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Echange européen dans le domaine des enquêtes
consécutives aux pollutions causées par les navires

 
Compte rendu de l’AFCAN suite à sa participation au séminaire AGIS les 17,18 et 19 mai 2006 à la Préfecture Maritime de Brest.



Objectif de ce séminaire :

Rencontre entre juristes et intervenants européens dans les processus de détection, analyse, et traitement juridique en cas de pollution marine par hydrocarbures.


Séminaire organisé par la Gendarmerie Maritime, piloté par le Lieutenant-colonel Duval.

Le déroulement de ce colloque était le suivant :
Cette présentation était vivante et plaisante à suivre.

Nous avons été accueillis à la Préfecture Maritime par le Vice-Amiral d'escadre Mérer,
... qui ce jour là devait également "gérer" le retour du Q790.

Ses souhaits sont :


Le Commissaire en chef Verdeaux, membre du Secrétariat Général de la Mer,
fut le premier intervenant.

Il a présenté l’organisation typiquement française du SG Mer, qui dépend du Premier Ministre et touche transversalement 12 ministères différents.

Le Premier Ministre définit les objectifs annuels.

Le SGMer est dirigé par le Haut Fonctionnaire Xavier de la GORCE assisté de chargés de mission pour ce qui constitue "l’ingénierie maritime".
Dans le cadre des pollutions maritimes par hydrocarbures, les moyens relèvent des ministères suivants :

En cas de pollution Outre-Mer, le Délégué du Gouvernement se substitue au Préfet Maritime, pour le traitement de la crise.

Cette organisation française aurait le mérite d’être un système simple et cohérent, économe en moyens mais exige une parfaite collaboration entre les différents ministères et partenaires.

En cas de pollution maritime par hydrocarbures, les points durs restent :
Pour cela des mesures réglementaires ont été mises en place depuis 2000 et les sanctions ont été renforcées en 2001 puis en 2004 pour atteindre le montant maximal théorique de 1 million d'euros ou 4 fois le prix de la cargaison transportée.
Un vide juridique subsistait en mer Méditerranée puisqu’il n’y avait pas de ZEE ; depuis 2003 et la création d’une zone de protection écologique les pays riverains se sont dotés d’un outil juridique.

En France les 3 tribunaux spécialisés dans les pollutions marines sont :
La détection de pollutions se fait actuellement de jour. La mise en oeuvre des outils de détection de nuit est en cours d’achèvement. Le coût des sanctions oscille entre 100 000 et 800 000 € imputables à l’opérateur du navire.


Le Dr. Zeitler, de la commission européenne, Chef du département justice, liberté, sûreté
nous a ensuite fait le point de la législation en vigueur au niveau européen.

Le crime environnemental a été défini en 1999 à Tampere (Finlande).

En 2005, deux nouveaux outils réglementaires sont sortis :
Le bilan final est moins ambitieux que le projet initial du fait de pressions de pays européens à forte influence maritimes. Toutefois ces textes s’appuient sur les lois internationales (Marpol et droit de la mer), les sanctions énoncées s’appliquent à tous.
La Décision, responsabilise les personnes morales et légales, vise à une harmonisation des sanctions pénales ainsi que l’échange d’informations.

Les sanctions préconisées par l’Europe sont :
La convention sur le droit de la mer, stipule que seul les "nationaux" sont passibles de prison par l’Etat côtier. La France propose que la citoyenneté européenne soit reconnue et ainsi tous les ressortissants européens seraient passibles de prison devant toutes les juridictions européennes ; bien évidemment certains pays membres s’y opposent…
Le problème est que la Cour de Justice Européenne a annulé ces instruments ce qui a pour conséquences de renvoyer tout ce projet devant le parlement et le conseil. Une nouvelle directive est en préparation pour 2008.
Toutefois un 3eme pack sur la sécurité maritime est sorti en novembre 2005, visant à une mise en place d’une politique maritime sous la forme d’un papier vert.
De même un inventaire des moyens de l’action de l’état en mer est en cours au niveau de tous les pays maritimes afin d’évaluer l’opportunité de la constitution d’une Coast-Guard Européenne.

Le Commissaire en chef Verdeaux, membre du Secrétariat Général de la Mer
nous a ensuite exposé la problématique état du pavillon / état côtier ou du port.

La convention de Montégo Bay permet sous l’article 228 de "dépayser la procédure" en cas de pollution marine. Cela sous le principe de la primauté de l’état du pavillon.
Toutefois cette même Convention prévoit une clause de sauvegarde dans les cas suivants : Il s’en suit donc un débat de juristes relatif aux outils Marpol /Montégo bay.
La France a transposé Marpol et la convention de Montégo bay dans son code de l’environnement (Art 218 et suivants).
Marpol précise (article 4) que l’état côtier a la juridiction mais peut la rétrocéder à l’état du pavillon en lui rétrocédant les preuves de l’infraction.
Marpol traite de rejets illicites, la convention de Montégo bay est elle plus généraliste. Il existe une notion de gravité du dommage subit. Le critère étant celui des zones concernées (zones naturelles particulièrement vulnérables, zones économiques exclusives, zones spéciales Marpol, zones de protection écologiques…) dans lesquelles tout rejet est interdit. Dans ce cas il y aurait donc faute grave.
De plus le non respect de la réglementation internationale par l’état du pavillon est un sujet encore plus délicat car il doit être apprécié à plusieurs reprises et est plus technique (ports state control, listes MOU blanc / gris / noir).
La polémique porte également sur le fait de savoir quelle convention est antérieure à l’autre…
D’un coté Montégo bay est calendairement plus récente à Marpol ;
De l’autre coté, Marpol faisant l’objet de révisions annuelles à l’OMI peut de ce fait être considérée comme postérieure.
Enfin on assiste à un "grignotage" de l’état côtier sur le droit de la mer.
La gravité du dommage peut être estimée d’après les critères suivants : En France, la décision de délocaliser une affaire est prise par le juge après concertation avec le Ministère des Affaires Etrangères au regard de ces 2 critères (gravité du dommage et mise en application des outils législatifs internationaux dans l’état du pavillon).
A ce jour, à Brest, 2 affaires ont été "exportées" , l’une vers la Norvège l’autre vers Malte.
Ces exportations posent un autre problème qui est de savoir si les sanctions imposées par l’état du pavillon semblent raisonnables pour l’état côtier, et peut-on être jugé 2 fois pour une même affaire.
La réglementation internationale évoque l’immobilisation selon la nature du dommage.
Le dommage peut être important, majeur ou grave. Dès qu’il a lieu dans la zone côtières des 12 milles marins, il est considéré comme grave et plus encore s’il a lieu dans la zone littorale.
Dans de tels cas la France déroute le navire.
La Suède, la Belgique et la Grande Bretagne considèrent comme majeur tout déversement de plus de 1000 litres…
Quels sont alors les moyens de mesure ?…
Les Accords de Bonn nous apportent une réponse avec les codes d’apparence.
Lors de sa réunion annuelle de septembre à Stockholm, la réunion des parties contractantes de l'Accord de Bonn a adopté un nouveau code d'apparence des nappes d'hydrocarbures. Ce code d'apparence remplacera, à compter du 1er janvier 2004, le code couleurs utilisé pour décrire et quantifier les déversements d'hydrocarbures. Un guide d'utilisation devrait être bientôt disponible sur le site de l'Accord.

 CODE D'APPARENCE   EPAISSEUR  QUANTITES
   nappe (en μm)   litres/km2
 Reflet (gris argenté)  0,04 - 0,3          40 à      300 - Pas toujours perceptibles d’avion
 Arc-en-ciel   0,30 - 5,0        300 à    5 000 - Preuve de présence d’hydrocarbures.
 Métallique  5 – 50     5 000 à  50 000
 Vraie couleur discontinue   50 – 200   50 000 à 200 000
 Vraie couleur continue  >200    Plus de 200 000


M. Rabuteau, du réseau Allégans,
(réseau de compétences de juristes et d'universitaires spécialisés dans le droit applicable aux activités maritimes et à la protection du milieu marin),
nous a présenté les aspects juridiques de la preuve :

En France, une observation visuelle par un agent assermenté complété de photos constitue une preuve.
Pour mémoire sur une photographie il n’est pas possible de détecter une pollution de moins de 100ppm.
Le témoin des faits doit être un agent verbalisateur assisté d’un témoin. Il s’appuie sur le code d’apparence défini lors des accords de Bonn.
Il dresse alors un procès verbal. Ce Procès verbal fait foi jusqu’à preuve du contraire (art L218-28 du code de l’environnement).


M. Cosse, du service des Douanes,
nous a présenté les moyens de collecte des preuves.

Depuis 1980, la France est dotée de moyens de télédétection aéroportés pour usage diurne.
Les preuves peuvent être également collectées par des aéronefs de la marine puisqu’il suffit d’avoir un agent assermenté, un témoin et des photos.
Pour estimer les volumes déversés les avions instrumentés sont équipés : Dans la pratique et pour éviter des procédures qui n’aboutissent pas, les PV ne sont dressés que lorsque des nappes de vraie couleur discontinue ou vraie couleur continue avec des irisations arc en ciel sont détectées. On est alors certain qu’il s’agit d’hydrocarbures, et les quantités déversées sont suffisamment importantes pour qu’il s’agisse d’une pollution grave.
Pour mémoire, l’oeil ne peut percevoir que les pollutions supérieures à 100ppm et les avions sont équipés d’AIS VHF qui ont alors une portée de 200km.


M. Parthiot, du Cedre,
nous a présenté les premiers résultats " encourageants " ( ?) de la télédétection par satellite.

Les satellites de positionnement maritimes existent depuis 1972 système Transit) et ont gagné en suivi de position comme en précision (GPS,…).
En France, depuis 8 ans, des essais de détection de pollution sont en cours et depuis 2 ans, des cartes de vents locaux sont en cours modélisation.
Actuellement 2 satellites équipés de radars, sont en mesure d’effectuer des images (un canadien et un européen).
Les images transmises sont de 400 km / 400km et une résolution de 100 m permet de faire de la détection de pollution par détection de différence de rugosité, preuve d’un "filage d’huile".
D’ici 2-3 ans, la constellation va s’étoffer et une carte journalière devrait être traitée dans les 30 minutes afin de déclencher les alertes en temps.
Aujourd’hui, lors des passages diurnes, on observe surtout des nappes anciennes qui ont été déformées par les vents et courants de surface, sans que le pollueur soit nécessairement sur l’image ; les navires sont également visibles et leur position peut être connue.
Lors des prises de nuit, lorsqu’il y a flagrant délit, le navire fait un point blanc au bout de la nappe noire.
Des images nous ont été présentées et il est aisé de faire la différence entre un navire pollueur (car à l’extrémité de la nappe) et un navire qui traverse une nappe (le sillage du navire "coupe" la nappe et elle ne se referme pas).
Les systèmes de traitement d’images sont en mesure de donner une position du navire, en couplant cela à un AIS longue distance tel que prévu par l’OMI, la culpabilité du navire sera alors aisée à démontrer.
Pour mémoire, un avion muni d’un AIS VHF a une portée de 200km. En zone sous contrôle côtier, un re-jeu de la navigation peut être réalisé.


Lieutenant-colonel Duval.
Une fois le pollueur identifié, l’état côtier (ou du port) doit avoir la certitude de la culpabilité avant d’être en mesure de procéder au déroutement du navire.

Le premier déroutement de navire a eu lieu en 2003.
Basé sur l’accord de Montégo Bay, la France s’est dotée des outils juridiques pour lui permettre ces déroutements : Le déroutement du navire permet : La signification du déroutement peut être faite par aéronef.
En cas de refus de déroutement, l’identité du navire ayant été prise, une amende de 150 000€ s’ajoutera à celle de la pollution. Le navire sera certainement dans un port européen, où il sera aisé de lui signifier ses infractions et de le poursuivre.
Les éléments de l’infraction sont transmis par Internet au Procureur qui, dès lors qu’il a la conviction de pollution volontaire par hydrocarbures dans la ZEE française, peut exiger le déroutement du navire.


M. Kérébel, chef du Centre de Sécurité des Navires du Finistère nord,
nous a présenté le déroulement de l’enquête technique à bord du navire dérouté.

Deux inspecteurs du CSN, sont d’astreinte 24h/24 et 7jours/7 pour assurer l’expertise et le rapport d’enquête technique.
Ils sont à bord du navire à son arrivée à quai. Leur inspection cible la gestion des résidus machine.
Ils sont de 2 types : Pour mémoire un navire qui consomme 100t de FO/jour génère 1t de résidus/jour.
Tout rejet de boues ne peut être qu’un acte volontaire.
Par contre de nombreux rejets peuvent être dus à des dysfonctionnements de séparateurs à eaux mazouteuses (EMZ). Dans ce cas, un contrôle de bon fonctionnement du détecteur et de l’électrovanne associée permettent de savoir s’il s’agit d’un acte volontaire ou pas.
L’expérience montre que des pollutions peuvent aussi avoir pour cause des communications entre ballasts eau de mer et les soutes de FO (défaut de cloisons ou plus fréquents défauts d’étanchéité des tuyautages compris dans ces capacités).
L’inspection à bord porte sur les points suivants : Le but étant d’établir un rapport technique objectif au procureur.
Les Inspecteurs du CSN reconnaissent que les séparateurs EMZ ne sont pas assez performants pour être en mesure de traiter les émulsion présentes dans les cales machine et que la seule solution pour avoir aucun rejet serait de disposer de capacités de rétention suffisantes, combinées à un débarquement obligatoire au port des déchets d’exploitation, ceci à peu de frais et sans perte de temps d’exploitation pour les opérateurs des navires.
De son côté la Gendarmerie Maritime, mène son enquête à bord du navire et contrôle la correspondance entre les registres d’hydrocarbures et les existants en soutes et capacités du bord.


M. Tarabeu, Procureur de la république au Tribunal de Grande Instance de Brest,
nous a présenté le rôle du procureur dans le déroutement du navire, le traitement des informations collectées et le déroulement de la procédure juridique.

En cas de pollution il existe 3 niveaux d’analyse : Les deux premières analyses portent sur les faits tandis que la cassation porte sur la question de droit de l’affaire jugée.
Les trois instances ont leurs propres commissions d’enquêteurs techniques et administratifs.
Pour que le déroutement soit possible trois conditions sont impératives : Ceci en respectant la règle 11 de Marpol, sauf sauvegarde de la vie ou avarie… Pour qu’il y ait avarie, cela doit avoir une notion accidentelle et ne pas résulter d’un défaut d’entretien ou de non intervention sur un dysfonctionnement longuement constaté…
Sont alors convoqués : Les peines prononcées sont importantes (entre 100 000 et 800 000 € ).
Une harmonisation des peines est nécessaire au sein de la Communauté Européenne ; a ce jour elles peuvent aller jusqu’à 4 fois le prix de la cargaison ou 1 million d’Euros.
Des peines complémentaires de publicité dans les revues institutionnelles sont également exigées (Lloyd’s list, presse de grand public et spécialisée).
L’Italie s’appuie sur le code ISM pour élargir les responsabilité à d’autres acteurs de la chaîne de décision ou d’organisation de la compagnie.
En France le propriétaire et l’opérateur du navire sont responsables au civil et doivent assumer 90% de la peine infligée (10% de la peine étant attribuée au Capitaine).
En Grand Bretagne, la preuve d’intentionnalité est nécessaire.
Si le Capitaine, l’armateur ou l’opérateur ne sont pas présents au procès, le jugement à tout de même lieu et est réputé contradictoire du fait qu’une convocation en mains propres leur a été remise lors de l’immobilisation du navire. Le système français repose sur le principe de la caution qui est répartie entre : En France, il y a liberté de la preuve ce qui veut dire qu’un PV accompagnée d’une photographie d’un autre pays, sont recevables en cas de délit dans la ZEE française.


Le Cdt Le Calvez, membre de l’Association Française des Capitaines de Navires
a présenté comment un navire produit des déchets d’hydrocarbures et comment ils sont traités avec les moyens du bord.

Cet exposé est en ligne sur le site Internet de l’AFCAN :
http://www.afcan.org/dossiers_techniques/gestion_dechets_huileux.html
et un autre dossier est également disponible : http://www.afcan.org/dossiers_techniques/gestion_residus.html
Intervention de l’auteur :

Sans cautionner ou justifier les rejets volontaires à la mer, nombre de Capitaines sont confrontés au problème suivant : Pour traiter ces eaux mazouteuses, et avant tout rejet d’effluents à la mer, les bords ne disposent que du séparateur EMZ 15ppm.
A ce jour rares sont les navires équipés de séparateurs EMZ suffisamment performants pour être en mesure de traiter les émulsions (séparateurs conformes à la résolution MEPC107(49)).
Les autres séparateurs approuvés par l’OMI (et toujours en service sur de nombreux navires) n’ont pas fait l’objet de test en présence d’émulsion et la résolution A393(X) de l’OMCI précise bien que "ces séparateurs ne sauraient non plus traiter les hydrocarbures à très haute densité relative ou les mélanges se présentant sous forme d’émulsion" (§5 du préambule de l’annexe) .
La nouvelle résolution MEPC 107(49) n’est applicable qu’aux navires mis sur cale après le 1er janvier 2005 ou en cas de remplacement du séparateur EMZ après cette date.
Du fait de cette nouvelle résolution, L’OMI reconnaît tacitement que les séparateurs existants sont incapables de traiter les émulsions effectivement présentes dans la tranche machine.
Mais comme elle n’impose pas de date butoir pour exiger le remplacement de tous les anciens modèles de séparateurs, ces derniers resteront à bord avec leur certificat OMI le temps de la vie du navire.

De ce fait, tant que :
il est utopique de croire que les bords sont en mesure de traiter les résidus d’exploitation de la tranche machine.
La lutte contre la pollution par hydrocarbures a un prix, qui doit également intégrer celui de la prévention, comme celui de la mobilisation. Aussi je sollicite votre mobilisation sur ce sujet afin que le problème trouve une véritable solution pour tous.


Conclusion :

Ce séminaire parfaitement organisé, fut très ouvert, riche en échanges d’idées et très instructif (aussi bien sur le plan réglementaire que concernant la description des moyens dont dispose la France).
Absent le dernier jour, je ne peux pas vous présenter les systèmes de nos voisins européens.
Je me félicite de la présence de nombreux membres (et futurs membres) de l’Union européenne et n’exprime qu’un seul regret, celui de ne pas avoir pu rencontrer des représentants des nations à forte influence économique maritime comme la Grèce, Malte ou Chypre…

Cdt Christophe Maguin
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