Retour au menu
Retour au menu

REJETS ILLICITES :
LES TRIBUNAUX FRANÇAIS PRENNENT LE MORS AUX DENTS !



      Poussées par une opinion publique littorale mettant dans le même sac les pollutions volontaires ou involontaires, les accidents majeurs et les incidents mineurs, les autorités françaises ont durci la législation et les procédures de répression des infractions ci dessus.
      Se considérant comme menacée par toute pollution survenant dans ses eaux territoriales ou sa Z.E.E. (zone économique exclusive) la France a chargé 3 tribunaux (LE HAVRE, BREST, MARSEILLE) de sanctionner ces délits, PARIS se réservant la haute mer et les affaires dites complexes type " ERIKA" ou " PRESTIGE ". Ces tribunaux ont été renforcés en personnel dans ce but.

      Nous relevons dans la presse locale ce qu'aurait dit le procureur :

"La justice dispose-t-elle d'arguments suffisamment convaincants face à des armateurs habitués à brasser des millions de dollars?…
Les prochains textes de loi porteront l'amende à un million d'euros en cas de dégazage constaté…elle pourra monter jusqu'à la valeur du navire ou 4 fois le prix de la cargaison….
Les capitaines de ces cargos continuent de nier les faits qui leur sont reprochés…au mieux, ils avancent toujours des excuses techniques.
D'ailleurs avec le paiement de la caution, c'est plutôt l'armateur que l'on vise, même si c'est le capitaine qui comparait!"

      Le procureur semble oublier que si le capitaine était français l'amende serait pour lui.
Il semble surpris de la vitesse avec laquelle la caution est payée, c'est oublier que les P&I maintenant avertis sont prompts à régler la somme si l'armateur est solvable et les banques coopérantes.
      En cas de soupçon de pollution (une simple photo suffit) le déroutement sur un port français est exigé. Un navire ayant refusé a été pisté juridiquement de port en port et appréhendé à son retour sur zone.
      A l'arrivée au port, visite du navire, mise en examen et fixation d'une caution conséquente (record provisoire à 500 000 € dans l'attente d'un nouveau durcissement à l'étude au parlement). Si le capitaine n'est pas français, il ne risque pas l'emprisonnement sauf si la pollution a lieu dans les eaux territoriales. Encore que le "pacha" de l'ERIKA ait passé 15 jours en détention provisoire pour le "protéger " des influences de ses armateurs et assureurs.
      Après paiement de la caution et avis favorable du centre de sécurité sur la bonne navigabilité du navire, une date sera fixée pour le procès et le navire pourra repartir. Pour le procès et surtout son jugement, il faut savoir qu'en France les preuves ne sont pas obligatoires, il suffit que des présomptions emportent l'intime conviction des juges pour qu'il y ait condamnation.

      Dans le climat actuel la condamnation du capitaine (et de son armateur s'il est co-accusé, ce qui n'est pas toujours le cas) peut être considérée comme probable si ce n'est certaine, voire systématique.

      Ainsi l'exemple suivant :

      Pour mémoire: un navire ro-ro bulgare quitte AVILES en Espagne le 29 juillet 2003 et cap au nord à 11 nds en direction de OUESSANT est repéré par un avion de la Marine Nationale.
      Le sillage est irisé, ayant une apparence que l'on trouve répertoriée dans les "accords de BONN".
      Un navire de la marine nationale à proximité envoie un "rescue boat" pour prendre des prélèvements et le navire "accepte" d'être dérouté sur Brest, il est vrai qu'il est accompagné par une frégate !
      Le laboratoire d'analyses appartenant à la Marine Nationale constate une similitude vraisemblable entre les échantillons pris en mer et l'hydrocarbure du puisard machine du navire incriminé mais pas de son fuel (sur 6 échantillons, un seul est exploitable et les analyses limitées à 2 au lieu des trois nécessaires pour confirmer…Quand on sait que l'on ne peut différencier le fuel du PRESTIGE de celui du TRICOLOR!!).
      La défense obtient tardivement la possibilité de voir les photos prises par l'avion ainsi que la VIDEO. Les conclusions de la défense sont mitigées :
            - les spécialistes ITOPF, P&I et certains experts des avocats parisiens semblent admettre la thèse que le navire a pu polluer ;
            - pour d'autres experts, plusieurs éléments photographiques apportent l'indication que le navire a pu traverser une nappe très fine préexistante révélée par les remous du sillage.
      En effet d'après les déclarations du pilote de l'aéronef verbalisateur concernant la couleur de la pollution et de sa surface on peut en déduire qu'il s'agit d'une pollution de 70 à 700 litres d'hydrocarbures. A ce sujet et au tarif des amendes on pourrait espérer l'utilisation d'un matériel un peu plus savant pour connaître la nature, l'épaisseur et la surface de la pollution.
      Le bilan d'hydrocarbures du navire montre que régulièrement les boues des caisses de rétention sont vidées en BULGARIE. Le cahier d'hydrocarbures est régulièrement rempli mais une erreur de code y figure.
      La défense forte de son expérience et d'autres jugements pour pollution pense qu'il serait moins coûteux de "plaider coupable" et de chercher un défaut technique à bord.

      Un expert du P&I trouve un défaut de conception et de conduite sur le séparateur des eaux mazouteuses 15 ppm.
      L'audience a eu lieu à Brest le 18 novembre et le jugement mis en délibéré.

Jugement du 16 décembre:

- Amende 200.000 € + 2 x 850 € de frais de publication dans J.M.M. et Lloyds list.
- 6 associations et/ou syndicats sont parties civiles:
            • 5 reçoivent 3000€ + 300€ pour frais de défense
            • la 6º ne s'était pas présentée à l'audience, n'a demandé que 2500 € et reçoit 2800€ !

Total : 221.000 €
Caution déposée : 300.000 €

        Sous la pression et pour bien montrer que le tribunal de Brest prenait à bras le corps ses nouvelles compétences, le résultat était prévisible. L'appel du défendeur était également prévisible, devant l'énormité de la sanction pour une pollution minime et si réellement imputable au navire, accidentelle et involontaire.
      A notre avis cela devrait se terminer devant la justice européenne ou internationale. (Voir les affaires de saisies de navires de pêches aux Kerguelen et les déboires du tribunal de la Réunion qui a vu ses jugements ramenés à de plus justes proportions.)

      Il n' a jamais été question un instant au tribunal, de savoir s'il y avait pollution volontaire ou involontaire, s'il y avait effectivement un problème technique ou une malveillance à bord, s'il s'agissait de vidange crapuleuse des boues ou d'un pompage accidentel des eaux de cale machine ! Du personnel machine en charge des mouvements de fuel et ses dérivés à bord, seul le chef mécanicien a été interrogé, pas les autres.

      La parole des militaires constatants est sacrée et reçue par la cour avec une onction de chattemite... Colbert n'a pas encore été enterré. Le jugement était fait dès l'accostage du navire; ensuite,
le parquet ne pouvait se déjuger et donc la peine devait être approximativement égale à la caution. Tout est basé sur la "conviction intime du juge " bien aidée par les déclarations sans nuances des autorités relayées par les médias.

      Un nouveau moyen de gagner sa vie.... se présenter à l'audience comme partie civile et demander des dommages et intérêts...aucun risque, peu d'effort et ce n'est pas imposable!

      Apparemment, "on" est peu regardant sur les justificatifs présentés par certaines associations confidentielles pour se porter partie civile (ancienneté, action, etc.).

      Bien sûr, il faut reconnaître le travail des associations sérieuses dont l'action est réelle et indispensable, et dont les demandes d'indemnisation peuvent être justifiées. On peut être plus réservé sur d'autres qui seraient plutôt des professionnels du brassage d'air.

      On attend toujours la mise en examen de l'armateur pourtant annoncée lors de l'arraisonnement du navire.

      Résultat une amende de 200 000 € pour un capitaine qui gagne 3 000 € par mois. Et encore, heureusement pour lui, il n'était pas français, car comme l'a rappelé le procureur, si cela avait été le cas il aurait déjà été incarcéré !

      Après le procès du CMA/CGM VOLTAIRE dont l'innocence nous paraissait encore plus évidente et qui s'est soldée par une amende de 100 000 € nous avons le droit de nous interroger sur le sérieux de notre justice. D'autres navires ont été déroutés sur BREST suite à des observations visuelles de la douane et de la Marine, et nous remarquons que toujours, d'emblée, le procureur fait étalage de sa conviction de la pollution volontaire.

      Sur 3 navires il a été constaté après étude que le séparateur à eaux mazouteuses 15ppm avait eu un dérèglement accidentel de fonctionnement (la prise d'échantillon obstruée ou alimentation en eau de rinçage ouvert vers le détecteur optique). Nous n'avons jamais eu une grande confiance dans cet appareil mais ce serait dommage de perdre son honneur "et sa chemise" pour une utilisation de cet appareil dans les 200 miles des côtes !

      Les pollutions volontaires clairement établies doivent être lourdement sanctionnées, mais y aura-t-il encore des capitaines assez fous pour naviguer avec les risques de pénalités identiques pour des délits involontaires qui méritent plus de mesure ? Doivent-ils rester sous le glaive d'une justice toujours à charge ?

Le bureau de l'AFCAN




Retour au menu
Retour au menu