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Il y a 10 ANS déjà : Costa Concordia
Page du code ISM Nº 55
Cela peut sembler irréel mais il y a tout juste 10 ans, un vendredi 13 janvier au soir, un magnifique paquebot s'éventrait sur un rocher le long des côtes italiennes.
Ce soir-là à bord, c'était «soirée de gala», veille de la fin de la croisière à Savone, le commandant dînait au restaurant des «premières», le Milano, avec des passagers invités comme l'entendait la compagnie, soucieuse d'utiliser l'attractivité bien connue du «dîner à la table du commandant», argument de vente à l'occasion d'une croisière, même populaire.
Comme souvent en croisière, le commandant avait laissé ses officiers de quart suivre la route planifiée jusqu'au sud du petit port de Giglio et prévoyait d'assurer ensuite lui-même la navigation le long de la côte, d'assez près pour faire le salut "inchino" qui est une tradition assez répandue chez Costa.
L'inchino consiste ici à longer la côte devant le port de cette petite île où il est aussi de tradition pour les marins de naviguer chez Costa et ensuite de venir y passer sa retraite comme beaucoup d'îliens dans le monde. On longe donc la côte à la tombée de la nuit tous feux allumés en sifflant de toutes les cornes à brume du navire.
C'est terriblement impressionnant et à défaut d'amuser les passagers, qui s'ils jettent un oeil dehors pour voir ce qui se passe, ne voient pratiquement rien si ce n'est quelques lumières faibles du port, de la ville et des villas environnantes. Cet "inchino" jette du baume au cœur des retraités de Costa sur l'île à ce qu'il paraît, c'était le but.
Finalement c'est une manœuvre «délicate» peut-être mais pas plus que de rentrer dans un port et si courante qu'on pourrait dire « rentrée dans les habitudes » mais qui a conduit cette fois-ci à un spectaculaire naufrage.
  1. QUE S'EST-IL DONC PASSÉ CE SOIR-LÀ ?
  2. Tout le monde sait aujourd'hui que le commandant Francesco Schettino qui commandait le Costa Concordia ce soir-là, n'avait pas trop la tête à la manœuvre qui finalement était presque de routine. En effet, il dînait avec une amie et d'autres passagers et le menu était certainement remarquable comme toujours, on venait de faire les vivres à Civitavecchia et les fruits de mer étaient donc on ne peut plus frais.
    A son habitude, Francesco ne montait pas trop tôt à la passerelle, bien qu'il avait quand même un peu de mal à déléguer c'est vrai, mais monter ainsi, tard sur la passerelle pour assurer lui-même la manœuvre, ce n'était pas anormal à condition que les officiers de quart suivent la procédure de réduction d'allure en fonction des distances des points de changement de route que tous les capitaines du monde connaissent bien.
    De plus avec le code ISM cette manœuvre de "l'inchino" qui venait frôler les cailloux, devait avoir fait l'objet d'une procédure d'approche précise, en théorie.
    Mais la loi de Murphy, encore appelée la loi de l'ennui maximum et non prévue par le code ISM, est la loi. Elle allait encore frapper ce soir-là.
    Schettino monte donc très tard à la passerelle au point qu'il en oublie de prendre dès son arrivée «le soin/taking the con», formule traditionnelle sur toutes les passerelles du monde lorsque le capitaine décide de prendre lui-même directement la responsabilité de la manœuvre.
    Il oublie aussi ses lunettes de lecture sur la table du restaurant, ce qui va l'empêcher de pouvoir vérifier les distances sur l'écran radar : il fait nuit mi-janvier à 21 heures et le virage vers Giglio est basé sur la distance de la côte.
    De plus, un appel de terre sur son portable provenant d'un ami de Giglio (un capitaine à la retraite, le commandant Palombo), le perturbe au point qu'il en oublie de réduire l'allure car le virage avant le récif «Scole» est un peu serré.
    En navigation c'est comme en voiture, on ralentit avant le virage et on accélère après, en sortie de virage.
    De plus le navire est très mal présenté, et comme il est arrivé tard à la passerelle, il est maintenant trop tard pour rectifier.
Lorsqu'il s'aperçoit de son erreur de vitesse et qu'il se rend compte que l'embardée va amener le flanc bâbord trop près du caillou, il tente de contrer cette embardée en ordonnant la barre «à contre» comme on dit dans notre jargon, c'est-à-dire mettre la barre dans le sens contraire de l'abattée pour un effet de freinage. Sauf qu'il donne cet ordre de la plus mauvaise manière qu'il soit en ordonnant un cap inférieur au précédent, ce qui est interdit dans nos pratiques, justement pour éviter la confusion. En effet le timonier, Indonésien, avec, on le sait maintenant, un anglais approximatif, tout à son attention pour atteindre le premier cap demandé, s'est trompé pendant quelques minutes. Cela n'a fait qu'accentuer la barre à droite et donc l'abattée, au lieu de la freiner.
A cause d'une vitesse inappropriée, le navire était donc dans une abattée tout aussi inappropriée.
Tout le monde sait que les erreurs ou approximations ne se retranchent jamais, au contraire, elles s'ajoutent et donc, même si Schettino s'est aperçu à un moment donné de son erreur de vitesse, son ultime ordre à la barre était tardif et finalement, c'était trop tard, beaucoup trop tard.
Il connaissait pourtant bien les lieux, même sous-marins, car il venait régulièrement faire de la chasse sous-marine pendant ses congés, et il a vu son beau et gros navire venir frotter le caillou assassin.
Le granit c'est costaud diraient les bretons mais un paquebot de cette taille lancé à plus de 15 nœuds n'en a fait qu'une bouchée, si je puis oser m'exprimer ainsi, de l'éperon rocheux Scole.
En résumé : une manoeuvre d'approche complètement manquée : vitesse trop grande et virage trop tardif. Une simple erreur de navigation en somme, qui peut arriver à (presque) tout le monde finalement. Que le capitaine ou le pilote qui n'a jamais fait d'erreur de manœuvre lui jette la pierre.
Résultats : Francesco Schettino a été condamné définitivement à 16 ans de prison et les Italiens sont déterminés à ce qu'il les fasse, jusqu'au bout, à ce qu'il paraît.
 
    Quoi, 16 ans de prison pour une erreur de manœuvre, mais on n'a jamais vu cela !
  1. NON BIEN SÛR, MAIS POUR UNE TELLE ACCUMULATION D'APPROXIMATIONS PROFESSIONNELLES, CERTAINEMENT
  2. Au cours de l'enquête réalisée par des militaires italiens, seuls acceptés par le propriétaire de Costa, l'armateur américain Carnival, il est apparu que les manquements les plus importants concernant la sécurité des opérations, étaient du côté de la compagnie Costa Croisière.
    Capacité de l'équipage : entre la qualité des officiers et leur formation, la qualité du reste de l'équipage et de leur formation, la qualité du management de la sécurité dans la compagnie et à bord, une langue de travail parlée seulement par un tiers de l'équipage, une préparation calamiteuse à répondre aux situations d'urgence, aucune initiative de la part des officiers pont et machine en lieu et place du capitaine défaillant et l'inaction du nombreux personnel hôtelier, des portes étanches sous pont de franc-bord souvent oubliées ouvertes en navigation, tout cela sous la surveillance du RINA au nom du gouvernement du pavillon. Une accumulation que l'on pourrait dire fatale.
    La commission d'enquête d'abord et le tribunal de Grosseto ensuite, ont ausculté tout cela et le verdict a été que la compagnie maritime et ses dirigeants souffraient d'un laxisme qui pourrait être comparable à celui de la célèbre compagnie britannique «Townsend Thoresen ou TT Line» qui opérait le Herald of Free Enterprise de sinistre mémoire.
    Les peines de quelques mois de prison avec sursis infligées aux dirigeants de Costa peuvent être comparées à celle infligées aux dirigeants de TT Line à l'époque du petit sursis «rachetable» d'un côté et rien du tout de l'autre bien que le juge Sheen avec, entre autres, deux autres marins-juges assesseurs avaient estimé que «the capsizing of the Herald of Free Enterprise was partly caused or contributed by the fault of Townsend Car Ferries ltd (the Owners)»
    Oui vous avez bien lu, chez Costa, du sursis pour tous les autres officiers du Costa Concordia et quelques dirigeants de terre d'un côté, et rien du tout pour les dirigeants de TT line de l'autre ! **
    NB : Il faut néanmoins rappeler que le juge Sheen avait commenté son verdict au sujet du DG de TT Line par ces mots terribles «la loi ne me permet pas de vous mettre en prison mais je le regrette !» (Rappel, le chavirage du Herald of Free Enterprise causa la perte de 188 vies à la sortie de Zeebrugge le 6 mai 1987).
  3. LA COMPARAISON ENTRE LES DEUX CATASTROPHES N'EST PAS ICI FORTUITE, LOIN DE LÀ
  4. Au contraire, mais se pourrait-il que nous n'ayons pas tenu compte du retour d'expérience du désastre du Herald of Free Enterprise ?
    La réaction de l'industrie maritime à la suite de l'accident du Herald of Free Enterprise a été très vive essentiellement sous le leadership des Britanniques. Pensez-donc c'étaient leurs passagers, leurs marins et leur navire sous le «Red Ensign» âgé seulement de 8 ans, presque neuf.
    En effet, à l'étude depuis les années 80, 5 ans seulement ont été nécessaires pour concocter le code ISM, c'est-à-dire un code pour assurer un management formel et complet (organisation, direction et gestion des opérations) d'une application internationale, pour les compagnies maritimes et les navires opérés.
    D'abord conçu comme une recommandation seulement, le code est devenu obligatoire suite aux désastres suivants comme l'incendie du Scandinavian Star (avril 90) ou le naufrage de l'Estonia (septembre 94) où les causes étaient du même ordre : déficience de l'équipage due au facteur humain.
    Cette fois l'OMI a élaboré un texte «au millimètre» qui arrive à couvrir en peu de mots (2 600), l'ensemble du management sécurité d'une compagnie et de ses navires : bravo !
    Aujourd'hui, tout le monde se réjouit et admet que cet instrument issu de l'intelligence humaine manquait et qu'il s'est avéré efficace dans la réduction des accidents maritimes en général et pas seulement des ferries ou autres navires à passagers.
    A tel point que tout doucement le code s'applique aujourd'hui à presque tout ce qui flotte avec ou sans passagers.
    Par exemple, aux dernières nouvelles, le monde de la pêche culturellement réfractaire à toute forme d'obligation de sécurité envisage de s'y mettre aussi après les yachts à vocation commerciale ou encore l'offshore pétrolier ou éolien (voir rapport du meeting du Fishing Industry Safety Group à York en 2017). Après le naufrage meurtrier du Breiz (2021), le monde de la pêche française devrait aussi suivre*.
  5. IMPACT RÉEL DU CODE ISM AUPRÈS DES TRIBUNAUX
  6. A la date de l'accident du Costa Concordia, le besoin d'application du code ISM était évident, mais pas pour tout le monde cependant.
    Obligatoire donc depuis les années 2000, on aurait pu penser qu'issus du retour d'expérience du management inapproprié des navires par les compagnies et leurs capitaines, les attendus des tribunaux allaient d'une manière internationale rechercher et mettre en avant, si nécessaire, le non-respect du code ISM dans les accidents.
    En tant que spécialisé plus que spécialiste, j'attends toujours un vrai retour d'expérience, non pas caché, mais bien mis en lumière par les tribunaux. Pourquoi cela tarde-t-il ? Dans le cas du Costa Concordia, on peut peut-être comprendre que la commission d'enquête composée de militaires se soit si peu préoccupée de la stricte application du code ISM, pensez-vous ! Les militaires évoluent depuis toujours dans un management équivalent et mettre en cause lourdement la compagnie italienne leur a peut-être semblé inapproprié alors que le bouc émissaire idéal Schettino en face d'eux faisait tout pour collecter tous les reproches.
    En fait sur Concordia, c'était apparemment en général une observation toute relative du SMS de la compagnie - essentiellement une non-application des procédures - pourtant reconnu conforme au code ISM et considéré comme opérationnel depuis des années par la classe au nom du gouvernement italien.
    Encore une fois nous sommes en plein dans le facteur humain et il est beaucoup plus facile de charger un capitaine à ce point négligeant que de chercher des poux dans la tête du RINA ou de l'administration italienne en charge des vérifications et du coup de tampon qui permet au Concordia de naviguer et de faire gagner de l'argent à son propriétaire.
  7. TENTATIVES DE RECTIFICATION AUPRÈS DES INSTANCES CONCERNEES
  8. Pour information, certains ont essayé au début du code ISM de toucher le monde judiciaire accessible, comme des avocats «dits maritimistes», pour les informer de l'importance de ce nouveau code sur le management des navires, donc sur la prévention des accidents.
    Résultats : léger fiasco du côté des avocats, léger car à l'Afexmar nous avons quand même formé les avocats de Total pour le procès de l'Erika, mais à leur demande seulement.
    Et nous avons plus récemment proposé, mais sans succès, une formation ISM gratuite au barreau de Paris.
    Peut-être aurons-nous plus de succès avec un «vade-mecum du code ISM» en gestation, car les hommes de loi aiment bien les références écrites et c'est logique, quand leur métier est de lire ou interpréter du droit. Cependant tout n'est pas de leur faute. Le code ISM est peut-être trop succinct et peut ainsi provoquer toutes les interprétations possibles, un cauchemar (ou un plaisir) pour un avocat.
    Donc une référence sous forme livresque*** serait peut-être une solution pour aider à ce que l'application du code ISM puisse un jour être systématiquement évoquée pour traiter le facteur humain dans les tribunaux maritimes, pourtant à l'origine de plus de 80% des accidents maritimes dit-on.
  9. DONC, LE FACTEUR HUMAIN ENCORE ET TOUJOURS
  10. Dans le cas du Costa Concordia, nonobstant l'apparence d'une pure erreur de navigation, les juges se sont focalisés surtout sur le comportement du capitaine. Il faut dire que cela était facile. Son attitude lors de l'accident et après, tout comme sa défense ensuite au procès, n'a fait que le montrer encore un peu plus du doigt.
    Oui, ont-ils dit, le facteur humain, à nouveau, est la cause principale de ce naufrage :
    • Impréparation du capitaine et de ses officiers à gérer la situation de crise provoquée par le choc avec le Scole et l'entrée d'eau.
    • Impréparation du second capitaine, M. Ambroso, qui est l'adjoint du commandant sur la passerelle ce soir-là et en théorie prêt à prendre la suite en cas de besoin, ou tout au moins à aider lors de la manœuvre. Pas de réaction vers son commandant qui vient de prendre, lorsqu'il s'aperçoit que «ça ne va pas le faire».
    • Impréparation du capitaine à une manœuvre délicate. Lors de ce genre de manoeuvre un capitaine arrive quand même sur la passerelle une bonne vingtaine de minutes au minimum avant le virage : Schettino était au restaurant à l'arrière «le Milano» en compagnie de passagers invités à la table du commandant et ne quitte la table qu'à 21h20 à l'appel de la passerelle alors qu'il a tout le bateau à traverser, soit au minimum 15 minutes de marche même accélérée. Le chief mate l'a en effet appelé à 21h19. Il arrive à la passerelle 15 minutes après, soit à 21h 34, à quelques instants du virage qu'il va entamer à 21h 36, soit 2 minutes après, beaucoup trop limite tout cela.
    • Ensuite, la gestion de la situation de crise : des ordres hurlés/mal donnés à la barre et mal compris par le timonier indonésien à l'anglais trop juste, le choc à 21h 45 et le black-out dans la minute qui suit, le coup de téléphone du chef mécanicien qui annonce l'envahissement rapide de 3 compartiments machine puis un groupe électrogène de secours qui démarre mais stoppe rapidement par surchauffe. L'incompréhension de la situation par Schettino, qui finalement ne connaît pas si bien que cela son navire.
    • Schettino s'est quand même rendu compte rapidement que son paquebot allait couler, mais son comportement ensuite s'est avéré erratique. Au lieu d'ordonner le rassemblement des passagers pour une préparation à l'évacuation - il sait que son bateau va couler quoiqu'il fasse - il tergiverse, discute mais ne prend pas de décision. Il n'ordonne l'évacuation que presqu'une heure après le choc seulement : déni de la gravité de la situation, pétrification momentanée ?
    • Funeste erreur de Schettino et des officiers présents autour de lui. Comment se fait-il que ces officiers tous passés par des écoles de qualité, ayant tous une expérience de la navigation autre que sur simulateur, ne l'aient pas interpelé, conseillé et demandé d'ordonner le rassemblement des passagers dès 22 h au moins. Il pouvait le faire, haut-parleurs et alarmes fonctionnaient très bien sur les batteries de secours.
    La commission d'enquête l'a bien dit, il n'y a pas un déficit de connaissance mais visiblement un déficit d'entraînement à répondre aux situations de crise. Les enregistrements du VDR sont significatifs. C'est la panique à la passerelle avec ou sans Schettino assez occupé à tenter d'expliquer sa situation à des personnes à terre qui ont bien du mal à réaliser, tout comme lui.
    Panique à la passerelle, cela peut arriver et d'ailleurs une formation STCW appelée BRM (Bridge Ressource Management) destinée, en plus des formations existantes, à organiser la passerelle en situation de crise, entre-autre, existait mais n'était pas encore obligatoire et donc n'avait été suivie par aucun des officiers du Concordia.
    Il a été prouvé qu'un rassemblement précoce des passagers aurait évité la trentaine de morts. Eh bien, c'est de cela dont les juges ont, entre autres, tenu compte au procès et qui pour eux justifie en grande partie les 16 ans de prison.
    Le tribunal de Grosseto a peu parlé de cette impréparation de l'état-major du Costa Concordia à répondre aux situations d'urgence identifiées comme pouvant survenir sur le navire (ISM § 8), ni non plus de l'impréparation des équipes de secours du navire et certainement pas du personnel en contact avec les passagers (exercices et entraînements aux différentes situations possibles) qui en sont la base.
    Il devait quand même y en avoir des exercices (pour information au moins un exercice par semaine est exigé sur les navires à passagers depuis longtemps) et si l'exercice ou l'entraînement montrait un manque de préparation (évaluation obligatoire à la charge du capitaine), alors on recommençait les jours suivants y compris pour le personnel hôtelier nonobstant le travail de l'équipage pendant la croisière. Safety first !
    Le système de management de la sécurité de la compagnie devait normalement assurer que cette préparation était effective et jugée suffisante. C'est le RINA (Registro Italiano Navale, la société de classification italienne) qui assurait les audits internes au nom de la compagnie et également les audits externes au nom de l'administration italienne. Initiateur du SMS de Costa, le RINA en assurait les vérifications de fonctionnement, à la fois juge et partie.
    En fin de compte, le fait pour Schettino de quitter le Concordia avant le dernier des passagers dans une embarcation accompagné de presque tous ses officiers a été la circonstance aggravante qui lui a fait prendre le maximum.
  11. CONCLUSION
Il y 10 ans, Francesco Schettino a joué aux capitaines de navires, un sacré tour, qui a malheureusement tué 32 personnes et perdu un magnifique navire sous nos yeux ou presque avec pourtant un système de management de la sécurité qui semblait correct, mais bien mal appliqué.
Encore une fois, c'est donc l'application du code ISM qui a été lamentable à tous les niveaux. Dans cette affaire, les compagnies (Carnival et Costa) et leurs directeurs, le RINA et ses auditeurs, l'administration du pavillon, les Ports State Control et leurs inspecteurs en France ou en Espagne, les marins eux-mêmes, auraient dû être reconnus en partie responsables de cette catastrophe. ****
Beaucoup d'approximations et une presse déchaînée, qui n'a pas fait de cadeau à notre collègue Schettino mais en oubliant souvent la compagnie. C'est donc un peu grâce à la presse si Costa s'en est tirée et existe toujours, en mieux, on espère.
Capitaine abandonné, il est toujours en prison que je sache, avec des conditions bien restrictives comme une interdiction d'ordinateur et de connexion internet.
 
Cérémonie du souvenir à GIGLIO le 13 Janvier 2022 (photo REUTERS)
    On espérait un grand rappel à l'ordre des opérateurs (armateurs, marins, inspecteurs du pavillon et de la classe) afin qu'ils se flagellent et revoient leur compréhension du code et de son application.
    La montagne a, tout au moins sur l'application du code ISM, accouché hélas d'une souris.
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  Déjà difficiles à convaincre ne serait-ce que pour leur sécurité personnelle, les pêcheurs vont connaître eux-aussi après la standardisation de leur formation (STCW F), la maîtrise de la sécurité de leurs opérations avec tout ce qui s'y rattache : analyse des risques et prise de mesures de réduction de ces risques comme la préparation aux situations d'urgence, l'analyse formelle du retour d'expérience, la surveillance continue des activités à bord ou encore la limite des heures de travail. Sacré challenge pour eux certainement mais ils s'y prennent bien apparemment, en ayant prévu de commencer par la formation.

Il est à noter que Carnival a, aussitôt l'accident, licencié tout le staff de Costa à Gênes et mis un Américain pour gérer la crise. De plus, un expert maritime britannique considéré comme le «pape» de l'expertise maritime (Capt John GUY) a été contracté pour sauver le «soldat Costa» comme il avait fait pour la «Royal Norvegian Cruise Line» quelque temps auparavant. Il a expliqué que le sauvetage de la compagnie ne pouvait que résider dans l'influence des médias en enfonçant peut-être le capitaine. Pas la peine d'expliquer en détail l'erreur humaine de l'accident, le facteur humain n'intéresse personne. Finalement pour Costa, le capitaine avec son amie clandestine à bord et avec lui à la passerelle au moment de la manoeuvre délicate, c'était l'idéal.
On aurait préféré que John GUY eut été contracté pour sauver le commandant.

La littérature sur le code ISM disponible est essentiellement anglo-saxonne.

C'était aussi au mois de janvier 1971 que le paquebot français "Antilles" de la Compagnie Générale Transatlantique s'est échoué définitivement sur un récif au nord de l'île Moustique dans les Grenadines.
Le commandant, sur instructions de la compagnie, a longé la côte à 16 nds, passant à 1/4 de mille de la roche SW de l'archipel des Piloris, pour le plaisir des passagers. Cette fois-là, le capitaine a eu beaucoup de chance, aucun mort ni blessé. Malgré la perte de son navire, il n'a pas été condamné, et a été soutenu par son armateur, ce qui n'est pas courant.
Cdt Bertrand APPERRY
AFEXMAR AFCAN HYDROS IIMS (UK)
Expert maritime spécialisé ISM
Ancien capitaine de navires à passagers.

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