Étude comparative sur la fonction de la personne désignée ISM (la DPA)
dans une compagnie de navigation en fonction de ses opérations internationales Page du code ISM Nº 58 |
La compréhension du rôle de la personne désignée ISM dans la structure d'une compagnie de navigation est toujours source d'interprétations diverses, ce qui ne facilite pas notre environnement de travail que l'on soit capitaine de navire, directeur général d'une compagnie maritime, grande ou petite, expert prodiguant du conseil auprès des compagnies ou encore agent de l'administration du pavillon ou d'une organisation certificatrice agréée par cette même administration (RO).
Une étude pour clarifier semble donc nécessaire. Nous étudierons le statut de la personne désignée tel que décrit dans le code ISM et les circulaires d'application consécutives édictées par les comités compétents de l'OMI et qui s'appliquent aux navires dits SOLAS (+ de 500 GT et pratiquant une navigation internationale) et celui tel que décrit dans les autres codes existants s'appliquant à des navires plus petits dits « non SOLAS », soit :Première constatation : Une organisation, des objectifs et une mise en œuvre similaires mais néanmoins avec des DIFFERENCES notables dans les responsabilités de la DPA entre les deux codes.
- Responsabilité de la DPA dans le code ISM et la littérature correspondante
- Responsabilité de la DP dans le DSM Code au Royaume Uni (Domestic Passenger Ships Management/ DSM)
- Responsabilité de la DP dans le Workboat code 2019 au Royaume-Uni (navires de charge supérieur à 500 GT)
capitaine d'armement | responsable sécurité compagnie | capitaine |
On s'attaquait donc à des traditions presque antédiluviennes, vous comprenez certainement que ce code ISM tout neuf allait avoir du « vent-de-bout » du côté des capitaines anciens mais aussi auprès des sempiternels capitaines d'armement qui avaient traditionnellement, et jalousement, la partie sécurité sous leur responsabilité.
Selon le raisonnement de l'OMI, les armateurs allaient y trouver intérêt en créant ainsi une personne à terre en charge de contrôler les aspects sécurité, même à distance, des opérations du navire. Mais en lisant un peu mieux le texte du code, ils se sont rapidement aperçus que suite aux conclusions du rapport de l'accident du HOFE, leurs responsabilités étaient à présent mises en avant (tous les paragraphes du code commencent par "la compagnie devrait") tout en précisant encore le rôle primordial du capitaine mais pas que ... * |
Appelée DP (Designated Person) les responsabilités ressemblent à celles de la DPA du code ISM : « monitoring of safe operation of ships » avec la responsabilité de l'application des exigences de santé et sécurité au travail contenu dans les règles de 1997 existantes (Health & Safety at works).
Comme on peut le voir, le secteur santé en fait partie. Et cela c'est bien nouveau, ce que l'OMI n'a pas pu faire, l'administration britannique l'a fait. Inclure la santé du marin dans un système de management mérite une étude spécifique au-delà de ce que l'OMI a déjà fait et qui ne concerne que la prévention de la fatigue par différents instruments : La circulaire MSC.1/Circ.1598- STCW VIII/1, la résolution sur les effectifs et en final, l'OIT dans la MLC 2006 sur la durée du travail et le repos effectif à bord. |
En pratique, pour ce genre de petits navires l'organigramme est plus simple mais le « monitoring » d'une personne, à part des directeurs intermédiaires, n'existant plus, on se retrouve à l'époque d'avant ISM. Plus de garde-fou en cas de blocage à ces niveaux comme dans le cas du HOFE, plus de by-pass salvateur !
Nous sommes un peu étonnés de voir cela de la part des Britanniques qui ont inventé la fameuse DPA. Pourquoi ? Parce qu'un navire inférieur à 500 GT est trop petit. Mais pourtant, pour des vedettes à passager encore plus petites, on l'exige, allez comprendre ! Parce que c'est impossible ? Non, ce n'est peut-être pas facile, comme par exemple dans les petites compagnies familiales, mais on y arrive quand même. En effet une personne indépendante des responsabilités purement marines (sécurité des opérations ou maintenance) avec une formation adéquate et de l'expérience peut assurer la fonction de DPA |
La réglementation européenne via le règlement 336/2006 et la directive 45/2009 a aussi pris en compte les navires à passagers de plus de 24 m n'effectuant pas de navigation internationale et il ne reste donc que le cas des petits navires de charge pratiquant une navigation uniquement nationale et les vedettes à passagers de longueur inférieure à 24 mètres.
Aux dernières nouvelles pour ne pas être en reste par rapport aux britanniques, la commission européenne envisagerait à brève échéance une application de l'ISM ou d'un système équivalent, qui serait applicable à tous les bateaux à passagers (rappel navire à passagers : navire transportant plus de 12 passagers) suivant la considération N°8 du règlement 336/2006.
On ne sait pas grand-chose de ce que font les Japonais, mais le naufrage récent d'un bateau d'excursion avec la perte de 26 personnes va probablement rebattre les cartes dans ce pays.
Cette nouvelle exigence européenne, qui pourrait être applicable avant 2027, est de taille et fera grand bruit le long de nos côtes. Pensez au nombre de vedettes traîne-touristes tout autour des côtes en Europe.
* Certains armateurs avaient craint la disparition du « capitaine bouc-émissaire » si confortable pour eux ! La suite leur a donné tort. Mais on attend toujours un « jugement d'après ISM » où la cellule de prison serait occupée par le directeur de la compagnie qui aurait volontairement ignoré le laxisme sécurité de son entreprise largement en dehors des clous. Lord Justice Sheen aurait dit au patron de P&O propriétaire de Townsend Thoresen « Je ne peux pas vous mettre en prison, car la loi n'existe pas, mais croyez-moi, je le regrette. »** Les USA, suite au désastre du Conception, envisagent d'exiger un système de management ISM pour les petits navires à passagers même inférieurs à 100 Tx.
Les Philippines ont aussi un « national management system » pour leurs innombrables petits ferries/roros qui assurent les liaisons avec leurs 7 000 îles, mais apparemment pas pour les petits cargos.
Cdt Bertrand APPERRY
Expert maritime,
Membre de l'AFCAN
bertrand.apperry@orange.fr