Retour au menu
Retour au menu
Responsabilité des compagnies maritimes dans l'application du code ISM
Page du code ISM Nº 64
 
L'IOMMP (International Organization of US Masters, Mates & Pilots) a parrainé une étude sur la responsabilité pénale en matière de sécurité à bord des navires, en collaboration avec l'Université Dalhousie. Cette étude a été présentée à la Conférence mondiale sur le sauvetage maritime 2019 à Vancouver, au Canada. Elle explore le problème complexe de la responsabilité en matière de sécurité des navires.

Parmi les contributeurs à cette étude ont figuré : des marins professionnels qui avaient été considérés comme des boucs émissaires par leurs employeurs pour avoir insisté pour que de graves problèmes de sécurité à bord des navires soient résolus ; des experts en droit maritime international ainsi que d'autres venant de sociétés de classification.

Avec la technologie moderne, la responsabilité de la sécurité à bord des navires peut et doit s'étendre aux exploitants de navires, aux armateurs, aux sociétés de classification et aux États du pavillon. L'Organisation maritime internationale, l'Organisation internationale du travail et les organismes de réglementation nationaux et privés proposent un cadre réglementaire qui, s'il est suivi, réduit considérablement le risque et la gravité des accidents maritimes. Toutefois, dans le secteur du transport maritime, les pressions commerciales peuvent entraîner des conflits avec la règlementation ; il n'est donc pas surprenant que cela puisse être à l'origine d'accidents.

"Le droit maritime général qui régit le transport maritime international a protégé les cadres supérieurs des conséquences du non-respect de la réglementation, à condition qu'ils puissent nier en avoir eu connaissance."(Sauf en France)

Le code international de management de la sécurité (code ISM), avec son chapitre 9 exigeant que les déficiences soient signalées à une personne désignée à terre, a pour objectif que la direction soit obligatoirement informée et donc de l'intégrer dans le cercle des responsabilités. Bien que la technologie donne aux exploitants de navires la possibilité d'avoir une connaissance immédiate des conditions à bord du navire, y compris du degré de conformité aux normes réglementaires, il peut exister une tendance à décourager les rapports afin de maintenir l'immunité de la direction contre toute responsabilité personnelle. Il est difficile d'établir une culture de sécurité partagée entre le navire et la direction lorsque l'avenir du capitaine et de l'équipage peut dépendre du fait de ne pas partager d'informations sur la sécurité avec la direction. Le problème peut être exacerbé par le « piège réglementaire/regulatory capture », qui peut se produire aussi lorsque les inspecteurs maritimes subissent des pressions de la part de leurs supérieurs pour qu'ils « détournent le regard ».

Dans ce document, les auteurs présentent leurs expériences personnelles alors qu'ils tentaient de maintenir les normes de sécurité à bord de leurs navires.

« Avec la technologie moderne, le fardeau de la responsabilité en matière de sécurité à bord des navires peut et doit s'étendre aux opérateurs de navires, aux armateurs, aux sociétés de classification et aux États du pavillon ».

LA RÈGLEMENTATION ET SES RISQUES JURIDIQUES

L'OMI, l'OIT et les organismes de réglementation nationaux et privés (classe) proposent un régime règlementaire basé sur des normes qui, s'il est suivi, réduit considérablement le risque et la gravité des accidents maritimes, c'est le principe des normes de sécurité.

Toutefois, dans le secteur du transport maritime, les pressions commerciales peuvent entraîner de sérieux conflits avec la réglementation. Il n'est donc pas surprenant que le non-respect de la réglementation soit à l'origine d'un certain nombre d'accidents maritimes.

Le droit maritime général qui régit le transport maritime international a protégé les cadres supérieurs des conséquences du non-respect de la réglementation à condition qu'ils puissent nier en avoir connaissance.

Le code international de management de la sécurité (Code ISM), né suite au désastre du Herald of Free Enterprise, avec sa disposition exigeant que les déficiences soient signalées à une personne désignée à terre (DPA) qui doit transmettre de manière sûre au plus haut niveau de la compagnie en évitant que l'information soit perdue ou volontairement cachée, est conçu pour informer les directeurs de la compagnie et les intégrer dans le cercle de responsabilité. Bien que la technologie moderne donne aux exploitants de navires la possibilité d'avoir une connaissance immédiate des conditions à bord du navire, y compris du degré de conformité à la réglementation, il peut y avoir une tendance naturelle parfois à décourager les rapports afin de préserver la direction contre toute responsabilité personnelle.

Ce problème peut être exacerbé par " le piège de la norme " regulatory capture, qui peut se produire lorsque les inspecteurs subissent des pressions de la part de leurs supérieurs pour qu'ils détournent le regard de la responsabilité de la direction de la compagnie.

Avec la technologie moderne et le code ISM, le fardeau de la responsabilité devrait pouvoir s'étendre aux exploitants de navires, aux armateurs, aux sociétés de classification et jusqu'aux États du pavillon à qui il est confié la vérification de conformité avec la norme.
C'est un problème complexe autant que les solutions possibles.
  1. Le régime réglementaire de la sécurité maritime et les pressions commerciales par rapport à la conformité.
  2. Le transport maritime, qui transporte 95% du commerce international et rend possible la mondialisation, est dominé par le système du pavillon de circonstance (FOC : flag of convenience). Ce système permet à un armateur d'immatriculer un navire sous le pavillon de l'un des plus de 30 pays, généralement de petits États insulaires, qui exploitent des registres "OPEN" à tous.

    Les registres FOC sont gérés par des sociétés privées qui fournissent aux navires une nationalité autre, ceci à des fins fiscales et réglementaires. Le système permet à l'armateur d'opérer sans être soumis aux taxes, réglementations, lois du travail et environnementales de son pays d'origine. Il permet également d'armer les navires avec des marins originaires de pays en développement offrant ainsi une main-d'œuvre à bas prix.
    De plus, les registres FOC se font concurrence entre eux pour offrir l'environnement fiscal et réglementaire le moins cher et le moins contraignant. En fait, ils créent une industrie internationale qui opère dans un environnement quasiment apatride. Cela conduit à des règles du jeu inégales et à un nivellement par le bas, le transport maritime de qualité inférieure bénéficiant d'un avantage concurrentiel parfois important.

    Pour contrer l'effet déstabilisateur du système FOC et apporter un semblant d'uniformité réglementaire au transport maritime international, les Nations unies ont agi, par l'intermédiaire de leur agence maritime (OMI), pour établir des normes minimales de sécurité, de pollution et d'émissions pour les navires dans le commerce international. L'OMI, basée à Londres, compte 176 États membres (le dernier est le Kirghizstan en 2024). Elle accueille également plus de 60 organisations non gouvernementales (ONG) dotées seulement du statut consultatif, notamment des associations professionnelles industrielles ou autres, des sociétés de classification et des organisations de marins (comme l'IFSMA). L'OMI offre un forum de surveillance et de débat sur les amendements à plus de 50 conventions et codes internationaux couvrant tous les aspects du transport maritime, de la conception et de la construction à la protection contre les incendies, en passant par les normes de performance des équipements, les effectifs, les heures de travail et de repos, la formation des marins, la pollution et les émissions, la sécurité de la navigation, les communications, la recherche et le sauvetage et la sécurité de la vie humaine en mer et enfin le management de tout cela via le code ISM.

    L'OMI reconnaît l'Association internationale des sociétés de classification (IACS) comme son principal conseiller technique dans l'élaboration de normes techniques et de sécurité. Les membres de l'IACS se composent de douze sociétés de classe qui vérifient la résistance structurelle et l'intégrité des parties essentielles de la coque du navire et de ses appendices, ainsi que la fiabilité et le fonctionnement des systèmes de propulsion et de direction, de production d'énergie et d'autres systèmes auxiliaires. L'IACS est la seule ONG de l'OMI capable d'élaborer et d'appliquer ses propres règles.

    Il convient de noter que l'OMI n'a aucun pouvoir coercitif (IMO has no teeth). Sa fonction est de fournir un forum permettant aux États membres de débattre à la fois de l'adoption de nouvelles conventions et codes et de la nécessité de révisions liées à la sécurité des conventions et codes existants et finalement, rechercher un consensus sur ce qui est nécessaire et ce qui est tolérable financièrement parlant, pour cette industrie.

    Ensuite, les États membres signataires d'une convention spécifique ont l'obligation contractuelle d'y conformer leurs lois nationales. Son application revient à l'administration de chaque État du pavillon. Mais la majorité des navires dans le commerce international sont immatriculés sous pavillon FOC.

    Pour les Etats traditionnels du pavillon, en tant que nations souveraines, ceux-ci peuvent déjà interpréter, mettre en œuvre et faire respecter leurs obligations conventionnelles dans le meilleur sens de leurs intérêts nationaux à l'aide de dérogations. Tandis que les FOC sont réticents à placer leurs navires dans une position concurrentielle désavantageuse pour leurs armateurs, en mettant en œuvre des réglementations nationales qui vont en deçà des normes minimales internationales dans leurs interprétations.

    Ensuite, à la demande des pavillons traditionnels, les conventions de l'OMI autorisent les États du pavillon à déléguer l'inspection et l'expertise des navires à des sociétés de classification qui satisfont aux exigences des codes de l'OMI pour être une organisation reconnue (RO). Cela résulte du fait que de nombreuses administrations de l'État du pavillon ne disposent pas de l'expérience technique, du personnel ou de la couverture mondiale nécessaire pour entreprendre elles-mêmes toutes les inspections et visites requises par l'OMI. Il appartient à chaque État du pavillon de décider des limites d'autorité à déléguer. Dans la plupart des cas, la société de classification/RO est normalement habilitée par l'État du pavillon à exiger des réparations ou d'autres mesures correctives et à retirer ou invalider les certificats pertinents requis pour exploiter le navire, si les mesures ne sont pas prises. Souvent, la RO et ses inspecteurs sont les acteurs de première ligne dans l'application des réglementations qui concernent la conception et la construction des navires, ainsi que l'entretien requis pour maintenir les navires en bon état tout au long de leur vie.

    Étant donné que l'armateur est libre de choisir l'État du pavillon et la classe, il existe donc une pression commerciale sur les États du pavillon et les sociétés de classification pour satisfaire leurs clients. Cela met évidemment une pression sur leurs employés c'est-à-dire sur les inspecteurs et auditeurs chargés de certifier la conformité réglementaire et l'état du navire. Les armateurs eux-mêmes subissent la pression commerciale de la part d'autres armateurs opérant dans le cadre de systèmes FOC et RO concurrents pour l'obtention des certificats de conformité.

    Pour tenter de résoudre le problème, le code international de management de la sécurité (ISM) de l'OMI régit la gestion et l'exploitation sûres des navires, ainsi que la prévention de la pollution. Le code exige que les entreprises disposent d'un système de management de la sécurité (SMS) qui définit leurs politiques de sécurité et de prévention de la pollution et se conforment à toutes les réglementations internationales et nationales obligatoires ainsi qu'une prise en compte des normes et directives de l'industrie maritime lorsqu'elles sont applicables. Le SMS contient la politique de l'entreprise sur tous les aspects de son programme de sécurité. Comme pour les autres réglementations de l'OMI, l'État du pavillon peut déléguer aux RO l'application, l'audit et la délivrance des certificats de conformité. Les armateurs peuvent également déléguer aux mêmes sociétés de classe RO la préparation des SMS de la compagnie.

    L'un des principaux objectifs du SMS est d'assurer un lien entre la gestion de la sécurité à bord et une personne désignée à terre (DPA) qui a accès au plus haut niveau de direction de l'entreprise. La personne désignée est chargée de surveiller la sécurité du navire et de veiller à ce que des ressources adéquates et un soutien approprié à terre, soient fournis.

    Le système confère au couple capitaine/DPA la responsabilité de communiquer les informations relatives aux éléments suivants : les déficiences et non-conformités en matière de sécurité à bord et leurs causes possibles, les propositions d'actions correctives et le suivi de ces actions. L'intention est également d'informer la direction et ainsi de la rendre directement co-responsable de l'état et de l'exploitation sûrs du navire et de documenter les mesures prises à cet égard. Cela a des implications majeures, car cela compromet aussi a contrario, la capacité de l'entreprise à limiter sa responsabilité sur la base d'un manque de connaissance ou pas, des conditions dangereuses. De plus, l'enregistrement des déficiences et le suivi pourraient prouver une négligence de la part de l'entreprise qui tient les cordons de la bourse.
  3. On espérait que le code ISM amènerait les entreprises à adopter une culture de sécurité plus positive.
  4. En effet, dans une entreprise bien gérée et dotée d'un personnel expérimenté disposant de l'autorité et des ressources nécessaires pour agir, un SMS contribue au développement d'une culture de sécurité positive. Mais un certain nombre de compagnies ne sont pas bien gérées ni dotées des ressources nécessaires pour aider le capitaine à exploiter un navire en toute sécurité. Dans ces cas-là, le signalement des déficiences peut être considéré comme un problème plutôt que comme une opportunité d'améliorer la sécurité. Dans de telles entreprises, un capitaine qui apporterait des problèmes de management de la sécurité à la compagnie constituerait lui-même un problème et pourrait risquer d'être "remercié", et cela pourrait avoir un effet dissuasif sur les autres capitaines de la compagnie, qui pourraient alors hésiter à faire part de leurs propres préoccupations en matière de sécurité à la direction.
    Les causes de ce non-sens : le problème sous-jacent de la sécurité maritime est que le système de réglementation est soumis à des pressions commerciales venant du haut vers le bas. Si la sécurité ISM est une démarche de prévention du bas vers le haut, la pression commerciale, elle, nerf de la guerre, est du haut vers le bas.

    Au plus haut niveau de l'OMI, les considérations commerciales sont prises en compte lors de l'élaboration et de l'adoption des réglementations. Dans une certaine mesure, cela peut être acceptable car, comme c'est le cas dans toute industrie, il doit y avoir un équilibre approprié entre viabilité commerciale et sécurité. Le problème est que l'OMI n'est pas un organisme de réglementation dans le sens où elle ne met pas en œuvre ni n'applique les réglementations des conventions et des codes adoptés par ses États membres. C'est l'inverse, il appartient aux États membres du pavillon de mettre leur législation nationale en conformité avec la réglementation internationale.

    L'application des conventions est de la responsabilité du pavillon et le pavillon OMI n'existe pas.

    Les États du pavillon dans le système FOC sont essentiellement des pavillons "low-costs". Ils dominent le transport maritime international et délèguent la plupart de leurs responsabilités et de leur autorité à des sociétés RO privées. Ces RO sont alors employées par les armateurs comme des entreprises mais agissent au nom des États du pavillon dans la mise en œuvre et l'application des réglementations internationales. Les armateurs emploient aussi des RO pour préparer leurs systèmes de management de la sécurité conforme au code ISM et effectuer des audits de vérification de fonctionnement des SMS au nom du pavillon.

    Le résultat final est que les compagnies sont réglementées par des organisations privées qu'elles emploient elles-mêmes et qui ont le pouvoir de décider sont donc souvent juges et parties.
    Malgré l'apparent conflit d'intérêts, dans la plupart des cas, le système fonctionne bien : l'État du pavillon, la RO, la compagnie et le personnel de bord coopèrent pour parvenir à une industrie de qualité. En effet, dans de nombreux métiers et secteurs maritimes modernes, la qualité confère aussi des avantages commerciaux. Mais il existe des différences significatives dans la qualité et l'intégrité des États du pavillon FOC, des sociétés de classification (RO), et les compagnies prennent ces différences en considération lorsqu'elles font leur choix. Ainsi, un armateur douteux possédant un navire de qualité inférieure peut choisir un État du pavillon et une RO réputés pour leur application laxiste des normes. Cependant, fort heureusement, cela peut constituer un désavantage, car cela peut soumettre le navire à des inspections de contrôle par l'État du port (PSC) plus strictes en raison de la réputation de l'État du pavillon ou de la société de classe.

    Néanmoins, cela peut être un risque que l'armateur est prêt à prendre pour obtenir un avantage concurrentiel substantiel.

    Le contrôle par l'État du port (PSC) est l'inspection des navires étrangers dans les ports nationaux pour vérifier que l'état du navire et son équipement, sont conformes aux exigences des réglementations internationales et que le navire est équipé et exploité conformément à ces règles.

    Les inspections étaient initialement destinées à compléter la mise en œuvre par l'État du pavillon. L'expérience a montré qu'elles peuvent être extrêmement efficaces, en particulier dans les cas où les organismes de réglementation (État du pavillon, RO) n'ont pas pleinement rempli leurs obligations.

    Le PSC est né en partie en réponse à l'échouement en mars 1978 du VLCC Amoco Cadiz au large des côtes bretonnes en France, qui a provoqué une marée noire de 220 000 tonnes de pétrole brut.

    Neuf accords régionaux sur le contrôle par l'État du port (Memorandum of Understanding, ou MoU) ont été signés : Europe et Atlantique Nord (MoU de Paris) ; Asie et Pacifique (MoU de Tokyo) ; Amérique latine (Acuerdo de Viña del Mar) ; Caraïbes (MoU des Caraïbes) ; Afrique de l'Ouest et Centrale (MoU d'Abuja) ; la région de la mer Noire (Blacksea MoU) ; la Méditerranée (Méditerranean MoU) ; l'océan Indien (MoU de l'océan Indien) ; et le protocole d'accord de Riyad. Tandis que les US Coast Guards maintiennent le dixième PSC.

    Lorsqu'il est rigoureusement appliqué, le PSC pemet d'arrêter les navires sous-normes, à les décourager d'opérer dans les régions dotées d'un PSC efficace, jusqu'à les interdire, à les faire connaître et pénaliser, leurs exploitants, leur État de pavillon et la société de classification associée. En revanche, les navires opérant uniquement dans les eaux nationales et non soumis aux PSC sont souvent beaucoup moins suivis.

    En théorie, les PSC sont efficaces grâce aux menaces de rétention en cas de non-conformités flagrantes, ce que les armateurs redoutent, car dans ce cas, ce sont toujours des pertes sèches sans oublier les dommages collatéraux liés ensuite à la perte de la réputation et au tracking qui en résulte.
  1. Accidents maritimes : risques pour la vie humaine et l'environnement
  2. Le transport maritime est sujet à des accidents, qui ont souvent entraîné des pertes de vies humaines et/ou des dommages à l'environnement. Avec une surveillance appropriée - par le capitaine du navire, les inspecteurs, les autorités réglementaires et l'équipage et les mesures de prévention qui en résultent via la DPA - les déficiences à l'origine de ces incidents auraient normalement été corrigées avant que la catastrophe survienne. Bon nombre des lacunes identifiées lors des enquêtes sur les accidents étaient liées à des problèmes de machines, de structure de coque, de lignes de charge ou d'opérations non conformes, et beaucoup étaient liées à la culture de sécurité des exploitants. Dans à peu près tous les cas, les enquêteurs ont découvert à la fois des problèmes de contrôle et un manque de culture de sécurité.

    Cette étude souligne plusieurs accidents graves qui ont entraîné des pertes de vies humaines. Bien que différents en surface et séparés par le temps, la distance et le type de navire, ils ont au moins un facteur commun important : dans tous les cas, les risques étaient évidents et prévisibles. Sans parler des accidents plus connus comme celui de l'Estonia, de l'Erika, du Costa Concordia, du Sleipner ou encore du near-miss du Viking Sky, l'analyse de ces accidents ou presqu'accidents ont confirmé cette analyse.

    Vraquiers : En mars 2000, le vraquier Leader L a coulé dans l'Atlantique nord au large de la côte est du Canada. Dix-huit membres d'équipage sont morts. Le Leader L était l'un des quelques 100 vraquiers qui ont coulé dans les années 1990. Près de 700 marins ont perdu la vie à cause des accidents de vraquiers au cours de cette période. (Presse associée, 2000). Il y avait des allégations de graves déficiences structurelles sur ces navires.
    Des efforts ont été déployés ensuite pour accroître la sécurité des vraquiers, catégorie de navires parmi les plus vulnérables. Mais des navires continuent de couler. En mars 2017, le vraquier "Stellar Daisy", le plus gros navire de ce type jamais perdu, a coulé dans l'Atlantique sud, emportant avec lui 22 des 24 membres de l'équipage.

    Pétroliers : Même si les efforts internationaux visant à améliorer la sécurité des navires-citernes ont connu un certain succès, des incidents surviennent encore – souvent avec des effets catastrophiques sur l'environnement – mais le système de réglementation international défectueux protégeait les vrais responsables.

    En 2002, le pétrolier Prestige, structurellement déficient, a coulé au large des côtes du nord de l'Espagne, déversant plus de 60 000 tonnes de fioul lourd. Dans un cas d'injustice scandaleux, le capitaine du navire, le Cdt Apostolos MANGOURAS, âgé de 81 ans au moment du procès, a été tenu pour responsable et emprisonné, même si le gouvernement espagnol a refusé sa demande de lui fournir un lieu de refuge lorsque le navire était en détresse. (Exécutif maritime, 2016). L'armateur connaissait l'état de son navire et n'aurait pas dû le faire naviguer. Le navire s'est ensuite cassé en deux, avec des conséquences désastreuses pour les côtes espagnoles et françaises.

    Ferries : La perte de ferries et autres navires à passagers dans le monde a conduit à des appels à une meilleure réglementation de ces navires.



    Aux Philippines, le ferry Princess of the Stars de Sulpicio Lines a chaviré lors d'un typhon en 2008, causant la mort de plus de 800 personnes. En 1987, dans ce qui est considéré comme la catastrophe en temps de paix la plus meurtrière de l'histoire maritime, un autre navire de Sulpicio Lines, le Dona Paz, a coulé après une violente collision. Le ferry était gravement surchargé : près de 4 400 personnes sont mortes, soit plusieurs fois le nombre que le navire prétendait transporter, et près de trois fois le nombre indiqué sur son certificat. Il n'y a eu que 24 survivants.

    En 2009, dans le Royaume des Tonga, dans le Pacifique sud, un autre ferry domestique, le Princess Ashika, a coulé, entraînant de nombreuses pertes en vies humaines. Un officier du ministère des Transports a déclaré plus tard aux enquêteurs que « n'importe qui aurait pu dire à quel point le navire était en mauvais état... » (Kavaliku, 2010, p. v).

    Le bateau fluvial russe Bulgaria a coulé en 2011 sur la Volga ; 122 personnes sont mortes, dont de nombreux écoliers.

    Encore, une catastrophe de ferry particulièrement horrible s'est produite en 2014, lorsque le ferry coréen Sewol a chaviré, piégeant à l'intérieur plus de 300 personnes, pour la plupart des étudiants en voyage scolaire.

    Aux USA, le vraquier battant pavillon américain Marine Electric a coulé en 1983, en grande partie à cause de son état dégradé. Il n'y a eu que trois survivants ; les 31 autres membres de l'équipage sont morts. Le Marine Electric a été surnommé « l'épave qui a changé les USCG pour toujours » (Zilnicki, 2019). Mais la perte de l'El Faro avec tout son équipage (33 morts) s'est produite en 2015, plus de trois décennies après le naufrage du Marine Electric. La culture de sécurité a-t-elle vraiment changé à la suite de la catastrophe du Marine Electric ?

    On pourrait aussi ajouter le désastre du Conception en Californie le 2 septembre 2019, où les USCG ont aussi apparemment la responsabilité d'avoir accepté des conditions de sécurité d'un autre âge via les fameuses clauses du Grand-père. Le procès complet de cet accident est toujours très attendu (seul le capitaine a été condamné à 4 ans de prison pour l'instant). Le procès des USCG va-t-il avoir lieu et même temps celui de la clause du Grand-père ?
  3. Pressions sur le personnel en première ligne : officiers et équipages des navires
  4. Les navigants sont guidés dans l'obscurité, le brouillard et le mauvais temps grâce au radar et à une multitude d'autres aides à la navigation électroniques. L'ère de l'électronique, d'internet et du téléphone satellite a également, dans certains cas, induit une micro-gestion du navire depuis la terre ferme, souvent par des personnes ayant peu ou pas d'expérience en mer. Finalement, alors que l'ère du numérique a donné de nouveaux outils pour aider à passer d'un port à un autre, les pressions commerciales se sont accrues pour les arrivées et départs à l'heure et une réduction de consommation du carburant si possible.

    Le fait est que les navires ne gagnent pas d'argent à quai. Ainsi, même si l'on dispose de toute cette navigation électronique pour faciliter la route et aider la direction à terre, qu'est-ce qui assure la sécurité du navire ? Les meilleures paires d'yeux et d'oreilles pour garantir la sécurité et la conformité réglementaire de tout navire sont celles de l'équipage.
    Malheureusement, les marins peuvent être utilisés pour maintenir un navire dans des conditions inférieures à la réglementation. En effet, dans certains cas, ils subissent des pressions pour qu'ils restent silencieux concernant l'entretien du navire. Les navires ne gagnent de l'argent qu'en mer.

    En vertu du code ISM, les opérateurs sont tenus de maintenir un système de management de la sécurité (SMS). Un SMS approuvé est nécessaire et l'enregistrement des lacunes via des rapports et propositions d'actions correctives (CAR - corrective actions report). Certaines compagnies maritimes n'aiment pas avoir une trace documentée des non-respects du Code ISM ou d'autres exigences réglementaires. De multiples infractions peuvent les exposer à une surveillance accrue de la part du contrôle de l'État du port ou d'autres organismes de réglementation. Cela pourrait compromettre le planning des navires, augmenter les coûts de réparation à un moment inopportun ou donner lieu à des accusations de négligence et de responsabilité en cas d'accident. La direction peut donc développer une attitude négative à l'égard du personnel du navire à l'origine des CAR et de la documentation correspondante. Ainsi, certains capitaines peuvent être réticents à rédiger un CAR par crainte de représailles, qui peuvent être de nature subtile, comme un retard d'avancement, ou plus graves, une perte d'emploi. En effet, au sein de l'industrie maritime, des compagnies travaillent pour leur propre avantage à l'encontre du code ISM et pour couvrir la direction de tout acte répréhensible ou carence.
    Il y a des sociétés de classification et des services de contrôle par l'État du port qui visitent les navires mais n'examinent pas attentivement les dossiers CAR et ne demandent pas non plus aux bords s'il existerait d'autres lacunes en suspens non incluses dans le dossier CAR. Souvent, les vérificateurs présument que, parce que le navire a passé avec succès les inspections annuelles du pavillon et est correctement certifié, il n'y a aucun problème. Un examen plus approfondi est absolument nécessaire. Si le fichier CAR est historiquement sans mention de violations de sécurité ou de problèmes de non-conformité, cela devrait déclencher un signal d'alarme pour l'auditeur. Ici, encore un problème d'ajustement. (ref. : l'ajustement des heures de travail).

    Aux États-Unis, il y a l'« Alternate Compliance Program » (ACP), dans le cadre duquel les sociétés de classification effectuent des tâches d'inspection maritime qui relevaient autrefois des Coast Guards. D'une part, la RO est là pour détecter les non-conformités, ce qui pourrait éventuellement entraîner des retards, et d'autre part, l'armateur paie pour obtenir les différents certificats nécessaires à l'exploitation du navire. Cela se manifeste par un conflit d'intérêts. Les sociétés de classification sont des sociétés commerciales et ont donc besoin de revenus pour continuer à fonctionner et ne souhaitent pas perdre des clients qui peuvent s'adresser à une autre RO. Aux États-Unis, dans le cadre de l'ACP, les USCG est l'agence qui délivre le certificat d'inspection et d'autres certificats, sur la base de l'inspection de la RO. Il devrait donc y avoir une double vérification, mais il n'y en a pas !

    L'une des conclusions du comité d'enquête maritime des USCG sur le naufrage du SS El Faro (pavillon US) était le manque de main-d'œuvre des USCG pour superviser les inspections de navires. Les USCG, lorsqu'ils relèvent de l'ACP, s'appuient fortement sur la RO pour effectuer des inspections appropriées. Dans le cas du SS El Faro, les conclusions de l'enquête, ont montré un échec commun évident de la part de l'ABS et des USCG.

    Quelle était la responsabilité de l'exploitant dans la perte de l'El Faro ? Aucun responsable de la compagnie n'a été déclaré coupable. Comparez cela avec la décision d'un tribunal russe de 2014 concernant le naufrage en 2011 du bateau fluvial Bulgaria. Dans cette affaire, les dirigeants et autres personnes reconnues coupables de non-respect de la réglementation ont été emprisonnés. Alternativement, dans une affaire judiciaire pour représailles de la part d'une grande compagnie maritime américaine : Horizon Lines, captain John Loftus, capitaine du navire a reçu plus de 1,154 million de dollars. Le juge a qualifié les actions de la direction de « RÉPRÉHENSIBLES ». Il y a eu une violation de la loi fédérale par certains des plus hauts dirigeants de la compagnie pour couvrir leur propre mauvaise gestion et pour faire taire le capitaine d'un navire qui signalait des problèmes de sécurité majeurs pour protéger son navire et son équipage.

    L'affaire est parallèle à celle de Jeff Hagopian, qui a été brusquement licencié de son poste de capitaine du MODU Noble Danny Adkins (Noble Drilling est un spécialiste américain du forage pétrolier) après avoir déposé un rapport pour violations de la sécurité.

    Jeff Hagopian avait été capitaine dans l'entreprise de 2010 à 2015. Chaque année, il recevait des évaluations de performances très positives et même élogieuses. Il a signalé deux violations à la personne désignée suppléante de Noble à terre : une fausse entrée dans le journal de bord qui affirmait que l'équipage avait effectué la mise à l'eau et les manœuvres trimestrielles des canots de sauvetage, et une tentative d'induire en erreur les inspecteurs des USCG lors de l'inspection annuelle du certificat de conformité du navire sur l'état défectueux du bossoir à gravité qui déploie l'embarcation de sauvetage rapide.

    Onze jours après avoir déposé son rapport, il a reçu un appel téléphonique de son supérieur direct et du responsable des ressources humaines de Noble affirmant que l'entreprise avait « perdu confiance » dans sa capacité à gérer le navire.

    Ce que le Cdt Hagopian ne savait pas, c'était que son rapport de sécurité révélait des directives de la direction à ne pas être franc avec les USCG. Et même si l'entreprise met constamment l'accent sur sa politique de sécurité, elle venait en fait de commencer quatre ans de probation pénale après avoir plaidé coupable sur huit chefs d'accusation liés à des violations de sécurité et de pollution par les hydrocarbures et à des non-conformités majeures avec le système de management de la sécurité d'un autre MODU, le Noble Discoverer. Le Cdt Hagopian a donc intenté une action en justice contre Noble Drilling en vertu du « Seaman's Protection Act (SPA) » auprès du tribunal de district américain sud Texas. L'affaire a été réglée à l'amiable en février 2017 (dossier n° 3 : 2016-cv-00099).

    Comme l'a déclaré le Cdt Hagopian : " Les forces de l'ordre, les agences de réglementation et les sociétés de classification laissent tomber les marins en raison de conflits d'intérêts, de politiques, de copinage et de complaisance des entreprises. Les règles de sécurité devraient être appliquées plus vigoureusement pour aider quiconque tente de protéger son équipage et son navire sans crainte de représailles". Le contre-amiral Paul F. Thomas l'a très bien dit dans le numéro du printemps 2016 de "USCG Proceedings" en parlant des systèmes de management de la sécurité et du code ISM « Un SMS efficace ne doit pas seulement être très bien développé en termes de processus et de procédures. Il doit également être déployé depuis la salle de réunion jusqu'à la machine. Il ne devrait y avoir aucune déconnexion entre les auditeurs et les experts, ou entre le PDG et le marin. (Contre-amiral Thomas, 2016, p. 4).
  1. Pressions sur les inspecteurs de sécurité
  2. Les inspections ou audits de sécurité effectués par la société de classification et/ou l'État du pavillon, constituent le niveau minimum du système de sécurité. En cas d'échec de leur part, le seul contrôle de sécurité qui reste est un régime efficace de contrôle par l'État du port, qui malheureusement ne s'applique pas dans tous les cas.
    Les pressions exercées sur le système d'inspection de sécurité peuvent se situer à plusieurs niveaux, au niveau de l'organisation et, souvent, par conséquent, au niveau du personnel.

    1. Au niveau organisationnel ou « le piège de la réglementation »

    2. Le système d'inspection de sécurité est donc soumis à des pressions contradictoires : d'une part, la pression de l'industrie cherchant à réduire le fardeau réglementaire et le coût de la sécurité, de l'autre, la pression du public pour maintenir la sécurité. La pression de l'industrie est généralement continue, à travers la crainte du public de pertes d'emplois dues au coût de la sécurité, et à travers la pression politique (souvent résultant de lobbying et de contributions politiques). La pression du public n'intervient généralement qu'après une tragédie majeure, comme le naufrage de l'El Faro ou du Marine Electric, et s'atténue généralement au bout de quelques années. Qui se pose aujourd'hui des questions sur la sécurité des grands paquebots comme le Costa Concordia ?

    3. Au niveau des inspecteurs de sécurité
    4. Pourquoi les inspecteurs de sécurité passent-ils souvent sous silence et n'identifient-ils pas les défauts évidents pour les réparations nécessaires ?
      Dans certains cas, il peut s'agir d'un véritable oubli ou d'un manque de formation (un problème courant). Cependant, dans certains cas, il peut aussi s'agir de pressions de la part de leur manager, eux-mêmes soumis à la pression de cadres supérieurs. Il peut également y avoir des pressions de la part de collègues pour faire « partie de l'équipe », afin de ne pas "faire de vagues".
      Ceux qui se font apprécier de la direction et accomplissent le travail à temps et à moindre coût sont susceptibles d'être récompensés par de meilleures évaluations et donc des promotions. Le désir d'avancement professionnel peut empêcher de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité.
      En l'absence d'une réponse collective et/ou de protections juridiques, il peut être difficile pour les inspecteurs individuels au sein d'une organisation de contrôle de résister à ces pressions.
  3. Pressions sur la direction de la compagnie elle-même
  4. « Sur des marchés concurrentiels, tout ce qui est possible devient nécessaire. » (Shaxson, 2011, p. 130).
 
    Les pressions exercées sur la gestion des navires incluent la nécessité d'être compétitif sur les prix et d'autres facteurs tels que la livraison dans les délais des marchandises, de tenir les délais dans l'offshore. De nombreux navires constituent un maillon important d'une chaîne d'approvisionnement « juste à temps » visant à maximiser l'efficacité, à minimiser les coûts et à améliorer la satisfaction des clients.

    Des retards, dus peut-être à la résolution de problèmes de sécurité « mineurs » soulevés par l'équipage du navire ou par la société de classification, peuvent perturber cette chaîne d'approvisionnement, avec un impact significatif sur les clients de la compagnie maritime. Ces clients peuvent rechercher une autre compagnie maritime « plus fiable », où l'équipage ne cause pas de retards en signalant des défauts, où la société de classification est « plus raisonnable ». La haute direction subit la pression de la bourse, des actionnaires et du conseil d'administration pour maintenir les coûts à un niveau bas et pour que les navires fonctionnent en temps voulu. Les cadres intermédiaires, à leur tour, subissent la pression de la haute direction pour atteindre ces objectifs.
  1. Responsabilité
  2. Le public a le droit de s'attendre, et doit exiger, que les personnes chargées de protéger la sécurité publique soient compétentes pour s'acquitter des responsabilités qui leur sont confiées, agissent avec intégrité et placent leurs responsabilités envers le public avant toute autre considération.

    Après le naufrage du Marine Electric en 1983, l'armateur, Marine Transport Lines, a plaidé coupable de négligence criminelle et a été condamné à une amende de 10 000 $. Aucun membre de la haute direction n'a été reconnu coupable d'un crime, ni même pénalisé par l'entreprise. Mais quelques années plus tard, le PDG et son équipe ont été limogés car le coût des nouveaux navires (plus sûrs) avait réduit la rentabilité de l'entreprise.

    En cas d'incidents maritimes majeurs, les dirigeants des compagnies maritimes sont très rarement poursuivis. La haute direction, même si elle ne prend souvent pas les décisions quotidiennes en première ligne, a établi la culture de sécurité de l'organisation. Dans certains cas, cette culture d'entreprise décourageait le signalement des violations de la réglementation et des problèmes de sécurité en amont de la chaîne de gestion, isolant ainsi la direction de toute responsabilité quant aux actes de l'entreprise.

    Plus tôt cette année (2019), plus d'une décennie après que le ferry philippin Princess of the Stars ait navigué dans le typhon Frank et chaviré, causant la perte de plus de 800 vies, des accusations criminelles pour imprudence inconsidérée ont été déposées contre Edgar S. Go, premier vice-président de Sulpicio Lines, président et chef de la cellule de crise du cabinet. (Cour suprême des Philippines, 2019).

    Le document d'accusation alléguait que " le comité du DOJ (Department of Justice) a conclu que Edgar Go était impliqué dans la prise de décisions quant à savoir si un navire devait être autorisé à naviguer, de sorte qu'il aurait dû annuler ou décourager le voyage compte tenu des conditions météorologiques extrêmes prévues ". À l'origine, la perte était imputée uniquement au capitaine.

    Dans le cas du River Boat "Bulgaria" (2011), contrairement à la plupart des cas, non seulement le personnel d'exploitation mais aussi les hauts responsables de l'entreprise, les responsables de la conformité à la réglementation et un inspecteur principal ont été condamnés à de lourdes peines d'emprisonnement.

    Pour information, le mémo d'action finale des USCG sur le naufrage du SS El Faro en octobre 2015 :
    « Cette histoire tragique souligne la nécessité d'un engagement fort et durable envers tous les éléments du cadre de sécurité. Avant tout, l'entreprise doit s'engager dans une culture de sécurité en assumant ses responsabilités en vertu du code ISM. Deuxièmement, les organisations reconnues (OR) doivent s'acquitter pleinement et efficacement de leurs devoirs et responsabilités. Enfin, les CG doivent fournir et fourniront le dernier filet de sécurité avec une politique, une surveillance et une responsabilité durables » (Commandant-amiral Zukunft, 2017, p. 3).

CONCLUSION

La voie à suivre : une surveillance réglementaire efficace et une véritable culture de sécurité dans l'industrie.

Nous avons montré que le cadre réglementaire, basé sur les normes de l'OMI, même si c'est le minimum est, généralement adéquat et mis périodiquement à jour selon les besoins. Dans la plupart des cas, c'est le non-respect des normes existantes, qu'il s'agisse de la construction et de l'entretien des navires ou des procédures de management de la sécurité, qui sont à l'origine des incidents de sécurité et des accidents qui en découlent parfois.

Les propositions suivantes, orientées vers la réglementation américaine, pourraient être adoptées à l'échelle mondiale :
  1. Une plus grande uniformité entre les États du pavillon et les États du port dans la mise en œuvre des réglementations internationales de sécurité, avec une application stricte par le contrôle de l'État du port, y compris la possibilité de vérifier les certificats de conformité délivrés par les États du pavillon, FOC ou non, ou d'autres organismes d'inspection.
  2. Le droit et l'obligation des officiers du navire d'établir des rapports d'actions correctives (CAR) et de les traiter en temps opportun.
  3. Les inspecteurs des sociétés de classification, ou le personnel de contrôle des USCG/État du port, devraient être tenus d'examiner le dossier CAR chaque fois qu'ils montent à bord d'un navire. Il devrait y avoir une responsabilité pour garantir la conformité avec le système comme prévu.
  4. Envisager de mettre fin ou de modifier le programme de conformité alternatif. L'ACP est un programme « payer pour jouer », dans lequel il existe un conflit d'intérêt direct pour les RO.
  5. Protection de l'équipage et des autres membres du personnel par un cadre juridique national, tel que le « Seaman's Protection Act - SPA » américain et par le respect des droits établis en vertu de la MLC 2006.
  6. Veiller à ce que l'équipe opérationnelle de la compagnie à terre comprenne du personnel de direction possédant une vaste expérience en mer, capable de réviser la politique et d'être disponible pour consultation par les officiers supérieurs du navire en cas de besoin.
  7. Application dans l'industrie d'une responsabilité juridique (criminelle), telle que le prévoit la loi canadienne Westray pour les dirigeants et les administrateurs d'une organisation ainsi que pour l'organisation elle-même, y compris les organismes de réglementation, lorsque leur action, ou leur absence d'action, entraîne un préjudice corporel ou la mort.
Les auteurs : Capt John Loftus retired MM, Capt George Quick Pilot & Capt Don Marcus MM.

Papier de formation (Educational paper) courageux "à l'américaine" présenté au World Maritime Rescue Congress de Vancouver en juin 2019 traduit et commenté par le Cdt B. Apperry en 2020 et réactualisé en 2024.

NB 1 : Cet article est basé sur les connaissances et expériences professionnelles des auteurs et des contributeurs. En particulier, les 3 capitaines "lanceurs d'alerte" avaient été pénalisés par leurs employeurs et finalement licenciés en raison de leur tentative de se conformer aux réglementations et aux protocoles de sécurité.

NB 2 : Les cas d'accidents étudiés sont bien choisis mais on aurait aussi pu citer bien d'autres comme l'accident du Costa Concordia, du Norman Atlantic ou encore du near-miss du Viking Sky.

NB 3 : Les capitaines français à la recherche depuis longtemps d'une forme de protection juridique dans l'exercice de leur fonction de garant de la sécurité du navire, des personnes à bord et de la protection de l'environnement devraient être intéressés par cette histoire de lanceurs d'alerte parfois protégés par une loi spéciale (Les Capitaines Canadiens) ou une loi plus générale comme la "Seafarer Protection Act SPA (US)" qui s'applique aussi aux capitaines.

NB 4 : Cet article rappelle la page du code N°47 publiée en 2020 qui démontrait un point faible dans son application concernant la non-prise en compte de la responsabilité de la compagnie et de son évolution lente.


Cdt Bertrand APPERRY
Membre de l'AFCAN
Membre HYDROS, AFEXMAR, IIMS.
bertrand.apperry@orange.fr

Retour au menu
Retour au menu