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Une sortie intempestive de la trajectoire prévue mène à l'échouement
 
Traduction libre de MARS 201169 par le Cdt J.F. Gicquiaud



       Par un après-midi calme, juste après le crépuscule, un grand porte-conteneurs à l'entrée approchait de la station du pilote située à un mille environ du brise-lames à l'entrée du port. Comme le pilote devait d'abord débarquer d'un petit navire citerne en sortie, il demanda au porte-conteneurs, pour parer le navire citerne, de venir sur la droite, à l'Ouest de l'axe recommandé, et de maintenir la vitesse minimale, qui était 7 nœuds pour ce navire. Dès que le navire citerne eut passé le brise-lames, la pilotine transféra le pilote sur le porte-conteneurs. Cette opération nécessita près de huit minutes pendant lesquelles le navire arriva très près du brise-lames et pratiquement parallèle. En arrivant sur la passerelle, le pilote se rendit compte immédiatement de la situation défavorable, mais au lieu d'en parler au capitaine, ou d'annuler la présentation, il demanda en avant demi, et la barre toute à droite, avec l'intention de faire tourner le navire près de l'extrémité du brise-lames. La trajectoire prévue demandait une abattée très serrée, proche de 130°, avec une capacité de gouverne minimale, faisant passer près de l'extrémité du brise-lames. L'équipe passerelle ne se rendit pas compte que cette manœuvre était au-delà des possibilités d'évolution du navire.
         La veille de l'équipe passerelle était aveuglée dans le Sud par les lumières brillantes de la ville, qui étaient pratiquement doublées en intensité par la réflexion sur l'eau calme. Cela affecta leur compréhension de la situation, et ils ne virent pas la bouée lumineuse rouge marquant la limite Sud du chenal d'approche du bassin.
       Le navire commença à prendre de la vitesse, mais évolua très lentement. Le pilote demanda toute à droite sur le propulseur d'étrave, ce qui n'eut aucun effet à la vitesse acquise. Comprenant que le navire s'était largement écarté du cap et de la trajectoire de sécurité souhaités, il demanda alors aux deux remorqueurs (700 BHP à l'avant et 1800 BHP à l'arrière), de pousser à puissance maximale respectivement sur l'étrave bâbord et sur la hanche bâbord arrière. Cette manœuvre ne servit qu'à annuler l'action du gouvernail, car l'effort supérieur du remorqueur arrière était accru par le bras de levier important entre le centre de giration du navire et le point de poussée du remorqueur. Dans ces conditions, le remorqueur d'étrave plus petit n'avait aucun effet. Prenant tardivement conscience de la situation dangereuse, le capitaine demanda en arrière toute exceptionnel, mais cela n'empêcha pas le navire de dépasser la bouée rouge du mauvais côté, puis de s'échouer sur un rocher immergé, marqué sur la carte. Le navire rebondit presque sous l'impact. Avec la machine toujours en arrière, le navire se remit à flot de lui-même. Immédiatement, l'alarme de défaut d'isolement du moteur de propulseur d'étrave se déclencha, et le disjoncteur s'ouvrit. L'officier de manœuvre avant fut envoyé pour investiguer le local du propulseur d'étrave. Il rendit compte que le local était inondé, et que le moteur était déjà submergé.
       De retour dans le chenal, la machine fut stoppée, les remorqueurs s'approchèrent et passèrent leurs remorques à tribord sur l'avant et sur la hanche arrière. Le navire accosta bâbord au quai à conteneurs. Un inspecteur de la société de classification et des plongeurs arrivèrent avant minuit, et après une inspection sous-marine, l'inspecteur délivra un certificat de classe restreint pour appareillage vers le grand port le plus proche (16 heures de transit à vitesse réduite) pour procéder à une inspection au bassin.

Etendue des dommages :

  1. Tôles de fond à bâbord de la quille fortement déformées et percées sur une distance d'environ quinze mètres depuis l'axe longitudinal, dans le peak avant et le local du propulseur d'étrave.
  2. Enroulements et câblage électrique du moteur du propulseur d’étrave endommagés par l’eau de mer.
  3. Dégagements d'air du peak avant soufflés et arrachés de leur socle en raison de l'onde de choc générée par l'eau contenue dans le peak avant complètement plein.

Cause principale et facteurs aggravants :

  1. Sortie intempestive de la trajectoire prévue au moment critique de l'entrée finale.
  2. Le pilote a donné à tort la priorité au plus petit navire en sortie.
  3. L'équipe passerelle a perdu la perception de la situation, et a poursuivi la navigation sur une mauvaise trajectoire.
  4. Le pilote a embarqué trop près de l'entrée du port, n'a pas réussi à récupérer une situation dangereuse, et a aggravé l'erreur en demandant en avant demi.
  5. Défaut de compréhension des caractéristiques de manœuvre du navire.
  6. Disposition peu réfléchie des remorqueurs, qui auraient dû être pris de préférence sur tribord avant de passer le brise-lames.
  7. Défaut de mouillage à temps des ancres.
  8. Les lumières brillantes à terre, et leur réflexion sur l'eau ont altéré l'efficacité de la veille.


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