Retour au menu
Renforcement des capacités maritimes dans la corne de l'Afrique.
Vers une architecture innovante au service de l'approche globale.
La direction des affaires stratégiques du ministère de la Défense a organisé un séminaire sur ce titre à Paris le 16 juillet 2012. L'AFCAN y était représentée par les Commandants H. Ardillon, Président, et F.X. Pizon, Vice-président
Le Directeur de la D.A.S. a présenté une nouvelle approche pour supprimer la piraterie dans l'océan Indien, et rassemblé des intervenants politiques, militaires, administratifs et industriels de qualité et de haut niveau. L'exposé magistral et parfaitement architecturé portait sur les points suivants :
- Quelles missions, quels moyens pour un opérateur intégré de sécurité, de sûreté et de développement maritime ?
- Vers une cogestion publique-privée du financement de la sécurité des espaces maritimes publics.
- Quelle gouvernance pour les espaces maritimes publics.
Qu'en retenir ?
Le recours à des agents civils de sécurité armés est à juste titre, considéré par les participants comme un pis-aller, avec le risque indiscutable de voir se créer un puissant lobby de protection, dont l'intérêt risque de contrarier sérieusement l'éradication de la piraterie. Mais cette prise de conscience est probablement trop tardive si l'on considère l'action du lobby actuel à l'OMI.
Cependant, ce recours, mis en oeuvre en complément de l'application des Best Management Practices, même si ce n'est pas la seule et unique réponse efficace, s'accentuera tant que la situation à terre ne s'améliorera pas.
Si l'identification des embarcations de pirates semble techniquement réalisable, les armateurs seront-ils disposés à investir lourdement dans ce domaine, et surtout, pour le marin, une fois l'identification réalisée, que fait-on, faute de réponse à l'usage systématique d'armes à feu par les pirates. Ce problème a été totalement laissé de côté tout au long du séminaire.
Beaucoup plus grave, le financement du processus est basé sur une contribution non fiscale de tous les armateurs, pour tous les navires transitant dans la zone, du dhow au porte-conteneurs géant. En clair, il s'agit d'un péage basé sur la taille du navire et la valeur de la marchandise transportée. C'est un postulat, pour deux raisons. D'abord, il faudra traiter aussi bien les trafics est-ouest, avec des armateurs en principe facilement identifiables au passage du canal de Suez, et au départ des ports d'Extrême-Orient. Et pour le trafic nord-sud, beaucoup plus diffus ? La mise en place d'un système de contrôle-recouvrement sera délicate, peu fiable, et le rendement financier incertain dès que l'on ciblera le cabotage régional. Enfin, il serait préférable d'abandonner la notion de valeur du fret, même justifiée par des raisons idéologiques, parce qu'il est plus facile d'estimer la valeur d'une cargaison de minerai ou de pétrole, que celle d'un chargement de 15000 conteneurs, dont chaque destinataire cherchera à minimiser par tous les moyens la surcharge de fret correspondante.
A ce sujet, l'intervention du représentant d'EUROCONTROL, organisme gérant avec succès la régulation du trafic aérien européen et de quelques pays voisins, est particulièrement intéressante. La taxe est fixée sur la distance parcourue et la masse maximale au décollage. Ce sont des éléments parfaitement connus et facilement vérifiables. Il suffirait donc de remplacer la masse maximale au décollage par le déplacement maximum du navire pour maritimiser le système efficace d'Eurocontrol. Mais se greffe là-dessus le fait qu'il faudra persuader les armateurs et exploitants de payer avant même d'avoir le moindre retour sur l'efficacité du système.
Mais il reste un problème très délicat à régler, c'est celui de cette sorte d'hyper-souveraineté de la haute mer, nécessaire pour intervenir efficacement, même s'il est dit qu'elle sera compatible avec la Convention de Montego Bay. L'obtention indispensable d'un consensus à l'ONU sera particulièrement difficile à obtenir en raison, d'une part de la perte de liberté énorme que cela signifie pour les grandes puissances et puissances émergentes, et d'autre part à cause des tentatives prévisibles des États côtiers cherchant à conforter et étendre leurs Zones Économiques Exclusives.
Pour conclure, cette solution innovante semble bien délicate à mettre en œuvre et nécessitera beaucoup de patience et d'efforts avant qu'elle devienne efficace, même si tout le monde se rend bien compte de l'inadéquation et du coût excessif du recours à une frégate antiaérienne pour contrer l'activité de quelques pirates à bord d'une embarcation de quelques mètres.
En attendant, et que cela plaise ou non, il faut bien admettre que le seul moyen actuellement efficace pour contrer la piraterie est l'embarquement d'équipes de protection armées, civiles ou militaires, avec les risques de dégâts collatéraux, sur des pêcheurs qui se transforment en pirates, ou des pirates qui redeviennent pêcheurs quant ils sont pris pour cible.
Cdt F.X. Pizon
Retour au menu