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Le Capitaine et le Système Judiciaire Américain
 
  Traduction libre par le Cdt J.P. Dalby d'un article du Capitaine Warren G.Leback paru dans "Sidelights" n°37.  



       Il y a une tendance troublante et croissante dans le système Judiciaire Américain à criminaliser le Capitaine, Américain ou étranger, et dans certains cas le Chef Mécanicien. L'approche criminelle avant une audition, un arbitrage ou un procès en jugeant le Capitaine dans les médias, les communiqués de presse ou les déclarations avant que toutes les preuves, les faits et les éléments déterminants soient connus font qu'il est coupable avant qu'il soit prouvé innocent plutôt qu'innocent avant d'être reconnu coupable, ce qui était le principe de base lors de la fondation de notre pays. C'est la base de la protection des droits des citoyens.

       Outre la tendance troublante et croissante de la pré audition ou du pré jugement il y a la tendance croissante parmi les Procureurs Fédéraux ou d'États à poursuivre dans une affaire avec des vues politiques, ou d'amélioration de carrière, ou complaire à l'opinion publique et enfin et pas le moindre par égotisme. C'est un sujet de préoccupation légitime pour le Capitaine, ses officiers et son équipage. Le rôle du Procureur est de présenter les faits et les mobiles de l'affaire, non ses suppositions ou ses vues personnelles. Il doit être juste dans la présentation des faits.

       Avant la Deuxième guerre mondiale, une enquête soigneuse lors d'infractions maritimes et d'accidents étaient menée pour déterminer quelles étaient les personnes responsables, les témoins et les causes à l'origine de l'infraction ou de l'accident. Après avoir rassemblé les faits, les documents et les rapports, le Capitaine était jugé par un échantillon de ses pairs. Il était jusque là innocent jusqu'à ce qu'il soit prouvé qu'il était innocent ou coupable. S'il était coupable, les sanctions étaient examinées, soit une suspension ou une perte définitive de son brevet de capitaine. Le jugement par ses pairs assurait qu'il allait être jugé par des capitaines, navigants qualifiés et expérimentés, bien au fait des opérations des navires de commerce et des lois maritimes applicables au cas. Il faut garder à l'esprit que le capitaine était présumé innocent jusqu'à ce qu'il soit prouvé qu'il était coupable, et il était traité comme un innocent et non comme un criminel.

       Il existe trois catégories qui régissent les sanctions applicables aux actions du Capitaine :

  1. La violation délibérée des lois maritimes et sur l'environnement :


  2.        Ce sont les cas où le Capitaine donne un ordre direct ou viole délibérément les lois applicables. Il ne peut et ne doit pas être tenu pour responsable des membres de son équipage qui violent délibérément les lois maritimes ou environnementales. C'est cependant le devoir et l'obligation du Capitaine d'informer et d'entraîner son équipage par des réunions sécurité /environnement, des notifications, la politique et les circulaires compagnie pour s'assurer qu'ils sont plus qu'au courant des lois et des sanctions. Ne pas le faire, pourrait, tout au plus, amener une lettre de réprimande. Le Capitaine ne doit pas être tenu pour responsable des actions individuelles d'un membre de l'équipage si celui-ci a été correctement informé des lois maritimes et environnementales. Le membre d'équipage doit être tenu pour responsable s'il viole délibérément les lois maritimes ou environnementales. Il doit être sanctionné selon les termes des lois.


  3. Violation directe des lois maritimes et environnementales couvrant :


    • Le rejet délibéré à la mer d'eau huileuse, d'eau grise et de boues.
    • Le rejet des résidus de lavage de citernes.
    • Le rejet à la mer des ordures, des déchets, de fardage et de peintures ou chimiques.
    • Changement de ballast dans ces zones protégées où le changement est interdit.

           Si un Capitaine donne l'ordre d'effectuer l'une quelconque des actions précédentes ou laisse faire en connaissance de cause, il doit être sanctionné selon les peines prévues. Cependant, si un membre d'équipage commet un des actes précédents mais que le Capitaine n'en a pas connaissance, le membre d'équipage doit être poursuivi par les autorités.


  4. La négligence du Capitaine doit être jugée avec les pénalités prévues si l'on constate que la tenue à jour des registres, des documents, des enregistreurs de données est incomplète ou que ces documents ne sont pas tenus à jour.


  5.        La négligence ne doit pas être utilisée dans les cas d'accidents à moins qu'il n'y ait des preuves écrasantes que la négligence du Capitaine ait contribué à l'accident.

           Les accidents au navire, aux appontements, aux quais, aux équipements de manutention et aux aides à la navigation nécessitent la collecte de preuves avant de juger le Capitaine. Il ne doit pas être jugé sur des on-dit ou des suppositions.
    • Les enregistrements du navire avant, au moment et après l'accident.
    • Interrogatoire des témoins et sauvegarde de leurs déclarations.
    • Conditions météorologiques avant et au moment de l'accident en ce qui concerne la visibilité, le vent, les courants de marée et de rivière.
    • Déclaration du Capitaine sur ces actes jusqu'au moment de l'accident, à l'instant de l'accident et les actions après l'accident.


           On ne devrait pas utiliser le phrase rebattue "Capitaine, n'auriez-vous pas du faire ceci…" (en énonçant ce que le Procureur suppose). Il faut garder à l'esprit que lors de l'accostage ou de l'appareillage le Capitaine a un plan qui n'est pas basé sur les théories des textes mais sur l'expérience et sur ce qu'il a fait auparavant. Il doit et il prend en compte le vent, les courants de marée et en rivière, la proximité des autres navires et du trafic, les capacités manœuvrières du navire, mais aussi les réponses aux manœuvres machine, commandée manuellement ou électroniquement et la position des remorqueurs nécessaires, l'utilisation des ses amarres et l'aide du personnel du quai.

           Il a en outre en tête des manœuvres alternatives au cas où le navire ne répondrait pas à ses ordres. La décision de la mise en oeuvre des ces plans alternatifs doit être immédiate, basée sur une modification du vent, de la marée ou du courant. Il sait aussi parfaitement quel est le déplacement de son navire, et le temps nécessaire pour neutraliser une manœuvre qui a été affectée par un changement des conditions météo. L'accostage ou l'appareillage d'un navire n'a rien à voir avec le fait de garer de votre voiture, ou faire culer un semi-remorque dans sa baie, ou faire reculer un train sur une voie de garage ou poser un avion. C'est compliqué, influencé par le vent, la marée, le courant et les effets hydrodynamiques du navire lui-même.

           Le Capitaine mérite une audition équitable et impartiale libre de toute idée politique, d'avancement de carrière, d'ego et de pré jugement.

           La tendance à la criminalisation des Capitaines et des Chefs Mécaniciens fait qu'on les traite comme s'ils avaient déjà été condamnés. Leur traitement dans la plupart des cas est beaucoup plus dur que celui d'un dealer de drogue, d'un criminel présumé, d'un voleur, d'un violeur et d'un grand nombre d'autres criminels. L'approche utilisée directement ou indirectement, c'est-à-dire punir pour l'exemple un pauvre Capitaine ou un Chef Mécanicien, "Jeter l'anathème" sur chaque Capitaine ou Chef Mécanicien n'est pas cohérent avec le système juridique. Il nous faut revenir en arrière au temps où nous avions un système équitable et juste.

           Pour finir, le cas du Capitaine Wolfgang Schröder accusé et déclaré coupable de négligence criminelle ayant provoqué la mort d'un ouvrier portuaire de Mobile, Alabama, est un déni de justice. Le Capitaine Schröder est la victime de circonstances hors de son contrôle, y compris la société de réparation qui a autorisé son ouvrier à commencer les travaux de réparation alors qu'un navire appareillait. Il est certain que si l'ouvrier s'était trouvé à distance de sécurité il serait en vie aujourd'hui et la seule victime serait le portique qui est réparable.

           Le Ministère de la Justice des États-Unis doit publier des directives strictes pour les Procureurs Fédéraux et d'États leur indiquant que leur rôle est de présenter de façon équitable et impartiale les faits et les éléments sans vouloir en tirer un gain personnel ou se bâtir une réputation. Nous avons relégué l'expérience au placard au profit de jeunes Procureurs agressifs et brillants. Et cela aux frais des citoyens.

Le Capitaine Warren Leback a servi dans l'Administration de George H.W. Bush comme Administrateur Maritime. Il est maintenant Président de Apostleship of the Sea - United States of America.



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