Enfin, pourrait-on dire, la phase II de la mise en application du code ISM vient de se terminer :
Donc ça y est, toutes les compagnies et tous les navires pratiquant l'international (environ 55 000) ont mis en place et appliquent un Système de Management de la Sécurité (SMS) conforme au code.
Donc ça y est, tous les marins du monde (environ 940 000 d'après ITF et beaucoup plus en réalité) ont une bonne connaissance de l'ISM, ont compris son intérêt et appliquent le SMS de leur compagnie au jour le jour !
Étant optimiste de nature, je serai porté à le croire
Étant plongé là-dedans depuis bientôt 10 ans, je suis forcé de constater qu'on est loin du compte ! En effet :
- Comme pour la phase 1, les clients de la 23ème heure se sont bousculés et il y a de grandes chances que certains soient passés en force !
- Des compagnies ont changé de nom et les navires de pavillon pour bénéficier de la certification provisoire, d'autre peuvent dire merci à leur société de certification ou à leur administration... Mais ils n'ont finalement que retardé l'échéance - c'est toujours 6 mois de gagnés
- Beaucoup de navires ont été pris en management pas des compagnies déjà certifiées, d'autres ont été tout simplement vendus et peut-être que certains sont restés le long du quai, qui sait ?
D'autres se sont pris trop tard tout simplement et leur pavillon reste de marbre : le SMS doit fonctionner depuis au moins trois mois avant de prétendre se présenter aux audits initiaux, d'ici là pas de certificats !
C'est en effet appliquer avec rigueur la resolution A 788 de l'OMI qui n'est... qu'une résolution c'est-à-dire forte recommandation.
Une résolution de l'OMI est parfois traitée comme une obligation lorsque cela arrange : on ne peut être à cheval sur une partie de texte et s'asseoir sur une autre partie parce qu'elle dérange.
Alors bilan ?
Aux derniers bruits de coursive il y aurait quelques milliers de navires sans certificats en ce moment sur la mer folle. Tout comme il y avait des navires en mauvais état avec de beaux certificats ISM (ERIKA par exemple), il y a certainement beaucoup d'entre eux qui sont en bon état et bien gérés; ces navires pas plus que les autres ne menacent la vie de leurs équipages ou notre environnement, mais ...bonjour les amendes dans les ports (qui contrôlent!) :
Armateurs retardataires à vos carnets de chèques !
Capitaines concernés, exigez une décharge (bilingue) de votre armateur. Si votre navire est en bon état de navigabilité, vous ne risquez pas trop d'ennuis... Cependant soyez prêts à prouver que votre navire est seaworthy et votre équipage prêt à répondre à toute situation d'urgence ! dur-dur !!!
Renouvellement des certificats ISM de la phase 1, émis en 1998
Rappelez-vous, les navires à risques et les navires à passagers devaient passer au trapèze avant le 1
er Juillet 98 pour obtenir des certificats valables au maximum 5 ans
Les audits de renouvellement ont déjà commencé et faut-il le rappeler, ces audits sont effectués avec la même rigueur (et même plus, souvent) que les audits initiaux :
- Pour beaucoup - ceux qui ont investi dans un système de bon niveau et parfaitement viable, et à condition que la progression de la sécurité ait été sensible - ce ne sera qu'une formalité ! - Pour ceux qui étaient un peu juste... ce sera très difficile... si rien n'a été fait pour tout remettre d'aplomb !
- Pour certains enfin où le système ressemblait plus à une usine à gaz ou à un bidon... bonjour les dégâts '
Amendements 2000 au Code ISM
Eh oui, le 1
er amendement au code est arrivé (l'AFCAN a participé à son élaboration au sein de la délégation française au MSC) et il est applicable au 1
er juillet de la présente année ! A part une petite modification que j'estime indispensable dans le paragraphe 7 - insérer "y compris check-list, lorsque cela est approprié" après "consignes" - le texte du code ne change pas, même si maintenant il faut le considérer comme 1
ère partie du code ISM ; en effet nous avons créé une partie B dans le code qui n'est en fait qu'un transfert d'une partie de la résolution A 788 sur le processus de la certification ISM. Seulement conseillées auparavant, certaines directives concernant la certification deviennent obligatoires cqfd !
Amputée de la partie réalisation de la certification, la résolution A 788 est devenue la résolution A 913 où l'on retrouvera les conditions de présentation à la certification ISM, toujours recommandations sur les fameux trois mois de fonctionnement et la compétence des auditeurs de certification...... vaste sujet car le nombre d'auditeurs spécialisés n'augmente pas bien vite où alors ils sont trop "ISO" et ... cela n'arrange pas l'opinion de nos marins vis-à-vis de l'ISM
II y a là aussi certainement du travail à faire !
Amendements 2000 à la SOLAS
Le code ISM exige la conformité avec les règles et règlements obligatoires, les derniers amendements à la SOLAS applicables le 1
er Juillet 2002 entrent donc dans notre gestion de la sécurité.
Un petit commentaire sur la SOLAS : à l'occasion d'amendements, une réécriture d'un paragraphe, d'une règle complète ou parfois d'un chapitre tout entier est effectuée. C'est très bien de préciser, rajouter des exigences ou étendre des mesures de sécurité, mais de grâce ne changeons pas de numéro de règle ou d emplacement dans la SOLAS : on s'y perd rapidement
Une bonne nouvelle quand même, une version sur CD ROM est en cours de finalisation enfin ! nous espérons qu'elle sera plus conviviale que la version VEGA précédente.
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Sans trop m'étendre sur ces amendements, sachez qu'ils concernent principalement les chapitres II-2 et V de la SOLAS : une véritable réécriture qui fait que ces amendements se présentent sous la forme d'un gros document de près de 200 pages. Dans ces chapitres quelques paragraphes concernent la gestion de la sécurité, ils ont donc leur place ici.
Il s'agit :
- Du pouvoir discrétionnaire du capitaine.
- De certains dispositifs anti-incendie cuisine nouveaux pour les cargos.
- Des EEBD.
- Du planning de maintenance, d'essais et d'inspection des équipements de détection et de lutte incendie.
- Du manuel de formation incendie et du fascicule opérationnel incendie.
- De l'évaluation continue des compétences de l'équipage.
- du pouvoir discrétionnaire du capitaine :
Souvenez-vous de nos difficultés pour obtenir l'application de la résolution A 443 du 11 Nov 79 (réaction de l'OMI après l'échouement de l'AMOCO CADIZ). Ci-dessous le texte de cette résolution :
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"RESOLUTION A.443(XI) adoptée le 15 novembre 1979 - Point 10 bj de l'ordre du jour
DECISIONS PRISES PAR LE CAPITAINE EN MATIÈRE DE SECURITE EN MER ET DE PROTECTION DU MILIEU MARIN
L'ASSEMBLÉE :
RAPPELANT les dispositions de l'article 16, alinéa h) de la Convention portant création de l'Organisation intergouvemementale consultative de la navigation maritime qui ont trait aux fonctions de l'Assemblée,
DÉSIREUSE de garantir que les navires observent en tout temps les normes et les procédures relatives à la sécurité en mer et à la protection du milieu marin qui sont prescrites par les conventions en vigueur,
NOTANT le grand nombre de rapports faisant état d'infractions aux dispositions des conventions,
CONSIDÉRANT que la sécurité en mer et la protection du milieu marin doivent, en toutes circonstances, être les préoccupations premières du capitaine, et que les pressions économiques et autres qui s'exercent sur lui ne devraient à aucun moment influer sur les décisions qu'il est appelé à prendre dans ces domaines,
CONSIDÉRANT EN OUTRE que les instructions qui sont données au capitaine par les propriétaires de navires, les affréteurs ou autres personnes intéressées ne devraient pas influencer indûment les décisions qu'il est appelé à prendre en matière de sécurité en mer et de protection du milieu marin,
INVITE les gouvernements à prendre les mesures nécessaires pour protéger le capitaine du navire dans l'exercice approprié de ses responsabilités en matière de sécurité en mer et de protection du milieu marin en garantissant que
a) le propriétaire, l'affréteur ou toute autre personne n'impose aucune contrainte au capitaine en ce qui concerne les décisions qu'il estime nécessaire de prendre selon son expérience professionnelle ;
b) le capitaine est protégé, par des dispositions appropriées incluant le droit d'appel et contenues, entre autres, dans la législation nationale, les conventions collectives ou les contrats d'engagement, contre les renvois abusifs ou autres mesures injustifiées de la part du propriétaire du navire, de l'affréteur ou de toute autre personne à la suite des décisions qu'il prend selon son expérience professionnelle dans l'exercice approprié de ses fonctions.
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NB: Ça fait sacrement du bien de la rappeler, non ?
Dans les amendements de 97 à la SOLAS - donc près de 18 ans après, un record ! - l'OMI a introduit la règle 10-1 sur le "pouvoir discrétionnaire du capitaine en matière de sécurité de la navigation" qui appliquait donc la partie a) de la résolution A 443 avec une petite précision bien inutile sur les conditions de mauvais temps.
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"Le capitaine ne doit pas être soumis, de la part du propriétaire du navire, de l'affréteur ou de toute autre personne, à des pressions qui l'empêchent de prendre une décision quelconque que ses compétences professionnelles lui font juger nécessaire à la sécurité de la navigation, notamment par gros temps et mer agitée"
Master's discretion for safe navigation "The master shall not be constrained by the shipowner, charterer, or any other person from taking any decision which, in the professional judgment of the master, is necessary for safe navigation, in particular in severe weather and heavy seas"
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Les amendements 2000 reprennent à nouveau cette partie a) en annulant la précision du mauvais temps, on revient donc au texte de 79 de la resolution A 443 ... mais en oubliant encore la partie b) c'est-à-dire la protection du capitaine contre les renvois abusifs ... Nous, capitaines, nous restons toujours orphelins de cette protection et l'assurance protection juridique de l'AFCAN est donc toujours d'actualité !
N.B. Il s'agit donc à présent de la règle 34 Chap V de la SOLAS, à retenir SVP
Petite remarque : cette règle 34 comporte aussi une obligation nouvelle du Plan de voyage (Passage planning). Déjà présente dans STCW 95, elle est ici précisée.!
- de dispositifs de lutte incendie automatique pour friteuses
Un paragraphe concerne les friteuses cuisine de nos navires qui à présent doivent être équipées de :
- Un système d'extinction automatique ou manuel conforme au standard ISO 15371/2000
- Un thermostat primaire ou de secours avec une alarme de non fonctionnement
- Un dispositif de coupure de l'alimentation électrique en cas d'extinction automatique
- Une alarme en cas d'extinction automatique
- Un synoptique de contrôle clair en cas d'extinction manuelle ...comme sur les navires à passagers !
Nos friteuses en général sur nos navires sont petites et l'installation d'une extinction automatique ou manuelle n'est pas aisée.
Les solutions possibles sont
- Remplacement des friteuses actuelles par des friteuses entièrement équipées (extinction /thermostats/ alarmes)
- Installation d'une fermeture manuelle à distance du couvercle de la friteuse
- Suppression des friteuses : plus de frites à bord ! déjà qu'il n'y avait pas souvent de moules fraîches et maintenant plus de frites ! aurons nous bientôt du mal à trouver des belges pour nous remplacer?
- des fameux EEBD (Emergency Escape Breathing Devices),
qui sont obligatoires depuis le 1er juillet 2000 et qui doivent être installés - dernier délai - au cours du premier arrêt technique après cette date,
Il s'agit de masques portatifs comportant une réserve d'oxygène ou d'air comprimé permettant à un membre d'équipage de s'échapper d'un compartiment devenu irrespirable (manque d'oxygène, fumée, gaz toxiques).
Avec une autonomie de 10 minutes, ces masques doivent être placés à des endroits adéquats dans les emménagements et les lieux de travail.
A l'inverse des appareils respiratoires d'intervention, ces appareils sont destinés à sauver la vie des personnes coincées dans une partie difficile à évacuer rapidement et aussi de permettre à un membre d'équipage de traîner au dehors un collègue inconscient !
Je vous laisse le soin de calculer le nombre qu'il vous faut, mais il faut reconnaître que c'est une heureuse décision qui permettra certainement de sauver quelques vies.
- du planning de maintenance et d'essais des équipements de détection et de lutte incendie
Cette réécriture est salutaire car souvent cette maintenance restait assez floue et souvent incomplète à bord des navires.
- du manuel de formation incendie
Nouvelle exigence de la SOLAS qui ressemble à celle déjà plus ancienne du manuel de formation à la survie de 1994.
On a déjà bien du mal toujours à trouver ce dernier document élaboré conformément à la SOLAS, je vous dis pas pour l'autre
- de l'évaluation continue des compétences des membres de l'équipe incendie,
ça c'est également très nouveau et surprend pas mal de nos vieux marins.
En effet, suite logique à STCW 95 qui limite à 5 ans les compétences lutte incendie des marins, une évaluation individuelle est à présent obligatoire : à chaque exercice d'incendie un évaluateur devra estimer les performances de chacun des membres et en tirer les conséquences ! L'enregistrement des activités et performances sécurité est sur les rails ... ce sera un outil sérieux lors de la fameuse revalidation dans cinq ans.
Matérialisation des échappées sur les navires
Comme nous le savons tous, sur les navires à passagers, le marquage de bas niveau des échappées dans les locaux à passagers est obligatoire depuis 94.
Ce même marquage est à présent étendu aux emménagements équipage pour les navires embarquant plus de 36 passagers et c'est tout !
Les compartiments machine des navires et les emménagements des navires de charge ont été oubliés ou les armateurs ont réussi à retarder l'échéance ?
Pour le moment donc il ne peut s'agir que d'une démarche volontaire, n'hésitez donc pas
- A marquer en bas niveau vos cheminements d'urgence c-a-d coursives, escaliers échelles ou portes d'échappées par des pictogrammes photo luminescents.
- A étudier et marquer en bas niveau les cheminements optimum des mécaniciens vers les échappées par des flèches ou marques de couleur jaune.
...Votre vie ou celle de vos collègues valent certainement ce petit effort non ?
Exercice ou entraînement / drill or exercise ?
Les anomalies de traduction en français des textes originaux OMI en anglais sont nombreuses comme vous le savez.
Par exemple dans le code ISM, l'exigence 8.2 :
"The company should establish programmes for drill and exercices to prepare for emergency actions"
a été traduit par :
"La compagnie devrait mettre au point des programmes d'exercices préparant aux mesures à prendre en cas d'urgence"
Pourquoi ne garder que exercices alors que le texte originel parle d'entraînement et exercices ?
Dans les textes de l'OMI, ce distinguo est clairement fait depuis longtemps; voici d'ailleurs les définitions extraites d'une récente résolution
English
- Définitions
- Exercise means a test of the emergency response arrangements under as near realistic conditions as possible on the MOU and involves all unit personnel.
- Drill means a form of exercise, which provides the opportunity to practice éléments of the System. Drills are carried out under realistic conditions while allowing for instruction and training, e.g. breathing apparatus drills for the fire team casualty handling for first-aid and stretcher teams etc...
Français
- Définitions
- Entraînement désigne toute mise à l'essai des dispositifs d'intervention d'urgence dans des conditions aussi proches que possible de la réalité, effectuée sur l'unité mobile au large et à laquelle participe l'ensemble du personnel
- Exercice désigne tout type d'activité offrant la possibilité de mettre en pratique des éléments du système. Les exercices sont effectués en situation réelle, mais ils permettent d'assurer un enseignement et une formation, par exemple, exercices visant à apprendre à l'équipe de lutte contre l'incendie à utiliser un appareil respiratoire, prise en charge des blessés pour les équipes chargées des premiers soins et les équipes de brancardiers etc."
Bon, cela n'a pas de grande importance me direz-vous, je n'en suis pas si sûr. En effet aujourd'hui le code ISM exige une préparation de la compagnie et des équipages à répondre à toute situation d'urgence elle le fera en "exerçant" régulièrement les membres des équipes dans leur fonction (porteurs d'appareils respiratoires, directeur chargé des relations avec les médias, personnel chargé des annonces aux passagers, responsables de mise à l'eau de radeaux ou embarcations etc.) à être pleinement efficaces lors d'un... entraînement !
Il y a donc risque de confusion entre exercise et exercice, ce sont apparemment de faux amis
Afin d'éviter ce piège, je préfère utiliser les mots anglais. Sorry.
Enfin, pour conclure, la traduction de "to ensure" par garantir fait toujours autant de mal... chez les personnes désignées ! dur-dur
Cdt Bertrand APPERRY
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