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Théorie et pratique de l'évaluation des risques en sécurité maritime
versus
la sécurité et la santé des marins
Page du code ISM Nº 53 - 1ère partie
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- AVANT-PROPOS
Depuis toujours, mais inconsciemment, souvent, l'être humain ne réalise une opération, quelle qu'elle soit, sans évaluer les risques de cette opération.
Dans la présente analyse on se concentrera sur l'évaluation des risques en sécurité et sûreté dans le transport maritime.
En effet, opérer un navire a toujours été une activité à risques pour le marin, pour le navire et ce qu’il transporte, passagers ou marchandises, et aussi pour son environnement marin (pollution de la mer et de l'air).
Aujourd'hui, heureusement, notre société ne peut plus se contenter de supporter les risques considérés comme naturels et se baser sur une notion ancestrale trop vague appelée «chance d'y échapper». Au contraire, grâce à son intelligence, son retour d'expérience, sa connaissance du facteur humain, le marin moderne ne conçoit plus de travailler en dehors des limites déjà fixées ou qu'il se fixera lui-même mais en toute connaissance. Cela s'appelle le management personnel des risques (1).
Réaction de prévention naturelle donc, mais comment analyser le niveau du risque afin que nous puissions en fixer les limites ?
En effet, si le risque est naturel, un niveau tolérable existe et celui-là nous permet de continuer à travailler.
A contrario, si le niveau est intolérable, il nous appartient de prendre des mesures de réduction du risque afin de le ramener à un niveau acceptable c'est à dire tolérable sinon, on s'arrête là, ou on passe au plan B.
NB : Dans notre analyse il s'agit bien du risque accepté que ce soit dans notre vie professionnelle ou sociale et surtout pas de la prise de risque qui peut être recherché dans une démarche personnelle délibérée qui n'est finalement qu'une réaction typiquement humaine à la sécurité.
- LE RISQUE ET LE CODE ISM
L'identification et l'évaluation des risques apparaît dès le début dans les objectifs du code ISM (1996), d'abord d'une manière assez vague puis maintenant d'une manière beaucoup plus précise.
En effet, à peu près simultanément, avec le code, un règlement Européen (98/389) a imposé la gestion de la sécurité du personnel par l'évaluation des risques.
A ce moment-là, on a vu beaucoup de choses étranges comme cela ne s'applique pas au maritime, mais aujourd'hui le DUP (document unique de prévention) est obligatoire et ne fait donc que confirmer que c'est une obligation et non un objectif comme dans le code ISM et comme certains continuent encore de le croire malheureusement.
Il nous faut donc identifier et évaluer les risques pour les navires, le personnel et l'environnement et initier des mesures de sécurité appropriées pour éradiquer ces risques lorsque c'est possible, ou tout au moins les réduire à un niveau tolérable.
- REFERENCES INTERNATIONALES EN MARITIME
Pour les risques maritimes, en plus des références concernant les obligations d'évaluation et de mise en place de mesures de réduction des risques (ISM, MLC 2006 norme A 4.3 § 1) nous avons à notre disposition la directive OMI (MSC-MEPC.2/Circ.3 de 2006). L'appendice 3 de cette circulaire est précis sur une prévision, une identification, une évaluation et une tentative de maîtrise des risques par la prévention que l'on peut ici certainement appeler anticipation.
Remarque
Dans le langage populaire et en pratique, des confusions sont trop souvent faites entre danger, risque, mise en danger, niveau de risque, etc. il m'a donc semblé nécessaire de tenter de clarifier en se référant aux définitions.
D'autre part, que ce soit en sécurité ou en sûreté, les risques sont évalués à quelque chose près de la même manière.
Et enfin, pourquoi dit-on évaluation des risques et non pas évaluation des dangers ? La réponse est ci-dessous dans les définitions.
- DEFINITIONS OFFICIELLES :
DANGER : |
Propriété ou capacité intrinsèque, d'une personne, d'un équipement, d'une substance, d'une méthode de travail de causer un dommage. |
SITUATION DANGEREUSE : |
C'est l'exposition à un danger. |
RISQUE : |
C'est la combinaison de la probabilité de se trouver dans une situation plus ou moins dangereuse et de ses conséquences dommageables possibles plus ou moins grandes, en un mot, c'est une situation dangereuse quantifiée/mesurée. |
EVALUATION DU RISQUE : |
Analyse du degré de risque, équation à deux inconnues que sont la probabilité de survenance et la gravité des conséquences. |
RISQUE : |
= f (GRAVITE, PROBABILITE). |
NIVEAU DE RISQUE : |
Niveau de la combinaison de la probabilité d'occurrence et de la gravité des conséquences. |
PROBABILITE DE SURVENANCE OU D'OCCURRENCE : |
Elle est fonction des conditions physiques et organiques (NB : dans le sens organisation). |
CONDITIONS PHYSIQUES : |
Existence, adéquation, qualité du matériel utilisé (en sécurité ou en sûreté). |
CONDITIONS ORGANIQUES : |
Qualité de l'organisation, personnel suffisant et bonne organisation du travail, formation initiale et continue de qualité, familiarisation, gestion du changement pour le personnel à tous les niveaux. |
MANAGEMENT : |
c'est un ensemble de techniques de direction, d'organisation et de contrôle d'une activité ou d'un ensemble d'activités (comme dans une compagnie de navigation). |
CHANGE MANAGEMENT : |
C'est la gestion d'un changement important dans le déroulé d'une activité à risque déjà maîtrisée. |
FACTEUR HUMAIN : |
Le facteur humain, responsable d'au moins 80% des accidents, doit être pris en compte dans chaque évaluation. Le facteur humain est la capacité instantanée du personnel (et du malfaisant en sûreté) à remplir sa mission.
Par exemple, la légendaire réticence des marins-pêcheurs à porter un VFI ou des marins marchands à porter un casque sur les lieux de travail sont du «facteur humain» augmentant le risque.
Ceci est également vrai concernant l'exposition aux risques de maladies (refus de porter des protections auditives ou refus de porter un masque dans un garage de ferry, refus de vaccination en temps de pandémie, etc.)
Finalement, en sécurité le facteur humain augmente toujours le risque.
NB : En sûreté, parfois la difficulté d'une mission illicite pour un être humain peut conduire à refuser le risque, donc à le réduire.
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TOLERABILITE DU RISQUE OU ACCEPTATION DU RISQUE : |
Le niveau de risque est considéré comme tolérable ou intolérable. Cette «tolérabilité» peut varier en fonction de la situation conjoncturelle (en guerre on accepte des morts mais pas en période de paix, certains métiers sont plus dangereux que d'autres, une vie humaine n'a malheureusement parfois pas la même valeur selon la latitude et la longitude, etc.)
Cette acceptation du risque, c'est parfois du fatalisme ou tout simplement une culture différente : au Japon ou en Suède, il ne serait pas considéré comme étonnant que l'équipage du garage d'un ferry porte un masque respiratoire ou filtrant devant les passagers. |
MESURE DE REDUCTION DE RISQUE : |
C'est une mesure de prévention prise pour diminuer ou supprimer une des composantes du risque que sont probabilité et conséquences.
Exemples :
- Bien ventiler pendant des heures, puis mesurer le taux d'oxygène dans un local normalement confiné avant entrée, c'est diminuer le risque d'hypoxémie.
- Mettre un masque respiratoire, c'est se prémunir d'inhaler une substance nocive : gaz et particules d'échappement dans le garage d'un ferry au moment des manœuvres de véhicules.
- Mettre un masque filtrant style Covid c'est empêcher d'inhaler les particules de «black carbon» mais pas des gaz d'échappement.
- Mettre un casque : c'est réduire les conséquences d'un traumatisme crânien lors d'une manœuvre d'accostage ou d'une situation d'urgence.
- Verrouiller une porte ou accès ou disposer une barrière ou clôture adéquate c'est une mesure de réduction de probabilité d'intrusion dans un espace.
- Disposer une caméra de monitoring avec détection de présence, c'est une mesure physique de probabilité de détecter une intrusion illicite.
- Exiger un badge est une mesure de réduction de probabilité d'intrusion d'un malfaisant étranger au navire ou au port.
- Baliser un obstacle fixe ou mobile aux couleurs adéquates - jaune zébrée noir ou blanc zébré rouge par exemple - diminue la probabilité de heurts malencontreux y compris en situation de stress.
- Eclairer une zone diminue le risque de chute et d'obstacle non détecté et augmente la probabilité de détection.
- Utiliser des fiches d'aide à la décision, c'est une mesure technique et organique de réduction de risque en jouant sur le facteur humain (ce sont finalement des aide-mémoire.)
Ces mesures peuvent donc être techniques (matériel), organiques (organisation) ou humaines (gestion du facteur humain) |
- DEMARCHE PRATIQUE EN SECURITE
Nous allons donc procéder selon la circulaire OMI de référence citée plus haut, en prenant volontairement en compte les risques de santé.
- ANTICIPATION :
Une première approche consiste à sélectionner les types de dangers spécifiques à notre industrie et qui sont :
- les atmosphères, confinées ou pas, potentiellement dangereuses,
- les produits dangereux transportés ou utilisés comme carburant ou nettoyant,
- les risques inhérents à leur utilisation (fuites - coulage - manipulation),
- les facteurs ergonomiques (accès – encombrement - échappées d'urgence),
- les circonstances particulières du transport maritime déjà connues de par leur spécificité ou par un retour d'expérience acquis (collision - échouement - voie d'eau).
La démarche est souvent appelée IDAR (Identification des dangers et évaluation des risques) - HIRA en anglais (Hazard identification and risk assessment) par type de danger.
Une première étape est initiée au niveau de l'entreprise lors de l'élaboration d'un projet (nouveau navire par exemple) ou d'un changement significatif dans une opération. Il s'agit d'une démarche proactive, de prévention des accidents.
Les groupes de dangers sont d'abord identifiés par un comité de pilotage comprenant les ingénieurs en charge des risques, les responsables techniques des navires et le personnel impliqué comme le futur équipage.
Le fonctionnement en mode dégradé est souvent inclus dans cette première étude.
- IDENTIFICATION :
Production d'une liste des dangers par groupe
- Dangers généraux communs à tous les navires et compagnies
- entrée dans un espace habituellement clos,
- dangers classiques : incendies, incidents électriques, chimiques, techniques (rotation et pression), thermiques, radiologiques,
- dangers liés aux déplacements à bord : sur les ponts, sur la coupée ou la rampe ou à terre etc.
- dangers dus au navire lui-même : présence d'amiante ou non, dangers dus à la consommation d'alcool, de drogue ou de tabac, dangers dus à une mauvaise alimentation (assez fréquent aussi dans la marine),
- dangers liés aux possibles situations d'urgence qui pourraient se produire et aux exercices normaux liés à la préparation de l'équipage à répondre à ces situations,
- dangers liés à la sûreté.
- Dangers liés aux activités des navires considérés
- embarquement et débarquement des passagers et de leurs véhicules
- déplacements des passagers à bord en cas de mauvais temps
- dangers liés aux différentes activités à bord (conduite et entretien technique, manœuvre, navigation, opérations commerciales),
- dangers lors d'interface avec des éléments extérieurs (manifold, grues, portiques, engins de manutention et ceux embarqués à bord),
- dangers liés aux produits ou éléments manutentionnés (produits pétroliers de cargaison ou de combustion, résidus de combustible ou de traitement des eaux, gaz d'échappement/fuites), etc…
- Dangers liés aux postes de travail
- dangers liés aux machines en action et accessoires mécaniques,
- dangers liés à la posture du travailleur y compris en passerelle, dangers liés à son équipement individuel,
- dangers pour le personnel employé dans les garages des rouliers au chargement et au déchargement rapides de véhicules thermiques (nombreux mouvements de véhicules en phase de démarrage et donc atmosphère grandement polluée par les gaz d'échappement) etc.,
- dangers liés à une longue présence des membres d'équipage dans une atmosphère polluée même légèrement (machine des navires).
NB : Dans quelques années toutes les voitures particulières et les camions seront électriques pour le plus grand bien de la santé des équipages en charge des chargements/déchargements sur les ferries qui continuent eux-mêmes d'augmenter en capacité.
En ce qui concerne les navires eux-mêmes, avec la transition du GNL, les combustibles du futur sont encore à l'état de projets et l'on pense que les risques liés à la santé des marins seront pris en compte comme il se doit avec l'ammoniac, l'hydrogène, le méthanol, le tout-électrique (grand nombre de batteries) ou encore le nucléaire non militaire.
- Dangers liés au facteur humain des membres d'équipage ou autre personnel au service du navire :
- dangers liés à la fatigue, au stress, aux horaires, aux cadences, aux ambiances de travail (équipe, multi-ethnisme, éclairage, bruit) à la santé du moment, au mauvais temps continu,
- dangers dus à la précipitation des actions en situation d'urgence,
- dangers provoqués par une connaissance insuffisante des dangers (formation initiale ou continue),
- dangers liés à l'organisation du travail (absence de pauses, accélérations, délais raccourcis),
- dangers liés au trop long temps passé à bord pour cause d'absence de relève par exemple,
- dangers pour cause de conditions de relèves exagérés : relèves repoussées, quarantaines sans fin tout au long du voyage.
- Dangers liés à la routine et au changement ou dangers liés à une trop grande habitude ou à un changement brusque de cette habitude («change management» en anglais) à une nouvelle activité avec un nouveau quai d'escale, nouveau port, nouveau produit avec une formation incomplète ou inexistante correspondante (familiarisation au changement), etc.
NB : De gros efforts sont faits partout pour améliorer la qualité de la formation initiale même aux Philippines, et le «change management» rentre enfin dans les habitudes de familiarisation.
- Risques de santé, à savoir en priorité :
- Effets physiques collatéraux du stress dû aux bruits, aux vibrations, aux mouvements permanents du navire à la mer.
- Effets physiques et mentaux de la fatigue et conséquences d'autres addictions éventuelles ou des périodes de bord excessives bien au-delà des limites du contrat du marin.
- Les «facteurs ambiants autres» auxquels sont soumis les gens de mer sont évoqués également (promiscuité par exemple).
NB : La prise en compte de ces risques reste confidentielle et cela est classique avec les réglementations internationales qui tentent de s'appliquer aux différentes cultures.
Il est à noter que ces risques sont répertoriés en principes directeurs B dans la MLC 2006 et ne sont donc pas obligatoires.
- Mais on pourrait aussi ajouter ce que personne n'ose aborder : les effets à long terme de respirer en permanence 24h/24, 7 jours sur 7, un air pollué par les échappements des moteurs thermiques du navire en route ou à quai malgré le renouvellement de l'air des locaux par un air souvent conditionné, peut-être un peu moins pollué, pris à l'extérieur mais c'est tout.
- EVALUATION (CALCUL) DU RISQUE (ou cotation des dangers identifiés)
Plusieurs méthodes existent et comme rien n'est généralement imposé, on trouve un peu de tout.
L'approche par danger identifié est bonne, le seul inconvénient est la redondance des mesures de réduction de risque trouvées, on regroupe ensuite à la fin de l'étude.
On évalue donc la probabilité de survenance d'une situation dangereuse et ses conséquences.
- D'abord, la probabilité de survenance :
Elle est fonction de plusieurs éléments (organisationnels, physiques, techniques, humains) ; chaque élément s'ajoutant à un autre.
NB : les probabilités s'ajoutent toujours et ne se retranchent jamais.
- Ensuite la gravité des conséquences
METHODE MOSAR (Matrice Organisée Systémique d'Analyse de Risque (ou SORAM Systemic and Organizational Risk Assessment Matrix en anglais).
Cette méthode d'analyse du duo probabilité-gravité est très utilisée en sécurité, en sûreté, en cybersécurité ou en mesures environnementales.
Division des risques en deux parties : risque tolérable et risque intolérable
En effet, il y a des métiers à risque mais on ne doit pas pour autant ne pas prendre de mesures.
Niveau tolérable
Risque faible (blanc) : pas de modifications aux mesures existantes
Risque modéré (vert) : mesures de prévention à prendre en fonction de la politique et de la culture sécurité de la compagnie (mesures facultatives)
Risque substantiel (jaune) : prendre des mesures de réduction de risque souhaitables en fonction de leur faisabilité (structurelles – coût)
Niveau intolérable (rouge)
Importantes mesures de réduction de risques obligatoires
En pratique :
Méthode de calcul de probabilité et score résultant
(f) Facteur humain (stress de situation d'urgence, fatigue, stress d'autre origine) quantification de -1 à + 2 ou 3 que l'on ajoute systématiquement au premier résultat de la matrice MOSAR
Résultats : Probabilité a+b+f
Gravité : Pas grave, Grave ou Très grave
NB : Démarche pratique en sûreté
En sûreté, la démarche est plus spécifique. Les mesures de réduction de risque doivent diminuer un des éléments du calcul et dans le cadre de la gravité, l'impact doit être pris en considération. En analyse simplifiée, l'impact peut être considéré comme une plus grande gravité.
- PLAN D'ACTIONS : MESURES DE REDUCTION DE RISQUES
En plan d'actions, des mesures sont proposées dans le DUP pour réduire les scores lorsque c'est obligatoire d'une part (zone rouge) et souhaitable d'autre part (zones verte et jaune) et, entérinées ou non par la direction, un pilote de chaque action est désigné.
Le suivi général est sous la responsabilité de la DPA ou du QHSE manager ou du CSO.
NB : La diminution d'un des scores est en général suffisant pour ramener le risque dans une case tolérable. Cependant, en cas de doute sur l'efficacité de la mesure de réduction du risque une nouvelle évaluation est effectuée.
Le rapport peut être présenté sous la forme suivante :
NB : Le document est classé confidentiel pour éviter toute copie non autorisée qui pourrait être utilisée contre les intérêts de la compagnie.
Le DUP doit être revu tous les ans avant la revue de direction ou à la suite d'une modification des mesures préventives de réduction de risque et bien sûr, en cas de nouveau risque détecté.
- QUELQUES EXEMPLES :
- Contenu d'un DUP sur un petit navire à passagers :
- principe de la méthode MOSAR
- risques généraux liés au transport de passagers : embarquement/débarquement - appareillage - accostage - traversées agitées - mouillage
- entrée espaces clos sous pont principal et espaces confinés
- risques liés à la criticité des équipements
- visites normales ou travaux dans les compartiments moteurs ou auxiliaires
- déplacements des passagers vers les toilettes en cas de mer forte
- risques liés aux situations d'urgence et exercices associés
- évaluation des risques liés à la sûreté. NB : on peut renvoyer à la SSA (NB évaluation de sûreté du navire) si elle existe
- évaluation des risques santé des membres d'équipage et des passagers
- plan d'actions évolutif regroupant toutes les actions en cours ou à venir (projets de modification ou de formation)
- ENTREE DANS LES ESPACES CLOS (petit navire)
- RISQUES DE SANTE (ref : MLC 2006) - vedette à passagers)
- EN CONCLUSION
Comme nous l'avons vu, basée sur un management naturel des risques, cette exigence d'un système de management de la sécurité moderne devrait être reconnue comme le réflexe permanent de notre vie professionnelle et pourquoi pas, de notre vie tout-court.
On a surtout parlé d'accidents sur les navires en mer et au port mais d'autres domaines peuvent prendre comme instrument de mesure la méthode décrite plus haut que ce soit pour la protection d'un navire ou d'un port contre des actions illicites selon le code ISPS mais aussi pour d'autres risques, certes pas tous nouveaux, mais qu'on prend en compte de plus en plus comme les risques de santé du travailleur.
Certains sont d'une manière obligatoire comme les cyberrisques et d'autres plus subtilement cachés derrière le terme général santé/disponibilité du marin et çà, à part l'amiante, c'est quand même assez nouveau pour lui.
Addendum : LA CYBERSURETE ET LE MONDE MARITIME
Dans l'édition 2018 du code ISM, des directives FAL (MSC-FAL 1/Circ 3) et une Résolution MSC A 428 de 2017 nous obligent à mettre en place des mesures de réduction de risques cyber pour une application depuis janvier 2021 en attendant peut-être mieux dans les années à venir au cas où des attaques se multiplieraient, toujours sur des navires et dans les compagnies.
Dans les cyberrisques, problème de langage encore.
A nouveau, les Français se font remarquer par cette invention de cybersécurité, alors qu'il s'agit de cybersûreté.
L'ANSSI à édité le «Guide des bonnes pratiques de sécurité informatique à bord des navires» de 35 pages environ comprenant des recommandations pour les membres d'équipage d'une part et pour les compagnies d'autre part.
De leur côté, les britanniques (ministère des Transports) ont également édité en 2017 le «Cyber security code of practice for ships».
NB : En ce qui concerne les recommandations qui accompagnent la dernière édition du code ISM, la traduction française parle de cyberrisques, ce qui résout notre problème de syntaxe d'une manière politiquement correcte.
Situation récente.
Les attaques (ransomware) sur des systèmes informatiques sont de plus en plus fréquentes et les dernières connues ont été très coûteuses pour l'industrie maritime :
- MAERSK comme armateur de porte-conteneurs
- des terminaux portuaires de MAERSK (virus NotPetya)
- une attaque sur le «tracking des conteneurs» pour un trafic de drogue à Anvers (coût non communiqué)
- MSC récemment pour des navires à passagers
- CMA CGM tout récemment pour son portefeuille clients
Cela continue malheureusement et encore on ne sait pas tout. (Exemple de coût : 300 millions USD pour Maersk.)
Réactions de l'industrie maritime.
L'OMI a donc proposé une circulaire MSC qui définit les mesures à prendre pour les navires et les installations portuaires et également pour les ports (via les directives OMI/OIT ou un règlement de l'UE).
En complément à l'évaluation de sûreté et aux plans de sûreté, il est donc recommandé de traiter la cybersûreté dans le cadre du plan de sûreté actuel.
En y ajoutant donc une évaluation cyber et un plan cyber avec les types d'attaques et les exercices correspondants.
Pour de petites installations informatiques, on se contentera des recommandations qui sont faites :
Recommandations pour membre d'équipage
- bien choisir ses mots de passe
- être prudent lors de l'utilisation de sa messagerie
- séparer usages professionnels et usages privés
- être prudent sur internet : surtout courriels et PJ de personnes inconnues (faire attention au phishing)
- télécharger ses logiciels uniquement sur les sites officiels des éditeurs et se méfier des gratuits
- éviter les clés USB fournies par «un ami»
- même prudence avec les smartphones et tablettes
Recommandations pour les compagnies
- nommer un responsable/formateur cyberrisques
- sensibiliser le personnel
- prévoir des sauvegardes régulières
- bien connaître ses utilisateurs et prestataires
- mettre régulièrement à jour ses logiciels
- sécuriser l'accès WIFI du navire ou de la compagnie
- mettre en place si possible un cloisonnement de réseau via un professionnel agréé
Cybersûreté des navires à passagers
Les grands navires à passagers utilisent un « Passenger Management System » qui prend en compte : le service et la maintenance des locaux passagers ainsi que la santé et le bien-être des passagers (nettoyage de haut niveau, AC, température, bruit, humidité, petits bobos, etc.), les réservations d'activité, les dépenses à bord.
Les données médicales qui en découlent sont sensibles et nécessitent une protection supplémentaire.
NB : Pour les petits navires à passagers, la prévention élémentaire ci-dessus est suffisante.
Service IT
Les passagers bénéficient d'un service films ou musique à la carte par exemple qui passe par le «passenger management system» ainsi que les paiements de dépenses à bord par carte ou les «booking» divers.
Les réseaux deviennent donc rapidement importants et les regroupements de câbles également.
La protection des stations maître ou esclaves de maintenance des câbles et connections doit être privilégiée par un accès verrouillable.
La protection des réseaux comprend bien sûr, la détection de l'intrusion et souvent une reconnaissance de la part de l'opérateur de maintenance etc.
Un «cyber officer» est désigné (IT – spécialiste/officier radio électronicien), le CySO.
Pour terminer cet addendum
Le CySO est effectivement une nouvelle compétence d'officier électrotechnicien (niveau opérationnel).
Intelligemment, les formations actuelles marine marchande s'adaptent et c'est heureux car avec les amendements STCW 2022 qui se profilent, où c'est la technologie pour les 10 ans à venir qui va primer, la formation des ENSM va être bousculée.
NB : Pour les élèves, on en trouvera toujours surtout avec le système «Parcoursup» appliqué à l'entrée principale des formations de capitaines. Et puis, peut-être le plus grave, voyez-vous les candidats sélectionnés via l'algorithme «ParcourSup» continuer sans une vraie vocation maritime initiale ? Avec un peu de chance, peut-être 10% maximum.
Au bout de 5,5 ans d'études, combien en restera-t-il, pensez-vous surtout après les premiers embarquements au long cours avec ou sans Covid ?
En partant de l'adage «le risque zéro n'existe pas» il faut logiquement tenter d'identifier tous les risques existants, sans exception.Ce n'est pas facile. Déjà quand on connaît la tendance de certains à ne pas voir, à regarder ailleurs.
Affublé d'un baptême étrange, le DUP (Document Unique de Prévention), qui regroupe l'analyse des risques et les mesures de réduction de ces risques jusqu'à un niveau tolérable, est proprement nécessaire pour pouvoir travailler que ce soit à terre (dans les ports) ou à bord des navires.
Les risques sont donc obligatoirement évalués par les marins eux-mêmes et la méthode MOSAR à l'avantage d'être simple à comprendre et facile à utiliser en laissant peu de doute.
De plus, étant donné l'arrivée soudaine des risques informatiques ou cyberrisques et devant l'urgence, nous allons ajouter dans le DUP un paragraphe cyberrisques adapté à notre niveau informatique.
Croyez-vous que ce sera suffisant ? Et quid des risques de santé du marin ?
En 2021 avec l'expérience d'une pandémie terrible qui n'en finit pas, on ne peut plus ne pas mettre les risques de santé sur la table, ce serait un non-sens.
Contraints cette fois, nous allons devoir nous y mettre enfin sur le management des risques de santé des marins.
Voir la partie 2 du présent article dans le prochain AFCAN INFORMATIONS
(1) Après un accident, dans la recherche des causes, les enquêteurs se soucient du niveau de prise en compte des risques et recherchent dans le management des risques du SMS l'existence et la qualité des éléments suivants :
- identification et évaluation de la «tolérabilité» de ces risques
- détermination effectuée des mesures possibles (nécessaires ou souhaitables) de réduction de ces risques
- détermination des risques résiduels éventuels après la prise de mesures de réduction de risques ci-dessus
- assimilation par les décideurs de l'équipage de la notion d'une prise de risques interdite au-delà d'une certaine limite contenue dans l'évaluation (par exemple : limites de navigation fixées (vent, état de la mer, strict suivi du passage plan sauf urgence, limites du fonctionnement en mode dégradé etc.)
- et in fine : nom et qualité de la personne qui a effectué l'évaluation (comme en sûreté ISPS)
Cdt Bertrand APPERRY
AFCAN-HYDROS-IIMS-AFEXMAR
septembre 2021
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