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Savez-vous que le code ISM a 30 ans ?
Page du code ISM Nº 56
30 ans, c'est une belle durée de fonctionnement, même pour un code de management de la sécurité maritime, ce qui nous incite à évaluer le chemin parcouru et à envisager peut-être l'avenir qui lui est réservé.
En effet, même si la naissance en 1992 a été assez remarquée, surtout par les armateurs pratiquant à l'international, l'adolescence a été assez terne, surtout à cause d'erreurs de compréhension et aussi par notre légendaire réticence à tout ce qui est nouveau. A présent, dans un âge adulte « triomphant » tout se passe comme si plus rien ne pouvait le détruire alors qu'en même temps, le code rappelle régulièrement, et encore plus aujourd'hui, qu'il peut s'adapter à tout ce qui flotte, même si la réglementation ne leur est pas applicable.
  1. Vie du code ISM pendant 30 ans
  2. Pas d'importants changements depuis la naissance donc, bravo les créateurs, le groupe de travail STW à Londres sous la présidence efficace de mon ami Jorgen Rasmunssen, ancien officier radio marine marchande, Danois passé par l'administration maritime de son pays.
    Quelques petites rectifications ont quand même eu lieu, essentiellement pour éviter des interprétations erronées vis-à-vis des objectifs premiers et récemment, un ajout significatif sur le problème nouveau de la cyber-sécurité, qui se trouve ainsi liée bizarrement au code ISM.
    Néanmoins certains d'entre nous, tous convaincus, pensent à de nouvelles petites modifications du texte, essentiellement dans des objectifs de facilitation d'application.
    Enfin toujours orphelin d'une vraie formation, le code devrait tôt ou tard entrer enfin totalement dans STCW.
  3. La situation aujourd'hui
  4. Entré dans un schéma résolument moderne, comme standard «sécurité et protection de l'environnement», basé sur l'application de la SOLAS et de MARPOL avec un objectif premier d'éviter les accidents, le code peine un peu à assimiler toutes les nouvelles mesures issues du retour d'expérience et de la progression continue chère à tout système de management.
    On se rappellera d'abord que le code ISM a été conçu comme un pilier d'un processus d'acquisition d'une culture sécurité dans une compagnie de navigation et en corollaire sur ses navires.
    En effet au XXIe siècle, alors que les premiers navires autonomes sont construits, on a du mal à imaginer que cet élément indispensable de la résilience de l'industrie maritime mondiale ne s'applique toujours pas complètement à tous les navires.
    En résumé, aujourd'hui quels sont les secteurs non couverts par le code ISM : petits navires à navigation nationale, tous navires de pêche mêmes pratiquant la navigation internationale qui, et c'est un comble, sont les navires qui ont le plus d'accidents(1).

    Quelques observateurs s'interrogent depuis longtemps sur les raisons de cette exclusion alors que le code lui-même a prévu son application sur tous les navires (ref : ISM 1.3).


  5. La création d'un code ISM «allégé»
  6. Les raisons sont assez élémentaires. Les prescriptions du code, pourtant elles aussi élémentaires, semblent trop difficiles à appliquer pour de petites structures armatoriales. Cela semble logique encore aujourd'hui malheureusement, tant que la culture sécurité n'aura pas progressé dans ce secteur.
    Certains Etats membres de l'OMI, en avance sur d'autres, ont depuis assez longtemps créé des sortes de « mini ISM » afin de faciliter l'application des principes/piliers du code sur des navires non SOLAS(2). En effet, en Grande Bretagne, aux Etats-Unis et aux Philippines par exemple, certains navires peuvent appliquer un système de management allégé appelé familièrement « mini ISM » qui leur permet un management de la sécurité minimum comprenant l'application des éléments principaux du code original.
    Le but du maintien d'une plus grande prévention des accidents pour ces navires semble être atteint par ce management minimum.
    Mais, un accident récent (2019), vient de remettre en avant cette possibilité de mini ISM et de la transformer en ISM tout court.
    Il s'agit de l'incendie du Conception(3) aux USA où tous les passagers (35) sont morts asphyxiés puis brûlés, tout simplement parce que, à cause de la « clause du grand-père », le code ISM (original ou mini) ne s'appliquait pas à ce type de navire.
    Parmi les observations du NTSB (le BEAmer aux USA) une revue de l'application du code ISM original à tous les navires à passagers est aujourd'hui préconisée afin d'améliorer la sécurité. Comme la responsabilité des USCG a été stigmatisée à cette occasion, ceux-ci ont vivement réagi et ont lancé en juillet 2020 une WI (work instruction) qui en dit long sur leur volonté d'imposer une application du code d'une manière obligatoire à tous les navires à passagers.
    Il ne faut pas se leurrer, les autres navires suivront tôt ou tard, même s'il y a encore beaucoup d'oppositions.
    Alors pourquoi ne pas exiger « le mini code ISM » au minimum tout de suite, ce serait certainement plus raisonnable et aussi serait un premier grand pas vers moins de naufrages, d'incendies, et de morts.
  7. Le mini-code ISM
  8. Créé en même temps qu'un code de management pour les grands yachts appelé LY code (large yacht code, qui en est aujourd'hui à sa troisième révision) et glissé en annexe, le « safety management system for vessels under 500 GT », le mini-code ISM a été bien appliqué par la Grande-Bretagne et dans ses dépendances ultramarines (Red Ensign Group) mais quasiment pas ailleurs.
    Pourquoi ?
    Ce pourrait être en effet une solution pour ces navires de moins de 500 GT qui ont une haute sinistralité.
    Les Philippines, qui ont un nombre incroyable de petits ferries entre leur millier d'îles, ont aussi compris l'intérêt d'un système de management allégé (national management system). D'autres pays s'y mettent en ce moment.
    Etant beaucoup plus simple à appliquer, le mini-ISM pourrait convenir aux bateaux de pêche à partir de 12 mètres par exemple.
    J'ai beaucoup entendu la réflexion suivante de petits armateurs : le code n'est pas adapté pour nous, il est trop compliqué, et bien sûr trop cher à appliquer et à maintenir en fonctionnement pour nos petits bateaux.
    Ce n'est pas vrai sauf quand un management de la sécurité ou de la sûreté mal compris semble toujours inaccessible même avec les meilleures «motivations sécurité» de ces armateurs et de leurs équipages.
    Quand je dis motivation, je reste poli car il y a souvent un déficit important de connaissance sur des notions élémentaires de sécurité comprenant les rudiments de la stabilité d'un navire par exemple – y compris chez les sauveteurs parfois - alors que cela figure dans les contenus obligatoires de leur formation initiale.
    En effet, comme pour les grands navires, les enquêtes sur les accidents de navires plus petits concluent souvent à une série de mauvais comportements de sécurité des marins à bord de navires en perdition.
    Ce n'est pas la réglementation qui est défaillante, mais véritablement la non-application des mesures de sécurité élémentaires, pourtant souvent connues des patrons et équipages Ceci est un syndrome maritime bien connu : nous n'avons pas besoin de ça.
  9. Ces deux dernières années ont été catastrophiques pour la pêche
  10. Une succession d'accidents récents de bateaux de pêche nous a interpelés. Les réactions des pêcheurs eux-mêmes sont significatives, je cite : le Mylanoh début 2022, « C'est un naufrage de trop » a déploré Dimitri Rogoff président du comité régional des pêches du Calvados, il y en a un tous les ans ». Le dernier remonte au 14 janvier 2021 quand le Breiz a coulé au large de Lion-sur-mer faisant trois victimes. « C'est toujours le même profil : un bateau ancien à qui on demande de faire ce pourquoi il n'a pas été prévu au départ, avec un équipage jeune, voire novice. S'y ajoutent les problèmes des licences vendues avec les bateaux qui alourdissent les charges financières des jeunes patrons qui s'installent et d'une formation à la sécurité insuffisante. Il nous faut réfléchir collectivement pour apporter des réponses. »
    Oui D. Rogoff ancien patron de pêche a raison. Réfléchissons donc. Des bateaux de pêche anciens, peu adaptés à une pêche à la coquille très rémunératrice depuis quelque temps mais souffrant d'un attrait mitigé des jeunes en général pour un métier assez difficile et une formation sécurité, soit bâclée soit jugée inutile par certains pêcheurs eux-mêmes.
    Alors quelle solution ?
  11. Un mini-code ISM adapté aux petits bateaux y compris de pêche, pourquoi pas ?
  12. Bien que le BEA, pourtant chargé d'enquêter sur les accidents maritimes, ne le recommande à ma connaissance jamais, une prise en compte d'une amélioration de la sécurité des opérations des petits navires via un mini-système de management devrait être essayée. Cela fonctionne pour la majorité des 80 000 grands bateaux dans le monde, pourquoi pas pour les plus petits ?

    En effet, « management » en français a une définition claire : « ensemble des techniques de direction, d'organisation et de gestion d'une compagnie ». Un mini-système de management de la sécurité prend en compte la sécurité des activités qu'elles soient de transport ou de pêche y compris la formation des opérateurs (formation initiale et continue), ce qui semble manquer le plus sur les petits bateaux.
    Ensuite le mini-code contient une particularité oubliée dans le code original, je veux parler de la protection de la santé du marin avec en cible principale, la gestion de la fatigue : un tabou dans l'industrie maritime.
    Etonnant n'est-ce pas ! Vous pouvez chercher, vous ne trouverez pas le mot fatigue dans le code ISM original même si un renvoi à des circulaires OMI pourrait le faire d'une manière vraiment indirecte (résolution A 1047 qui date de 2011 sur les effectifs minima des navires).
    On pourrait rendre ce mini-système obligatoire à la mise en service du bateau puis mettre enfin sur la table une évaluation solide des conséquences catastrophiques de la « clause du grand père » et en complément, éviter de mettre la sécurité des petits bateaux entre les seules mains des armateurs comme nous en avons l'intention.
    Un autre exemple, la MCA (UK) vient de publier une nouvelle réglementation concernant les entrées dans les espace clos y compris pour les bateaux de pêche suite au grand nombre de marins qui y ont perdu la vie depuis dix ans. La procédure entrée dans un espace clos est un des éléments clé dans tout système de management de la sécurité(4).

    Le mini-ISM, système de management de la sécurité d'une simplicité remarquable et d'une facilité d'application reconnue, devrait plaire aux petits armateurs et pourrait peut-être réunir une bonne partie des solutions possibles recherchées par la profession (voir plus haut).

    Déjà en place ces mini systèmes ont fait leurs preuves : implication plus grande des patrons et des marins dans leur propre sécurité via une analyse exhaustive des risques, besoin de se rappeler les bases accessibles à tous de la stabilité d'un navire, l'importance de la maintenance, du retour d'expérience et surtout des exercices de préparation aux situations d'urgence au titre de la formation continue, sans oublier les vérifications de l'armateur sur le suivi par ses marins des procédures élaborées en commun.
  13. En conclusion
  14. Un mini-système de management forcément low-cost auquel vous pourrez facilement ajouter une partie « satisfaction du client » pour des bateaux commerciaux si vous le jugez nécessaire, existe donc déjà. Il est d'une simplicité remarquable, ce qui devrait plaire aux petits armateurs ou armateurs à la pêche allergiques à la paperasse.
    Un peu de conseil, quelques formations et surtout un plein de bon sens et vous pourrez réduire vos risques à un niveau acceptable, prouver que vous travaillez en prenant soin de la santé et la sécurité de vos marins, tout en assurant autant que possible la prise en compte de la protection de l'environnement à votre niveau.
    C'est dans l'air du temps tout autour de vous.
    Alors ?

NOTES

1 En ce moment la sinistralité des petits navires de pêche est inquiétante (Aube, Ar Avel Dro, Virgule, Enzo, Essor, Saint Antoine de Padoue, Surya, Rayon de Soleil, …).
2 la SOLAS concerne les navires qui peuvent pratiquer à l'international. Pour les autres, les pavillons, hors règlements communautaires comme ceux de l'Union Européenne, font un peu ce qu'ils veulent en tant que réglementation, en tenant compte que parfois des accords particuliers entre nations peuvent autoriser certains manquements par des exemptions conjointement acceptées et sans oublier la terrible « clause du grand-père ».
3 Voir la page du code ISM N° 51 sur le site de l'AFCAN.org. Dans cet accident la mise en place d'un système de management dans la compagnie et sur ses bateaux de safaris plongées aurait tout de suite montré que l'application systématique de la clause du grand père allègrement utilisée par des armateurs, allait conduire à une catastrophe. Elle est arrivée. Armateur et capitaine ne sont pas près de dormir tranquille (en prison peut-être !) avant longtemps avec 35 morts sur leur conscience.
4 La nouvelle réglementation UK entre en vigueur pour les navires qui relèvent de la convention SOLAS le 14 mai 2022, tandis que pour tous les autres (y compris les navires de pêche) elle s'appliquera à partir du 14 mai 2023 dans le REG.

NB : Voir sur la page N° 57 du code ISM (à paraître) une traduction libre du mini-code ISM où vous remarquerez la solution d'une culture de management, complètement inconnue dans les petites structures maritimes classiques.
Un recours systématique aux check-lists
une simplicité de l'enregistrement
une implication du personnel de terre
une formation et familiarisation adéquates des marins
une personne désignée dont le rôle est un peu différent de celui du code ISM version SOLAS
une préparation aux situations d'urgence nécessaire comprenant des exercices et
une vérification interne de ces activités, ce qui n'est pas le fort des mini-compagnies.
Cdt Bertrand APPERRY
membre de l'AFCAN
bertrand.apperry@orange.fr

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