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Extraits de la conférence I.M.T.M. du 20 juin 2005
 
Notre collègue Christophe CHABILLON a assisté à la Conférence IMTM du 20 Juin 2005 et nous rend compte des sujets abordés intéressant l'AFCAN.


Interprétation de la loi Perben II appliquée au rejet d'hydrocarbure :
par Mtre C.Scapel directeur du CDMT et avocat au barreau de Marseille. (NDLR : a défendu le Cdt De Luca de la Corsica ferries).

       Tout le monde s'accorde à penser qu'il faut une loi répressive contre la pollution de la mer par les navires. Les amendes doivent être suffisamment élevées pour contraindre les armateurs à ne pas polluer. La loi Perben semble répondre à cette exigence.
Néanmoins après 1 an, il semble nécessaire de graduer et de nuancer cette répression. Car il ne faut pas confondre pollueur cynique et pollueur involontaire.
Il est nécessaire de respecter les règles de droit pénal et à ce propos certains tribunaux ont un peu perdu de vue ces règles.

Petit rappel du code de l'environnement :
  1. Pollution suite a un accident de mer :
    Les accidents de mer sont mentionnés dans la convention de 69 (convention qui permet aux états riverains d'intervenir en cas de pollution suite à un accident de mer)
    L'article 2 de la convention de 69 énumère les accidents de mer et ceci est rappelé dans l'article L 218.22 du code de l'environnement.
    Article L 218-22 du code de l'environnement:
    Sans préjudice des peines prévues à la présente sous-section en matière d'infractions aux règles sur les rejets, le fait, pour le capitaine ou le responsable de la conduite ou de l'exploitation à bord de navires ou de plates-formes français ou étrangers, de provoquer par imprudence, négligence ou inobservation des lois et règlements dans les conditions définies à l'article 121-3 du code pénal, un accident de mer tel que défini par la convention du 29 novembre 1969 sur l'intervention en haute mer en cas d'accidents entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures ou de ne pas prendre les mesures nécessaires pour l'éviter est punissable lorsque cet accident a entraîné une pollution des eaux territoriales, des eaux intérieures ou des voies navigables jusqu'à la limite de la navigation maritime.

    A noter qu'il est fait référence au code pénal, ce que l'on ne retrouvera pas dans l'article L 218-10 . Même si le rejet n'est pas intentionnel, il est punissable du fait de la violation des règles de prudence et de sécurité.

    Code pénal article 121.3
    Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui.

    Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute, d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

    Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer.

    Il n'y a point de contravention en cas de force majeure.


  2. Infraction sur les rejets :
    Article L 218-10 du code de l'environnement :

    Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 euros d'amende le fait, pour tout capitaine d'un navire français soumis aux dispositions de la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, faite à Londres le 2 novembre 1973, telle que modifiée par le protocole du 17 février 1978 et par ses modificatifs ultérieurs régulièrement approuvés ou ratifiés, entrant dans les catégories ci-après :
    1. Navires-citernes d'une jauge brute égale ou supérieure à 150 tonneaux ;
    2. Navires autres que navires-citernes d'une jauge brute égale ou supérieure à 500 tonneaux,
    de se rendre coupable d'infraction aux dispositions des règles 9 et 10 de l'annexe I de la convention, relatives aux interdictions de rejets d'hydrocarbures, tels que définis au 3 de l'article 2 de cette convention.

    Cet article se réfère principalement aux règles 9 et 10 de Marpol 73/78.
    A noter que pour les tribunaux (Marseille par ex) la Méditerranée étant une zone spéciale tous les rejets sont interdits, et de ce fait il y a confusion, les rejets par le séparateur à eaux mazouteuses < 15 ppm seraient interdits.

    On s'aperçoit également que dans chaque affaire le commandant est tenu d'apporter les preuves de son innocence. La charge de la preuve d'exonération pèse sur le capitaine. (Exonération : rejet de substance de lutte contre la pollution, mesure en vue de sauver le navire ou la vie humaine, rejets consécutifs à un événement de mer ou à une avarie).
    Cela est critiquable.
    Normalement le tribunal doit vérifier si l'élément matériel et l'élément moral sont constitués. C'est le parquet qui doit établir l'élément intentionnel et en apporter la preuve.
    Aujourd'hui les tribunaux considèrent que si le capitaine ne peut apporter la preuve d'une avarie il est présumé responsable.

    Comme dans l'article L 218-22 il n'est pas fait référence à l'élément intentionnel, les tribunaux appliquent une répression excessive vis à vis de la pollution non volontaire.
    Le but est d'appliquer une sanction graduée, et s'il n'y a pas de preuve intentionnelle que les tribunaux ne se prononcent pas. Mtre C.Scapel fait remarquer ensuite que le fait qu'un rejet s'arrête après le survol d'un avion ne constitue pas la preuve d'un délit intentionnel mais peut être justement la preuve d'un rejet accidentel. (La machine contactée alors par la passerelle peut constater l'avarie ou l'erreur de manipulation et faire arrêter le rejet).
Autre aspect de la loi Perben : la délégation de pouvoir.
La loi Perben prévoit un autre responsable pour L218-22 et pas pour L 218-10.
On estime qu'il est difficile pour le Cdt de contrôler la machine. Il y a donc délégation vers le chef.
Délégation qui doit apparaître dans les procédures d 'organisation navire.
Mais le parquet se référant à Marpol estime que toute délégation est impossible. Pour le parquet il ne peut y avoir délégation de compétence.

Répartition de la charge des amendes :
En général 90 à 95 % des amendes sont à la charge de l'armateur.
L'article 218-24 (qui prévoit que la totalité de l'amende peut être à la charge de l'armateur si les conditions de travail à bord ne sont pas bonnes) n'a encore jamais été utilisé.

La responsabilité pénale ne pèse que sur le capitaine, alors que c'est la responsabilité civile qui s'applique à l'armateur. Il ne sert à rien d'augmenter les amendes pour les pollutions involontaires car le pollueur cynique continuera à polluer en cachette en profitant de conditions particulières (nuit, brouillard, mauvais temps, etc)

Et puis il y a distorsion entre droit français et droit des pays voisins, ce qui est mal compris des gens de mer.
Mtre C.Scapel ajoute que les capitaines ont perdu beaucoup de leurs responsabilités à bord mais qu'ils conservent la plénitude de leurs fonctions pour être condamnés, ce qui mérite réflexion.

Réactions des participants :

  • Le professeur Bonassies fait remarquer qu'il n'est pas d'accord sur la perte de responsabilités du capitaine car ces dernières années avec la mise en place des codes ISM et ISPS le capitaine reprend beaucoup de pouvoir au contraire. Les armateurs devraient d'ailleurs en tenir plus compte dans l'avenir.
  • Mr Botalla Gambetta (ex directeur régional des affaires maritimes) signale que le registre des hydrocarbures constitue pour le capitaine une preuve non négligeable pour sa défense.
  • Un représentant de la préfecture maritime précise que le plus grand soin est apporté à la formation des pilotes d'aéronefs. Il leur faut une observation parfaite et sûre.
  • Le professeur Bonassies indique qu'un P and I club qui ne prendrait pas en charge l'amende d'un capitaine se verrait banni par ses pairs.
  • Un participant dit alors qu'on ne peut s'assurer pour une amende pénale. Le Professeur Bonnassies réplique qu'un oncle peut toujours payer l'amende de son neveu, et bien le P and I club c'est l'oncle du capitaine !
Droit maritime international et communautaire :
Par Pierre Bonassies

Aspects nouveaux du droit international de la pollution :
En 1971 création du FIPOL.
De 1971 à 2005 le FIPOL a été multiplié par 25.
L'UE voulait faire un fond commun. Or l'OMI a sorti un protocole qui correspondait aux exigences de l'UE, qui du coup a abandonné son projet. On peut dire que l'UE a été un moteur important à l'OMI.

Lieux de refuge :
La directive européenne de 2002 a été mise en application en droit français par une modification de l'ordonnance des ports maritimes (on peut forcer l'autorité portuaire à recevoir un navire en difficulté, charge à l'armateur de payer les éventuels dégâts) et par un texte établissant un listing des lieux de refuge.

Aspect nouveau du droit du pavillon :
Souveraineté des états quant à l'attribution des pavillons. Ne peut être critiqué par une législation étrangère.

Territorialité des navires :
La décision du conseil constitutionnel sur la loi RIF, condamne définitivement l'aspect territorial du navire.


Actualité du droit maritime national
par Jacques Bonnaud avocat au barreau de Marseille.

A noter l'attaque d'une assurance faculté contre le BV qui avait attribué la cote la plus haute au navire Wellboard. Les assureurs ont indiqué qu'ils n'auraient jamais assuré la marchandise si le navire n'avait pas eu la cote maxi.


La mise en œuvre du RIF et son avenir :
par Henri De Richemont.

Je ne reviendrai pas en détail sur l'intervention truculente du sénateur qui reprenait en quelque sorte tout l'historique de cette loi.

En revanche, il a semblé pessimiste quant à sa mise en œuvre et son avenir car pour le salaire minimum on attend toujours l'arrêté ministériel ; et surtout la décision de l'ITF de déclarer RIF pavillon de complaisance compromet grandement le passage des navires sous pavillon RIF, car dans ce cas certains ports seraient fermés. Aucun affréteur ne prendra le risque dans ces conditions d'affréter un navire déclaré pavillon de complaisance.

Pour H.de Richemont le substitué (ou suppléant) du capitaine peut être le chef, même si le second capitaine doit remplacer le Cdt d'après STCW. (en imaginant un Sd non français). Pour lui l'essentiel est qu'il y ait un représentant du pavillon à bord.
Le port du pavillon n'est toujours pas choisi, Marseille a de grandes chances d'être l'heureux élu.

Guichet unique. Jusqu'à présent les opérations de "jaugeage" et de "francisation" sont assurées par 2 Administrations distinctes, la Douane et les Affaires Maritimes. Notre Sénateur a pris l'exemple d'un navire construit en Corée où chaque Administration envoyait ses Experts en mission (et en 1ère classe!) pour la formalité relevant de son propre ressort, ce qui occasionnait des frais importants (et superflus bien sûr) pour l'Armateur.
Mr de RICHEMONT a donc proposé le "guichet unique" rassemblant sous une seule autorité ces 2 opérations. A qui reviendra en effet la tutelle de ce "guichet unique"? (affaire à suivre).

Cdt Ch. CHABILLON


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