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Un navire A faisait route en pilote automatique cap au 104° à une vitesse de 10.8 nds avec un officier de quart expérimenté et un matelot de veille à la passerelle. Il faisait nuit mais la visibilité était bonne.
Un navire B était sur pilote automatique à un cap d'environ 43° à une vitesse de 19.5 nds avec un seul, mais très expérimenté, officier de quart à la passerelle. Les informations provenant de l'enregistreur de données de voyage du navire B indiquaient que l'officier de quart s'occupait de tâches autres que celles auxquelles il aurait dû se consacrer exclusivement, la navigation et la veille.
A environ 05h15, le veilleur du navire A avertit l'officier de quart qu'il y avait un navire sur tribord. L'officier détermina que ce navire était en train de dépasser le leur suivant un cap au 090° et devrait passer à 3 ou 4 encablures sur tribord. Il a essayé sans succès de pointer le navire sur le radar mais n'a pas pris de relèvement visuel du navire.
Quelques 17 minutes plus tard, les deux navires se trouvaient à moins de 3 milles l'un de l'autre suivant une route de collision. A ce moment, ou peu de temps après, le veilleur du navire A alerta pour la seconde fois l'officier de quart au sujet du navire sur leur tribord. Comme la distance entre les deux navires se réduisait, le veilleur alerta pour la troisième fois l'officier de quart sur la présence de l'autre navire. L'officier de quart commença à venir doucement sur bâbord. Il estima que cette évolution augmenterait la distance de croisement entre les deux navires.
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Peu après, le veilleur cria à l'officier de quart de «faire quelque chose». L'officier de quart se rendit compte à cet instant que la collision était imminente. Il prit la commande de barre en manuel et mit «à gauche toute». C'est alors que l'officier de quart du navire B vit pour la première fois le navire A, très près sur son avant bâbord, mais fut dans l'incapacité de faire une manœuvre d'évitement dans le court laps de temps qui lui restait.
Éléments du rapport officiel :
- L'officier de quart du navire A n'a pas déterminé que le navire B était en relèvement constant, et qu'il était à bord du navire non privilégié. L'inaction de l'officier de quart du navire A fait preuve d'un mépris total envers la sécurité du navire et de son équipage. Malgré son expérience et sa connaissance de Colreg, il a fait l'hypothèse erronée que le navire B passerait «clair» du sien.
- L'officier de quart du navire A n'a pas bien évalué la situation dès le début, ni reconsidéré son évaluation lorsque la situation n'a pas évolué comme il l'avait prévu. Même dans le scénario qu'il avait imaginé, il était prêt à accepter un CPA nettement en-dessous de celui spécifié dans les ordres de nuit du capitaine.
- Il est extrêmement difficile de déterminer ce que fait un navire de nuit, et même si l'évaluation est correcte, il n'y a aucune certitude venant d'un navire qui peut changer de route.
- La trop grande confiance de l'officier de quart du navire A en lui-même et dans sa capacité à évaluer à vue un risque de collision d'une part et le fait de sous-estimer la possibilité de rencontrer un autre navire en situation rapprochée d'autre part ont fait que cela l'a amené à ne pas prendre les actions nécessaires pour éviter la collision.
- Le chef de quart du navire B n'a pas mis de veilleur ni mis en service une quelconque alarme de veille, et a préféré ne se fier qu'à lui-même pour assurer une veille effective.
- Le chef de quart du navire B s'est laissé distraire par des tâches autres que celles de la navigation et de la veille, se mettant probablement ainsi dans une situation où il ne pouvait pas voir à l'extérieur de la passerelle ou encore avoir un œil sur les aides à la navigation.
- En assurant seul la veille sans disposer d'une alarme de veille, le chef de quart du navire B a fait preuve d'une conscience professionnelle réduite, négligeant systématiquement chacune des alarmes de sécurité qu'il aurait pu mettre en place afin d'assurer une veille effective.
- Le manque de respect du chef de quart du navire B pour ses fonctions primordiales de veilleur et d'officier en charge de la navigation peut être uniquement expliqué par une trop grande confiance en soi.
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Note de l'éditeur :
On aimerait penser que toute collision est évitable, d'autant plus dans des eaux non resserrées et par beau temps/bonne visibilité et avec des navires opérés par des chefs de quart expérimentés. Dans le rapport officiel, l'excès de confiance en soi est cité comme le facteur majeur contribuant pour les deux navires.
Alors que c'est très certainement le cas, l'excès de confiance en soi, par lui-même, n'est pas la cause fondamentale. Si les chefs de quart expérimentés des deux navires ont montré autant d'excès de confiance en eux dans cet exemple, on peut penser que cela a été le cas dans d'autres situations similaires. Pourquoi ce comportement n'a-t-il pas été relevé et corrigé plus tôt ?
Souvent de telles pratiques inacceptables ont été appelées à perdurer à cause d'une direction et d'un commandement insuffisant. Ce sont exactement ces déficiences qui sont sensé être prises en compte par le Code ISM. De manière ironique, le Code ISM n'est pas une panacée dans ce cas, le Code ISM ne peut se substituer à une bonne direction et à un commandement efficient.