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Code ISM :
L'industrie maritime et les systèmes de management

(page Nº16)
 


N.B.: L'auteur exprime ici son point de vue personnel et ne veut en aucun cas présenter une quelconque référence sur le sujet.

  • INTRODUCTION


  •        Il y a déjà une douzaine d'années que les systèmes de management sont apparus dans notre industrie.
           Si les premiers systèmes de management, ou de gestion d'une activité si vous préférez, n'étaient, à la méthode anglo-saxonne, que de fortes recommandations, la conjoncture, en l'occurrence les grands accidents maritimes, a boosté leur implémentation en les rendant de plus en plus obligatoires (1).
           Compagnies et navires ont été les premiers concernés en commençant par l'offshore pétrolier.
           Aujourd'hui, c'est au tour des ports et de toutes les activités associées d'être concernés.
           Normes, spécifications, gestion, management ....obligatoire, seulement recommandé.... Il n'est pas toujours facile de se retrouver là-dedans c'est vrai ; aussi il serait peut-être bon de faire le tour de ce qui est appliqué dans les différents secteurs de notre industrie et surtout de quelle manière c'est appliqué ! Ensuite peut-être pourrons nous proposer un système global sans passer par plusieurs systèmes qui sont, en théorie tout au moins, intégrables les uns aux autres.

  • GÉNÉRALITÉS


  •        Nées avec l'industrie nucléaire, les normes de management se sont étendues petit à petit aux autres industries à risques avec plus ou moins de succès.
           Aujourd'hui la tendance est de les appliquer partout dans le but de tirer tout le monde vers le haut. Que ce soient des normes de sécurité ou de sûreté, de santé et d'hygiène, de protection de l'environnement ou de qualité, elles peuvent toutes s'appliquer à notre industrie depuis l'offshore jusqu'aux services portuaires en passant par la navigation elle-même.

    1. l'Offshore


    2. Lorsque je suis arrivé dans cette industrie, que se soit dans le forage offshore ou les activités associées, les sociétés étaient fortement engagées dans une gestion de la sécurité et de l'environnement plus ou moins imposée par les majors pétroliers. Ces pétroliers intervenaient en Mer du Nord avec certaines spécifications, notamment améliorées suite au désastre de la plateforme de production PIPER ALFA le 6 juillet 83.
             Qu'ils soient HSE (health, safety and environment) ou QHSE (qualité en plus) ces systèmes entendaient gérer la sécurité, et la santé des hommes engagés dans cette activité, et la protection de l'environnement marin.

           Vaste programme dans une industrie ô combien à risque qui avait bien besoin de redorer son blason après des années de "bricolage" !
       Cette gestion s'appliquait également, en théorie, à la sous-traitance. Et là c'était plus ambigu car il semblait que les 3 fameuses lettres HSE ne voulaient pas dire tout à fait la même chose au large d'Aberdeen d'un côté et au large de Port Harcourt de l'autre!
       Les référentiels proposés étaient principalement d'origine britannique et étaient donc plus des spécifications de référence que des normes strictement applicables telles que nous les connaissons aujourd'hui. Je ne m'étendrai pas sur le distinguo, sujet qui n'est pas le notre aujourd'hui et qui n'intéresse que les spécialistes et certainement pas les marins.
             Appelé pour leur expliquer l'ISM et ce qu'il apportait de nouveau et surtout d'obligatoire, j'ai trouvé des prétendus spécialistes HSE.... qui n'arrivaient pas à s'adapter à l'ISM !
             Quand on met en place un SMS qui se veut conforme au code ISM, on commence, comme vous le savez tous, à bâtir une structure ISM autour d'un personnage ô combien important : la personne désignée, la DPA ! (voir l'article correspondant sur le site AFCAN). Il était logique que le directeur ou responsable HSE ou QHSE prenne la fonction de DPA... eh bien NON, ils refusaient tous !
             Étonnant me direz-vous... Oui c'est vrai !
      Mais, rassurez vous, j'ai vite compris : les systèmes HSE déjà en place précisaient que chaque directeur et chef de service était responsable de l'application du système HSE dans son département - là tout est normal - et que les responsables HSE n'étaient que des conseillers (HSE ADVISORS) et surtout n'étaient responsable de rien !
             Les HSE ne supportaient pas qu'on leur parle de responsabilité de surveillance du fonctionnement du SMS (monitoring) et encore moins d'assurer la liaison entre l'équipage (commandant compris) et le plus haut niveau de la direction !
             Ils n'étaient que des "advisors" chargés d'aider ces "pauvres" marins que nous sommes. Le département QHSE s'occupait quand même de la documentation contrôlée et effectuait des audits HSE...parfois en même temps que les audits ISM ! ...il y a des marins à bord de plateformes de forage qui n'ont toujours pas compris cela et ce n'est pas étonnant !
             Excédés par ces problèmes internes beaucoup de patrons ont baissé les bras et utilisent une structure ISM et une structure HSE ; ma foi, si l'argent des actionnaires supporte deux systèmes parallèles...c'est toujours quelques emplois de gagnés n'est-ce-pas ?
             Bon, l'ISM marche quand même bien dans l'offshore encore que le consultant ISM soit encore appelé de temps en temps pour "recadrer" !
             L'ISPS quant à lui n'a pas eu trop de mal à s'implanter dans cette industrie :
      en effet ces "navires" là sont toujours en mer et jamais au port, l'accès à bord est très réglementé depuis longtemps et, content ou pas, votre bagage à main -qui que vous soyez- est fouillé avant de monter dans l'hélico...Si cela vous dérange, vous pouvez toujours rentrer à la maison à vos frais... et chercher un autre emploi ailleurs !
             Pour ce qui est de la qualité, c'est en général le client qui donne le ton : pour le sous-traitant que vous êtes, ses vettings (2) devraient rapidement prouver votre compétence à satisfaire ses exigences dans un cadre qu'il a lui-même fixé. Le client dont nous parlons est en général un major pétrolier...qui lui aussi à parfois du mal à comprendre HSE + ISM !
             Je me dois de préciser que certaines compagnies ont compris l'intérêt d'un bon ISM qui marche, donne satisfaction au client et—coûte trois fois moins cher que l'option de nos opérateurs précédents !
             Les présentes remarques sont également valables pour des sociétés de services... qui ne font finalement que certaines opérations en lieu et place du contractant titulaire du contrat d'exploitation.

      En conclusion pour l'offshore :HSE + ISM + ISPS cela fait pas mal et je suis sûr qu 'un système global ne faisant appel qu 'à un seul référentiel serait à même de contenter ces grandes compagnies qui forent et exploitent des puits de plus en plus profonds (production, stockage, enlèvement).

    1. Le transport Maritime proprement dit


    2.        Nous entendons parler ici de tout ce qui flotte, à l'international ou non. Nous considérons donc aussi bien le long cours que le cabotage, les liaisons des îles ou les navires de servitude portuaire (remorqueurs, vedettes diverses ou autres avitailleurs)
           Parfois déjà engagés dans une démarche qualité, en l'occurrence la norme ISO 9002 (finalement pas très bien adaptée à notre industrie), les armateurs contraints et forcés on fait la grimace mais ont mis en place l'ISM. De là à dire que tout est parfait on en est loin, peu s'en faut !
       Les systèmes bien conçus et bien compris des marins marchent bien grâce à des personnes désignées, des marins bien formés et des Capitaines motivés. Ceux-là, la conformité de leur fait pas peur....ils ont plusieurs longueurs d'avance sur le certificateur où le Port State Controller !
       Malheureusement, ailleurs comme chez nous. il y a trop de systèmes au "ras des pâquerettes" superbement certifiés et recertifiés conformes, à tel point que les marins qui tentent de les appliquer n'ont toujours pas compris à quoi ça sert !
       Je ne parle pas ici des systèmes bidons copiés collés (mal copiés, mal collés) ! A la place des certificateurs de ces systèmes bâclés, je me ferai du souci, car, je le rappelle, leur responsabilité individuelle y est engagée !
      Tant qu'il n'y a pas de pertes de vies humaines seul leur patrimoine en prendra un (sérieux) coup(3); sinon... je ne vous fais pas un dessin !
             Même s'il reste beaucoup de travail à faire, il faut rester confiant : les nouvelles générations ne supporteront plus les systèmes bidons ou "à peu près" croyez moi ! Il s'agit de l'évolution normale, de l'amélioration continue de notre culture sécurité.
             Pour ce qui est de l'ISPS. là aussi il y a un peu de tout mais en général les navires, déjà bien aguerris à l'ISM, ont mis rapidement l'ISPS en route... en râlant un peu comme toujours ! Mais là aussi il s'agit pour les marins de leur propre peau et là on ne rigole plus n'est-ce-pas ?
             Il y a bien sûr encore ici et là du copié/collé - mal copié/mal collé - cela est inadmissible certainement, mais comparé aux ports en général c'est le Pérou ! (on y vient plus loin).
             En gros le phénomène est à comparer avec celui de la mise en place de l'ISM ; sauf que cette fois-ci, les conséquences d'un attentat seront telles que les responsabilités seront examinées à la loupe.... et par les assureurs, et par les tribunaux ! Malheur à ceux qui n'auront pas bien évalué leur sûreté, élaboré, appliqué, entretenu, vérifié et modifié ou adapté leur plan de sûreté ! (4)
             Pour ce qui est de la qualité et plus précisément de la satisfaction du client, il y a longtemps que certaines compagnies se sont préoccupées de leurs clients en se mettant aux normes qualité. Le changement de ISO 9002 à 9001 version 2000 s'est fait aisément et parfois certaines compagnies, sûres de leur politique client, ont estimé ne plus avoir besoin de cette certification non obligatoire ! Des économies certainement, donc plus d'argent dans la poche des actionnaires mais moins dans celles des sociétés de classification et une malheureuse contribution à la diminution de l'emploi et du PIB ! Le bonheur des uns fait toujours le malheur des autres chez nous aussi !
             ISM et ISPS s'étendront prochainement aux secteurs encore à l'abri, je veux citer la navigation nationale que ce soit pour l'ISM ou l'ISPS !

             En conclusion, pour les navires et leurs exploitants la voie semble toute tracée : ISM + ISPS (si l'ISM et l'ISPS ne vous concernent pas encore cela ne saurait tarder !). Pour ce qui est de la qualité ne désespérez pas, elle suivra tôt ou tard et si votre SMS est bon et fonctionne, vous n'aurez pas de mal à vous mettre à la qualité car sera un processus normal....Je vous souhaite bon courage !

    1. Ports et installations portuaires


    2.        Ce n'est un secret pour personne dans notre milieu, que s'il y a des navires poubelles, il y aussi des ports minables. Mais contrairement aux navires, les ports ne se déplacent pas et les gouvernements restent maîtres théoriquement de la conformité ou de la qualité de leurs ports.
           En général, dépendant directement des autorités gouvernementales pour des raisons stratégiques ou économiques, la sécurité ni la sûreté n'étaient pas pour les ports leur préoccupation de tous les jours et encore aujourd'hui les plans d'urgence de nombreux grands ports se résument ... à une liste de N° de téléphones ! C'est-à-dire que la sécurité et la sûreté du port ou de l'installation portuaire étaient confiées à quelqu'un d'autre à savoir pompiers, police/douane qui en somme faisaient office de sous-traitants. A quelques exceptions près les moyens techniques de sécurité et de sûreté propres aux ports n'existaient pas, sauf dans les ports à risques et encore parfois à un niveau dramatiquement faible.
       Pour la qualité ou la satisfaction du client, c'était différent. En effet un armateur c'est un client, ce sont des escales donc de l'argent et ça les ports aiment ! La situation était donc paradoxale... une recherche de qualité sans parfois la plus élémentaire sécurité !
             La Sécurité dans les ports était souvent laissée de côté malgré un taux d'accidents élevé ! Un peu comme à la pêche ou dans la construction navale (c'est un métier dangereux donc à quoi ça sert de prendre des mesures de prévention coûteuses auprès d'un personnel totalement réfractaire à toute mesure pro active et de plus très fataliste !) on compatit, on s'occupe de la veuve et de l'orphelin, on recherche parfois les causes et on propose des solutions mais sans grand espoir !
             Cette situation était la même que ce soit chez nous ou à l'autre bout de la terre.
             Sachant que cette attitude aujourd'hui n'est plus acceptée notamment du côté des assurances et de la justice, les mentalités ont tendance à changer heureusement (même à la pêche). Et pour ce qui est des installations portuaires, des mesures de prévention principalement basées sur la formation commencent à se mettre en place !
             Récemment, en collaboration avec l'IMO, le bureau international du travail (ILO ou BIT) qui est comme l'OMI une agence de l'ONU, a remis à jour un guide pratique (code of practice) concernant la sécurité et la santé dans les ports... Qui ainsi complète le "guide pratique pour la sécurité sur le navire à la mer ou au port ". Ce guide est précieux et il insiste entre autres sur les dangers de la manutention des conteneurs... sujet à l'ordre du jour alors que les premiers "navires / 10.000 boites" sont en cours de commande (Ordre du jour des travaux du MSC 80 en mai à l'OMI).
             Pour ce qui est de la sûreté dans les ports, la convention SUA (88) - encours de révision - avait bien exigé quelques mesures mais pas vraiment appliquées car elle avait un peu oublié que le principal risque de l'installation portuaire c'est...le navire ! Mais oui, mais c'est bien sûr... !
             Le code ISPS est donc venu préciser les obligations des ports quand aux mesures qu'ils doivent prendre pour éviter une menace de sûreté provoquée par le navire et vice et versa, les mesures qu'il doit lui-même prendre pour éviter que le navire ne devienne, pendant son séjour au port, une proie pour des personnes mal intentionnées.
           Si dans les ports des pays développés, les plans de sûreté se mettent en place parfois lentement et parfois d'une manière empirique chez nous comme ailleurs, dans les pays émergents ce n'est pas la même chose du tout ! Le "yes" introduit dans la base de donnée GISIS de l'OMI (l'installation portuaire a-t-elle un plan de sûreté approuvé ?) ne veut pas nécessairement dire que ce plan existe et comme de toutes manières, avec ou sans plan d'ailleurs, rien ou presque n'a été fait dans le port !
       La situation est telle que les armateurs se sont plaints au cours du MSC 79 car ce sont finalement eux qui paieront cash ce laxisme et finalement ils viendront à délaisser ces ports pour d'autres ayant pris les mesures nécessaires pour être en conformité avec le code ISPS. (5)
       On peut espérer que les ports, même les plus radins, finiront par investir ... Les menaces économiques ajoutées aux menaces des USCG ou des assureurs devraient avoir raison de leur immobilité actuelle.
             Il est à noter que certains gouvernements, montrant ainsi une honnêteté remarquable, retardent l'approbation des plans de sûreté des installations portuaires, tant que des mesures réelles n'ont pas été prises notamment sur la surveillance des approches du port. Il est en effet illogique de penser que des mesures uniquement terrestres suffisent alors que la plupart des attaques contre les navires au port ont eu lieu à partir du large (USS COLE - M/T LIMBURG - Terminal de BASSORAH).Tandis que l'évaluation de la sûreté (le simple bon sens suffit parfois) aura montré aisément que certains plans d'eau ne nécessitent pas de surveillance particulière (terminaux en rivière par exemple), d'autres se vantent d'avoir un superbe plan de sûreté reconnu conforme alors que les moyens de surveillance existent (VTS) .... mais qu'il n'y aucun moyen d'intervention en mer !.... alors que le code ISPS exige des moyens nautiques notamment pour les vérifications éventuelles avant l'entrée dans le port et évidemment l'arraisonnement musclé d'un navire suspect !
             Il est également à noter que la non satisfaction de cette exigence n'empêche l'approbation de conformité que si :
      • la mise en place de ces moyens nautiques - reconnus obligatoires par l'évaluation méthodologique des risques n'est pas envisagée ou ne l'est pas de manière raisonnable ;
      • les budgets dégagés sont tels que ces moyens ne verront jamais le jour (cas le plus fréquent) !
             Quant à la qualité des services rendus par les ports, beaucoup s'y mettent et profitent des possibilités qu'offre l'ISO 9000 de limiter le champ de la certification pour commencer par les services de la Capitainerie (accueil et placement), ceux des pilotes, des remorqueurs et des lamaneurs et de programmer à plus long terme le plus gros morceau : les activités commerciales.
             Parmi ces activités de service la manutention et surtout le saisissage des conteneurs posent un problème de sécurité important - donc de qualité de service rendu au client.

             En conclusion pour les ports on se contente souvent de ISPS mais le chemin vers la sûreté est laborieux et celui vers la sécurité est encore à emprunter avant de prétendre à celui de la qualité.


  • CONCLUSION :


  •        Ces trois parties de notre industrie se sont engagées dans des systèmes de management avec des buts en principe différents mais qui utilisent à peu près les mêmes méthodes de gestion des ressources humaines. Les fonctionnements de ces différents systèmes se complètent parfois, mais se chevauchent trop souvent et risquent ainsi de décourager tous les acteurs qui de plus se noient dans une paperasse répétitive et inutile.
           Alors ne serait-il pas temps d'envisager pour elles un système de management global, ou total comme vous voulez, qui ait l'avantage de comprendre sécurité, santé, sûreté, environnement et satisfaction du client ?

    (prochain article : le système de management E3S)
Cdt. Bertrand APPERRY


  1. La culture anglo-saxonne a du mal à imposer, elle préfère recommander - fortement s'il le faut - et laisser une certaine liberté aux citoyens.... mais à leurs risques et périls. En cas d'accident tant pis pour vous, les conséquences seront à la mesure de votre laxisme intellectuel.
    Nous autres continentaux - je me suis aperçu récemment que les Belges sont comme nous - sommes plus portés à ne faire que ce qui est obligatoire et encore....on tentera quand même à tout hasard d'obtenir un passe droit ou une dérogation (en anglais, on parle plutôt d'exemption ou de dispense que de dérogation).
  2. Vetting viendrait de Vet (diminutif de vétérinaire en anglais) par comparaison des techniques de vetting de vérification complète jusqu 'au petit détail à la manière du "vet" d'ausculter / tâter entièrement un animal qui ne peut dire où il a mal.
  3. Pour un capitaine, une personne désignée ou un expert, les amendes personnelles commencent à 15.000 $ US !
  4. Réf warning de capt Me GRATH sur la responsabilité des CSO, SSO et PFSO (www.imsso.com)
  5. Un navire ayant escale dans un port non conforme, devient lui-même suspect avec tous les inconvénients prévisibles (principalement inspections et retard dans tous les ports suivants !)
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