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Enquête de l'Afcan sur des scenarii de catastrophe

          L'expression est un peu forte: imaginer l'inimaginable est un exercice intellectuel très difficile, voire impossible; ce qui expliquerait pourquoi aucune réponse n'est parvenue au Bureau. Exemple: avant le 11 septembre, qui aurait pu imaginer que des fanatiques prennent les commandes d'avions remplis de passagers et les jettent contre le World Trade Center à New-York ! Seule, la collision d'un petit avion de tourisme avait été envisagée par les architectes, y compris à Paris pour la tour Montparnasse ! Mais cela n'empêche de réfléchir à la question et, au lieu de parler de scénario catastrophe, d'analyser quels dangers porte en lui-même un navire de commerce, selon son type et sa spécialité.

        Tout d'abord, je suis étonné qu'à l'Afcan personne ne puisse donner un élément de réponse alors que quelques-uns d'entre-nous ont connu la guerre Iran-Irak, reçu des missiles de l'un ou l'autre belligérant ou que l'on a pu voir à la Télévision quelques navires incendiés. De plus, il y a l'histoire d'où l'on peut tirer quelques leçons.

        Pour ma part, je ne peux parler que des gaziers (butane, propane) et méthaniers (Gaz naturel), laissant les pétroliers à d'autres, plus compétents que moi.

Remontée du Missispi
Remontée du Mississipi - New Orleans


  1.  Un peu d'Histoire:

    • Mars 1965 :
      "Jules-Verne", méthanier de 25000 m3, mis en service en janvier 65. Lors du chargement à Arzew, la cuve n°5 déborde, le méthane liquide (-162°C) par la torchère de dégazage, tombe sur le dôme de la cuve n°2 et se répand sur le pont tribord. Le dôme de la cuve s'ouvre et le pont principal (30 mm d'épaisseur) casse sur une longueur de 1 m environ. Pas de victime.

    • 1970 :
      "Pythagore", méthanier expérimental de 600 m3 (historiquement le premier méthanier français). Au cours d'un arrêt technique au Havre, explosion dans l'espace inter-barrière, alors que le navire était complètement dégazé. Peu de dégâts, pas de victime.

    • 1970 :
      A la même époque que l'incident ci-dessus, "Jules-Verne", au Havre, au cours des opérations de dégazage préalables à l'arrêt technique, les sept torches amovibles, mises en place sur chaque cuve, s'enflamment au cours d'un orage, à quelques heures de la fin officielle des opérations. Aucun dégât, pas de victime.

    • Juin 1979:
      le méthanier de 130000 m3 "El Paso Paul Kayser", construit à Dunkerque, prototype d'une série de 10 navires identiques (dont l'Édouard LD, 4ème de la série, construits à Dunkerque et la Seyne) venant d'Arzew à destination de Cove-Point, dans la Chesapeake, s'éventre dans le détroit de Gibraltar, sur le récif de la Perle, à 1 mile de la côte, et s'arrache tous les fonds à 14 nœuds, jusqu'à 1 mètre du cofferdam arrière. Pas de cuve éventrée, pas de victime, tous les fonds arrachés.

    • 1980 :
      Échouement du méthanier "LNG Taurus": pas de victime, seuls les double-fonds ont souffert. Aucun autre détail au sujet de cet incident.

    • 1985 :
      Méthanier "Ramdane Abane" de 126000 m3 venant d'Arzew, en route vers Montoir : abordage à l'entrée du Détroit de Gibraltar. Partie avant bâbord endommagée, pas de victime. Nous croyons savoir que ce même méthanier au large du Cap Finisterre est tombé en panne de propulsion pendant plus d'une dizaine d'heures (janvier 2001) et a été pris en remorque à quelques milles de la côte. (N.d.I.r)

    • Guerre Iran-Irak :
      De nombreux pétroliers et gaziers ont été attaqués et touchés par des missiles. Je me souviens très bien avoir vu à la télévision un gazier ex-Gazocean, (Gas Fountain de Navtomar) construit à la Ciotat, touché par un missile. Un énorme jet de gaz enflammé sortait par un trou dans la coque tribord. (Le service sécurité P&O et le remorqueur Salvanguard ont réussi en arrosant à éteindre le feu. Puis en bouchant le dôme ouvert avec des planches, caoutchouc et ciment, des flexibles cryogéniques furent installés. Des câblages électriques furent installés pour alimenter compresseurs et pompes cargaisons. Un générateur de gaz inerte mobile a été approché. La cargaison de 17204t de butane et propane fut transbordée à Dubaï sur un navire "courageux" le "RIBAGORCA " à un rythme de 211 t/h. Dans l'accident, 1200t ont été volatilisées. Un mois plus tard le dégazage de l'isolation de la cuve 3 prit fin. Le navire trop vieux ne méritait plus d'être réparé et fut découpé au Pakistan. (N.d.l.r.)

 
GAY LUSSAC - Gazier
  Le même navire avec un équipage espagnol a été victime d'un incendie machine du côté des groupes électrogènes en Méditerranée. L'équipage n'a pas réussi à éteindre et a évacué, mais avant d'évacuer, a eu l'idée d'allonger une manche entre l'évaporateur du ballon d'azote et la claire-voie machine. L'azote a finalement éteint le feu.

Le navire étant à la dérive en Méditerranée, le port de Marseille a accepté très courageusement le navire et a transféré la cargaison à quai avec des générateurs sur le quai. (N.d.l.r.)


  1. Analyse succincte des dangers potentiels de ces navires


  2. D'abord, comme tous les navires de commerce, incendie dans la machine ou pollution due aux soutes lors d'un échouement ou collision avec un autre navire.

    Rappelons que les méthaniers, construits depuis 1969, selon les techniques françaises (cuves intégrées à la coque) Gaz-Transport ou Technigaz (double-coque avec deux espaces inter-barrières d'isolation soit à la perlite ou avec du balsa, et en permanence inertées à l'Azote), transportent du gaz naturel sous forme liquide à la pression atmosphérique et à - 162°C. Les US Coast-Guard, avant d'admettre les méthaniers aux États-Unis, à la fin des années 60 (1967, je crois), ont conduit des études pour connaître le comportement du gaz naturel liquide soudainement déversé dans l'eau. Ils en en sont arrivés à la définition d'explosion sans flamme, c'est-à-dire qu'une quantité de gaz naturel liquide qui tombe dans l'eau de mer forme autour d'elle une épaisse carapace de glace. A l'intérieur, comme le liquide continue à se vaporiser, il se produit de fortes détonations de détente brutale !

  Cuve d'un gazier
Cuve d'un Gazier
  Ceux d'entre-nous qui ont navigué sur ces navires se souviennent parfaitement que les lances à incendie servaient plutôt à se protéger des méfaits du froid: on les élongeait sur le pont avant les opérations de chargement ou déchargement, prêtes à entrer en action en cas de fuite occasionnelle, même minime. De plus, au droit des traverses de chargement, existent des rampes destinées à interposer un rideau d'eau pour protéger la coque en cas de fuite accidentelle.

Pour ma part, je ne crois pas aux dangers d'explosion ou d'incendie (sauf locaux et machines) mais aux dangers dus au froid c'est-à-dire à la soudaine vaporisation de la cargaison en cas d'abordage ou d'échouement: une cuve éventrée passant subitement de –162°C à +20°C, soit une élévation de température d'environ 180°C, demandera une énorme quantité de calories, d'où le gel de tout ce qui est autour du navire, le GNL étant plus léger que l'air.

Si un échouement survient avec éventration d'une cuve, cela gèlera immédiatement toute l'eau autour du navire avec ensuite un probable débordement des ou de la cuve éventrée, et donc du méthane sur le pont puis rupture du pont, de la coque etc...

Rappelons que ces navires sont tous à double coque. Le problème est différent pour les Butaniers propaniers communément appelés Gepeelliers.

Le butane et le propane sont plus lourds que l'air, liquides à la pression atmosphérique aux températures suivantes :
  • Butane   à - 00°5 C
  • Propane à - 40°0 C
Donc ici, à notre avis, le grand danger sera le feu et l'explosion. S'il y a éventration d'une cuve, cela sera feu, explosion, et du gaz qui se répandra sur le site, également dangereux pour les sauveteurs et l'environnement, pouvant conduire à l'embrasement rapide de tout ce qui est autour du navire.

Cdt Jean P. LE COZ

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