Dès l'ouverture de l'audience, à 14H, Me Coste, avocat du Cdt Hoyt, capitaine du paquebot Azura, a déposé une QPC, comparable à celle faite au TGI à Marseille, et a essuyé le même refus.
A la demande de Me Coste, j'ai témoigné sur les conditions de commande et de livraison des soutes, qui échappent totalement au capitaine. J'ai eu droit au test de sincérité par l'avocat général, qui m'a demandé si j'avais assisté à l'audience du TGI à Marseille. J'ai répondu oui, car l'affaire concernait directement l'Association Française des Capitaines de navires, pour l'assistance juridique qu'elle apporte à ses adhérents. L'avocat général a ajouté "j'aurais dû vous récuser, mais je ne l'ai pas fait. Continuons". Cela signifie qu'il avait déjà connaissance de ma présence à l'audience précédente et m'aurait immédiatement récusé si j'avais dit non. J'ai eu droit à plusieurs questions, de la part de l'avocat général, du président du tribunal et de ses assesseurs, d'un avocat des parties civiles, et de Me Coste. J'ai donc expliqué comment cela se passe et les instructions qui sont remises au capitaine dans les grands armements.
Le président du tribunal m'a signifié ensuite qu'il n'avait plus de questions à me poser, que je pouvais donc quitter la salle, ou rester si je le souhaitais. Je suis donc resté jusqu'à la fin, peu avant 20h00.
Après mon témoignage, l'avocat général a présenté ses réquisitions, en fait un copié-collé de celles du TGI, mais en simplifié, disant qu'il était inutile de revenir sur les analyses et enquêtes effectuées, car les mesures sont parfaitement établies.
La plaidoirie de la défense était très complète, basée essentiellement sur le rejet de la QPC qui confirme que l'affaire est basée sur une infraction à un règlement et non à une loi. Me Coste a donc tactiquement fait répéter le rejet de la QPC. En première instance, le tribunal a requis une peine de prison pour infraction à une loi, qui n'est donc pas applicable dans le cas de l'AZURA. De nombreuses références sur ce sujet ont été fournies. S'appuyant sur mon témoignage, et avec de nombreuses preuves à l'appui, le commis ne peut être tenu responsable d'une faute commise par le commettant, or le capitaine de l'Azura avait des instructions écrites, fournies à la cour, lui donnant instruction d'utiliser du fuel à 3% de soufre sur le trajet Barcelone-Marseille. La compagnie Carnival, n'ayant pas été citée à comparaître, ne peut être jugée sur cette instruction. Enfin, le chef du centre de sécurité des navires de la région PACA a modifié ses déclarations faites lors du contrôle du fuel à Marseille, disant aujourd'hui que le capitaine n'était pas conscient de l'infraction, pour déclarer lors de son témoignage en première instance, que le capitaine était conscient de l'infraction.
Les plaidoiries des parties civiles ont expliqué qu'elles avaient organisé des tables rondes, et qu'elles réclamaient une compensation pour les frais engagés et le préjudice moral qu'elles ont subi. La défense a rejeté ces demandes, car elles n'avaient pris aucune mesure pour réduire la pollution de l'air reprochée au capitaine.
Le président du tribunal a suivi avec beaucoup d'attention la plaidoirie de la défense, l'interrompant pour demander si un point de la démonstration figurait bien dans les conclusions qui lui avaient été remises.
L'avocat général qui donnait l'impression de ne pas écouter la plaidoirie, est intervenu à un autre moment, estimant être mis en cause par la défense, ce qui a instantanément été dénié par l'avocat.
L'audience a duré 6h.
Le 12 novembre, le tribunal a prononcé la relaxe et débouté de leurs demandes indemnitaires toutes les ONG qui s'étaient constituées parties civiles. La défense avait beaucoup insisté en appel sur l'absence de preuve de l'élément moral de l'infraction (l'intention). Carnival a été mise hors de cause car elle n'était citée qu'en qualité de partie civilement responsable et il fallait une condamnation du capitaine pour qu'elle puisse être condamnée.
Cdt F.X. Pizon
Vice-président de l'AFCAN