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Nouvelles, lettres et extraits, janvier - mars 2020
Recueillies par le Cdt B. Apperry

Effets du coronavirus sur le monde maritime


       Au-delà des règles du transport perturbées ou mises en exergue, l'état prévisible du commerce maritime à la sortie de la pandémie nous interpelle.
En effet, le Covid-19 fera l'effet d'un tsunami dans le monde maritime. Le premier secteur à souffrir sera certainement celui de la croisière populaire avec le confinement de 6 000 passagers dont une grande majorité est âgée et d'une santé plus ou moins bonne. . Même si les navires ont été construits avec espaces dédiés et ayant le personnel adéquat mais forcément en quantité limitée, la peur d'un retour du Covid-19 ou la venue d'un Covid-21 va influer sur la décision du retraité à la recherche de vacances, malgré la publicité qui s'annonce énorme et des tarifs (à perte) prévisibles pendant longtemps. En conséquence, les petites compagnies de croisière vont disparaître tandis que les grands vont faire le gros dos en désarmant quantité de leurs navires.
Il y a lieu de se demander si la construction de ces mastodontes de près 350 mètres pour 10 000 passagers ne va pas complètement s'arrêter.
Le syndrome Covid-19 risque fort d'être le destructeur de la grande croisière. Ce que les acteurs vigilants de la sécurité maritime n'ont pas su faire, un virus minuscule s'en chargera peut-être.
Tandis que les compagnies s'inquiètent pour assurer les relèves d'équipage dans les ports habituels, des conseils sont donnés aux marins pour vivre le mieux possible dans le confinement. Il n'est pas évident que ce soit nécessaire car les marins connaissent le confinement depuis longtemps, en fait depuis le début de leur carrière.
 


                                      

Modification de votre SMS


       L'OMI vient de publier une recommandation liée au coronavirus : il s'agit de prendre en compte la gestion de la pandémie dans votre système de management de la sécurité selon les instructions de l'Organisation mondiale pour la santé qui est, comme l'OMI, une agence spécialisée de l'ONU.
De même que pour l'application des codes ou recommandations, l'OMI recommande les instructions énoncées par l'ICS. Il suffit tout simplement d'ajouter en annexe à votre SMS, un plan de protection de la santé de l'équipage et des passagers :

" Until the end of the COVID-19 outbreak, all ships are advised to provide passengers and seafarers with general information on COVID-19 and its preventive measures, and implement pre-boarding screening. A sample pre-boarding Passenger Locator Form (PLF) is provided in annex B. The purpose is to identify passengers who may need to have their boarding deferred or rescheduled and to ensure proper management by competent health authorities."

Conseils :
pour un SMS de bonne qualité déjà existant c'est-à-dire ayant déjà en compte les exigences de la MLC 2006 via un SOHSP (Shipboard occupational health and safety program -IMO MSC-MEPC.2/Circ.3), l'adjonction d'un plan de protection Covid-19 sera simple en commençant par le DUP : Puis :
Un article plus détaillé sur cette mise à niveau sera publié dans le prochain numéro d'AFCAN INFORMATIONS.

                                      

En ce temps d'incertitude maritime


       Malgré tout, des projets importants naissent comme la fusion de Videotel et Seagull qui vont certainement insister sur la formation en ligne. Etant donné qu'elle est considérée comme à coût réduit (low-cost), la formation à distance devrait donc se multiplier surtout pour les formations autres que celles de base.
Souvent recommandées par l'OMI, les compétences acquises lors de ces formations en ligne sont réellement sujettes à questionnement. La formation continue, puisque c'est de cela dont il s'agit, est une nécessité mais elle a un coût. Apparemment plus facile avec des adultes motivés, les résultats des formations en ligne ne sont pas vraiment satisfaisants.
Après la pandémie et avec l'obligation de confinement, le sujet va certainement de nouveau être d'actualité. De même que la formation sur simulateur, la formation à distance va à nouveau interpeler les capitaines de navire qui sont les premiers intéressés par la compétence des marins.
Afin d'éviter une diminution drastique des compétences des marins, alors que justement les armateurs se plaignent du retard de STCW par rapport aux progrès de l'industrie maritime, l'OMI serait la bienvenue pour lancer enfin une vaste étude sur l'efficacité réelle de cette formation en ligne.

                                      

Les scrubbers et MARPOL


       L'efficacité des scrubbers n'a pas quitté la première page des journaux maritimes. Malgré les protestations courroucées de la Clean Shipping Alliance qui avait préconisé cette méthode de lavage sans préciser que garder le lavage des fumées en boucle ouverte ne pouvait qu'être préjudiciable aux océans.
Certains armateurs commencent à annuler leurs commandes de scrubbers pour différentes raisons, entre-autres, le prix des soutes. Le prix du VLSFO se rapproche en effet du prix du MGO.
La première conclusion est qu'investir un million d'euros dans un scrubber et ne pouvoir amortir cet investissement que sur un très long terme, c'est difficilement acceptable, alors qu'en ce moment, les armateurs décident de leurs dépenses au jour le jour. L'après Covid-9 est une grande inconnue ce qui n'est pas favorable aux investissements lourds.
Un article d'une revue maritime annonçait récemment qu'en fin de compte, marcher au GNL était pire qu'utiliser du MGO. Qu'en diront les armateurs qui pensaient avoir trouvé la martingale en vue de IMO/MARPOL 2050 sur la réduction des gaz à effet de serre, CO2 inclus ?
Cependant, dans ce genre d'études, les résultats se contredisent souvent et peut-être qu'aujourd'hui encore, alimenter les moteurs diesels au MGO est la meilleure solution et sans aucun doute la solution que préfèrent les mécaniciens.

                                      

La santé mentale du marin reste une préoccupation


       Le commandant Marie Ange JEGU, adhérent de longue date à l'AFCAN nous a quitté récemment. Certainement amoureux de son métier et résolument attentif au moral de son équipage, Marie-Ange JEGU s'occupait beaucoup de l'organisation des loisirs à bord. Ayant effectué quelques embarquements sous ses ordres, je ne peux pas laisser passer l'occasion de rappeler ce côté atypique de notre collègue. Concours de cartes et autres compétitions étaient notre distraction sans oublier la traditionnelle loterie. Il m'arrivait souvent de m'occuper du club du bord et Marie-Ange Jegu, avec son humour souvent redoutable, m'avait dit un jour que s'il m'avait choisi lors la construction du gazier « MONGE » c'était uniquement pour que cet aspect du bien-être du marin soit effectif à bord.

                                      

Une histoire atypique liée à la piraterie


       Dans une apparente affaire de baraterie du capitaine (définition de la baraterie : acte volontaire du capitaine ou de l'équipage d'un navire portant préjudice à l'armateur) la Haute Cour de Justice de Londres a étonnamment suivi les recommandations du BMP (Best Management Practice to deter piracy and enhance maritime security in the Red sea, gulf of Aden and Arabian sea) pour exempter l'assureur de la couverture de la perte du navire et de sa cargaison. Il s'agissait d'une complicité du capitaine dans une attaque de pirates perpétrée au large du Yémen.
Ce qui est intéressant, c'est que la Cour a admis que bien que le BMP ne soit qu'une recommandation/conseil, elle a considéré que la clause de subjectivité s'appliquait dans ce cas et que l'application du BMP était une preuve de bonne foi (good will) du capitaine qui en l'occurrence n'existait pas car l'armateur a été incapable de prouver que le BMP était appliqué (risk assessment, security meeting etc.).
Pourrait-on peut-être étendre cette obligation à un fonctionnement insuffisant d'un SMS par exemple ?

Autres nouvelles de la piraterie : la situation est bonne dans la zone de la corne de l'Afrique mais ATALANTA recommande de garder les équipes de sûreté à bord car les nouvelles arrivent vite là-bas, et ne pas embarquer ces gardes serait le moyen de voir les pirates revenir.
D'autre part, le « BMP West Africa » vient de paraître et est disponible gratuitement sur internet. La qualité de ce document semble aussi bonne que le BMP 5 cité plus haut.
Autre analyse : Les navires qui trichent dans le golfe de Guinée.
Certains navires font ce qu'on appelle du « spoofing » avec leur AIS. Ils se greffent sur un autre navire, se déclarent au golfe du Mexique alors qu'ils sont dans le golfe de Guinée en train de pratiquer une pêche illicite. Le changement d'AIS ou le camouflage d'identité est courant en Asie. Il se produit à plusieurs niveaux : un navire de guerre prend l'identité d'un navire de pêcheur, un navire de pêche l'autre. Cette tricherie oblige les marines à être présentes physiquement pour voir qui fait quoi. Les dispositifs de repérage satellites ne sont pas suffisants. Il y a toujours un décalage entre la réalité et l'analyse satellite : commander une image, la faire venir, l'analyser, permet d'appréhender la compréhension du problème, pas d'intervenir ou de le résoudre déclare Nicolas Gros-Verheyde.

Les USA viennent de publier la NIVIC 01-20 sur l'obligation des installations portuaires de procéder à une évaluation de cyber-sécurité et d'introduire les mesures de réduction de risques dans le FSP (Facility Security Plan) ou PFSP.

                                      

Le défaut de "passage plan" a encore frappé


       Par suite de la non-prise en compte d'une alerte de navigation dans un «passage plan» le CMA CGM Libra s'était échoué à la sortie de XIAMEN.
En première instance, cette non-prise en compte de l'alerte de navigation n'avait pas été considérée comme une faute du capitaine, mais en appel la cour d'Angleterre en a jugé différemment. Pas d'avaries communes (frais de déséchouement) pour faute de l'armateur qui n'a pas fourni un navire en état de navigabilité.
Il s'agissait apparemment d'un avertissement sur la carte pour les sondes affichées et dont le capitaine n'aurait pas suffisamment tenu compte. Le message pour les capitaines est de nouveau clair : le "passage plan" fait partie intégrante de la navigabilité du navire et donc, attention à la clarté des informations sur la carte papier et/ou l'ECDIS d'aujourd'hui où ce n'est pas toujours aussi lisible que souhaitable.

                                      

La frégate USS FITZGERALD a été réparée et est prête pour ses essais en mer.



ShipSpotting.com

       Peut-être vous souvenez-vous de cette collision en baie de Tokyo avec le PC Crystal en 2017 qui avait occasionné la mort de sept militaires. Les résultats de l'enquête avaient été terribles pour la Navy qui a depuis pris beaucoup de mesures pour améliorer entre autres choses la formation des officiers de quart.
En cherchant bien, on pourrait trouver le coût des réparations énorme. Cela me rappelle une réflexion d'un pilote de Portsmouth un jour de grand vent sur l'aire d'évitage dans le port des ferries.
A la fin de l'évitage, le pilote ancien de Trinity House bardé de décoration, me dit ceci : si un jour, en cas d'avarie de propulsion durant l'évitage, dans un plan B ou C vous avez le choix entre venir s'appuyer sur un navire de guerre accosté sur le quai E ou s'appuyer sur le yacht royal amarré sur coffre à l'ouest, préférez le yacht de la Reine, ce sera dix fois moins cher. Le seul ennui c'est que vous serez sur BBC NEWS en boucle pendant un bon bout de temps. Humour anglais !

                                      

Une collision dans la brume


       Dans la navigation c'est le manque de visibilité qui est le plus stressant.
En octobre 2018, un ferry de l'île de Whight avec une visibilité de 50 mètres est entré en collision avec un yacht au mouillage. Le rapport du MAIB signale que le capitaine était «perdu» sur sa carte ECDIS bien que les exercices «visibilité nulle» étaient pratiqués et pas plus tard que la veille de l'accident. Plusieurs causes sont possibles : exercice imaginaire ou exercice bâclé. Il y avait peu d'informations dans leur rapport d'exercice.
Ce genre de visibilité n'est pas rare dans les parages et depuis toujours, toutes les compagnies fréquentant la région ne manquent pas d'exiger des exercices de «pilotage et manœuvre à l'aveugle».
Dans ce cas comme dans d'autres peut-être plus fréquents comme incendie et rassemblement des passagers, une certaine désinvolture peut survenir.
L'obligation d'exercices est une chose, le sérieux des exercices en est une autre. Ici comme ailleurs l'attitude du capitaine est primordiale et surtout si celui-ci limite, comme cela arrive, l'exercice à la réalisation la plus rapide possible de la fiche/exercice et termine l'évaluation par «bonne réaction de l'équipage».

En complément des recommandations émises par le MAIB (regular assessment of ship-handling capabilities of masters and C/Os, not limited solely to normal operational routines of berthing and unberthing, including pilotage by instruments alone), la qualité des exercices est aujourd'hui un des meilleurs moyens tangibles d'évaluer le bénéfice réel d'un SMS alors que tous les enregistrements sont, bien sûr, parfaits. Les FSC et PSF sont aujourd'hui formés pour justement cette évaluation. Ceci est un signal fort aux auditeurs internes : faites faire un exercice que vous choisissez vous-mêmes, regardez, et de plus, faites vos rapports d'audit exacts.
Pour réaliser ce contrôle il faut être bien au fait de la fiche de situation d'urgence approuvée par la compagnie et être capable d'évaluer la qualité de la prestation de l'équipe d'intervention correspondante.
En résumé, après la formation de la DPA, la formation des auditeurs internes pointe son nez sur tous les continents et sera enfin un autre élément critique de l'impact du code ISM.

                                      

Formation


       En ces temps difficiles pour le commerce mondial, il pourrait sembler inconvenant de parler de la qualité des formations maritimes.
Pourtant, alors que l'ICS s'inquiète du décalage des standards STCW avec les compétences requises pour exploiter des navires modernes, le temps de simulateur compté comme navigation persiste et inquiète au Royaume-Uni.
Un groupe de travail du Merchant Navy Training Board est aussi en train d'intégrer le temps de simulateur dans le temps de formation à la mer requis pour les élèves de la marine marchande avec un ratio de 30 jours pour 10 jours de simulateur (Modèle Néerlandais).

C'est peut-être le moment de montrer le bilan du positif ou du négatif dans cet aspect de la formation des élèves (bilan fait par Marin pour le gouvernement Néerlandais)

Bénéfices :

Opportunité de commettre des erreurs sans conséquences.
 

Conditions sous contrôle et pouvant être répétées.
Contenu de la simulation bien structuré et souvent standardisé.
Contenu adaptable à l'habilité individuelle du stagiaire.
Processus d'apprentissage plus efficace.
Performances individuelles de l'élève surveillées par des formateurs professionnels.
Critères d'évaluation validés depuis longtemps.
Plus grande possibilité de former sur les situations d'urgence.
Possibilité d'évaluer la performance d'équipe.
Possibilité de former sur différents types de navires.
Possibilité de former des jeunes sur des scénarios souvent connus seulement après plusieurs années à la mer.
Des scénarios standards d'exercices peuvent être lancés et évalués.

Inconvénients :

Réduction importante de l'expérience du quart à la mer.
Aucune expérience du travail avec un équipage international.
Expérience réduite des effets du stress, de la fatigue ou de l'ennui des quarts en mer.
Expérience réduite des conditions de travail réelles à bord : bruit, vibrations, chaleur et mouvements du navire.
Expérience réduite des conditions de travail particulières à bord des très grands navires.
Expérience réduite en réparations et maintenance machine.
Expérience nulle en relations hiérarchiques à bord d'un navire.
Expérience nulle en relations humaines professionnelles en milieu confiné.

En conclusion, votre participation pourrait être utile via David APPLETON à l'adresse suivante protech@nautilusint.org

mars 2020
Cdt Bertrand APPERRY
Membre de l'AFCAN
bertrand.apperry@orange.fr


                                      

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