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Les 9èmes Assises de l'économie de la mer


       La région Languedoc-Roussillon a accueilli les 9èmes Assises de l'économie maritime et du littoral, à Montpellier et à Sète, les mardi 3 et mercredi 4 décembre 2013. Évènement maritime devenu incontournable, plus de 1 500 personnes dont 150 étudiants de la mer, et parmi ceux-ci 10 élèves de l'ENSM, ont assisté à cette manifestation. Parmi les participants figuraient entre autres - des armements, Brittany Ferries, Bourbon, Chambon, CMA-CGM, la Cie du Ponant, Gazocéan, Genavir, Louis Dreyfus armement, Maersk tankers France, SNCM – des industriels, GDF Suez, DCNS, Areva, STX, Alstom, le GICAN, le CORICAN – des politiques, région, maires – des fonctionnaires, Marine nationale, Affaires maritimes, grands ports maritimes etc…L'AFCAN était représentée par René TYL.



 
       La première journée a été marquée par la présence de trois ministres : le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, le ministre de la mer Frédéric Cuvillier et le ministre de l'outre-mer Victorin Lurel. Mais il faut rappeler en exergue la tenue à Paris, la veille de ces deux journées, du Comité interministériel de la mer (CIMer) au cours duquel le Premier ministre a réuni une partie de son gouvernement pour poser les bases de sa politique maritime. Ces thèmes ont été largement développés au cours de l'allocution de trente minutes que le Premier ministre a consacrée aux Assises de la mer. Nous ne relaterons ici que les mesures concernant le transport maritime, l'ensemble du discours du Premier ministre pouvant être consulté sur internet. « La France, a-t-il affirmé, doit retrouver sa place dans les échanges, 80% du commerce mondial s'effectuant sur mer. C'est l'avenir de notre marine marchande qui est en jeu ».

       Parmi les 26 propositions du député Arnaud Leroy évoquées par le Premier ministre, on notera la demande concernant l'autorisation des équipes privées de protection des navires en complément des équipes de protection embarquées mises à disposition par la Marine nationale.
(NDLR : L'AFCAN pour sa part, a demandé depuis longtemps, qu'une telle protection soit possible et que ses règles d'utilisation soient clairement définies, notamment en ce qui concerne le rôle et la responsabilité du capitaine)

       Le CIMer a validé le projet qui a été transmis au Conseil d'État et sera présenté par Frédéric Cuvillier lors d'un prochain Conseil des ministres avant sa transmission au Parlement. Rappelons que les armateurs souhaitaient depuis longtemps pouvoir assurer la protection de leurs navires lorsque l'État ne peut pas le faire et, dans ce cas, demandaient à l'État de définir un cadre juridique permettant l'habilitation et l'autorisation d'avoir recours à des entreprises privées. Pour les armateurs, il conviendrait alors de définir la responsabilité du capitaine, décideur et responsable de la sécurité et de la sûreté à bord et celle de l'armateur en sa qualité d'employeur.

       Le lendemain mercredi, Mme Régine Bréhier, directrice des Affaires maritimes, participant à une table ronde sur « les vulnérabilités maritimes de la France », a défini les enjeux d'un recours à une société privée pour lutter contre la piraterie. S'agissant essentiellement d'une protection civile, le projet de loi devra définir les critères de recrutement, l'encadrement, un code de sécurité intérieure, mentionner l'obligation d'une autorité administrative qui contrôlera la certification des entreprises, l'agrément des dirigeants et délivrera une carte professionnelle aux agents de sécurité. Un contrat d'assurance sera demandé aux armateurs. Le recours aux sociétés privées sera limité aux besoins, et le décret d'application définira les zones où l'embarquement de gardes privés armés sera autorisé et les types de navires éligibles. Les règles d'engagement seront strictement encadrées, et l'usage de la force prohibé, excepté en cas de légitime défense. La poursuite sera interdite, le but de l'opération étant la dissuasion. Pour le moment, a-t-elle ajouté, l'objectif est que le projet de loi soit présenté en Conseil des ministres en janvier. Cependant l'adoption par le Parlement risque de prendre plusieurs mois.

       Le contre-amiral Jubelin, de l'état-major des opérations aéronavales, participant à la même table ronde, a évoqué les zones où les intérêts français sont menacés par la piraterie : le nord-ouest de l'océan Indien où la piraterie serait en régression grâce à la présence de navires militaires et le golfe de Guinée dont les États riverains sont soucieux de leur souveraineté et où les attaques visant à extorquer des biens monnayables sont caractérisées par leur violence. Alors que l'on observe un net reflux des attaques dans l'océan Indien (5 attaques en 2013 sans aucune prise, contre 120 en 2012), par contraste les attaques dans le golfe de Guinée sont évaluées à plus d'une centaine par an avec un rayon d'action qui a tendance à s'accroître au large du Gabon.

       Intervenant aussi à cette même table ronde, Christian Lefèvre, ancien officier de la marine marchande (C1NM), directeur général du groupe Bourbon, a précisé les conditions de navigation difficiles auxquelles étaient exposés les 210 supply vessels, réalisant deux allers et retours par semaine, et les 270 crewboats présents dans le golfe de Guinée. On compte jusqu'alors trois prises d'otages, l'une au Cameroun, deux à 100 km des côtes du Nigéria. Les otages ont été libérés au bout de 10 à 50 jours. La veille, Charles Mallié, DRH du groupe Bourbon, avait, à l'occasion d'un atelier thématique, insisté sur la dangerosité de ce genre de navigation et sur le haut niveau de sécurité développé par le groupe. Les supply vessels sont en effet bas sur l'eau, peu rapides et ont besoin d'une protection. Aussi à la demande de la clientèle des plateformes, profondément sensibilisée par la sécurité, ces navires se déplacent-ils en convois accompagnés de navires de sûreté, l'un à l'avant, l'autre à l'arrière. Ces navires sont fournis par des sociétés privées et armés par des militaires et du personnel faisant partie d'organismes d'États en accord avec les autorités locales, comme le Nigéria.

       Le Premier ministre a également demandé que le gouvernement avance rapidement sur une autre proposition du rapport Leroy concernant l'adaptation de la loi de 1992 relative aux approvisionnements pétroliers, autrement dit l'élargissement de la protection de pavillon du brut au transport de produits raffinés. La loi de 1992 instituait une obligation de détention de capacité de transport maritime sous pavillon français applicable aux seules importations de pétrole brut. Cette adaptation est rendue nécessaire par la décroissance des importations de brut au profit du pétrole raffiné. Pour le Premier ministre, « ce dispositif permettra de rééquilibrer les conditions de concurrence entre raffineurs et distributeurs de pétrole, mais aussi de pérenniser notre flotte. Près de 400 emplois sur terre et sur mer sont en jeu dans ce dossier ».

       Il s'agit d'un sujet vital, affirme le Cluster maritime, car il conditionne l'avenir de toute une filière de transport de produits pétroliers, à défaut de couvrir le charbon et le gaz, et surtout il est la clef de la sécurité des approvisionnements stratégiques du pays en cas de crise. Bien que le dispositif reste à affiner, l'objectif du Premier ministre est « que les dispositions législatives soient prêtes, pour aller vite, dans les toutes prochaines semaines ». Il faut en effet « aller vite » pour sauver les emplois de Maersk Tankers France, sachant qu'il a fallu plus de 18 mois pour arriver à une décision, au moins de principe. Or, un plan social a déjà été engagé, touchant environ une centaine de navigants et sédentaires français, et un calendrier « ultra-court » a été annoncé par la direction du groupe Maersk.

       Le Premier ministre a pris acte des préconisations du rapport Leroy en vue de favoriser le renouvellement et le financement de la flotte de commerce, avec notamment l'aménagement de la fiscalité des plus-values de cessions de navires, conforter le système de la taxe au tonnage et mobiliser la BPI pour faciliter le financement de nouveaux navires. Il a insisté sur l'effort à apporter sur la modernisation de l'outil de travail et donc sur les navires. Il annonce le lancement d'un second appel à projets « Navire du futur », doté de 30 millions d'euros, dont l'appel à manifestation d'intérêt qui va lui succéder et sur lequel le gouvernement travaille, sera centré sur la distribution de gaz naturel liquéfié comme carburant, en accompagnement des nouvelles obligations imposées au niveau international sur les émissions de soufre.

       Le ministre de la mer, Frédéric Cuvillier, a pris la parole l'après-midi. Parmi les principaux thèmes développés dans un discours d'une trentaine de minutes figurait la formation maritime, une des clés du dynamisme d'un secteur professionnel. Revenant sur l'École nationale supérieure maritime (ENSM), préoccupation de beaucoup, il a tenu à apporter son soutien au projet d'établissement de l'école sur 4 sites, accordant toute sa confiance à l'équipe de direction qu'il a nommée en fin d'année 2012, tout comme sa confiance dans les élus des sites de cette grande école. Il a ajouté que « celle-ci doit retrouver son dynamisme pour se situer au niveau des plus grandes écoles : ce sera l'objet du CA du 10 décembre. C'est un enjeu majeur pour tous les métiers du maritime ».

       Il a ensuite annoncé l'ouverture dès la rentrée 2014 de quatre classes de BTS maritimes dans quatre lycées professionnels maritimes. Il a indiqué le choix des sites : Saint-Malo et Fécamp pour l'option « électromécanique, froid et énergie » - Sète et Boulogne-sur-Mer pour l'option « pêche, tourisme et environnement ». Ces BTS seront ouverts aux élèves sortant des lycées professionnels maritimes et également aux candidats titulaires d'un baccalauréat général. Et pourquoi pas dans l'avenir, Paimpol avec les hautes technologies liées aux fibres optiques – La Rochelle pour un BTS plaisance – ou Nantes sur la maintenance des technologies maritimes.

       Abordant le sujet de l'administration de la mer, le ministre a annoncé la création d'une délégation à la mer et au littoral, décidée par le CIMer. Ce nouvel instrument, chargé de coordonner et d'animer les différentes politiques qui concourent à l'action publique dans le domaine maritime, sera placé sous son autorité. S'adressant aux professionnels, il ajoute que cette délégation a pour ambition de « répondre à leurs ambitions et à leurs attentes ». Le journal « Le Marin » précise que « cette nouvelle gouvernance dont les milieux maritimes ne connaissent pas encore bien la vocation, serait un lot de consolation pour son ministère qui n'a pas obtenu que le Secrétariat général à la mer (SG mer, dépendant du Premier ministre) soit placé sous son autorité ».

       Les thèmes évoqués durant ces assises ont été très nombreux, on citera entre autres pour ce qui concerne le transport maritime la réduction de la facture énergétique des navires, l'application du gaz pour les navires, le parcours professionnel des navigants.

       Le point d'orgue des Assises a été le commentaire pessimiste de Patrick Boissier, PDG de DCNS, qui, interrogé sur le décalage entre les enjeux maritimes français et la politique menée, a déclaré que « l'on n'a absolument pas, aujourd'hui les moyens de notre ambition de développement maritime ». Paraphrasant Aragon « la mer est l'avenir de l'homme », il a ajouté que « la France n'est pas encore prête à se tourner vers la mer ».

René TYL
membre de l'AFCAN
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