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Code ISM :
État de la certification ISM ou Safety Alert !

(page Nº14)
 

Introduction

       Le code ISM peut être "appliqué à tous les navires" et il est formulé "afin qu'il soit largement appliqué" ce qui est un point très positif. En effet il est évident qu'on ne demandera pas une application équivalente des prescriptions du code lorsqu'il s'agit d'un petit caboteur ou d'une énorme plate forme de forage pétrolier.
       Mais qui dit termes généraux, dit aussi possibilité d'interprétations diverses et cela est un point résolument négatif.
       Lors de la création d'un Système de Management de la Sécurité (SMS) on assure relativement facilement la conformité avec les exigences clairement définies du code ISM.
       Avec les autres exigences qui sont, soit sous entendues soit pas assez clairement définies. leur application est beaucoup plus suggestive et correspond beaucoup plus à la culture interne de la compagnie.


Création d'un SMS

       Mettre en place un SMS n'est pas évident surtout si on part des habitudes de la compagnie et qu'on tente de faire " coller " cela au code. La culture sécurité de certains armements est souvent insuffisante pour réussir de cette manière.
       Il y a bien sûr d'autres solutions beaucoup plus sûres et beaucoup plus employées :        Pour le code ISM c'est pareil, la compagnie utilise un cadre original assurant la conformité avec le code et dans lequel la culture de la compagnie vient s'inscrire sous forme de manières de procéder ou d'habitudes de contrôle et d'enregistrement existantes.
       Les modalités d'application ensuite dépendent beaucoup de la volonté et des moyens de la compagnie mais surtout de la motivation des hommes clés c-a-d Direction générale / Personne désignée / Capitaine.
       La plupart des certificateurs du monde entier acceptent et souvent recommandent ce genre de démarche pour la mise en place du Code ISM. A condition évidemment de se garder des charlatans qui vous proposent, pour le même prix, un simple logiciel parfois truffé d'erreurs et qui ne résout uniquement que votre petit problème d'enregistrement !


Certaines exigences du code prêtent à interprétation

  1. Une politique drogue / alcool / tabac est-elle obligatoire et sur quels textes l'appliquer ?


  2. Le sujet est délicat et les solutions limitées :
  Alcool
  • Bateau sec c'est-à-dire pas un goutte d'alcool à bord : c'est la solution radicale prise par les anglo-saxons et l'offshore pétrolier : facile à écrire, pas toujours aisée à appliquer et toujours difficile à contrôler.
  • Limitation des approvisionnements : trop facilement sujet à dérives et pas du tout facile à contrôler.
Drogue
  • Interdiction absolue avec prises de sang périodiques : la loi ne nous aide pas beaucoup à ce sujet encore, mais il semble que ça vient enfin.
Tabac
  • Quasiment impossible à mettre en pratique sur les navires d'aujourd'hui : La marine va-t-elle s'asseoir sur les lois EVIN comme le reste des français ? et les futurs navires sont-ils prévus avec un fumoir comme... les navires d'antan sur lesquels nous avons grillé nos premiers cigares cubains ?
           La réglementation internationale ne nous aide pas beaucoup, mais ça vient là aussi : Une recommandation de STCW - B VII72 partie 5 - précise que le taux maximum d'alcool dans le sang pour un homme de quart est de 0,08% (ce qui fait 0,5 gr par litre de sang environ pour un homme normalement constitué) et que la consommation d'alcool dans les 4 heures qui précèdent le quart est interdite. Cette recommandation envisage également des mesures de dépistage et des programmes de prévention !
           Nous savons qu'aujourd'hui qu'en cas d'accident maritime une prise de sang est opérée sur les acteurs (Capitaine, officier et matelot de quart) pour une évaluation du taux d'alcoolémie et demain on y rajoutera certainement la détection de drogues. A quand, comme sur la route, un dépistage aléatoire lors d'un PSC ?
           Certaines compagnies, notamment au pétrole, pratiquent, via une société spécialisée (anglo-saxone), un contrôle aléatoire à l'arrivée au port.
           L'OCIMF a édité en 95 des Guidelines fort appréciées et adoptées par beaucoup de compagnies avec une évaluation des quantités d'alcool par "unités" : une bière, un verre de vin ou un petit whisky = une unité ! .... et chaque unité nécessite une heure d'abstinence avant de reprendre le travail dans le but d'avoir du personnel de quart ou de service avec zéro alcool dans le sang !
           Une politique Drogue et Alcool peut être mise en place par la compagnie, par exemple au sein de son SMS, affichée partout, obligatoire pour tout le personnel aussi bien sédentaire que navigant ainsi que pour les sous-traitants et sujette à contrôles aléatoires (alcool) et visites médicales périodiques (drogues) !
           Lors d'un récent audit interne SHELL auquel j'assistais, l'auditeur - vieux collègue britannique - a pratiquement commencé son audit par là !
    En un mot, les "warning" ont été lancés, cependant d'aucuns font encore la sourde oreille... Attention cela risque de devenir un § de la SOLAS bientôt... et alors il n'y aura plus de quartier !
    N.B. On lira avec intérêt les recommandations de ILO disponibles sur le net www.ilo.org

  1. L'auto-contrôle est voulu par le code ISM


  2.        Ceci est un sujet très délicat qui justifie le sous-titre de safety alert !
           En effet une tendance récente chez certains certificateurs ISM est de venir "fouiner" dans les différents enregistrements pour trouver la faille qui leur permettra de retenir ou d'exclure le navire ou la compagnie.

  Quelques cas connus :
       En Norvège, un cahier d'enregistrement de situations de collisions durant le quart a servi à un fonctionnaire du contrôle du pavillon pour condamner un officier de quart à une amende pour ..."manœuvre non conforme à COLREG" malgré qu'il n'y ait pas eu d'accident !

Ailleurs :
       Utilisation d'une non-conformité détectée au cours d'un audit interne pour refuser le Certificat de conformité alors que la mesure corrective était en cours !
           Ceci est en contradiction avec les textes et la volonté de l'OMI qui est, je le rappelle, une assemblée de gouvernements de pavillons ! En effet la volonté de l'OMI a toujours été de privilégier une culture sécurité maritime de "non blâme" au lieu d'une "culture de blâme" comme par exemple la politique de prévention routière.
           La politique sécurité d'une compagnie de navigation repose sur ce principe : vous mettez en place votre système de gestion de la sécurité en conformité avec votre politique qui est elle-même conforme à celle exigée par le code ISM.
           Pour vous aider le code ISM a listé des exigences minimum que vous devez mettre en œuvre et présenter à un organisme certificateur externe.
           Cet organisme vient contrôler initialement la conformité de votre système et périodiquement son application effective, c'est tout !
           Le contrôle de l'efficacité de votre système reste entre vos mains : vous vous devez de vous auto-contrôler par des vérifications internes principalement au moyen des audits et inspections.
           Ensuite, grâce à l'auto-critique, vous devez prendre les mesures nécessaires pour améliorer vos performances : le retour d'expérience. les revues de capitaines ou de direction en sont les principaux instruments.
           Il me semblait que c'était clair pour tout le monde... non apparemment !
           Notre collègue de l'IFSMA est intervenu à l'OMI devant moi sur le risque de dérive vers une " Blâme culture ", je ne peux que l'approuver ici encore une fois: si vous n'y prenez garde messieurs les certificateurs ou contrôleurs, les marins ne vous présenteront plus que des enregistrements " nickel chrome " et cela nous savons le faire sachez le ! (qui n'a pas connu les registres de températures de la banane, toujours excellentes au dixième près ou les cahiers de fausses permes à l'armée !).
           Trêve de plaisanterie une telle attitude serait évidemment la mort de l'efficacité du code ISM si ce n'est sa mort tout court.

  1. La qualité des audits et l'indépendance des auditeurs externes n'est pas exemplaire


  2. ...à tel point que sur demande de l'OMI, l'IFSMA est entrain de créer une liste d'auditeurs externe ISM principalement pour donner à cette importante activité une indépendance d'abord et ensuite une qualité que les Sociétés de classification ou les Administrations ont de plus en plus de mal à assurer (auditeurs trop jeunes et sans expérience marine suffisante).
           Il semble qu'une initiative équivalente pourrait être lancée en France en ce qui concerne l'ISM et pas seulement pour le Port State Control.
           Avantages : Indépendance, compétence, proximité
           Inconvénients : Risques de grosses différences de standard d'un auditeur à l'autre !
           On ne devient pas auditeur ISM du jour au lendemain il est vrai et l'IFSMA en est consciente : une formation à l'audit devra être mise au point accompagnée d'un système d'auto-contrôle avec ses propres instruments que sont l'évaluation et la formation continue !

  3. L'obligation du paragraphe 10.3 du code ISM est souvent oubliée ou bizarrement traitée.


  4.        Il s'agit rappelez-vous d'identifier les équipements qui, s'ils tombent soudainement en panne, risquent de mettre le navire en danger.
           A l'origine, le groupe de travail de l'OMI voulait introduire l'étude du fonctionnement du navire en mode dégradé afin de repérer facilement les équipements qui nécessitent des mesures spéciales pour renforcer leur fiabilité. En prenant modèle sur l'aviation, la marine s' est engagée dans l'évaluation formelle de la sécurité qui mène, vous le savez, à évaluer les risques de toutes nos activités.
           Freinée par certains pays qui représentent beaucoup plus leurs armateurs que leur pavillon, l'OMI a pondu ce texte qui malheureusement n'a pas été bien compris de tous.
           Au jour d'aujourd'hui le fonctionnement en mode dégradé fait partie de notre vie (regardez donc dans les "instructions" de votre nouvelle voiture) et les marins comprennent très bien cette démarche et s'y collent avec intérêt.
           De grâce ne prenons pas cette obligation à la légère, ne nous contentons pas d'une identification au "ras des pâquerettes", les officiers de la marine marchande valent mieux que cela.

  5. Application minimum du code ISM.


  6.        C'est vrai la tentation de mettre en place un SMS "au ras des pâquerettes" est forte dans toute l'industrie maritime. Combien de fois n'avons-nous pas entendu : le moins vous écrivez, le moins vous risquez des non-conformités !
           S'il est vrai qu'il ne faut pas trop en dire -j'ai vu quasiment un cours d'ENMM dans les instructions de la Compagnie au Capitaine- il faut éviter de tomber dans l'excès inverse ! Le minimum que vous aurez écrit risque de vous mener à la non-conformité majeure et là... les embêtements commencent croyez-moi !
           Par exemple, une exigence du code a été traitée trop succinctement dans beaucoup de compagnies : la préparation de l'équipage à répondre à toute situation d'urgence c'est-à-dire les entraînements et exercices de sécurité. Dans le SMS on a bien envisagé de nombreuses situations d'urgence qui pouvaient survenir à bord mais bizarrement on n'effectue que les exercices minimum exigés par la SOLAS c'est-à-dire appel aux postes d'abandon, incendie et avarie de barre : attention si le certificateur est compétent vous risquez l'avarie majeure !
           A mon avis dans l'application de l'ISM la simplification est une très bonne chose, cependant on ne peut simplifier que ce qui existe déjà : alors écrivez et... simplifiez ensuite !

  7. Beaucoup de SMS vont vraiment mal


  8.        Pour eux il n'y a pas trente six solutions : lorsqu'un SMS va mal pour diverses raisons, une excellente technique consiste à évaluer la conformité avec le code ISM en partant des chapitres du code les uns après les autres. On centre ensuite le SMS sur toutes les exigences :
           les recoupements et les regroupements sont possibles bien sûr, mais au bout du compte les approximations et les oublis ont disparus !
           Le grand drame d'aujourd'hui reste la compétence insuffisante de certains auditeurs autant internes qu'externes : par exemple confusion entre les buts et le processus des deux audits !

Les traductions en français des textes de l'OMI prêtent parfois à confusion (ou Safety Alert again!)

       Pour le code ISM et les résolutions qui s'y rattachent, il est clairement exprimé que l'original est en anglais. Lorsque les textes sont bien traduits, cela ne nous pose aucun problème, par contre dans le cas contraire une polémique peut surgir.
       Je vous ai déjà parlé de la traduction dans le paragraphe 4 du code ISM de "to ensure" par garantir (ce qui ne facilite pas la tâche de la personne désignée ... mais on en reparlera bientôt !). je vous ai parlé également de la traduction de drills and exercises par .. .exercices tout court dans le § 8 , ce qui est assez étonnant car ces deux mots ne veulent pas dire du tout la même chose en anglais, mais je voudrais ajouter les erreurs commises dans la traduction française de la Résolution A 788 qui était la directive de l'OMI sur l'application du code ISM par les administrations.
       En effet à plusieurs reprises le mot anglais "effectiveness" a été traduit par efficacité au lieu de réalité, "effective" par efficace au lieu de effectif ou réel ! Rien que ça !
       Dans la réalité, les certificateurs peuvent consulter les documents du SMS, comme par exemple les compte rendus d'audits internes, pour évaluer le fonctionnement effectif du SMS et la conformité au paragraphe 12.1 du code ISM : réalité des audits et de la prise d'actions correctives ; mais ils ne doivent pas évaluer les non-conformités mis à jour par la compagnie elle-même, ni critiquer les mesures correctives et surtout pas utiliser ces non conformités pour pénaliser la compagnie.
       Les enregistrements liés au SMS ne sont pas un grand livre ouvert devant le certificateur.... devant une cour de justice par contre cela devient une arme de défense ou d'attaque selon du côté que l'on est(1).
       En résumé, le code ISM exige que la compagnie évalue en interne l'efficacité (efficiency) de son SMS à atteindre ses objectifs ; tandis que le certificateur évalue d'abord la conformité du SMS avec le code et ensuite que le SMS fonctionne effectivement (effectiveness).
       Si vous considérez ceci comme pas très important, sachez qu'un avocat normalement constitué vous fera la démonstration inverse lors du prochain procès ISM(2).
       Le code ISM ne remplace pas encore les visites statutaires.
       Beaucoup de marins sont étonnés que lors des audits internes de préparation à la certification ISM, le conducteur d'audit interne trouve autant de non conformités à la SOLAS, STCW, MARPOL ou autre ILO qui sont, c'est vrai, plutôt l'affaire des visites statutaires.
       Lors d'un audit interne il est logique de procéder ainsi car la compagnie s'est engagée à vérifier qu'elle respecte les règles et règlements obligatoires (Code ISM § 1.2.3). Pour y arriver, les auditeurs internes se munissent des conventions ci-dessus et bizarrement trouvent beaucoup de manquements... cherchez l'erreur !
       Il est probable qu'à l'avenir, audit ISM et visite statutaire seront joints, même si l'objectif d'une inspection ou d'un audit n'est pas tout à fait le même.

Le code ISPS - International Ship and Port facility Security Code - qu'est ce que c'est ?

       Un nouveau code est en préparation accélérée à l'OMI et devrait être approuvé en Décembre et aussitôt mis en application via le chapitre XI de la SOLAS.
       Il s'agit tout simplement, comme son nom l'indique, d'un code de sûreté c'est-à-dire comprenant toutes les mesures de protection contre les risques ou menaces identifiées dans les activités liées au couple Navire/Port.
       En un mot un code ISM où la sécurité est remplacée par la Sûreté et nous y trouverons :

En conclusion :

Il y a encore beaucoup de progrès à faire de tous côtés :
Cdt Bertrand APPERRY


(1) Les juristes anglo-saxons recommandent en cas d'accident de retirer de la circulation tous les documents du SMS !
(2) La résolution A 788 a été remplacée par la Résolution A 913, on espère quand même que le traducteur de 93 a été heureusement remplacé.

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