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ERIKA...
suite et certainement pas fin :

         La presse ayant une fois de plus mis à mal le secret de l'instruction (c'est tant mieux à notre avis dans ce cas précis), le rapport de M. CLOUET expert judiciaire sur le naufrage de l'ERIKA est rendu public de facto s'il ne l'est pas de jure.
Depuis plus d'un mois des extraits soigneusement choisis paraissaient de-ci de-là, nous promettant des révélations tonitruantes. Un périodique (Nouvel Ouest de novembre) ayant décidé de le publier in extenso (sans les annexes, et c'est dommage car les conclusions s'appuient sur ces annexes), nous avons pu nous faire une opinion.


       Remarquons tout d'abord que ce rapport est le troisième établi sur ce naufrage. On ne voit pas pourquoi il serait meilleur que les deux autres, surtout quand il pousse l'évaluation des responsabilités à une précision des plus étonnantes : 17% pour usure structurelle, 8% pour avarie initiale, 16% pour alourdissement du navire. (dommage, la suite est sur une page manquante du rapport).

Pour la façon dont le navire s'est brisé, le BEA pense, calculs à l'appui, qu'il y a eu effondrement de la cloison 3C/2S entraînant une fissure de la coque. Le RINA lui, avance le processus inverse, c'est à dire fissure de la coque puis cassure de la cloison 3C/2S affirmant, calculs encore à l'appui, qu'il est impossible que l'entrée d'eau principale se soit faite par le pont. Le signataire de ce dernier rapport (pour le moment) démontre, toujours calculs à l'appui, que l'eau a pénétré par les fissures du pont et que le navire s'est cassé par le haut. Mais il n'explique pas la rapidité de prise de gîte du navire à la mi-journée du 11.

Bonjour la bataille d'experts !!

Revenons à ce rapport. Il désigne 6 responsables : le RINA, l'armateur au sens large, l'État français à travers PREMAR, TOTAL, MALTE dans une moindre mesure et surtout le commandant.

Regardons ce qui est reproché au Commandant :

  • Avant du navire alourdi en vidangeant le 4S pour redresser le navire immergeant ainsi les limites de charge. On peut déjà remarquer que le Commandant n'a pas alourdi l'avant, il a allégé l'arrière. Seules les entrées d'eau dues aux fissures ont amené le navire hors de ses marques. On note aussi "les dispositions prises d'urgence par le Commandant sont bonnes : réduire la gîte par déballastage partiel du 4S ....". Alors que penser ? Peut-être n'aurait-il pas du tenter de redresser ?
  • Soutes très insuffisantes : 227 t au départ de Dunkerque pour un voyage vers Milazzo en Sicile, soit environ 5 jours de consommation à 41 t/jour. L'expert ne tient pas compte des 130 tonnes de D.O. qui permettaient environ 2,5 jours supplémentaires de consommation. Il était question de mazoutage à Gibraltar ce qui change encore les données du problème. Si nous suivons les raisonnements du rapporteur il faudrait que les navires se promènent avec un talon de fuel de 500 t pour avoir des soutes normales. Il faudra que ce monsieur fasse réviser les contrats d'affrètements.
  • Brèche dans le pont principal d'étanchéité non protégée, même grossièrement: l'expert pense-t-il aux prélarts de cales de nos bons cargos de divers des années 50?
  • Mauvais choix de la route. Le navire n'ayant pas pris la route de Brest, on ne peut émettre que des hypothèses sur ce qui se serait passé dans ce cas là. Pour nous, le choix de Nantes était logique compte tenu de la furie de temps et de la rotation des vents au NW prévue pour la nuit du 11 au 12, et dans l'optique d'un déchargement à des installations pétrolières. Le rapport du BEA note que le navire ne souffrait pas plus en route vers Nantes qu'en route vers Brest. Alors qui croire ?
  • Vitesse excessive : on note que la vitesse maximum du navire est atteinte pour 155 t/m. Il tournait à 105 t/m et même à 75 t/m pendant 2 heures.
  • Commandant et Chef-mécanicien incompétents : C'est une affirmation tout à fait gratuite et qui dépasse le cadre de la mission de l'expert. C'est comme si on disait que le rédacteur de ce rapport est incompétent vue sa courte carrière de navigant dans la marine marchande, en particulier sur les pétroliers, et la façon dont il a obtenu son brevet de CLC. Nous rappelons que le commandant avait bien sûr sa qualification pétrolier. Nous relevons en outre dans ce rapport des références sur le code STCW, tronquées et mal comprises, utilisées à charge contre le capitaine.
  • Double langage avec les autorités : Il est vrai que le code ISM n'a pas été appliqué correctement par le navire et pas du tout par la personne désignée à terre, en particulier les messages réglementaires n'ont pas été envoyés, ou trop tard. Il faut remarquer, bien que le rapport affirme que les moyens de transmission du navire étaient en bon état, que l'ERIKA avait ses principaux moyens de transmissions un pont en dessous de la passerelle (poste de l'ex-radio). A notre avis le Commandant aurait certainement été soulagé par la présence d'un officier transmissions. On ne peut pas dire que le Commandant ait voulu dissimuler l'état de son bâtiment (fissures de pont) puisqu'il les a signalées depuis le début (15h10) au FORT GEORGE (navire de guerre Britannique). Il y a eu un problème de transmission qui est complètement occulté dans ce 3ème rapport car le Commandant a été contraint d'employer les fréquences A3 (2182 kHz) pour établir un contact avec le CROSS ETEL "et d'utiliser le relais du SEA CRUSADER pour établir le contact avec la personne désignée de PANSHIP".

En conclusion, les personnes félicitant du fait que TOTAL soit mis en cause dans ce rapport feraient bien de le relire attentivement.
Le raisonnement impliquant TOTAL est, à notre avis, extrêmement léger. Il faut dire que ça sent l'argent bien frais. Il s'agirait de "Coco Island Oil Company very Ltd" que la justice ne se serait peut-être même pas intéressée à cet intervenant.
  • Les vettings sont des inspections volontaires. Même si un vetting est arrivé à péremption ce n'est pas pour cela que légalement vous ne pouvez affréter un navire en possession de sa cote. Imaginons que le grief soit retenu : les compagnies-majors arrêteraient les vettings, cet effort de sécurité volontaire pouvant les condamner.
  • Le fait d'avoir demandé à être prévenu de tout incident, même minime, pendant le voyage est un usage courant dans les affrètements. On voit bien que le rapporteur est peu au fait de cet aspect des choses.

Nous faisons confiance au RINA, à Malte, à TOTAL et même au propriétaire (qui n'est d'ailleurs pas encore identifié) pour démontrer avec l'aide d'experts aussi compétents que le rédacteur de ce rapport qu'ils ne sont pour rien dans le naufrage.

Qui restera-t-il ?
Le commandant (et, à la rigueur, la personne désignée de PANSHIP) qui, lui, n'a pas les moyens de se payer son voyage et encore moins des experts reconnus, abandonné qu'il est par l'armateur et le crew- operator.
Cela arrangera tout le monde. On peut gloser sur la route ou la vitesse que le commandant aurait dû prendre. Il aurait dû … et il n'y avait qu'à …Pour nous la seule chose mesurable c'est l'usure anormale de la tranche 2 du navire.
Les manœuvres, tant en ce qui concerne les mouvements de ballast que la route choisie, n'étaient peut être pas les meilleures mais restaient acceptables compte-tenu des éléments dont disposait le commandant.

D'ailleurs nous terminerons par un extrait du début de ce rapport :
"On peut estimer, après étude et à posteriori, que le navire, avant événement et avant l'appareillage de Dunkerque, n'était pas dans le bon état de navigabilité qu'indiquaient les certificats de classification" !! Dont acte.

La Rédaction d' AFCAN INFORMATIONS
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