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Influence du code ISM sur la sécurité maritime
Page du code ISM Nº 52

Avez-vous déjà estimé l'effet du code ISM sur la sécurité des opérations de nos navires ?

Le code ISM exige une organisation de la compagnie maritime et de ses navires via un Système de Management de la Sécurité (SMS).
La protection de l'environnement a été ajoutée ultérieurement à la sécurité mais pas encore la sûreté qui est traitée à part.
Subtilement, le code définit un minimum d'objectifs pour la compagnie d'un côté et formule des exigences précises de l'autre pour la conduite des opérations des navires tant à bord qu'à terre.

Secteurs traditionnels influencés par le code ISM

  1. Responsabilités et objectifs de la compagnie
  2. Evaluation des risques
  3. Maintien en état du navire et de son armement
  4. Préparation systématique et intelligente aux situations d'urgence
  5. Obligation de reporting et d'exploitation du retour d'expérience
  6. Obligation d'enregistrement des activités
  7. Obligation de l'autocontrôle et de rectification
  8. Objectif d'amélioration continue

  1. RESPONSABILITES DE LA COMPAGNIE
  2. Définition de la compagnie
    Définition claire dans le chapitre IX de la convention internationale SOLAS (Règle N°1 §2) et reprise textuellement dans le code ISM :
    «Compagnie désigne le propriétaire du navire ou tout autre organisme ou personne telle que l'armateur gérant ou l'affréteur coque nue auquel le propriétaire du navire a confié la responsabilité de l'exploitation du navire et qui en assumant cette responsabilité s'acquitte des tâches et des obligations imposées par le code».

    Certification ISM
    Il s'agit au départ d'une certification de conformité au code ISM de la compagnie et de son système de management de la sécurité puis d'une vérification de l'application sur chaque navire de ce système déclaré conforme.
    Les vérifications suivantes, essentiellement entre les mains de la compagnie, sont des vérifications de fonctionnement aussi bien à terre (au siège et dans chaque succursale) qu'à bord de chaque navire.

    Partage des responsabilités selon le code ISM :
    Dans le cadre du transport maritime, le propriétaire du navire (owner) peut être différent de l'exploitant (operator) ou de l'affréteur (charterer).
    Pour l'application du code ISM, la compagnie est l'entité ou la personne qui assure la responsabilité de l'exploitation du navire et qui, en assumant cette responsabilité, s'acquitte des tâches et des obligations imposées par le code.

    Les objectifs de la compagnie
    Dans les généralités, le code fixe ses objectifs qui sont bien sûr dans l'ordre «d'assurer la sécurité en mer, la prévention des lésions corporelles ou pertes de vies humaines, d'empêcher les atteintes à l'environnement marin et les dommages matériels».
    Pour contribuer à ces objectifs généraux la compagnie s'engage à appliquer la réglementation qui la concerne et à tenir compte des recommandations de la profession.
    Sans plus. Mais elle délègue aussi.

    Délégation de responsabilité
    Notre industrie délègue beaucoup.
    L'administration du pavillon elle-même délègue ses responsabilités à des organismes habilités.
    L'exploitant du navire peut déléguer facilement certaines activités comme la maintenance des navires ou encore la conduite à des entités autres.
    Le danger a été senti et il a été ajouté en 2008 : «l'exploitant reste responsable des activités de son sous-traitant» §12.2.

    En conclusion partielle sur la responsabilité de la compagnie
    La responsabilité de la compagnie est énorme.
    On pourrait penser alors, que le service DPA en charge de la surveillance des opérations devrait être très étoffé, par des gens compétents et avec une relation privilégiée avec la direction.
    Ce n'est pas toujours le cas malheureusement et les jugements récents des tribunaux après accident ne me donnent pas raison.
    Le capitaine du navire reste encore aujourd'hui le bouc émissaire idéal dans notre industrie.
    Parfois la compagnie s'en tire en prétextant qu'elle avait les bons objectifs quand même et seule la défaillance des uns et des autres ont entraîné l'accident (cf: Concordia).

  3. EVALUATION ET DIMINUTION DES RISQUES
  4. Identification et évaluation des risques
    Cette pratique est relativement nouvelle dans notre métier alors que l'aviation y est accoutumée depuis longtemps.
    Cette pratique évolue rapidement et aujourd'hui même les risques de pandémie doivent faire l'objet d'analyses et de mesures spécifiques.
    Quelques secteurs sont encore en retard : risque de fatigue, risques mentaux du marin confiné etc.
    Mais cela évolue quand même.

    La démarche est systémique Chaque opération a ses risques qu'il faut étudier avant de la réaliser.
    Un document général identifie et évalue tous les risques et détermine des mesures de réduction des risques pour les ramener à un niveau acceptable.
    C'est un document vivant dont la mise à jour doit être continue.
    Aucune activité n'est sans risques et l'application de mesures de réduction prouve la bonne volonté de la compagnie et de son personnel.

  5. MAINTENANCE
  6. La maintenance est une activité de réduction des risques d'avaries ou de pannes qui peuvent mettre le navire et les personnes à bord en danger.
    La maintenance est basée sur les conseils du constructeur, sur les obligations découlant de la certification de classe et sur la culture de la compagnie et l'expertise de l'équipage.
    Le code a institué une gestion particulière des équipements critiques avec le fonctionnement en mode dégradé, toujours pour la sécurité du navire et des personnes embarquées.

  7. PREPARATION AUX SITUATIONS D'URGENCE
  8. Utilisation des techniques de l'aviation
    Les situations d'urgence sont identifiées et analysées avant qu'elles se produisent.
    Des aides à la décision sont élaborées afin que l'équipage et les soutiens à terre sachent quoi faire rapidement et sans hésitation.
    Une suppléance est prévue en cas de défections humaines (stress, mort, panique).

  9. REPORTING ET RETOUR D'EXPERIENCE
  10. Culture du reporting
    Un réflexe classique du «pas vu pas pris» souvent lié à une culture ancestrale ne facilite pas l'application systématique de cette exigence du code.
    Cause originelle du désastre du HOFE, le reporting systématique pourtant lié à la prévention de la récurrence a souvent du mal à entrer dans la culture des équipages.
    Même en instituant une certaine culture «no blame», le succès n'est pas facilement garanti.

    Effets du reporting
    De manière moderne, les communications terre-bord et bord-terre sont systématiques et ne font cependant que confirmer une vieille tendance de la terre pour «savoir ce qui se passe à bord». Ce n'est pas péjoratif … aujourd'hui un ensemble de signaux faibles peuvent préfigurer une défaillance plus grave pouvant entraîner un grave accident. L'assurance du reporting vers la direction via la DPA n'est qu'une variante du reporting.

    Retour d'expérience
    Le retour d'expérience est une autre tendance naturelle du facteur humain : ne pas refaire les mêmes erreurs.
    Appliqué naturellement donc mais à un niveau individuel.
    Le code ISM le définit à l'échelle de la compagnie en des termes très clairs : «prendre des mesures correctives afin que le même problème ne se reproduise pas» plus simplement «to prevent recurrence» en anglais.
    Aujourd'hui, ce retour d'expérience se fait au niveau de chaque industrie, avec quand même la réaction classique de ne pas vouloir exposer ses défaillances donc souvent sous forme confidentielle ou mieux : anonyme.

  11. AUTOGESTION
  12. Le code a été conçu pour permettre un autocontrôle dans chaque compagnie.
    L'autocontrôle est composé d'une surveillance des activités par la DPA avec l'aide du capitaine du navire, des résultats des inspections et audits internes/externes, des revues de capitaine et des revues de système.
    La gestion est donc interne.
    La certification et son maintien n'est qu'un contrôle de fonctionnement à fortiori.


    Autocontrôle et rectification
    Né d'une volonté d'autocontrôle typiquement anglo-saxonne, le contrôle interne exigé par le code ISM est mieux rentré dans notre culture aujourd'hui.
    Le principe est performant en lui-même mais son application laisse trop souvent à désirer.
    Afin d'éviter l'autosatisfaction, assez commune chez l'être humain, une indépendance de l'auditeur interne est indispensable.
    La non-indépendance des auditeurs internes a fait beaucoup de mal à la crédibilité du code.
    Cette indépendance s'améliore de jour en jour dans le cadre de l'application du § 12 du code ISM mais c'est lent.

  13. ENREGISTREMENT DES ACTIVITES
  14. C'est la preuve objective de l'exécution d'une opération.
    L'enregistrement - grandement facilité par l'informatique - fait aussi partie de la vie de marin.
    Apporter la preuve est inné chez l'homme devant le scepticisme normal lorsqu'il y a défaillance humaine.
    Les responsables hiérarchiques, les enquêteurs et aussi la justice se basent sur ces preuves.
    Cependant, le point faible classique de cette pratique est le maquillage des enregistrements qu'on a appelé la «culture d'ajustement» depuis l'arrivée du code ISM.
    Cette éventualité de maquillage est dommageable et affecte fortement lacrédibilité du code.
    ovid-19

  15. AMELIORATION CONTINUE
  16. Issue de la culture qualité, la mise au point de l'amélioration continue fait toujours couler de l'encre.
    Certaines industries vous demandent toujours la note maximale ce qui n'a pas de sens car cela tue l'amélioration continue.
    En effet, étant la suite logique d'une évaluation de qualité des services et de la surveillance des critères de performance, l'amélioration continue tombe sous le sens de l'être humain, en particulier celui du marin.
    Bien cachée dans le code ISM sous une forme « d'objectif de compétences sécurité toujours améliorées », cette obligation nous conduit finalement à nous évaluer périodiquement.
    Des critères de performance conduisant à une culture sécurité en progression continue est une solution assez classique aujourd'hui.

    NB : Ressources et personnel
    Vous avez peut-être remarqué que le paragraphe 6 du code ISM ne figure pas dans cette analyse.
    En effet, en regardant de près, le code n'invente rien qui ne soit déjà dans STCW ou dans la SOLAS, à savoir :
    • Effectif approprié
    • Personnel formé, certifié, familiarisé au navire et à ses tâches et pouvant communiquer entre eux (langues de travail)
    • Cependant, un rappel a quand même été jugé nécessaire dans le code notamment pour une familiarisation aux nouvelles tâches qui pour nous, tombait sous le sens.

POUR CONCLURE

Issu d'une volonté des marins eux-mêmes, le code n'a pratiquement pas bougé depuis sa naissance et 30 ans après, seuls quelques points parfois imprécis ou mal traduits dans la langue de praticien restent à clarifier, son influence a été énorme sur la diminution des accidents maritimes, c'était d'ailleurs son objectif.
On parle de culture sécurité qui va bientôt enfin englober la sûreté et la santé physique et morale des marins, c'est assez remarquable.
Une culture de sécurité globale, en grande partie grâce au code ISM, sera un aspect de l'héritage de l'industrie maritime du XXIe siècle. Nos descendants s'en rappelleront.

Cdt Bertrand APPERRY
AFEXMAR-AFCAN-HYDROS
mai 2021



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