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Évolution des méthodes pour améliorer les exigences du Code ISM
Page du Code ISM Nº30
 
       Alors que le Code ISM est devenu adulte (20 ans déjà voir la page du Code ISM N°29), la communauté maritime internationale continue à améliorer la gestion de la santé et de la sécurité à bord des navires.
Pour un texte international, une amélioration se prépare normalement en modifiant un Code complètement intégré à une Convention donc, pas facile du tout à amender. Qu'à cela ne tienne, le Comité de la sécurité maritime de l'OMI (MSC) intelligemment associé au Comité de la protection de l'environnement maritime (MEPC), nous a, ces dernières années, concocté quelques circulaires que les administrations du pavillon ont ensuite rendues obligatoires et hop … veuillez à présent tous considérer cela comme obligatoire ! C'est effectivement une méthode nouvelle et beaucoup plus rapide que de tenter le marathon d'une modification de quelques mots dans la SOLAS.
D'autre part, du côté de l'OIT, la fameuse MLC 2006 va enfin entrer en vigueur le 21 Août 2013.

Circulaires en question.

Nous avons déjà parlé de ces circulaires qui ont suivi les Comités de la sécurité maritime depuis les années 2005 jusqu'à 2010 (pages du Code N°19 à 28). Ce fut en effet une époque très productive pour la gestion de la sécurité.
La méthode qui consiste, sans changer une « virgule » dans le Code ISM, à élaborer une circulaire bien conçue et détaillée pour améliorer les exigences du Code ou même d'en créer de nouvelles, semble faire ses preuves grâce à la clairvoyance des membres de l'OMI. Même si ceux-ci laissent de plus en plus « la classe » (entendez les sociétés de classifications reconnues) effectuer le travail, ce sont eux qui sont à l'origine de l'initiative.
Les marins ne sont pas contre et les jeunes capitaines qui sont entrés dans la profession avec le Code ISM apprécient, en ne comprenant toujours pas pourquoi on en est à ces simagrées alors qu'il suffisait de changer la maigreur du Code ISM en un contenu aussi développé que celui du Code ISPS. Mais ils doivent savoir qu'à l'OMI comme ailleurs, on a horreur de reconnaître ses erreurs.

  Si donc vous appliquez comme il se doit les circulaires MSC-MEPC.7/Circ 5, 6 et 7 qui accompagnent la dernière publication du Code ISM (Edition 2010), vous suivez les fortes recommandations de votre « pavillon » sur :
  • La désignation d'une personne responsable pour le suivi des non conformités (NC)
  • La formation obligatoire de la personne désignée, et
  • Vous avez introduit l'analyse des « near-misses » dans votre système (traduction : presqu'accident ou accident évité de peu). Certaines compagnies ont même été jusqu'à exiger un minimum de near-misses par mois.

NB : L'exigence d'un minimum d'analyses de near-misses est un non-sens aussi bête que la hantise de la présence d'une seule non-conformité dans le palmarès des vettings ! En effet, s'il n'y a pas de near-misses analysés c'est peut-être qu'il n'y en a pas eu du tout comme les accidents*. C'est aussi souvent un problème de formation, on n'a toujours pas compris l'intérêt de l'analyse de l'accident qui n'a pas eu lieu. De là à en exiger un minimum, c'est ridicule. Comme éviter à tout prix une non-conformité? En effet pour moi, trouver des non-conformités en interne prouve que la compagnie fait sérieusement ses audits. On arrive donc à la situation suivante : dans certaines compagnies « bidon » exploitant des navires « poubelles », les audits internes, quand il y en a, sont toujours vierges de non-conformités. Par contre les audits externes eux en sont remplis.

Pour la formation de la Personne désignée (MSC-MEPC.7/Circ.6) on a laissé une petite porte ouverte lorsque la Personne désignée a déjà une certaine expérience. Rassurez-vous, nos cadres de terre vont s'y engouffrer car pas beaucoup d'entre eux, parfois formés uniquement sur le tas et sans aucune expérience maritime, s'abaisseraient à reconnaître qu'ils ont besoin de formation.

NB. Pour ne pas braquer les cadres et patrons, au lieu de proposer une « formation » je leur propose un « coaching » … c'est quasiment la même chose, mais ça passe mieux.

Pour ce qui est des Directives sur l'application du Code ISM (MSC-MEPC.7/Cir 5), même à reculons, nos terriens administratifs vont y venir tôt ou tard surtout si on ne coupe pas trop les crédits aux administrations du pavillon et qu'on ne confie pas finalement l'ensemble du package à ces « demi-dieux que sont les classes ».
NB Demi-dieu : expression récente d'un capitaine dans la meilleure revue maritime actuelle (Safety At Sea).
Enfin, vous savez aussi qu'en 2006 nous avons préparé la circulaire MSC-MEPC.2/Cir.3 sur des normes de santé et d'hygiène au travail à bord d'un navire (SOHSP ou Shipboard Occupational Health and Safety Programme). Il est à noter que l'OIT avait édité peu de temps auparavant, des « Directives sur la sécurité et la santé dans les ports ». Il ne peut s'agir de coïncidence, c'est bien une volonté onusienne de mettre enfin des normes de sécurité et de santé dans l'industrie maritime y compris dans les opérations portuaires.

NB Le Code ISPS avait été une grande initiative pour rapprocher ces deux parties de notre industrie qui traditionnellement ne s'aimaient pas beaucoup. Aujourd'hui, tous les marins et tous les dockers du monde soutiennent cette initiative et nous souhaitons qu'elles s'appliquent aussi rapidement au monde de la pêche qui, tout le monde le sait, bat tous les records de dangerosité : un accident maritime sur deux est à la pêche.

SOHSP : de quoi s'agit-il ?

En quelques mots, il s'agit de gérer au sein du Code ISM les éléments suivants :
  1. Implication de la direction et leadership
  2. Participation des employés
  3. Identification des dangers, évaluation et tentative de maîtrise des risques
  4. Formation initiale et continue
  5. Enregistrement des activités et descriptions de postes (Job analysis)
  6. Gestion de la sous-traitance
  7. Enquêtes internes dans un but de retour d'expérience
  8. Audits internes de la gestion de la sécurité et de la santé du personnel et amélioration continue.
Pourquoi donc un tel programme? Le Code ISM et les Directives associées ne sont-ils pas suffisants ? Nous allons donc ici tenter de voir comment le Code ISM lui-même prend en compte la santé du personnel et la sécurité des conditions de travail.
 

Les objectifs d'un SMS.

En fait la sécurité des conditions de travail est présentée comme un objectif du Code ISM.
ISM 1.2.2.1 : Offrir des pratiques d'exploitation et un environnement de travail sans danger.
C'est une subtilité qui échappe souvent à nos capitaines. En effet un objectif est par définition un but à atteindre. Il suffira peut-être d'énoncer pompeusement cet objectif et parfois s'en contenter. C'est ce que j'ai vu si souvent au début – et pas uniquement sous pavillon exotique. Quelques phrases sibyllines promettaient quand même parfois une prise en compte d'une certaine analyse des conditions de travail mais d'une manière générale et renvoyait vers les compagnies quand elles avaient mis en place un Comité hygiène et sécurité. Interrogées par des adeptes du Code ISM, les administrations des pavillons répondaient que le Code n'exigeait qu'un objectif et que l'absence d'analyse des conditions de travail ne pouvait pas ainsi être considérée comme une non-conformité majeure mettant en péril la certification et donc le permis de travailler. Fantastique, non ? Cela vous fait comprendre peut-être pourquoi les marins ont eu tant de mal à y entrer dans ce Code. Ils soupçonnaient qu'on se fichait d'eux : la prévention des risques : un objectif seulement !
En plus, et ce scandale a été déjà évoqué dans mes précédentes pages du Code, un règlement Européen datant de juin 89 (89/391/CEE) était dans notre monde maritime « franchouillard » complètement ignoré allant jusqu'à considérer qu'il ne s'appliquait pas au travail maritime puisque nous avions le Code ISM, pardi !
Aussi incroyable que cela puisse paraître, personne n'avait osé alors aller contre cette interprétation et ce n'étaient pas nos pauvres inspecteurs du pavillon ou du Port state control qui allaient mettre en doute un SMS approuvé et certifié conforme Place de Fontenoy.
Heureusement et vous connaissez l'histoire, un haut fonctionnaire a bousculé tout cela en 2006 soit 17 ans après la Directive et même s'il est passé ailleurs rapidement, je pense que son « coup de trique » lui aura été bénéfique finalement étant donné la position qu'il a aujourd'hui.
Nous avons donc remis les pendules à l'heure par le DUP (document unique de prévention) et aujourd'hui l'analyse des situations /conditions de travail sont complètes dans tous les SMS de France et de Navarre. L'objectif d'offrir des conditions de travail sans danger est donc couvert étant donné que les mesures préconisées par l'étude des conditions sont en principe appliquées. De là avoir éradiqué toute source de danger, cela est une autre histoire: connaissez-vous un job vraiment sans danger aucun ?
La rédaction du texte du Code ISM n'est donc pas heureuse, mais pour le changer, il faudra encore beaucoup de cran et de persévérance « à la Jorgen RASMUSSEN» (ancien président du groupe de travail sur le facteur humain/lauréat du trophée IMO en 2008 et toujours actif sur le sujet).
Avec le SOHSP, les Directives sont à présent plus claires dans un paragraphe qui lie également l'identification et l'évaluation des risques, ce qui est logique. On rejoint donc là le deuxième objectif exigé dans le Code ISM : (ISM 1.2.2.2) Evaluer tous les risques identifiés pour ses navires, son personnel, l'environnement et établir des mesures de sécurité appropriées.
A bien regarder on aurait pu depuis longtemps lier les deux objectifs dans une seule phrase du type : Identifier et évaluer les risques des opérations du navire afin d'établir un environnement de travail aussi sécurisé que possible. C'est une proposition.

Le lien avec la MLC 2006.
De par sa règle 4.3, la Convention maritime du travail élaborée en 2006 et applicable cette année, exige un programme de santé et sécurité au travail comprenant la prise en compte des instruments internationaux applicables relatifs à la prévention des accidents à bord des navires en mer ou au port. Les mesures exigées par cette Convention s'intègrent aussi dans un SMS en appliquant le recueil des Directives pratiques du BIT (petit document remarquable bien souvent oublié dans la bibliothèque du bord) et tout le cortège de l'analyse des accidents et de la formation initiale et continue. Pavillon RIF ou non, il va bien falloir que notre administration précise pas mal de choses. On attend.
En conclusion.
Il est significatif aujourd'hui que les meilleurs SMS commencent par une évaluation des risques de leur métier à tous les niveaux et une décision sur les mesures de réduction de ces risques pour offrir aux marins des conditions de travail telles que le nombre d'accidents continue à diminuer.
De toute façon, aujourd'hui vous n'avez pas le choix et la plupart des pavillons ont déjà communiqué sur ce sujet (MI -Marshall Islands- Marine Guideline 2-11-3 et aussi BMA - Bahamas - bulletin N°145 qui préfère rappeler les « Codes of practice du BIT » ou de la MCA britannique).
Les autres éléments du programme SOHSP sont tout aussi intéressants ainsi que leur intégration dans un SMS et devraient faire l'objet de quelques futures pages intéressantes dans la présente publication.
Le Code ISM qui a pris depuis longtemps la gestion du facteur humain a enfin acquis ses lettres de noblesse. Le dire après trente pages prouve qu'il ne faut jamais abandonner, les persévérants gagneront toujours.
 
La route de la sécurité maritime est longue et même si M. SEKIMIZU, le SG de l'OMI, en a fait son principal objectif, les accidents comme celui du COSTA CONCORDIA ou les récentes chutes d'embarcations nous rappellent que le Code n'est pas encore suivi tout à fait comme il faut, mais ceci est une autre histoire.
Cdt B. APPERRY
juin 2013

* Les statistiques le prouvent, le facteur humain est responsable de 80 % des accidents maritimes. Il résulte donc que les near-misses sont également à 80% d'origine « défaillance humaine » et c'est ce que vous allez trouver théoriquement dans votre analyse périodique. MAIS à chaque near-miss avez-vous pensé à analyser que c'est peut-être le « facteur humain » (un réflexe, une réaction intuitive) qui a évité que ce soit un « vrai » accident ? … et, si vous avez heureusement mis en place une culture de « non blâme » dans votre compagnie, peut-être avez-vous pensé à mettre en place aussi un « award » pour la « meilleure intervention » à l'origine d'un near-miss ?


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