut être éviter par la seule manœuvre du
navire qui doit laisser la route libre, il doit de son côté faire la manœuvre qui est la
meilleure pour aider à éviter l'abordage".
Nous ne nous attarderons pas sur l'état de désarroi profond d'un
chef de quart à la lecture de termes et d'expressions elliptiques comme "néanmoins" ou "aussitôt qu'il
parait évident que...".
Donc, pour le navire privilégié, les 3 options sont dans l'ordre
(figure 39)
- doit maintenir son cap et sa vitesse,
- peut manœuvrer,
- doit manœuvrer.
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La première option, maintenir son cap et sa vitesse, est impérative
et ne pose pas de problème d'interprétation jusqu'à la lecture de l'alinéa suivant qui est pour le
moins imprécis. Le terme "néanmoins" et l'expression "aussitôt qu'il lui paraît évident" laissent toute
latitude au navire privilégié de manœuvrer dès qu'il le juge utile.
En d'autres termes, le navire privilégié ne doit pas manœuvrer mais... peut le faire.
Si l'on demande à cent chefs de quart placés dans une même situation
de navire privilégié, il y a fort à parier qu'aucun d'entre eux ne manœuvrera (s'il manœuvre) selon
la deuxième option, au même moment. |
|
Surtout, ils perdront un temps précieux à se poser le
genre de question : "à partir de quand est-ce qu'il va me paraître que l'autre navire ne
manœuvre pas ?..."
Le plus sage n'est-il pas de considérer d'emblée la 2e option et donc de "pouvoir" manœuvrer
sans tarder et de supprimer l'obligation de maintenir son cap et sa vitesse (figure 40) |
|
Le chef de quart a alors le choix entre "peut" et "doit"
manœuvrer.
Il serait absurde d'en rester là. Une règle doit être
rigoureuse et ne laisser aucun doute quant à la conduite à tenir.
La seule option à retenir est la dernière : "doit manœuvrer"
(figure 41)
|
Le principe du navire privilégié (et donc la règle 17) est alors
remis en cause quand deux navires à propulsion mécanique sont en route de collision.
- LA VEILLE AUDITIVE
Les passerelles d'aujourd'hui sont des passerelles fermées et
climatisées. Certaines n'ont plus d'aileron. Le nid de pie a depuis longtemps disparu. Certains navires
ont été, dans les années 70, équipés de "détecteur de son". Ce système permettait, grâce à deux micros
situés sur l'étrave, de localiser la provenance d'un son sur l'avant. Il n'était malheureusement pas
assez sélectif.
Le chef de quart est devenu un technicien entouré d'outils très
sophistiqués. La charge qui lui incombe est devenue très lourde. Entre les alarmes machine, les
alarmes incendie, la V.H.F. S.M.D.S.M., l'alarme de cibles dangereuses du système APRA, il a du mal à
effectuer une veille auditive extérieure. Et les effectifs actuels ne permettent pas d'armer des
postes de veille supplémentaires.
Mais admettons que la veille auditive soit effective.
Entendre un signal sonore et ne pas pouvoir établir qu'il n'existe
pas de risque d'abordage est, à l'heure actuelle, difficilement concevable si nous considérons les
performances des radars modernes et la nécessité d'emporte pour les navires à partir de la 4e
catégorie d'un réflecteur radar. De plus, il est très difficile de localiser, dans une brume épaisse,
compte tenu des phénomènes de réflexion, la provenance en gisement d'un signal sonore.
En clair, la veille auditive n'est plus vraiment effectuée parce
qu'elle n'apporte aucune information, de nature à éviter un abordage, que ne nous a déjà fourni le radar,
si ce n'est de semer la confusion.
- RATTRAPANT et RATTRAPÉ
Le navire rattrapé est par définition moins rapide.
Selon la règle 19 de Colreg 72, le navire rattrapé ne peut venir du
bord dont vient le navire rattrapant alors que le navire rattrapant qui a le navire rattrapé sur l'avant
du travers a le choix de manœuvrer en changeant de cap sur la droite ou sur la gauche. Ce qui peut
prolonger le risque si les deux navires viennent du même bord.
Il faut donc écarter la possibilité au navire rattrapant de venir
d'un bord ou de l'autre et empêcher le navire rattrapé de manœuvrer. L'idéal est de laisser
l'initiative de la manœuvre au navire le plus rapide, celui dont le moindre écart de cap est le plus
efficace pour éclaircir la situation, le rattrapant, et le faire manœuvrer toujours du même bord (à
droite). Le navire rattrapé, le plus lent, celui dont la manœuvre, même importante, peut une fois sur
deux s'avérer inefficace, doit être tenu de maintenir son cap et sa vitesse.
Or la règle 13 (navire qui en rattrape un autre) section II (Conduite
des navires en vue les uns des autres) dit exactement cela. Il faut cependant élargir la notion de
navire rattrapant à tout navire qui s'approche d'un autre en venant de l'arrière de son travers pris au
sens strict (090°/270°) pour éviter la difficulté d'évaluation soulevée par la définition actuelle de
navire rattrapant. Il faut également rendre cette règle, ainsi modifiée, applicable dans toutes les
conditions de visibilité.
- LE RADAR
Règle 7 - Risque d'abordage b:
"S'il y a à bord un équipement radar en état de marche, on doit
l'utiliser de façon appropriée en recourant, en particulier, au balayage à longue portée afin de déceler
à l'avance un risque d'abordage, ainsi qu'au "plotting" radar ou à toute autre observation systématique
des objets détectés"
Le paragraphe b de la règle 7 de la section 1, partie B, donne
l'obligation d'utiliser le radar, s'il y en a un à bord en état de marche, afin de déceler à l'avance si
un risque d'abordage existe.
Cette règle date de la réglementation de 1972. Nous serions tentés de
remercier le Législateur dans sa "grande sagesse" pour les judicieux conseils qu'il nous donne en ce qui
concerne l'utilisation d'un hypothétique radar en état de marche.
Mais SOLAS et MARPOL imposent depuis longtemps un ou deux radars à
bord des navires de plus de 500 tonneaux et un système APRA quand la jauge dépasse 10 000 tonneaux.
La règle 5 de la section I, Veille, précise :
"Tout navire doit en permanence assurer une veille visuelle et
auditive appropriée, en utilisant également tous les moyens disponibles qui sont adaptés aux
circonstances et conditions existantes, de manière à permettre une pleine appréciation de la situation
et du risque d'abordage."
Nous avons un radar APRA à bord et nous devons donc l'utiliser
quelles que soient les conditions de visibilité : par visibilité réduite mais aussi en vue les uns des
autres. C'est ce qui se passe à bord.
A la fin des années 90, avec l'aide de microprocesseurs toujours
plus performants puis l'adjonction de cartes électroniques vectorielles (E.C.D.I.S.), de systèmes
d'essai de manœuvre intégrant non seulement les dimensions exactes du navire porteur mais aussi ses
caractéristiques de manœuvre (chute de vitesse, taux de giration et angle de dérive, selon l'angle de
barre programmé et selon la vitesse initiale) pour prévoir en temps réel la trajectoire vraie ou
relative de tous les échos, la vision radar est devenue, par visibilité réduite mais aussi parfois par
temps clair, beaucoup plus performante que la vision humaine.
La figure 42 ci-dessous montre les renseignements et les possibilités
d'essai de manœuvre donnés par un système E.C.D.I.S. vectoriel. Dans le futur, un système de
transpondeur complétera les informations dynamiques du navire par des renseignements concernant sa
destination, son chargement, son tirant d'eau.
Précisons également que le radar s'est démocratisé et a largement
investi le domaine de la plaisance. Pour un moindre coût, il existe aussi des détecteurs de radar
adaptés à la plaisance.
Le radar n'est plus une simple aide à la navigation, il est devenu
l'outil par excellence pour éviter les abordages.
Ce n'est plus le Capitaine qui décide de le mettre en fonction avec
une clé dont il est le seul détenteur. Les radars sont mis en service avant l'appareillage et ne sont
stoppés qu'au "terminé pour la machine". Ils sont utilisés quelle que soit la visibilité en
anti-collision.
- UNE SEULE REGLE
La règle 19 fait fi des divers types de navires caractérisés selon
la règle 18.
Même s'ils émettent des signaux phoniques (Partie D, Règles 35,
signaux sonores par visibilité réduite) différents du navire à propulsion mécanique faisant route qui
ne sont audibles qu'à 2 milles, la règle 19 impose de manœuvrer pour tous les navires.
Compte tenu de ce qui a été dit sur la visibilité "réelle", les
difficultés d'appliquer les règles de la section Il à une distance raisonnable d'un navire dangereux,
les performances des radars actuels, il est urgent d'étendre le champs d'application de la règle 19,
modifiée pour la rendre moins elliptique et plus actuelle, à tous les cas de visibilité et à tous les
navires.
Le chef de quart n'aura plus à se préoccuper de la visibilité
réduite et encore moins de savoir s'il doit manœuvrer ou non.
Elle prendrait la forme suivante :
Dans toutes les conditions de visibilité, hors chenaux étroits et
dispositifs de séparation de trafic, tout navire doit déterminer, en présence d'un autre navire sur
l'avant du travers, si un risque d'abordage existe.
Dans ce cas il doit prendre largement à temps les mesures pour
éviter cette situation, et manœuvrer conformément aux cas suivants :
- navire sur l'avant du travers à droite : venir à droite pour passer derrière;
- navire sur l'avant du travers à gauche venir à droite pour passer devant.
|
Cette règle a l'avantage d'être sans équivoque. Elle
oblige les navires en route de collision qui se "voient" sur l'avant du travers à venir sur la
droite comme pour tourner autour d'un carrefour giratoire fictif. Dans ce cas, l'embardée de
chacun des deux navires est relativement réduite, de l'ordre de 30º environ mais
immédiatement perçue au radar.
Voyons le cas du navire qui vient par l'arrière du travers
(gisement compris entre 90º et 270º). Si ce navire est en route de collision, il est plus
rapide.
Ce navire nous voit sur l'avant de son travers, il doit, seul, donc manœuvrer, en venant sur
la droite.
|
Nous avons précisé que le domaine d'application de cette règle
dépend de 2 critères
- un critère géographique : hors chenaux étroit et hors zone de séparation de trafic.
- un critère de gisement : (le travers droit = 090° et le travers gauche = 270°) pris au sens
strict.
Pour savoir s'il doit manœuvrer, il suffit de connaître sa position
et de savoir lire un gisement sur le radar ou le taximètre. La position est censée être connue, il ne
reste plus qu'à observer visuellement ou sur le radar le gisement du navire qui se rapproche. Le bord
de la manœuvre est prédéterminé (à droite).
Hors chenal étroit ou dispositif de séparation de trafic
Ce tableau est à comparer avec celui des règles actuelles :
- LA REGLE 18
LES VOILIERS
Les voiliers de petite taille, moins de 20 mètres, prouvent tous
les jours, quand l'équipage est compétent, qu'ils peuvent manœuvrer, vite et bien, sur de très courtes
distances. Ils sont en général beaucoup plus manœuvrants qu'un navire de charge. Si un navire à voile
est en route de collision avec un navire de charge, le navire à voile se met hors de danger en mettant
en panne ou en effectuant un virement de bord. A condition d'assurer en permanence une veille visuelle
appropriée (Règle 5). Il est peut-être temps d'imposer aux skippers des navires à voile à partir de la
4e catégorie un permis adapté à ce type de navigation.
Les solitaires sur leur maxi-super catamaran devront faire comme
tout le monde, à commencer par assurer en permanence une veille appropriée. Jusqu'à nos jours, on
craignait pour le frêle voilier qui pouvait être abordé par un navire de charge. Qui peut dire ce qui
se passera quand un voilier hors norme, en carbone-kevlar, avec des flotteurs tranchants comme des
rasoirs, lancé à plusieurs dizaines de nœuds, abordera un transporteur de gaz naturel liquéfié ?
Les navires de croisière à voiles qui sillonnent les mers depuis
quelques années sont pratiquement tous assistés par une propulsion mécanique auxiliaire : ce sont donc
des navires à propulsion mécanique. De plus le gréement est entièrement assisté par un système
hydraulique ou électrique et le plus souvent commandé par un ordinateur. Les manœuvres des voiles sont
donc facilitées. Ils sont armés par des professionnels. Rien ne les empêche de manœuvrer.
Les seuls navires à voiles qui pourraient causer un problème sont les
navires écoles avec leur gréement classique. Mais ils sont armés par des équipages compétents et
motivés : ils peuvent également manœuvrer pour éviter un abordage.
Dans le cas d'une confrontation directe d'un navire de charge A et
d'un navire à voile B (figure 44), la manœuvre d'un navire à voile de B en BI est plus déterminante et
plus rapide que la manœuvre de A en A'.
Rien ne justifie plus le privilège des navires à voile sur les
navires à propulsion mécanique.
LES NAVIRES EN TRAIN DE PÊCHER
En ce qui concerne les navires en train de pêcher, la question est
plus délicate. Les abus, quoique limités, sont encore trop nombreux :
- les feux de côté et de poupe, noyés dans la lumière des feux de pont sont invisibles de nuit
- les feux et les marques de pêche sont montrés en permanence quel que soit le statut du navire
(en pêche ou en route ou ... à quai.
- veille radar et visuelle aléatoires.
- manœuvres à la limite de l'inconscience pour écarter, dans un dispositif de séparation de
trafic, un navire gênant.
Pour mettre fin à ces abus, le navire en train de pêcher ne doit
plus être considéré, dans un dispositif de séparation de trafic, comme un navire particulier : la pêche
doit être interdite dans les dispositifs de séparation de trafic. En contre partie, les navires de
charge doivent être exclus des zones de pêche.
La sécurité s'en trouvera améliorée.
LES NAVIRES QUI NE PEUVENT PAS MANOEUVRER
Le cas des navires ne pouvant manœuvrer correctement (navire à
capacité de manœuvre restreinte, et navire pas maître de sa manœuvre) est résolu hors chenal étroit
et dispositif de séparation de trafic, comme c'est le cas dans l'actuelle règle 19 (tout navire doit
manœuvrer). En effet, si l'un des deux navires manœuvre, il n'y a plus de risque. Il n'est pas
nécessaire d'ajouter "doit manœuvrer sauf circonstances exceptionnelles". Il ne faut plus fournir, à
priori, à un quelconque navire, une excuse pour ne pas manœuvrer. A chacun de prendre ses
responsabilités.
En ce qui concerne les navires spécialisés qui font route et qui
doivent suivre impérativement une trajectoire dans un dispositif de séparation de trafic (seul les
câbliers ou poseurs de tuyaux en tout genre et les dragueurs de mines peuvent être admis dans cette
catégorie), ils pourraient signaler l'impossibilité de manœuvrer, en attendant la généralisation de
l'A.I.S., par un feu à éclat sur 360º qui serait également visible de jour.
- LES ZONES REGLEMENTEES
La règle générale est applicable en "eaux libres". Mais la situation
est différente dans les eaux réglementées que doivent être les chenaux étroits et des dispositifs de
séparation de trafic. En ce qui concerne le chenal étroit (ou la voie d'accès), il faut lever
l'ambiguïté de la règle 9, b) et c), c'est à dire le cas de "navires qui ne doivent pas gêner...".
Que doit faire le navire qui ne peut naviguer en toute sécurité
qu'à l'intérieur d'un chenal étroit s'il est confronté à un autre navire, quel qu'il soit, qui le gêne?
Cette question rend perplexe. Autant supprimer, aux navires pouvant
naviguer à l'extérieur d'un chenal étroit ou d'une voie d'accès, la possibilité de gêner.
Pour les dispositifs de séparation de trafic, il s'agit de
privilégier les navires qui suivent une voie de ce dispositif. Ces navires ont sensiblement le même cap
et leur seul problème doit être les manœuvres de dépassement. Ils ne doivent en aucun cas être gênés
par de petits navires, des pêcheurs ou des traversiers comme c'est actuellement les cas.
Il faut donc imposer aux navires traversant une voie de séparation
de s'écarter des navires qui suivent cette voie. Un navire traversant une voie de séparation de trafic
sera beaucoup plus à l'aise s'il sait que les navires qu'il va croiser ne changeront pas de route.
Dans les zones les plus resserrées d'une voie de séparation, il
serait judicieux d'interdire les dépassements et d'imposer aux navires un écart minimal.
Plus radicalement, il faut interdire la pêche dans une voie de
séparation de trafic, un chenal étroit ou une voie d'accès. En compensation, il faut rendre les zones
de pêche exclusives au trafic direct.
Reste le problème d'une avarie qui survient à un navire traversant
une voie d'un dispositif de séparation : Il pourrait montrer le feu à éclat déjà cité plus haut. Mais
il faut que cette solution ne soit utilisée qu'à bon escient. Dans les chenaux étroits et les
dispositifs de séparation de trafic, une généralisation rapide des V.T.S. (Vessel Trafic System : centre
de contrôle du trafic) et de l'A.I.S. (Automatic identification system) permettrait de réguler et de
sécuriser le trafic.
A la règle de base nous ajoutons donc les paragraphes suivants qui
reprennent les conclusions des chapitres IX et X de la présente partie :
- Tout navire qui peut naviguer en toute sécurité à l'extérieur d'un chenal étroit ou d'une voie
d'accès doit s'écarter des navires qui empruntent ce chenal ou cette voie d'accès.
- Tout navire qui ne suit pas une voie de séparation de trafic doit s'écarter des navires qui
suivent une voie de séparation de trafic.
- La pêche est interdite dans les voies de séparation de trafic et les chenaux étroits.
- CONCLUSION DE LA 2º PARTIE
Les différents éléments que doit analyser le chef de quart, avant
de manœuvrer ou non, font appel à des notions trop suggestives. Il faut s'en débarrasser.
La mise en place d'une règle nouvelle, courte, simple, sans
ambiguïté, qui met à profit toutes les technologies existantes, s'impose aujourd'hui. Le chef de quart
ne doit pas, pour appliquer une règle, être obligé de répondre aux questions trop nombreuses concernant
la visibilité, le type de navire auquel il est confronté, le choix de la manœuvre à effectuer, si les
réponses à ces questions sont le plus souvent trop hasardeuses. Le chef de quart doit seulement savoir,
quand il est en eaux libres, qu'il doit manœuvrer. Le choix du bord de la manœuvre étant prédéterminé.
Quand il est en eaux réglementées, il devient ou non prioritaire selon qu'il suit ou non une voie de
séparation de trafic ou un chenal étroit.
CONCLUSION GENERALE
Il a fallu une longue explication de texte pour interpréter,
comprendre et appliquer la règle 19 du règlement international pour éviter les abordages en mer. La
règle 19 n'a subi, depuis la première version qui date de plus d'un siècle, que très peu de
modifications. L'esprit est resté le même. Les notions de visibilité, de vitesse de sécurité, d'avant
du travers, de distance de passage suffisante et bien d'autres sont des notions subjectives qu'il a
fallu quantifier pour essayer de rendre cette règle plus simple. Cela est impératif puisque cette règle
est en vigueur et qu'il faut l'appliquer, bien l'appliquer.
Mais le radar qui est devenu au fil du temps l'outil pour éviter
les abordages est toujours quasiment absent de cette réglementation dépassée : l'audition d'un signal
sonore sur l'avant du travers nous oblige à faire abstraction des renseignements fournis par le radar.
Il faut donc légiférer sans tarder et mettre en place une nouvelle
règle simple et sans équivoque pour permettre au chef de quart de manœuvrer sans risque d'erreur en
tenant compte de toutes les informations obtenues par le radar. L'analyse d'une situation doit être
immédiate et ne doit permettre aucune erreur d'interprétation.
Mais la simplicité de cette règle impose cependant un aménagement,
une réglementation du domaine maritime pour que des navires, ayant des intérêts divergents (le transport,
la pêche), ne puissent plus être confrontés les uns aux autres.
La proposition de règle qui est faite ici, est par certains aspects,
très stricte. C'est ainsi qu'une règle doit être.
Les Capitaines doivent savoir avec certitude à quoi s'en tenir. Une
règle doit dire ce qu'il faut faire et non ce qu'il convient de ne pas faire.
Si quelques propositions nous
paraissent audacieuses, elles ont au moins le mérite de poser la question. Cependant retirer
aux navires en action de pêche leurs statut de privilégié nous semble irréaliste. Pour comparer
les deux règles, nos lecteurs, qui ne sont pas tous marins, trouveront ci-dessous le texte remis en
forme par l'auteur de la règle 19 actuelle et sa proposition.
Nous serions heureux d'avoir l'avis de nos adhérents.
LA REGLE 19 - Conduite des navires par visibilité réduite
- La présente règle s'applique aux navires
- qui ne sont pas en vue les uns des autres,
- et qui naviguent à l'intérieur ou à proximité de zones de visibilité réduite.
- Tout navire doit naviguer à une vitesse de sécurité adaptée
- aux circonstances existantes
et
- aux conditions de visibilité réduite.
Les navires à propulsion mécanique doivent tenir leurs machines prêtes à manœuvrer
immédiatement
- Tout navire, lorsqu'il applique les règles de la section I de la présente partie, doit tenir
dûment compte des circonstances existantes et des conditions de visibilité réduite.
- Un navire qui détecte au radar seulement la présence d'un autre navire doit déterminer
- si une situation très rapprochée est en train de se créer
et/ou
- si un risque d'abordage existe.
Dans ce cas, il doit prendre largement à temps, les mesures pour éviter cette situation.
Toutefois, si ces mesures consistent en un changement de cap, il convient d'éviter, dans la
mesure du possible, les manœuvres suivantes:
- un changement de cap sur bâbord dans le cas d'un navire qui se trouve sur l'avant du
travers, sauf si ce navire est en train d'être rattrapé
- un changement de cap en direction d'un navire qui vient par le travers ou sur
l'arrière du travers.
- Sauf lorsqu'il a été établi qu'il n'existe pas de risque d'abordage, tout navire
- qui entend, dans une direction qui lui parait être sur l'avant du travers, le signal de
brume d'un autre navire,
ou
- qui ne peut éviter une situation très rapprochée avec un autre navire situé sur l'avant du
travers, doit réduire sa vitesse au minimum nécessaire pour maintenir son cap.
Il doit, si nécessaire, casser son erre et, en toutes circonstances, naviguer avec une
extrême précaution jusqu'à ce que le risque d'abordage soit passé.
J'ai volontairement reproduit la Règle 19 en modifiant quelque peu
la ponctuation et la présentation, ce qui permet déjà de mettre en relief ses articulations.
La nouvelle règle....
Dans toutes les conditions de visibilité, hors chenaux étroits et
dispositifs de séparation de trafic, tout navire doit déterminer, en présence d'un autre navire sur
l'avant du travers, si un risque d'abordage existe.
Dans ce cas il doit prendre largement à temps les mesures pour
éviter cette situation, et manœuvrer conformément aux cas suivants :
- navire sur l'avant du travers à droite :
venir à droite pour passer derrière;
- navire sur l'avant du travers à gauche :
venir à droite pour passer devant.
Tout navire qui peut naviguer en toute sécurité à l'extérieur d'un
chenal étroit ou d'une voie d'accès doit s'écarter des navires qui empruntent ce chenal ou cette voie
d'accès.
Tout navire qui ne suit pas une voie de séparation de trafic doit
s'écarter des navires qui suivent une voie de séparation de trafic.
La pêche est interdite dans les voies de séparation de trafic et les chenaux étroits.