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Lien entre le Code ISM et STCW 2010
Page du Code ISM Nº31
 

Introduction

       Le code ISM traîne depuis sa création un « oubli » très préjudiciable qui est la formation associée, ce que l’OMI a beaucoup de mal à rectifier. En effet, il s’agit soit d’un oubli soit d’une grossière erreur rappelée en son temps par William O’Neil, le Canadien, alors Secrétaire général de l’OMI et d’aucuns se persuadent eux-mêmes encore aujourd’hui que la formation initiale est suffisante. Et comme toutes les organisations internationales ou nationales on a beaucoup, beaucoup, de mal à admettre ses erreurs.

       Rappelez-vous aussi les circulaires de 2007 (MSC-MEPC.7/Circ.5 et 6) qui ont néanmoins tenté de rectifier le tir d’une manière encore une fois beaucoup trop floue : quelques pavillons ont seulement exigé une formation de la DPA en utilisant un subterfuge (voir article «la page du Code ISM N°30» sur le site de l’AFCAN). On estime donc que ces circulaires ce n’est pas mal, mais ce n’est pas comme cela que ça va marcher. En effet la formation des marins, n’est-ce-pas STCW ? Il serait donc peut-être bon que pour une fois un parallèle entre le Code ISM et STCW soit fait.

Constat

       Oui, la formation des marins c’est la Convention internationale STCW (telle qu’amendée à Manille en 2010). C’est un outil fantastique, unique au monde, que toutes les autres industries nous envient. Elle précise d’une manière détaillée le contenu des formations obligatoires des marins : formation générale aux trois niveaux de responsabilités (appui - équipage, opérationnel - officiers et direction/chefs de service et capitaines), formations spéciales pour certains navires et certaines fonctions, normes pour la veille, volume de travail des marins ainsi que les tolérances pour la consommation d’alcool avant de prendre le quart.
On constate que :
  • La formation de base des gens de mer (BST), même revue en 2010, ne prévoit pas de connaissance du Code ISM.
  • La formation de base des officiers comprend une connaissance et l’application des Codes IMDG et IMSBC (matières dangereuses), IAMSAR (recherche et sauvetage), ISPS (sûreté) … mais pas celles du Code ISM.
  • La formation nécessaire pour certains types de navires (pétroliers, gaziers, chimiquiers, navires à passagers) ne prévoit pas de connaissance du Code ISM non plus.
En un mot, si le Code ISM est obligatoire pour la plupart des navires de + de 500 GT, aujourd’hui la formation associée n’existe toujours pas dans STCW. Pourquoi ?

Historique de la formation ISM

       Du plus loin que je me souvienne, le Code ISM est présenté dans les écoles comme un Code de management à observer au minimum par les compagnies et leurs navires tandis que la Convention STCW est une norme de formation des marins qui devrait leur permettre de l’appliquer.

Oui, le Code ISM est une norme de management comprenant en résumé :
  • l’observation d’une politique sécurité et protection de l’environnement,
  • la définition d’une structure de responsabilités et de communication tant à terre qu’à bord,
  • l’observation de procédures et instructions pour une opération sûre du navire,
  • une préparation à répondre à toute situation d’urgence que ce soit à bord ou à terre,
  • une organisation de l’analyse du retour d’expérience et l’autocontrôle de fonctionnement.
       Aujourd’hui même pour une norme de management concernant essentiellement les marins on devrait exiger une formation initiale d’abord et une formation continue ensuite. En un mot la formation ISM devrait faire partie de STCW. Or, rien de tout ça dans STCW, sauf peut-être un chapitre sur une compétence «élaboration de plans d’intervention en cas d’urgence» et la «familiarisation» au navire qui sont directement rattachées aux exigences ISM.

Comparaisons
       Comment pourrions-nous inclure la formation ISM dans STCW ?
Le présent tableau de comparaison montre les exigences du Code ISM liées à une formation déjà existante ou non incluse dans STCW :

Code ISM Convention et Code STCW 2010
1 Politique sécurité et protection de l’environnement non
2 Responsabilités et autorité de la compagnie Règle I/14 : effectifs, brevets, familiarisation, coordination des activités et de la communication à bord sous la responsabilité de la compagnie et du capitaine
3 Personne désignée à terre non
4 Responsabilité et autorité du capitaine Vérification du brevet du capitaine par la compagnie
5 Ressources et personnel :
Qualification et connaissance SMS du capitaine (6.1) et du personnel (6.6)
Connaissances/formation personnel impliqué dans le SMS (6.4)
Brevets/certificats personnel et aptitude physique (6.2)
Familiarisation (6.3)

Détection formation nécessaire (6.5)
Communication interne à propos du SMS (6.7)
Règle I/14 base de données nationale des brevets, certificats initiaux et spéciaux
Acuité visuelle - Aptitude physique – Visite médicale périodique (certificat bi-lingue)
Règle VIII : Aptitude au service (charge de travail/repos- limites alcoolémie – prévention fatigue)
Gestion du personnel (MCRM)


Section A 1/14 : Familiarisation minimum sur tous les navires et familiarisation spécifique sur les rouliers à passagers (détaillée en partie B 1/14)
non
non
6 Opérations à bord/procédures Section A/1-4 Compétence pour :
Manœuvre du navire
Manutention, arrimage et assujettissement
Inspections structure
Formations spéciales : citernes/gaz/pax/sûreté
Transport MDG
7 Préparation aux situations d’urgence A-II/1 et 2 Elaboration et/ou application procédures d’urgence et maitrise des avaries
Prévention et lutte incendie et pollution
Sauvetage

Situations d’urgence limitées sauf parfois en formations spéciales Pax et MDG
8 Notification et analyse/REX non
9 Maintien en état du navire et gestion particulière des équipements critiques A-III/1 et 2 Maintenance des équipements sécurité - Entretien équipements en général y compris Propulsion/ Electronique / Electricité /sauvetage
Pas de notion de criticité des équipements et de leur gestion particulière y compris en mode dégradé
10 Documents

Gestion de la documentation du SMS
Certificats équipage et officiers valides pour fonction et navire concernés Connaissance des documents que doit posséder et élaborer le navire y compris SMS
Pas de notion de gestion des enregistrements
11 Vérifications internes (autocontrôle) Système qualité de l’enseignement maritime national
Pas de notion de vérifications internes compagnies ou navires
12 Certification Approbation des formations par l’Etat
Délivrance des brevets/revalidation
Reconnaissance des brevets
STCW Règle I/7 Renseignements/white-liste

Propositions pour une formation ISM obligatoire

       La formation intitulée «formation ISM» devrait prévoir une connaissance minimum du Code ISM puis d’un SMS type et son application à bord. Il serait aussi normal d’avoir une formation initiale de base pour tout marin avec une mise à niveau périodique (tout cela évolue dans le temps) comme requis par la Convention STCW.

Formation initiale:
Une formation de base, un minimum destiné au niveau d’appui (équipage) en pratique serait l’affaire d’une journée et pourrait être introduit dans A VI/1 (BST) par exemple en ajoutant un nouveau § A VI/1-5 : «Application de la norme de management appelée Code ISM (Resol A 741 telle qu’amendée)».
Ensuite, au niveau opérationnel où les officiers appliquent le SMS de la compagnie et sont grandement nécessaires pour son bon fonctionnement, une formation avancée devrait être incluse soit dans un § VI/7 soit dans un chapitre IX nommé « Normes concernant le management de la sécurité et de la protection de l’environnement » (il y a bien déjà les normes de veille - § VIII). Ce ne serait que l’affaire de 3 jours seulement au cours d’une formation longue de … 3 années scolaires pendant lesquels les principes du management de la sécurité seraient développés pour leur plus grand bien à ses officiers et aux navires sur lesquels ils vont apprendre leur métier pendant les premières années.

Formation continue :
Pour STCW la formation obligatoire (hors formation continue) devrait s’arrêter là et des recommandations sur la formation des officiers en cours de carrière (niveau direction) devenus plus ou moins auditeurs internes, comme dans tout système de management, pourraient être incluses dans la partie B du Code STCW (rappel : partie B non obligatoire).
La formation de la DPA resterait comme détaillée dans la circulaire N°6 de MSC-MEPC.7 une affaire de « terriens » car elle concerne une position à terre donc exclue de STCW (voir son § 8 en annexe).
Enfin, un cours type OMI pourrait être élaboré. Il existe peu de modèles sauf celui proposé par l’AFEXMAR/IIMS(en anglais et en français) qui pourrait servir de base aux fonctionnaires en charge de le préparer (chiche !)

NB sur la familiarisation

       La familiarisation au navire, aux appareils, aux consignes ou ordres particuliers fait partie de notre culture. Le Code ISM en a fait un chapitre très court mais qui étrangement ne concerne que le « personnel ayant des tâches liées à la sécurité et la protection de l’environnement ». Pour ce qui est des cargos, tout l’équipage fait partie des équipes de sécurité… il n’y a donc pas photo : tous les membres d’équipage doivent recevoir une familiarisation dont les conditions correspondent à leur fonction à bord.
Pour ce qui est des navires à passagers avec du personnel n’ayant qu’une fonction sécurité limitée à une aide aux passagers en cas d’urgence, la réglementation reste suffisamment vague pour que les compagnies de croisière aient laissé de côté leur familiarisation comme leur formation de participation à la gestion des situations d’urgence pour tout le personnel. Finalement seuls les responsables étaient convenablement formés selon STCW V/2.
Le Sous-comité HTW 1 (nouveau Sous-comité de l’OMI en charge de l’élément humain, de la formation et de la veille) est prévu se réunir en février 2014 et une révision de cette formation va y être proposée. Nous sommes confiants que l’accident du CONCORDIA va servir à clairement étendre la formation spéciale navires à passagers à toutes les personnes à bord autres que les passagers, ce qui est on ne peut plus logique. Il est seulement dommage qu’il ait fallu attendre un terrible accident pour réagir (voir mon article dans le N°96 d'Afcan Informations).
En conclusion pour la familiarisation, la procédure élémentaire de familiarisation comprenant le coaching par un membre d’équipage expérimenté est obligatoire depuis STCW 95 mais STCW 2010 n’a pas amélioré grand-chose. Cependant le bon sens marin voulait que dans nos SMS cette question soit considérée comme primordiale même si c’était parfois difficile. Heureusement des méthodes de familiarisation modernes axées sur la simulation ne vont pas tarder à être proposées… mais il faut raison garder, sans obligation, nos armateurs ne les achèteront pas.

En conclusion pour la formation ISM
       Si dans STCW la familiarisation pour tous gens de mer devrait être accompagnée d’une partie ISM, une formation particulière obligatoire devrait être assurée pour les officiers.
Ma présente proposition n’a rien d’extravagant mais, à supposer qu’une décision positive soit prise, à la vitesse de l’OMI il faudrait une première introduction dans la partie B du Code STCW (donc au plus tôt 2017) puis un glissement dans la partie A… soit au plus tôt en 2022 ! Autrement dit aux calendes grecques et … 30 ans après la naissance du Code ISM. Chapeau!

Le Code ISM et la gestion de la fatigue

       Il existe un autre lien important entre le Code ISM et le Code STCW : c’est le management de la fatigue. C’est un vieux sujet tabou de la profession mais qui petit à petit se dote d’une réglementation qui est considérée par tout le monde à présent comme très bien venue. D’abord cantonnée à de simples recommandations (j’ai participé activement à la rédaction de la circulaire 1014 «guidelines on fatigue» qui date de 2001), on en est aujourd’hui a des normes strictes de prévention de la fatigue. Pour le lien avec le Code ISM, même si celui-ci se limite à un laconique «medically fit» un peu trop général, l’application des règles et règlements obligatoires et la prise en compte des recommandations (Code ISM 1.2.3.) nous oblige à tenter de gérer repos et fatigue à bord (FMP fatigue Management Plan) en tenant compte de la Convention 180 et des circulaires OMI ou des Directives ILO.
En effet, STCW 2010 a introduit une formation sur la gestion de la fatigue dans la formation de base BST A-VI/1-4 et le management de la charge de travail dans le MCRM (on évite cependant de parler de fatigue) et la règle VIII (Aptitude au service). C’est, en gros, le transfert, sous forme d’obligation, des recommandations de STCW 95.
Pour ce qui est de la formation correspondante, il nous a fallu la publication du cours type «leadership and teamwork» pour avoir enfin quelque chose de solide sur le management de la fatigue et dans un chapitre complet s’il vous plait (chap 16 - voir annexe 3 ci-dessous). Cependant faut-il rappeler qu’un cours type n’est qu’une recommandation.
Enfin, la MLC 2006 qui vient de rentrer en application avec un certain fracas, parle aussi de fatigue mais en restant quand même très prudente et renvoyant l'ensemble à un programme de santé et sécurité dans le travail que nous allons intégrer dans le SMS.
La boucle est bouclée.

En conclusion

       Même si la fatigue refait une entrée un peu moins discrète dans la profession en ce moment, elle reste quand même « orpheline » d’une réglementation claire dans un des nombreux outils à notre disposition : SOLAS (la fatigue y mériterait un chapitre tout entier), le Code ISM, la Convention STCW, la MLC.
Pour nous, en faisant entrer, via le SMS, la gestion de la fatigue dans un programme de management de la santé et de la sécurité à bord (SOHSP), relié à la MLC 2006 (règle 4.3) et le MCRM pour la formation, cela nous permet d’accélérer son application en attendant mieux.
Le sujet est vaste mais très actuel (les résultats du projet HORIZON de l’UE sur la fatigue des gens de mer et le logiciel MARTHA pour la prévention ont été présentés au STW 44) et mérite vraiment toute notre attention de capitaines.
Cdt Bertrand APPERRY
Président AFEXMAR,
Vice-Président IIMS
Août 2013

Annexe 1

« 8- QUALIFICATIONS, FORMATION ET EXPÉRIENCE 8.1 Le Code ISM exige que la compagnie veille à ce que l'ensemble du personnel intervenant dans le système de gestion de la sécurité de la compagnie comprenne d'une manière satisfaisante les règles, règlements, recueils de règles, codes et directives pertinents. La compagnie devrait veiller aussi à ce que l'ensemble du personnel possède les qualifications, l'expérience et la formation requises pour appliquer le système de gestion de la sécurité ». Superbe non ? … mais malheureusement ceci reste une recommandation !

Annexe 2 : avis des Américains

La presse maritime américaine (Maritime Reporter & Engineering news- Août 2013) estime que « le volume de la formation et particulièrement celui de la familiarisation baisse à cause des contraintes économiques alors que les navires sont de plus en plus sophistiqués et nécessitent donc de nouvelles connaissances et adaptations. Pour des escales de quelques heures et un turnover de plus en plus grand des membres d’équipage, assurer une familiarisation digne de ce nom peut devenir très coûteux : familiarisation assurée par la compagnie avant l’escale du navire dans un centre adéquat ou report du départ pour l’assurer par des équipes volantes spécialisées ! Le PSC des Coast-Guards (Qualship 21) entend s’en mêler, il faut donc considérer que le coût de la formation et/ou de la familiarisation ne fera qu’augmenter dans le futur » (traduction libre)

Annexe 3 Extrait du cours type OMI « Leadership and teamwork » Chap 16

Description du volume de travail de certaines fonctions
Dangers d’un volume de travail très important
Désavantages d’un volume de travail trop bas
Comment évaluer le volume de travail
Comment assurer un volume de travail approprié
Dispositions à prendre pour assurer un repos adéquat
Comment enregistrer ses heures de repos
Les signes de fatigue
Conséquences de la fatigue
Management de la fatigue : règles et autres directives/exemple de FMS
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