Retour au menu
|
|
Le métier de consultant ISM
Page du Code ISM Nº39
|
Avant propos
Le code ISM est né dans les années 90 et peut donc être considéré comme un instrument de management récent. Inspiré de la norme ISO 9002 de l'époque, il était spécifiquement destiné au management des compagnies maritimes et de leurs navires. Réalisé en termes généraux, le code se préparait ainsi à être largement appliqué sans pour autant, assez bizarrement, bénéficier d'une littérature d'application pléthorique comme les normes ISO peuvent en avoir.
Les premières directives qui pouvaient nous aider ont été les guidelines de l'ISF/ICS dès 1993 tandis que les autorités du pavillon tentaient tant bien que mal d'éclairer leurs troupes sur une sacrée nouveauté pour beaucoup d'entre nous. Les sociétés de classification y ont manifesté tout de suite un intérêt certain étant donné qu'il y avait un business derrière tant du point de vue conseil que de celui de la certification au nom du pavillon. Bien vu, car beaucoup «d'autorités du pavillon» leur délèguent par la suite l'entière certification ISM.
Mais quid du conseil ?
Ne pouvant déontologiquement assurer conseil et certification, les membres de l'IACS (International Association of Classification Societies) ont tenté par différents stratagèmes d'assurer les deux via la «sister company» en charge du conseil et la classe elle-même en charge de la certification par exemple, mais cela n'a pas été du tout apprécié à l'OMI.
Tout naturellement donc, un besoin de consultants à même d'aider les compagnies et les équipages à appliquer le code ISM s'est fait sentir. Je l'avoue aujourd'hui, c'est une société de classification (et pas la plus mauvaise) qui m'a branché à l'époque sur ce nouveau job.
Quelques années après avoir tâté de tous types de transport ou opérations maritimes (du transport de passagers au forage pétrolier offshore), il m'arrive de faire un bilan d'une carrière qui devrait se terminer bientôt. Pas facile de prévoir son ou ses successeurs, mais je pense avoir fait ce qu'il faut pour cela, même si le volume de travail n'est finalement pas si important que cela.
Un bilan commence par le job lui-même : qu'est ce qu'un consultant ISM ?
Avec le code comme référentiel et une grande expérience de 22 ans quand même, je peux aujourd'hui tenter de résumer humblement ce métier.
Oui il s'agit bien de:
- Auditer, c'est-à-dire mesurer les écarts entre le référentiel (code ISM) et les pratiques de la compagnie. Les consultants ISM proposent donc un audit interne effectué sous forme de diagnostic de conformité et/ou de fonctionnement.
NB. Si au début nous partions d'une page presque blanche y compris pour les anciennes compagnies, aujourd'hui, à part les compagnies qui démarrent, on nous appelle pour mettre à jour un système de management de la sécurité qui a déjà été certifié conforme mais qui vivote et parfois dérive au gré des managers successifs. Il nous arrive donc d'être obligé de revenir au basique et de reprendre le code chapitre après chapitre pour assurer que la conformité existe toujours !
- Expertiser, l'entreprise nous appelle parce que nous sommes «experts» c'est-à-dire ayant de l'expérience dans le domaine audité. L'expérience ISM de nos jours veut dire pratique du code dans tous les domaines ou presque. Pas facile certainement, mais une très solide connaissance du code et de ses exigences devrait bien aider pour démarrer.
- Proposer, dans le contrat il y a un diagnostic de conformité de l'application des procédures du SMS mais aussi un volet actions correctives proposées. Parfois nous proposons une solution globale. Etant donné que c'est souvent à l'occasion de la mise en place d'un système de management de la sécurité et/ou de la sûreté que nous intervenons, nous proposons alors un SMS original ayant fait ses preuves et on l'adapte à la compagnie en fonction de sa culture initiale dans les domaines concernés.
- Former, la formation initiale et continue est de plus en plus considérée comme la clé de la culture sécurité. Nous l'intégrons donc systématiquement dans nos propositions. C'était tellement évident qu'elle a été «oubliée» à la naissance du code ISM. Quand je dis «oubliée» je veux dire « shuntée » parce que non rendue obligatoire. William O'NEIL l'ancien secrétaire général «Emeritus» de l'OMI en était resté traumatisé au point qu'il nous avait rappelé à l'ordre en prologue lorsque nous travaillions sur le texte du code ISPS : please évitez le même oubli ! La formation ISM et ISPS est donc dans notre expertise.
NB. Lorsque les amendements de STCW 95 ont été appliqués, il est apparu que les formations spéciales (Règle V) nécessitaient aussi une expertise et les centres de formation se sont tournés naturellement vers nous notamment pour la formation du personnel des navires à passagers. Aujourd'hui, alors que le besoin est criant notamment après les résultats de l'enquête sur le naufrage du Costa Concordia, nous sommes sur le marché avec de solides références et surtout avec une réputation de crédibilité que tous les centres ne possèdent pas loin de là malgré un agrément tout à fait respectable.
|
|
Aban Abraham en transformation à SINGAPOUR
Formation à l'école nationale de CALLAO (PEROU)
|
C'est étonnant, ces formations spéciales sont bizarrement les mal-aimées d'une profession qui préfère néanmoins toujours la spécialisation à la polyvalence… encore un paradoxe. Même des moyens d'information maritime bien connus les oublient souvent dans leur numéro «spécial formation» annuel.
Nous sommes donc des spécialistes de l'audit interne.
Mais quid de l'audit externe ?
Il ne faut pas se le cacher, derrière l'audit externe, il y a quand même une certaine arnaque.
Le principe de l'audit a été inventé par l'ISO, vous êtes conforme au référentiel ou vous n'êtes pas, mais veuillez trouver la solution tout seul. Cette philosophie de l'audit externe de conformité permet à des auditeurs ne connaissant pas du tout le métier d'effectuer un audit externe souvent traumatisant pour l'audité car il y a au bout une certification (ISM et ISPS) nécessaire. Finalement pas besoin de sortir d'une grande école ou de l'université pour suivre une check-list comme ils font. Les résultats sont souvent une discussion de marchands de tapis sur le nombre et le niveau des non-conformités qui souvent se résument à des imprécisions dans un texte ou procédure (dans notre jargon on appelle d'ailleurs cela « le syndrome de la virgule mal placée »). Il ne s'agit pas de faire progresser la compagnie malgré les pompeuses déclarations de la réunion du pré-audit, mais plutôt de la placer dans le palmarès. Dans l'industrie maritime, les auditeurs externes ISM ou ISPS sont formés comme des auditeurs ISO et le résultat en est tout aussi incertain.
Les marins, qui des gens très pratiques, considèrent ces audits externes comme des examens de fin d'année à passer, on est reçu ou on n'est pas reçu. Ils ont donc pris ces nouveautés à reculons. Comment ! ce petit «blanc-bec de terrien» vient m'apprendre mon métier !
Pour résoudre ce problème, nous avons donc "inventé" le métier de consultant ISM qui, même s'il vient de l'extérieur, peut effectuer un audit interne de conformité avec le référentiel (comme un auditeur externe) mais proposera des actions correctives résultant de sa propre expérience ainsi que des actions d'amélioration adaptées à la compagnie.
De plus, pour nous le conseil ne peut faire fi de la transmission des connaissances aussi nous conduisons notre consultance dans le cadre d'une formation continue des audités selon leurs responsabilités dans la sécurité dans la compagnie et ses navires.
Au final nos contrats sont environ : 50% d'audits et recommandations,50% de formation du personnel, des personnes désignées et des managers.
NB Dans le cas de la direction, il ne faut surtout pas parler de formation mais d'information ou de coaching, c'est la même chose mais ça passe mieux.
|
|
|
Enfin dans ce métier, le terme diagnostic n'étant pas particulièrement utilisé, on offre l'ensemble c'est à dire diagnostic et traitement. Ce serait donc plutôt une «consultation» chez le «docteur ISM».
C'est en fait très simple : un auditeur spécialisé vient de l'extérieur effectuer un audit interne que vous enregistrerez d'ailleurs comme audit interne compagnie (c'est comme vous le savez, une obligation : §12 du code ISM et § 9.8/16.13 du code ISPS).
Avis d'expert. Récemment je suis revenu pour l'ISPS dans une entreprise de l'offshore pétrolier où j'avais mis en place l'ISM pour constater que l'élément indispensable à une bonne gestion de la sécurité des opérations avait été acquis. Eh bien ! j'y ai trouvé une vraie culture sécurité, après presque 10 ans.
Oui la clé est là: que ce soit en sécurité, comme en sûreté, en pratiques environnementales ou en qualité (satisfaction du client) il s'agit par notre action de consultant d'initier et de mettre en place les outils d'évolution d'une culture interne au sein de la compagnie que le personnel peut même ensuite exporter dans sa vie personnelle.
Tout cela c'est l'idéal, la réalité est bien plus terre à terre. Toujours trop cher me répètent les patrons. En effet, sachez le, la bataille de tous les jours pour les moyens alloués à la sécurité au sein de la compagnie retombe également durement sur les épaules du consultant.
Dans ce métier il y a malheureusement encore des "voyous" qui vous font "tourner" des navires "poubelles" sous des pavillons exotiques avec des équipages aux compétences douteuses mais qui ont évidemment tous les certificats des plus grandes sociétés de certification ou de pavillons bien inscrits sur la liste blanche de l'OMI et qui passent malgré tout d'un port à un autre sans trop de problèmes. Sauf qu'un jour lorsque les ennuis s'accumulent (la fameuse loi de l'emmerdement maximum) le navire reste amarré au quai de l'oubli au grand désespoir du port. L'armateur introuvable s'en fiche (son navire est une poubelle) et le pavillon se sait toujours inattaquable, alors ?
INNOVATION
Une dernière qualité indispensable chez le consultant est l'innovation. Experts de haut niveau dans un domaine bien précis nous innovons en permanence. En management de la sécurité et en formation correspondante il apparaît certes beaucoup de possibilités d'amélioration mais certaines sont de vraies innovations.
En grande partie à notre crédit, voici les améliorations de l'application du code ISM avec leur date de création et qui sont en usage dans le monde entier aujourd'hui :
- SMS original pour compagnie et navigation et facilement adaptable à l'offshore (1996)
- Approfondissement logique des exigences subtiles du code les unes après les autres (depuis 2000)
- Procédure détermination «équipements et systèmes critiques» (2000) utilisé avec notre accord par l'OCIMF/formation
- Procédure «retour d'expérience» et amélioration continue (1997)
- Système intégré de plans d'urgence (1997)
- Intégration de la procédure fonctionnement du navire en mode dégradé (2000)
- Comment mesurer la fatigue dans l'enquête maritime (2000) NB : suite à notre participation à une étude IMO
- Processus exercices et entrainements combinés sécurité et sûreté (2003)
- Adaptation de la signalisation «Evacuation» des navires à passagers aux autres navires et à l'industrie offshore mise en place rapidement par Transocean l'un des foreurs majors (2000)
- Critères d'évaluation d'un SMS (KPI) et de la culture sécurité avec tableau de bord (2006 amélioré 2016)
- Création d'un Système intégré E3S (Environnement, Sécurité, Sûreté et Satisfaction du client 2005)
- Sensibilisation ISM et ISPS via le programme TCP de l'OMI : Algérie, Cameroun, Maroc, Mauritanie, République du Congo, Tunisie.
- Création d'un «ISM port» ® (encouragé par l'OMI)
|
|
Exercice de sécurité à ANTSIRANANA
|
- Documentation ISM/ISPS fortement réduite grâce à l'utilisation de logigrammes (2009)
- Formation ISM 3 niveaux pour l'ensemble du personnel des compagnies de navigation : du PDG au matelot (DPA-Officiers - Sensibilisation membres d'équipage)
- Formation d'experts et consultant ISM (depuis 2000 en France et surtout en Grande-Bretagne via le cours IIMS - près de 200 experts formés et certifiés en 15 ans - reconnu comme diplôme universitaire)
- Formation des assureurs et des avocats «maritimistes» (2002 améliorée 2012)
- Intégration intelligente des critères ISM dans les inspections des associations internes offshore (par exemple IMCA -2017)
- Formation ISM et ISPS bilingue simultanée en Europe de l'Est (2012)
- Cours de formation originaux pour STCW V/2 de 1 à 5
- Création d'un cours original PSO (Port Security Officer) en complément des autres formations et son enseignement en Europe de l'Est (Géorgie, Kazakhstan, Moldavie, Ukraine)
Toutes ces innovations sont à présent bien utilisées dans les compagnies maritimes et nous en sommes fiers.
En conclusion
La certification obligatoire ISM a été faite pour contrer les «armateurs voyous» ou tenté de l'être. Oui c'était nécessaire et le reste de notre industrie commence à comprendre que passer juste au-dessus de la barre n'est plus suffisant (il y des fois ou cela ne passe pas !) la culture qualité qui commence d'ailleurs par le respect des normes et réglementations, sera à terme la solution. L'expert qui audite, conseille, forme et innove est une cheville ouvrière de cet avenir.
Aujourd'hui notre industrie commence à considérer que le management et les vérifications qui en résultent forment un tout et donc qu'il faut intégrer les inspections classiques aux vérifications effectuées dans le cadre de l'ISM et non pas maintenir des visites périodiques «à part» des audits intermédiaires.
Ceci fera prochainement l'objet d'une communication particulière.
|
|
Audit interne à GUIRGULESTI (MOLDAVIE)
|
Cdt Bertrand APPERRY
AFCAN/AFEXMAR/IIMS Août 2017
Retour au menu
|