La commissaire à la concurrence Mme Neelie Kroes s’était rendue à la Commission des affaires juridiques du Parlement européen, le 29 novembre dernier, pour un débat sur la déréglementation des services professionnels. À cette occasion, elle avait pris position ouvertement en faveur de l’ouverture à la concurrence des professions juridiques.
À la suite de cette déclaration, le parlement européen a pris une résolution relative "aux professions juridiques et à l’intérêt général relatif au fonctionnement des systèmes juridiques".
Dans cette résolution, les députés estiment, face aux volontés de la Commission d’ouvrir les professions juridiques réglementées à la libre concurrence sur le marché intérieur, que toute réforme de ces professions a "des conséquences de grande portée, qui vont au-delà du droit de la concurrence et touchent au domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice et, plus généralement, à la protection de l’état de droit".
Le Parlement rappelle que le devoir qu’ont les membres des professions en cause de maintenir leur indépendance, d’éviter les conflits d’intérêts et de respecter la confidentialité avec le client sont "particulièrement mis en péril, d’une part, lorsqu’ils sont autorisés à exercer leur profession dans une organisation qui permet à des professionnels extérieurs aux professions juridiques de contrôler les affaires de ladite organisation, ou de participer à leur contrôle, par voie d’investissements financiers ou par d’autres moyens ou, d’autre part, dans le cas de partenariats multidisciplinaires avec des professionnels qui ne sont pas tenus par des obligations professionnelles équivalentes". La résolution insiste sur l’importance de l’éthique et du maintien de la confidentialité par les professionnels, "au bénéfice de leurs clients et de la société en général et pour protéger l’intérêt commun".
La résolution souligne que chaque type d’activité d’un organisme professionnel doit être examinée séparément et, concernant les notaires, les députés affirment que la délégation partielle de l’autorité de l’État est un élément premier inhérent à l’exercice de cette profession, qu’elle est pratiquée sur une base régulière et représente un volet majeur de l’activité, raisons pour lesquelles l’article 45 du Traité (qui exempte les activités participants, même à titre occasionnel, à l’exercice de l’autorité public des impératifs liés au droit d’établissement) devrait s’appliquer "intégralement" à la profession.
De manière plus générale, le Parlement invite la Commission à tenir compte du "rôle spécifique que les professions juridiques jouent dans une société d’État de droit", et à procéder à une analyse approfondie du fonctionnement des marchés des services juridiques. Plus directement encore, il est recommandé à la Commission de ne pas appliquer le droit communautaire de la concurrence à des questions qui, dans le cadre constitutionnel de l’Union européenne, restent du ressort des États membres, telles que l’accès à la justice.
Sur la question précise des barèmes d’honoraires et tarifications obligatoires applicables par les professions juridiques, même pour des services extrajudiciaires, le Parlement européen estime qu’ils ne sont pas contraires à la libre concurrence, à condition que leur adoption soit justifiée par le souci de répondre à un intérêt public légitime, et que les États membres surveillent activement la participation des acteurs privés au processus décisionnel. Les députés avancent en outre que le Traité et le droit dérivé prévoient en outre l’application du principe du pays de destination à ces barèmes.
Pour parvenir à l’objectif d’ouverture des marchés, les députés préfèrent que les organisations professionnelles établissent par elles-mêmes, au niveau européen, des codes de conduite comportant des règles en matière d’organisation, de qualifications, de déontologie, de surveillance, de responsabilité et de communications, propres à offrir toutes garanties au consommateur final de services juridiques.
Résolution du Parlement européen, 23 mars 2006